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comprend guère l'utilité de l'art. 469. Puisque la péremption d'instance suppose au moins trois ans sans poursuites, à quoi bon nous avertir qu'après trois ans on ne pourra interjeter un appel qui, d'après l'art. 443, n'est recevable que dans les deux mois? Si l'article veut dire seulement que, les délais d'appel étant nécessairement expirés quand il y a péremption de l'instance d'appel, l'appel n'est plus recevable, ce n'est qu'une répétition très-insignifiante du principe général de l'art. 443.

Aussi, pour donner quelque portée à cet article, ou plutôt pour l'appliquer à la lettre, inclinerais-je fort à l'entendre dans un sens un peu différent, à l'appliquer non-seulement à l'espèce précédente, pour laquelle il est inutile, mais à une autre espèce. Ainsi un jugement a été rendu contre moi en première instance dans l'année 1850. Ce jugement ne m'a pas été signifié par mon adversaire je pourrais ne point appeler, et mon silence ne diminuerait pas le droit d'appel à l'avenir puisque la signification ne m'est pas faite, et que, par conséquent, le délai d'appel ne court pas. Mais j'ai le droit d'appeler, sans attendre que le jugement me soit signifié, et, croyant avoir intérêt à appeler immédiatement pour empêcher de dépérir les preuves que j'entends produire en appel, je devance par mon appel la signification que mon adversaire ne m'a pas faite. En un mot, j'appelle en 1850 du jugement rendu contre moi, et qui ne m'est pas encore signifié ; cet appel une fois engagé, je discontinue l'instance, et, trois ans s'écoulant en cet état, mon adversaire demande et obtient contre moi la péremption.

Voilà donc mon instance d'appel périmée, voilà mon appel mis au néant; la question sera de savoir si je pourrai le renouveler. Oui, dirai-je ; bien que trois ans et plus se soient écoulés depuis 1850, cependant ces trois ans n'ont pas entraîné déchéance du droit d'appeler, parce qu'on ne m'a pas signifié le jugement de première instance; or, d'après l'art. 443, les deux mois du délai d'appel ne courent que quand la signification a été faite. Mon adversaire me répondra par l'art. 469 il est vrai, me dira-t-il, que la signification n'a pas été faite, et que les deux mois n'ont pas dû courir; il est vrai que, si l'art. 443 était seul, si vous n'aviez pas appelé, vous seriez encore à temps et en mesure d'appeler; mais l'art. 469 décide que la péremptión de l'instance d'appel une fois prononcée donne au jugement attaqué par appel la force de la chose jugée; et cet article n'a précisément de sens, n'a précisément d'utilité que pour les cas où la signification du jugement n'a pas été faite par l'adversaire.

L'art. 469 me paraît donc avoir pour effet de rendre l'appelant, qui a laissé périmer l'instance, non recevable à renouveler son appel, non-seulement, ce qui va sans dire, quand le jugement a été signifié, et que, par conséquent, les deux mois ont couru, mais même, ce qui ne pouvait résulter que d'un texte formel, quand la signification ne lui a pas été faite. La loi considère alors. l'abandon des poursuites, en appel, pendant trois ans comme un acquiescement tacite de l'appelant au jugement de première instance. *

Telle est, à mon avis, la seule possibilité de donner un sens réel à l'art. 469, qui sans cela se trouve absolument inutile (1).

(1) C. de Toulouse, 19 février 1816. Lyon, 23 novembre 1829 (Dall., Rép., vo Péremption, no 73 et 322). Agen, 5 novembre 1862 (Dall., 1862, 2, 215).

12. § 5. Du jugement sur l'appel et de ses effets (art. 467, 468, 470,

471, 472). Les art. 467 et 468 décident, pour la formation du jugement en cause d'appel, la même question qui est prévue et tranchée par les art. 117 et 118 pour les tribunaux d'arrondissement; on suppose dans les deux cas que la première collecte des votes n'a pas assuré à une des opinions émises la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié plus un de tous les suffrages émis par la cour. Telle est l'hypothèse de l'art. 467, qui ne fait guère que répéter, et répéter même d'une manière peu complète, la décision déjà exprimée dans l'art. 117.

« Art. 467. S'il se forme plus de deux opinions, les juges plus faibles en nombre seront tenus de se réunir à l'une des deux opinions, qui auront été émises par le plus grand nombre. »

Cet article n'ajoute pas, comme l'avait déjà fait l'art. 117, qu'avant d'imposer à la minorité l'abandon de l'opinion émise par elle, et l'option entre deux des autres opinions, on ira une seconde fois aux voix ; cependant ce silence ne paraît pas avoir pour but d'écarter, en cause d'appel, la règle de l'art. 117, pour les causes de première instance ; il paraît donc raisonnable de sous-entendre, à la fin de l'art. 467, la même obligation que l'on trouve écrite dans l'art. 117.

Quant au fond même de la disposition, reportez-vous à l'explication de l'art. 117 (V. n° 247). Cependant l'application de l'art. 467 sera plus fréquente, plus facile, que celle de l'art. 117. Le partage des opinions en un nombre supérieur à deux se présentera plus souvent en cour impériale que devant les tribunaux d'arrondissement; la raison en est simple, elle tient à ce que les conseillers des cours impériales jugent en nombre beaucoup plus considérable que les juges des tribunaux civils d'arrondissement. Vous savez en effet que la loi du 27 ventôse an VIII (art. 27) veut que les cours impériales ne puissent rendre arrêt, en matière civile, qu'au nombre de sept conseillers au moins. Ainsi, dans le nombre sept, au minimum, on comprend facilement la possibilité du fractionnement des opinions en plus de deux, ou même en plus de trois avis.

Quant à l'obligation imposée alors à la minorité de faire l'option commandée par l'article, nous la subordonnerons aux règles prévues par l'art. 117.

Ainsi, si l'on supposait, par exemple, trois voix pour une opinion, trois autres voix pour une autre opinion, et la septième voix pour une troisième opinion ; il est clair que la septième voix doit şe rattacher à l'une des autres opinions. Et, quelle que soit l'option de cette voix isolée, elle assurera à l'opinion pour laquelle elle se décidera la majorité absolue qui formera le jugement.

Il en sera de même si, dans une cour impériale siégeant à neuf conseillers, vous trouvez quatre voix pour un avis, quatre voix pour un autre, une voix pour un autre; la réunion de cette voix donnera la majorité absolue à l'une des deux opinions et préviendra la possibilité du partage.

Mais il n'en sera pas de même dans tous les cas, et, lorsque la réunion des voix qui sont en minorité à l'une des opinions qui ont pour elles la majorité relative n'assurerait à aucune opinion la majorité absolue, on est alors hors des termes comme hors de l'esprit de l'article. Supposez, par exemple, que, parmi sept conseillers, il y ait quatre opinions, contenant les trois premières deux voix chacune, et la quatrième une seule voix: il est'clair qu'ici l'article est inapplicable

dans sa lettre; car vous ne trouvez pas deux opinions ayant chacune une majorité relative à l'égard des autres; il n'y a pas possibilité, pour la voix isolée, de se réunir à l'une des deux opinions qui auront été émises par le plus grand nombre. Vous trouvez ici trois opinions ayant chacune un nombre égal de voix, la lettre de l'article est donc inapplicable; son esprit l'est également. En effet, obligez la septième voix, la voix isolée, à opter pour l'une des opinions dont chacune a deux voix : il s'ensuit que de ces opinions l'une, l'opinion A, aura trois voix sur sept, mais trois voix sur sept ne sont pas encore la majorité absolue, et, en forçant la septième voix à opter entre l'un des trois avis, vous n'arriverez à aucun résultat; vous n'aurez ni majorité ni possibilité d'en former une; car, dans les deux voix de B, et dans les deux voix de C, il est impossible de déterminer lesquelles seraient forcées d'abandonner leur avis pour se réunir à l'une des deux autres. Ainsi, dans cette hypothèse, comme il y a plus de deux opinions ayant chacune pour elle une majorité relative, il y a impossibilité d'appliquer l'article, soit dans sa lettre, soit dans son esprit.

Il en sera de même, en sens inverse, si vous trouvez deux avis ayant pour chacun d'eux une majorité relative, mais que vous trouviez plusieurs avis isolés qui, réunis l'un avec l'autre, forment une majorité relative; par exemple, deux voix pour A, deux voix pour B, et puis trois voix isolées, émettant chacune une opinion différente, ces trois voix prises isolément sont chacune en minorité relative à l'égard de deux opinions dont chacune a compté deux voix; mais, prises en leur ensemble, elles sont en majorité relative à l'égard de chacune des deux premières opinions; il est donc impossible de leur imposer un sacrifice, un abandon.

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Dans ces hypothèses et autres pareilles, l'art. 467 serait inapplicable; dans ces hypothèses il faudrait, comme nous l'avons déjà vu, déclarer le partage. Mais de telles hypothèses ne se présentent guère dans la pratique; les partages, en fait, n'ont lieu que par la division des voix en nombre égal entre les deux opinions. *

713. « Art. 468. En cas de partage dans une cour impériale, on appellera, pour le vider, un, au moins, ou plusieurs des juges qui n'auront pas connu de l'affaire, et toujours en nombre impair, en suivant l'ordre du tableau: l'affaire sera de nouveau plaidée, ou de nouveau rapportée, s'il s'agit d'une instruction par écrit. Dans le cas où tous les juges auraient connu de l'affaire, il sera appelé, pour le jugement, trois anciens jurisconsultes. »

Dans les tribunaux d'arrondissement, la plupart peu nombreux, il y a souvent nécessité, en cas de partage, d'appeler un suppléant, ou même un avocat ou un avoué, suivant l'ordre établi dans l'art. 118. Dans les cours impériales, au contraire, cette nécessité sera très-rare; on pourra presque toujours trouver, dans les autres sections de la cour, des conseillers en état de venir prendre part à un nouveau jugement de l'appel; c'est aussi le cas le plus fréquent. On devra les prendre, dit la loi, en suivant l'ordre du tableau (1), pour éviter toute partialité, et même tout soupçon de partialité; pour qu'une partie ne puisse pas supposer qu'on appelle, pour vider le partage, un juge dont l'opinion est fixée d'avance

(1) * Jugé que cette disposition est inapplicable au premier président de la cour. C. de Cass., Rej., 12 mars 1862 (Dall., 1862, 1, 296).

par exemple, sur le point de droit qui fait actuellement la matière du partage. Et toujours en nombre impair. Pourquoi ? Parce que la chance du partage est plus faible avec un nombre impair, quoique dans un nombre impair le partage soit encore possible; donc, si le premier partage qu'il faut vider a eu lieu, par exemple, entre huit conseillers, les juges ou conseillers départiteurs qu'on appelle devront être en nombre impair. Alors, par l'adjonction, le chiffre total de conseillers se trouvant impair, il y aura moins de chances pour un nouveau partage.

Mais nous avons vu que, théoriquement, le partage pouvait être déclaré dans un nombre impair de conseillers, par exemple, dans sept conseillers; dans ce cas appeler les départiteurs en nombre impair, ce n'est pas diminuer, mais, au contraire, augmenter les chances de partage; un nombre impair ajouté à un nombre également impair donne nécessairement un nombre pair, où le partage est plus facile.

Ainsi, si la loi exige qu'on appelle les départiteurs en nombre impair, c'est certainement parce que, préoccupée de ce qui arrive toujours en fait, elle suppose que le partage a eu lieu dans un nombre pair, quoique, à la rigueur, on puisse imaginer des hypothèses dans lesquelles le partage puisse s'opérer avec un nombre impair de juges.

L'affaire sera de nouveau plaidée ou de nouveau rapportée, s'il s'agit d'une instruction par écrit (V. no 249).

Dans le cas où tous les juges auraient connu de l'affaire, il sera appelé pour le jugement trois anciens jurisconsulles. Anciens est une expression assez vague qui doit se préciser sans doute par l'art. 495. Vous verrez dans cet article qu'on exige une consultation de trois avocats exerçant depuis dix ans au moins dans le ressort de la cour; cependant on ne peut pas décider que ce nombre d'années soit ici absolument impératif.

714. Art. 470. Les autres règles établies pour les tribunaux inférieurs seront observées dans les cours impériales. »

* Cet article s'applique non-seulement aux règles relatives aux jugements, mais aussi à celles qui concernent l'instruction sur l'appel.

*

715. «Art. 471. L'appelant qui succombera sera condamné à une amende de 5 fr., s'il s'agit du jugement d'un juge de paix, et de 10 fr. sur l'appel d'un jugement du tribunal de première instance ou de commerce. »

L'art. 471 est relatif à l'amende appelée dans l'usage amende de fol appel, à l'amende prononcée contre l'appelant qui succombe dans son appel, pour le punir d'avoir mal à propos appelé. Cette amende, au reste, est d'assez peu d'importance; sa quotité est de 5 fr., en cas d'appel d'une sentence du juge de paix, et de 10 fr., en cas d'appel d'un jugement de tribunal de première instance ou de commerce.

L'appelant qui SUCCOMBERA sera condamné: peu importe que l'appel soit déclaré non recevable ou mal fondé (1); dans l'un et l'autre cas, l'appelant succombe. Mais, s'il se désiste de son appel, et qu'il évite par là la condamnation du tribu

(1) Cass., 6 janvier 1845 (Dall., 1845, 1, 16).

nal d'appel, l'amende ne doit point être prononcée contre lui, son désistement entraîne obligation de payer les frais, aux termes de l'art. 403, mais non pas de payer l'amende imposée seulement à l'appelant qui succombe.

De même, si l'appelant, ayant attaqué sur plusieurs chefs, ou sur tous les chefs à la fois, le jugement de première instance, en a fait réformer quelquesuns, ou même un seul, lorsque les autres auront été confirmés, cet appelant n'a pas, à proprement parler, succombé sur son appel; par cela seul qu'un chef de la sentence est infirmé, il est jugé que, au moins quant à ce chef, il a eu raison d'appeler, et il n'est pas soumis à l'amende. Donc l'amende ne peut être appliquée qu'à l'appelant qui a complétement succombé sur tous les chefs de son appel (1).

Vous verrez, dans l'art. 494, que la requête civile ne peut, en général, être reçue qu'autant que le demandeur justifie, avant toute chose, de la consignation préalable de l'amende. En est-il de même pour l'amende de fol appel? L'art. 471 n'exige pas la consignation préalable, et ne fait point, par conséquent, de cette consignation une condition essentielle de la recevabilité de l'appel. Cependant l'art. 90 du tarif suppose clairement, malgré le silence de l'art. 471, que l'amende fixée par cet article doit être consignée avant le jugement de l'appel par l'avoué de l'appelant; on accorde à l'avoué un droit de vacation pour consigner et retirer la consignation lorsque l'appel a réussi.

Il y a là deux idées bien distinctes: il résulte sans doute de l'art. 90 du tarif qu'il y a lieu de consigner préalablement l'amende; mais, de cette nécessité de consignation préalable, il ne faut pas conclure que le tribunal d'appel doive déclarer non recevable un appel dans le cas où l'on ne justifierait pas d'une consignation préalable. Autre chose est décider, plus ou moins explicitement, que l'amende sera préalablement consignée; autre chose est décider, comme on le fait pour la requête civile, que, faute de cette consignation, le tribunal n'entrera pas dans l'examen de la cause. Au texte de l'art. 90 vous devez, en effet, ajouter deux arrêtés, l'un du 27 nivôse an X, l'autre du 10 floréal an XI, l'un et l'autre relatifs à la nécessité d'une consignation préalable. Ces deux arrrêtés ne font d'ailleurs que confirmer, que maintenir en vigueur une déclaration fort ancienne du 21 mars 1671. Il résulte de ces trois textes et de l'art. 90 du tarif que la consignation préalable de l'amende est nécessaire; mais il ne résulte d'aucun de ces textes que, faute de cette consignation préalable, l'appel doive être rejeté. Seulement une sanction assez forte à la nécessité de consigner préalablement est écrite soit dans la déclaration de 1671, soit dans les deux arrêtés subséquents. Cette sanction, c'est une amende de 500 fr. contre le greffier de la cour impériale qui aura délivré expédition d'un arrêt d'appel, sans avoir préalablement exigé la consignation de l'amende d'appel. * Mais cette amende de 500 fr. a été réduite à 50 fr. par l'art. 10 de la loi du 16 juin 1824 (2). * Da reste, le greffier a son recours contre l'avoué de l'appelant, qui est le premier en faute.

Mais tous ces textes, en établissant et la nécessité de la consignation, et la sanction que les décrets ou arrêtés y attachent, ne font que confirmer plus en

(1) Contrà, Cass., Rej., 6 juillet 1859 (Dall., 1859, 1, 393 et note !).

(2) Cass., 10 janvier 1838 (Dall., Rép. v° Appel, no 1339).

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