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Pour que l'avoué puisse présenter l'état de ses frais dans le jour, pour que le tribunal puisse immédiatement en déterminer le chiffre, il faut que l'établissement et la liquidation des frais ne présente jamais de complication. C'est là un résultat du système qui consiste à n'allouer qu'un honoraire unique pour toute l'affaire, du système qui a été admis pour les affaires sommaires (V. l'art. 67 du Tarif). Ainsi le tribunal allouera à l'avoué les dépenses justifiées par la présentation de son dossier, comme papier timbré, enregistrement des actes, etc. Comme honoraires, il lui sera accordé 7 fr. 50 c., 10 fr., 15 fr., 20 fr., 30 fr., d'après l'importance de l'affaire, suivant les distinctions établies par l'art. 67 du Tarif.

Mais on n'a pas osé, lors de la présentation du Code de procédure, proposer la même innovation pour les affaires ordinaires. On hésitait sur le mode de liquidation des dépens relatifs à ces sortes d'affaires. On appelait sur ce sujet l'attention des tribunaux et celle des membres du corps législatif, afin de proposer plus tard une loi après l'examen le plus réfléchi. « Il serait dangereux, » disait l'exposé des motifs, « d'improviser, sur une matière aussi importante, une théo« rie nouvelle dont l'exécution eût été problématique; la prudence a conseillé « une mesure conciliatrice, qui devra produire une loi approchant le plus pos«sible de la perfection, puisqu'elle sera le fruit des méditations, des observa<< tions de tous les tribunaux et d'une expérience de quatre années. » Tels sont les motifs qui ont dicté l'art. 544.

« Art. 544. La manière de procéder à la liquidation des dépens et frais dans les autres matières, sera déterminée par un ou plusieurs règlements d'administration publique, qui seront exécutoires le même jour que le présent Code, et qui, après trois ans au plus tard, seront présentés en forme de loi ou Corps législatif, avec les changements dont ils auront paru susceptibles. »

On revint ainsi, au moins provisoirement pour les affaires ordinaires, à un système de tarifs allouant, pour chaque acte, un honoraire déterminé au greffier, à l'avoué, à l'huissier (V. le tarif des frais en matière civile du 16 février 1807, et un autre décret du même jour, dont j'ai cité l'art. 1or, sur la liquidation des dépens).

Ces décrets provisoires sont devenus définitifs ; ils existent encore aujourd'hui. Le vœu de l'art. 544 n'a pas été accompli; ils n'ont même pas été convertis en lois.

La liquidation des dépens est donc réglée par le décret du 16 février 1807. D'après ce décret, que j'ai déjà cité pour les affaires sommaires, les dépens sont liquidés dans les matières ordinaires par un des juges qui ont assisté au jugement, sur l'état remis au greffier avec les pièces justificatives. La partie condamnée aux dépens pourra former opposition à l'exécutoire dans les trois jours de la signification à avoué, et il sera statué sommairement sur cette opposition. Je vous renvoie pour plus amples détails au texte même du décret du 16 fé

vrier 1807.

La taxe peut nécessiter quelques délais; aussi le jugement pourra-t-il être rendu, levé, signifié, sans contenir la liquidation des dépens (art. 2 du décret précité). C'est là un des inconvénients inhérents au système des tarifs.

La taxe peut être exigée, non-seulement par la partie qui perd le procès et qui

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est condamnée aux dépens à l'égard des frais réclamés par l'avoué de la partie gagnante, mais aussi par une partie contre son propre avoué.

D'autres tarifs ont été faits depuis pour le règlement des salaires dus aux officiers ministériels. Ainsi les droits des gardes du commerce ont été fixés par un décret du 14 mars 1808; les droits des greffiers des tribunaux de commerce par une ordonnance du 9 octobre 1825, indépendamment des droits qui leur sont accordés par la loi du 11 mars 1799 et par le décret du 13 juillet 1808.

Une ordonnance du 10 octobre 1841, faite en exécution de l'art. 10 de la loi du 2 juin 1841 sur les ventes judiciaires des biens immeubles, a établi un nouveau tarif pour les frais de ces sortes de ventes.

Le salaire des commissaires-priseurs est déterminé par une loi du 18 juin 1843. Enfin une loi du 21 juin 1845, complétée par une ordonnance du 6 décembre de la même année, a modifié d'une manière importante le tarif des justices de paix, en supprimant les droits et vacations accordés aux juges de paix, et en les réduisant à un traitement fixe. *

TRENTE-SIXIÈME LEÇON

TITRE VI

RÈGLES GÉNÉRALES SUR L'EXÉCUTION FORCÉE DES JUGEMENTS ET ACTES.

799. Dans les livres précédents, nous avons examiné comment se présentent les demandes, comment s'instruisent les instances, comment les jugements sont rendus, rétractés et réformés; en d'autres termes, comment la partie en faveur de laquelle il existe un droit, de quelque nature qu'il soit, peut arriver à faire reconnaître devant les tribunaux l'existence de ce droit méconnu ; comment, en vertu de ce droit, elle peut arriver, sur le refus de son adversaire, à obtenir contre lui la condamnation qui en est la conséquence. Mais ces demandes, ces jugements, ces condamnations définitives ne sont encore, en ellesmêmes, quelque souverain que soit leur caractère, que des voies, que des moyens; quand on a obtenu contre son adversaire une condamnation, même inattaquable, on n'a pas encore atteint le but véritable qu'on se proposait en demandant. Le résultat véritable, ce n'est pas seulement la reconnaissance judiciaire et publique du droit que nous prétendons, c'est l'exécution de la promesse, c'est le paiement de la dette, c'est la restitution de la chose qui nous appartient. Si donc, malgré l'autorité de la sentence judiciaire, notre adversaire condamné refuse de s'y soumettre volontairement, il faut arriver, à l'aide de violences, bien entendu de violences légales, à l'aide d'une force et d'une action coercitives, à l'exécution de cette condamnation, exécution sans laquelle nos droits, nos demandes, nos procédures, nos jugements ne seraient que de trèsinsignifiantes et très-inutiles théories.

Ainsi, aux règles qui tendent à établir la forme des demandes, la marche des procédures, les règles des jugements, viennent se joindre naturellement les rè

gles qui concernent l'exécution forcée de ces jugements, c'est-à-dire l'emploi de la force publique appelée par nous, dans les formes voulues, à l'effet de fairé exécuter les droits que nous ont attribués ou reconnus ces jugements.

Ces règles sont, les unes générales, communes, applicables à toute espèce de moyens d'exécution; ces règles sont exposées dans le titre VI du livre V. Les autres, au contraire, et ces dernières sont en bien plus grand nombre, sont des règles spéciales ; ce sont les formes à suivre, non pas dans toute espèce d'exécution forcée, mais des règles qui varient selon la nature et l'espèce d'exécution à laquelle nous avons à recourir. Elles sont traitées dans les titres VII à XV. Nous expliquerons, d'abord, le titre VI.

800. «Art. 545. Nul jugement ni acte ne pourront être mis à exécution, s'ils ne portent le même intitulé que les lois, et ne sont terminés par un mandement aux officiers de justice, ainsi qu'il est dit art. 146. »

Nul jugement ni acte, etc.

En effet, quoique dans l'exposé général je n'aie parlé que des jugements, et que, jusqu'ici, ce soit uniquement des jugements que le Code de procédure s'est occupé, il faut remarquer que les règles de ce titre ne se bornent point à l'exécution des jugements ou des décisions judiciaires; en général, tout ce qu'on dira de l'exécution des jugements s'appliquera de même à l'exécution des conventions ou des actes. Tel est le sens de l'art. 545. La raison en est fort simple: la convention légalement formée fait loi entre les parties (art. 1134 du Code Napoléon). Cette convention licite et régulière doit obtenir entre ceux qui l'ont formée la même autorité qu'un jugement, la même autorité qu'une loi a pour tout le monde. De là l'assimilation établie par l'art. 545, quant aux voies d'exécution, entre les jugements et les actes constatant des conventions, * pourvu que ces actes soient rédigés par des officiers publics, comme les notaires.

Une condition commune à l'exécution des uns et des autres, c'est l'apposition, l'insertion dans le texte du jugement ou de l'acte qui constate la convention, de la formule indiquée par l'art. 545, par renvoi, par allusion à des lois et à des ordonnances antérieures.

Les termes de cette formule exécutoire ont été réglés, soit par une loi du 29 septembre 1791, section II, titre ler, art. 14, soit surtout par le sénatusconsulte du 28 floréal an XII, art. 141. Vous trouverez dans ces textes la formule générale. Cependant les détails de cette formule ont nécessairement varié en quelques points par la succession des divers gouvernements qui se sont remplacés. Il est intervenu des ordonnances ou décrets sur ce point; je citerai seulement le dernier, le décret des 2-9 décembre 1852 : « Art. 1. A partir de ce jour, les expéditions des arrêts et jugements.... ainsi que les grosses des contrats... seront intitulées ainsi qu'il suit : N... (le prénom de l'Empereur), par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut. »

Art. 2. Lesdits arrêts, jugements et autres actes seront terminés ainsi : Mandons et ordonnons à tous huissiers, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou jugement, etc.) à exécution; à nos procureurs généraux et à nos procureurs près les tribunaux de première instance d'y tenir la main, à tous commandants

et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis. >>

La force exécutoire est ordinairement imprimée aux actes par leurs rédacteurs; pour les actes notariés, c'est par le notaire; de même, pour les actes judiciaires, pour les sentences, par le greffier, qui a qualité pour apposer la formule exécutoire. Dans les deux cas, c'est comme délégués, comme mandataires du pouvoir exécutif que le greffier, que le notaire, impriment aux actes de leur ministère cette formule exécutoire ; c'est comme délégué à cet effet par le pouvoir exécutif, que, parlant au nom du souverain, l'officier ministériel intime aux agents de la force publique l'ordre de prêter main-forte à l'exécution de l'acte qu'il rédige.

Quand je dis que la force exécutoire dérive d'une intimation au nom du souverain, intimation directe ou indirecte, directe dans la rédaction d'une loi, indirecte dans la rédaction d'un jugement ou d'une convention, je n'entends pas dire que l'on ne puisse pas, sous un gouvernement, mettre à exécution un acte revêtu de la formule délivrée au nom d'un gouvernement antérieur, ce n'est pas certes la personne physique du souverain, c'est sa personne morale, sa personne politique qu'il faut considérer. Ainsi, chaque changement de règne, chaque avénement ou même chaque révolution n'entraîne pas nécessairement l'obligation de substituer, dans les actes antérieurs, le nom du nouveau souverain à celui de l'ancien. Je vous fais cette remarque, parce qu'une ordonnance spéciale du 30 août 1815 avait ordonné cette substitution: il fut défendu par cette ordonnance de mettre à exécution des jugements ou des actes, même antérieurs, dans lesquels on n'aurait pas substitué, aux formules anciennes, une formule délivrée au nom du nouveau souverain. Mais c'est là une spécialité qu'il n'est bon de remarquer qu'historiquement; ce n'est régulièrement que pour les actes postérieurs au changement que la formule doit changer.

801. Cette condition de la formule exécutoire n'est pas d'ailleurs la seule qui soit nécessaire pour arriver à l'exécution forcée d'un jugement ou d'un acte. Ainsi, vous avez vu dans l'art. 147 que le jugement, même revêtu de la formule exécutoire, ne pouvait jamais être exécuté qu'après avoir été signifié à l'avoué de la partie condamnée, et que le défaut de cette signification préalable entraînait la nullité des actes d'exécution. A cette signification, que l'art. 147 vous oblige de faire à l'avoué de la partie condamnée, vous devez ajouter, d'après le même article, une signification au domicile ou à la personne de cette partie, signification qui doit mentionner celle faite antérieurement à l'avoué. J'ai indiqué précédemment les motifs de cette double exigence, et les résultats de l'omission de l'une ou de l'autre de ces formalités (V. aussi l'art. 148).

Quant aux formalités postérieures à la signification et, par exemple, aux délais qui devront séparer la signification du jugement et le commencement, le début des véritables actes d'exécution, cette question sort tout à fait des règles générales et rentre dans les règles spéciales. Selon la nature, l'importance, la gravité de tel ou tel acte d'exécution, selon qu'il s'agira, par exemple, de saisir ou un immeuble, ou des meubles, ou la personne même du débiteur, les délais entre la signification et l'exécution, les formes et le nombre des règles postérieures,

pourront et devront varier. Mais ceci sort des règles générales dans lesquelles nous nous renfermons.

Les art. 147 et 148 ajoutent donc, pour l'exécution des jugements, une formalité nouvelle à celle de l'art. 545.

De même, vous trouverez dans l'art. 877 du Code Napoléon une observation importante à joindre aux précédentes; vous y voyez qu'en vertu du principe qui fait de l'héritier le représentant, le continuateur de la personne du défunt, tous les titres, jugements ou conventions, tous les titres exécutoires contre le défunt, sont par là même exécutoires contre son héritier; mais que cependant, par des motifs que le bon sens indique assez, la loi accorde à l'héritier un sursis à l'exécution, sursis qui commencera à courir après la signification qui lui sera faite personnellement. L'héritier, quoique tenu en droit absolument comme l'était le défunt, peut cependant, en fait, très-bien ignorer l'existence de l'obligation et du titre exécutoire ; il faut donc lui signifier huit jours avant l'exécution, à personne ou à domicile, les titres exécutoires qu'on avait contre le défunt.

Ces conditions générales venant à concourir, et notamment l'acte étant revêtu de la formule dont parle l'art. 545, cet acte emportera ce qu'on appelle dans l'usage, et aussi dans les auteurs, exécution parée, executio parata, exécution toute prête, toute directe, et à laquelle vous pourrez procéder sans recourir à l'autorité des magistrats. Lors donc que vous êtes porteur d'un titre revêtu de l'exécution parée, l'exécution de ce titre marchera suivant les voies de rigueur développées dans les titres suivants.

Seulement, cette exécution pourra être suspendue dans les cas spéciaux qui sont indiqués par la loi; elle pourra l'être, notamment, s'il s'agit d'un jugement, lorsque le débiteur condamné invoquera l'une des voies de recours auxquelles la loi attache l'effet suspensif. Ainsi, l'emploi de l'opposition, l'emploi de l'appel, suspendront l'exécution du titre, du jugement emportant exécution parée, sauf les cas où ce jugement est revêtu d'une exécution provisoire.

De même, dans le cas de l'art. 1319 du Code Napoléon, vous trouvez un exemple fort remarquable de la suspension d'exécution apportée soit à un jugement, soit à un acte, à une convention authentique et exécutoire; cette suspension, cet obstacle à l'exécution résulte de la poursuite ou de la plainte en faux, mais sous certaines distinctions. Ainsi, si la personne contre laquelle vous voulez exécuter un titre revêtu de l'exécution parée attaque ce titre par la voie criminelle, par la plainte en faux principal, l'arrêt de mise en accusation rendu par la cour impériale suspendra de droit l'exécution de ce titre. Que si, au contraire, le titre est attaqué par la voie civile, par l'inscription de faux, ce sera au juge saisi de cette inscription de faux de décider, selon les circonstances, s'il y a lieu de suspendre l'exécution du titre ou de passer outre (V. art. 1319, C. N.).

802. Art. 546. Les jugements rendus par les tribunaux étrangers, et les actes reçus par les officiers étrangers ne seront susceptibles d'exécution en France que de la manière et dans les cas prévus par les art. 2123 et 2128 du Code Napoléon. »

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Le motif et le principe de ce texte sont très-simples, mais son application soulève quelques questions assez graves. Le principe est simple, car il n'est qu'une conséquence directe de l'art. 545.

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