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→ 871. « Art. 612. Faute par le saisissant de faire vendre dans le délai ci-après fixé, tout opposant ayant titre exécutoire pourra, sommation préalablement faite au saisissant, et sans former aucune demande en subrogation, faire procéder au récolement des effets saisis, sur la copie du procès-verbal de saisie, que le gardien sera tenu de représenter, et de suite à la vente. »

Il s'agit de la substitution d'un créancier à un autre dans la poursuite de la saisie, ou, suivant le terme consacré, de la subrogation aux poursuites. Dans l'ancienne jurisprudence, en cas de négligence du poursuivant, les autres créanciers formaient une demande en subrogation; cette demande retardait la vente et entraînait beaucoup de frais. Le Code de procédure ici encore a heureusement innové il a supprimé la nécessité d'une demande en subrogation, d'un procès. Dès que le délai fixé pour la vente dans le procès-verbal de saisie est expiré sans que cette vente ait lieu, la subrogation s'opère, sans demande, au profit de l'opposant le plus diligent. Il devra faire sommation au saisissant de procéder à la vente, et, si cette sommation reste inutile, il fera procéder au récolement, puis à la vente.

Mais la loi fait remarquer avec raison que ce droit de subrogation n'appartient qu'aux opposants porteurs d'un titre exécutoire; sans un pareil titre, un créancier peut, en effet, former opposition sur le prix des meubles de son débiteur vendus à la requête d'un autre créancier, mais il n'a pas le droit de les faire vendre.

Remarquons en terminant que toutes les contestations relatives aux incidents que nous avons examinés dans ce paragraphe, réclamations du saisi (607), demandes en distractions (608), oppositions (610 et 611), sont toujours portées à un tribunal civil, quand même il s'agirait de l'exécution d'un jugement du tribunal de commerce. Les tribunaux de commerce ne connaissent pas de l'exécution de leurs jugements (V. l'art 442. Pr. et son explication).

872. § 5. Des formalités qui précèdent la vente, et de la vente (art. 613 à 625). Cette dernière partie du titre de la saisie-exécution présente peu de difficultés. La loi a minutieusement détaillé les formes à suivre. Elles tendent d'ailleurs presque toutes au même but, la publicité de la vente, afin d'attirer le plus grand nombre possible d'enchérisseurs.

« Art. 613. Il y aura au moins huit jours entre la signification de la saisie au débiteur et la vente. »>

Huit jours. Ce sont huit jours francs. La loi ne veut pas que la vente se fasse avec une précipitation qui ne permettrait pas de la faire connaître suffisamment, et qui préjudicierait ainsi aux créanciers comme au débiteur. Cette disposition a encore un autre but. Le débiteur ne doit pas être dépouillé trop vite de sa propriété, il faut qu'il ait le temps de revenir, en cas d'absence, et de se procurer des fonds, afin d'empêcher la vente, s'il le peut.

Ce délai de huit jours n'est pas un délai invariable, mais seulement un minimum fixé par la loi. Des incidents prolongent quelquefois ce délai; ainsi les demandes en nullité formées par le saisi ou les demandes en distraction formées par des tiers suspendent les poursuites. Quelquefois même la loi a fixé un délai plus long, par exemple dans les cas prévus par les articles 620 et 621. En outre,

le saisissant est libre d'indiquer un jour plus éloigné pour la vente. Seulement, dans ce dernier cas, le saisi pourrait réclamer et faire fixer en référé un délai plus court; il a intérêt, en effet, à ne pas multiplier les frais de garde, ou à ne pas laisser les choses dans un statu quo qui peut amener des diminutions de valeur.

Le jour de la vente doit être indiqué dans le procès-verbal de saisie (art. 595).

« Art. 614. Si la vente se fait à un jour autre que celui indiqué par la signification, la partie saisie sera appelée, avec un jour d'intervalle, outre un jour pour trois myriamètres (V. l'art. 1033), en raison de la distance du domicile du saisi, et du lieu où les effets seront vendus. »

« Art. 623. Le procès-verbal constatera la présence ou le défaut de comparution de la partie saisie. »

Le saisi sera appelé; mais son absence n'arrêtera pas la vente.

« Art. 615. Les opposants ne seront point appelés. »

Cet article a été suffisamment expliqué avec les articles 609 et 610. Les opposants connaîtront le jour de la vente par les affiches; ce n'est pas, d'ailleurs, à la vente qu'il leur importe d'assister, mais à la distribution du prix, et, en leur qualité d'opposants, ils y seront nécessairement appelés, comme nous l'avons vu plus haut.

« Art. 616. Le procès-verbal de récolement qui précédera la vente ne contiendra aucune énonciation des effets saisis, mais seulement de ceux en déficit, s'il y en a. »>

Dans l'ancienne jurisprudence, le procès-verbal de récolement contenait une nouvelle énumération des objets déjà mentionnés sur le procès-verbal de la saisie; le procès-verbal de récolement pouvait prendre ainsi une grande extension et les frais s'augmentaient en proportion. L'article 616 supprime cette énumération et ces frais inutiles. Le but du récolement prescrit par l'article 616 est de vérifier si tous les meubles saisis sont représentés ; il suffit donc qu'il constate le déficit, s'il y en a. Ce procès-verbal engage la responsabilité du gardien, s'il se trouve un déficit, et le libère complétement dans le cas contraire.

Le récolement peut se faire un dimanche, sans permission du juge, malgré les termes de l'article 1037, puisque ce récolement précède immédiatement la vente à laquelle l'article 617 ordonne de procéder le dimanche ou un jour de marché.

873. « Art. 617. La vente sera faite au plus prochain marché public, aux jour et heure ordinaires des marchés, ou un jour de dimanche pourra néanmoins le tribunal permettre de vendre les effets en un autre lieu plus avantageux. Dans tous les cas, elle sera annoncée un jour auparavant par quatre placards au moins, affichés, l'un au lieu où sont les effets, l'autre à la porte de la maison commune, le troisième au marché du lieu, et, s'il n'y en a pas, au marché voisin, le quatrième à la porte de l'auditoire de la justice de paix; et, si la vente se fait dans un lieu autre que le marché ou le lieu où sont les effets, un cinquième placard sera apposé au lieu où se fera la vente. La vente sera en outre annoncée par la voie des journaux, dans les villes où il y en a. »

« Art. 618. Les placards indiqueront les lieu, jour et heure de la vente et la nature des objets sans détails particuliers, »

« Art. 619. L'opposition sera constatée par exploit, auquel sera annexé un exemplaire du placard. »

La lecture de ces articles suffit pour les faire comprendre. Les deux premiers contiennent le détail des formalités ordinaires que la loi croit nécessaires pour donner à la vente la plus grande publicité possible. L'article 619 indique le moyen de prouver que toutes ces formalités ont été accomplies.

Si elles ne l'avaient pas été, la vente ne serait pas moins valable (1). Autrement, si l'on attachait la peine de nullité de la vente à l'inobservation des formalités qui doivent la précéder, cette peine retomberait sur l'acheteur à qui aucune faute n'est imputable. Mais le saisissant et l'huissier pourraient être passibles de dommages-intérêts au profit du saisi ou de la masse des créanciers, si par suite du défaut de publicité, les meubles avaient été vendus au-dessous de leur valeur.

:

« Art. 620. S'il s'agit de barques, chaloupes et autres bâtiments de mer du port de dix tonneaux, et au-dessous, bacs, galiotes, bateaux et autres bâtiments de rivière, moulins et autres édifices mobiles, assis sur bateaux ou autrement, il sera procédé à leur adjudication sur les ports, gares ou quais où ils se trouvent il sera affiché quatre placards au moins, conformément à l'article précédent; et il en serà fait, à trois divers jours consécutifs, trois publications au lieu où sont lesdits objets : la première publication ne sera faite que huit jours au moins après la signification de la saisie. Dans les villes où il s'imprime des journaux, il sera suppléé à ces trois publications par l'insertion qui sera faite au journal de l'annonce de ladite vente, laquelle annonce sera répétée trois fois dans le cours du mois précédant la vente. >>

La loi prescrit ici des formalités extraordinaires de publicité en raison de l'importance des objets saisis.

Pour les navires ou bâtiments de mer, il a été dérogé à notre article par les dispositions du Code de commerce (V. art. 197 à 215. C. com.).

« Art. 621. La vaisselle d'argent, les bagues et joyaux, de la valeur de trois cents francs au moins, ne pourront être vendus qu'après placards apposés en la forme ci-dessus, et trois expositions, soit au marché, soit dans l'endroit où sont lesdits effets; sans que néanmoins, dans aucun cas, lesdits objets puissent être vendus au-dessous de leur valeur réelle, s'il s'agit de vaisselle d'argent, ni au-dessous de l'estimation qui en aura été faite par des gens de l'art, s'il s'agit de bagues et joyaux.

« Dans les villes où il s'imprime des journaux, les trois publications seront suppléées comme il est dit en l'article précédent. »

Cet article contient des formalités spéciales à la vente de certains objets. Le sens et la portée de ces formalités sont assez apparents pour n'exiger aucune explication.

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874. Art. 622. Lorsque la valeur des effets saisis excédera le montant des causes de la saisie et des oppositions, il ne sera procédé qu'à la vente des objets suffisant à fournir la somme nécessaire pour le paiement des créances et frais. »

Cette disposition offre au débiteur une garantie contre les vexations des créanciers. Il ne leur est pas permis de vendre un meuble du débiteur pour lui en remettre le prix, qui ne lui représentera jamais l'équivalent; car il pourra bien rarement remplacer pour le même prix le meuble vendu. Aussi, l'officier public

(1) C. de Riom, 21 juin 1816 (Dall., 1847, 4, 433, no 1).

chargé de la vente doit-il la discontinuer dès que le produit suffit pour payer le montant des causes de la saisie et des oppositions, ainsi que les frais de la saisie et de la vente.

Cette obligation imposée à l'officier public, sous sa responsabilité, est un des motifs de la disposition de l'art. 551 (C. pr.) qui défend de procéder à la vente tant que la dette n'est pas liquide, c'est-à-dire tant que le chiffre n'en est pas déterminé en argent.

875. « Art. 624. L'adjudication sera faite au plus offrant, en payant comptant: faute de paiement, l'effet sera vendu sur-le-champ à la folle enchère de l'adjudicataire. »

Au plus offrant. Le commissaire-priseur, le notaire, l'huissier, en un mot, l'officier public qui procède à la vente ne peut se rendre adjudicataire.

Si l'adjudicataire ne peut payer, il a fait une enchère folle; et on remet immédiatement la chose en vente sur sa folle enchère. Si le prix de cette revente est supérieur à celui de la première, cette augmentation profite aux créanciers et au saisi ; mais si le prix de la revente est inférieur au prix offert par le fol enchérisseur (ce qui arrive le plus souvent), ce dernier est tenu de la différence. La loi n'a pas ici prononcé contre lui la contrainte par corps pour le payement de cette différence, comme elle l'a fait à l'égard du fol enchérisseur sur saisie immobilière (740 Pr.); la contrainte par corps ne peut donc être prononcée contre le fol enchérisseur en matière de saisie-exécution.

876. « Art. 625. Les commissaires-priseurs et huissiers seront personnellement responsables du prix des adjudications, et feront mention, dans leurs procès-verbaux, des noms et domiciles des adjudicataires : ils ne pourront recevoir d'eux aucune somme audessus de l'enchère, à peine de concussion. »

Le droit de vendre des meubles corporels aux enchères et au comptant, par suite de saisie-exécution, appartient exclusivement aux commissaires-priseurs, au chef-lieu de leur établissement; dans les autres lieux de leur ressort, ils partagent ce droit avec les notaires, les greftiers et les huissiers. La ligne de démarcation entre les attributions réciproques de ces différents officiers ministériels, suivant la nature des meubles vendus, soulève des questions délicates qui sont en dehors de notre sujet.

Personnellement responsables. Sont-ils contraignables par corps pour le paiement de ce prix? L'article 2060, 7° a toujours permis d'appliquer cette contrainte aux notaires et aux huissiers; mais, en l'absence d'un texte formel, on ne devait pas la prononcer contre les commissaires-priseurs, sauf pour les dommagesintérêts au-dessus de trois cents francs, conformément à l'article 126 du Code de procédure. Aujourd'hui l'article 3 de la loi du 13 décembre 1848 a comblé cette lacune; elle a étendu aux greffiers, aux commissaires-priseurs et aux gardes du commerce la contrainte par corps prononcée par le n° 7 de l'article 2060 du Code Napoléon.

L'officier public doit mentionner le nom des adjudicataires sur son procèsverbal, pour prouver qu'il n'a pas acheté pour lui-même; mais il élude quelquefois la défense de se rendre adjudicataire, en faisant acheter pour son compte par des prête-noms.

L'officier public ne peut exiger aucune somme au-dessus de l'enchère, sauf le

salaire que la loi lui accorde. Le droit de vente est fixé par la loi du 8 juin 1843 à 6 p. 100 sur le produit des ventes. Ils ne doivent jamais recevoir plus, et, en fait, ils reçoivent quelquefois moins; ainsi, ils font souvent des remises aux parties sur le salaire auquel ils ont droit, afin d'obtenir la préférence sur un confrère. Cependant la loi leur défend positivement de faire des abonnements, si ce n'est avec l'État et certains établissements publics *.

QUARANTIÈME LEÇON

TITRE IX

DE LA SAISIE DES FRUITS PENDANTS PAR RACINES, OU DE LA SAISIE

BRANDON (C. D.)

877. * Le mot brandon vient de certains signes, de faisceaux de paille, qui servaient, dans certaines localités, à indiquer la place des fruits saisis; ces signes s'appelaient brandons.

La loi a donné le nom de saisie-brandon, comme le montre l'intitulé de ce titre, à la saisie des fruits pendants par racines; mais ces mots fruits pendants par racines n'expliquent pas d'une manière rigoureusement exacte la pensée du législateur. La saisie-brandon, en effet, ne s'applique pas seulement aux fruits qui pendent, mais à tous les fruits qui tiennent encore à la terre; non-seulement aux pommes, poires, etc., mais aussi aux céréales, comme blés, foins, et autres fruits du même genre. Les termes des art. 626 et suivants ne paraissent pas comprendre les bois; cependant les auteurs sont d'accord pour permettre de saisir-brandonner les bois qui sont en coupe réglée, les seuls qui produisent des fruits (art. 591, 592 C. N.). Dans les futaies non mises en coupe réglée, le créancier peut atteindre les arbres abattus par la voie de la saisie-exécution, ou les arbres sur pied, comme accessoires du fond, par la saisie immobilière.

Les fruits qui tiennent encore à la terre sont immeubles par nature (art. 520 C. N.), mais, une fois détachés du sol, ils deviennent meubles; l'adjudicataire les achète pour les enlever; c'est une chose mobilière qu'il veut se procurer. Aussi la saisie-brandon est-elle mobilière, et le prix qui en provient se distribue par contribution comme prix de meubles.

La saisie-brandon ne peut pas toujours atteindre les fruits. D'abord, tant que les fruits ne sont pas nés, il n'y a pas de saisie possible; car elle n'aurait pas encore d'objet. Quand ils sont coupés, ils sont devenus meubles : c'est alors par la voie de la saisie-exécution et non par la saisie-brandon qu'ils peuvent être mis sous la main de justice. Dans l'intervalle même de la naissance des fruits à la récolte, diverses circonstances mettent quelquefois obstacle à l'exercice de la saisie-brandon; ainsi les fruits ont été vendus de bonne foi, ou le fonds luimême a été saisi immobilièrement et la saisie immobilière a été transcrite; dans ce cas, les créanciers hypothécaires acquièrent sur les fruits un droit qui exclut les saisies mobilières postérieures (art. 681, 682, Pr.). En admettant qu'il n'y ait ni vente des fruits, ni saisie immobilière du fonds, le législateur a encore

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