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je n'avais pas aperçues, cependant je ne suis pas recevable à les proposer plus tard; tel est le premier cas de l'art. 503.

Il est possible aussi que, ma première requête civile étant mal fondée, le jugement qui la rejette soit cependant entaché lui-même de l'un des vices de l'art. 480; cependant je ne puis pas non plus attaquer, par la requête civile, le jugement rendu sur ma première requête civile, le jugement rendu contre moi dans l'instance sur le rescindant.

Le troisième cas est plus remarquable: on suppose que la requête civile a été admise, que le premier jugement a été rétracté ; que, par conséquent, le fond de l'instance a été porté de nouveau devant les mêmes juges, conformément à l'art. 502, et là encore, dans le besoin de mettre un terme au procès, la loi refuse la requête civile contre ce deuxième jugement rendu sur le fond.

756. Ces trois exemples sont assez clairs, mais ils laissent deux questions non résolues.

D'abord, de ce que, dans les cas posés, la requête civile n'est plus admise, s'ensuit-il que toute voie, que tout recours soit fermé ? Non ; nous verrons plus tard que le recours en cassation pourrait être encore ouvert, lorsque le jugement qui rejette la requête civile ou le jugement rendu sur le rescisoire seraient entachés de l'un des vices qui sont des ouvertures de cassation. On le décidait ainsi autrefois, bien que des textes analogues à celui de l'art. 503 se trouvassent dans l'ordonnance de 1667; encore bien qu'on n'admît pas la même partie à former deux fois la requête civile, on l'admettait cependant à demander au conseil du roi la cassation d'un arrêt rendu sur requête civile, et qui, bien entendu, présentait, renfermait des ouvertures de cassation. Il faut incontestablement décider de même aujourd'hui; en excluant la requête civile, l'art. 503 laisse entière liberté au pourvoi en cassation.

Une question plus douteuse est celle de savoir si la partie qui a succombé en défendant à une requête civile est admise à proposer elle-même la voie de la requête civile contre le jugement sur le rescindant. Par exemple, vous avez formé contre moi et contre un jugement déjà rendu à mon profit une demande en requête civile; si cette requête civile était rejetée, vous ne pourriez plus, vous demandeur, en présenter une nouvelle; mais, au contraire, elle est admise, le jugement que j'avais obtenu et que vous aviez attaqué est rétracté; pourrai-je, moi, défendeur à la requête civile primitive, former à mon tour requête civile contre le jugement rendu à votre profit, contre le jugement qui rétracte la sentence attaquée par vous? pourrai-je y former requête civile, en supposant, bien entendu, que ce jugement soit entaché de l'un des vices indiqués dans l'art. 480? Il est à remarquer que l'art. 503, au moins pris à la lettre, ne proscrit pas cette demande; il vous dit: Aucune partie ne pourra se pourvoir en requête civile, soit contre le jugement déjà attaqué par cette voie (ce n'est pas notre cas), soit contre le jugement qui l'aura REJETÉE. Ainsi, on n'est pas reçu à attaquer par requête civile le jugement qui a rejeté une première requête civile ; d'où il semble suivre, à contrario, qu'on serait reçu à attaquer par requête civile le jugement qui aurait, non pas rejeté, mais à l'inverse admis une première requête civile. En d'autres termes, il semble que la requête civile ne peut pas être employée deux fois dans la même affaire par une même partie; mais qu'employée avec succès

par une partie, elle peut très-bien, dans la même affaire, et contre le jugement qui rétracte, être employée avec succès par l'autre : tel paraît être le texte de l'art. 503. Je vous ferai remarquer, au reste, sans décider nettement cette question sur laquelle des doutes peuvent rester, que les commentateurs de l'ordonnance de 1667, en présence de textes analogues à ceux de notre article, admettaient également l'emploi de la requête civile de la part de la partie contre laquelle ce moyen avait été proposé avec succès.

L'art. 504 ne se rapporte plus à la procédure de requête civile,; mais, au contraire, à la procédure de cassation, il trouvera donc sa place dans les détails qui se rapportent à cette dernière voie, et dont nous nous occuperons plus tard (V. no 771 et 778).

TITRE III

DE LA PRISE A Partie (C. D.).

757. * La prise à partie est une voie ouverte à une partie contre un juge pour obtenir réparation du préjudice que lui cause la faute de ce juge. Les rédacteurs du Code de procédure ont rangé la prise à partie parmi les voies extraordinaires pour attaquer les jugements, quoique les juges puissent être pris à partie sans qu'aucun jugement ait été rendu, notamment dans le cas de déni de justice (art. 505, 4o, et 506). Mais quelquefois la prise à partie est formée après l'instance terminée, et l'attaque dirigée contre le juge a pour but de faire tomber le jugement lui-même.

Lors même que la prise à partie a pour but d'attaquer un jugement, la contestation s'élève, non pas entre un tiers et l'une des parties qui ont figuré dans le jugement, comme dans la tierce opposition; non pas entre les deux parties ellesmêmes, comme dans la requête civile ou dans le pourvoi en cassation, mais bien entre une des parties et un ou plusieurs des juges qui ont rendu le jugement. Au surplus, dans la pratique, on a bien rarement recours à cette voie extraordinaire.

Nous examinerons successivement quand il y a lieu à prise à partie, quelle est la procédure à suivre, et quels sont les effets du jugement qui statue sur la prise à partie.

§ 1er. Quand y a-t-il lieu à prise à partie (Art. 505 à 508)?

« Art: 505. Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

1° S'il y a dol, fraude ou concussion, qu'on prétendrait avoir été commis, soit dans

« le cours de l'instruction, soit lors des jugements;

« 2o Si la prise à partie est expressément prononcée par la loi;

« 3o Si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages et intérêts;

4° S'il y a déni de justice. »

Les juges. Le mot juges comprend toutes les personnes qui rendent la justice dans toutes les juridictions, juges de paix, juges des tribunaux de commerce, juges des tribunaux d'arrondissement, conseillers des cours impériales et conseillers à la cour de cassation (V. l'art. 509 et son explication). On soumettait

même à la prise à partie, sous l'ordonnance de 1667, les personnes qui ne concouraient que dans des circonstances, exceptionnelles à l'administration de la justice, comme les avocats et praticiens, dit Jousse en son Commentaire sur l'article 2 du titre XXV de l'ordonnance de 1667, qui font les fonctions de juges en l'absence des juges ordinaires. Il faudrait de même aujourd'hui appliquer la prise à partie aux avocats et avoués appelés à siéger temporairement pour compléter le tribunal, dans les cas prévus par les art. 118 et 468 du Code de procédure.

Les magistrats du ministère public peuvent aussi être pris à partie (V. art. 112 et surtout 271 Code d'inst. crim.)(1),

Les arbitres volontaires, qui ne tiennent leurs pouvoirs que du consentement des particuliers et dans les limites qu'ils ont fixées, ne sont pas soumis à la prise à partie. Ce sont des mandataires qui répondent de leur dol et de leurs fautes (art. 1991, et 1992, C. N.); on les actionne, s'il y a lieu, en dommages-intérêts dans la forme ordinaire (2).

758. Entrons maintenant dans l'examen des différents cas où la loi admet la prise à partie; cette énumération est essentiellement limitative (3). 1° S'il y a dol, fraude ou concussion... soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements. Le juge aurait commis un dol ou une fraude s'il avait jugé contre la justice, par haine ou par affection pour l'une des parties. Mais, s'il jugeait mal, par ignorance ou par erreur (4), il n'y aurait pas lieu à prise à partie, sauf l'application des nos 2 et 3 de notre article.

Autrefois, on considérait comme coupable de dol ou de fraude, le juge qui excédait son pouvoir en connaissant des affaires qu'il savait n'être point de sa compétence. Il faut se rappeler que, sous l'empire de l'ordonnance de 1667, les juges recevaient des parties un salaire, des épices, qui leur donnaient un intérêt à juger; il y avait donc dol ou fraude à attirer indûment une affaire à leur tribunal (3), mais aujourd'hui les juges n'ont aucun intérêt à juger les affaires dont la loi ne leur attribue pas la compétence.

Concussion. « Sous le mot de concussion, disait Jousse, on comprend toute << taxe injuste, et tous droits illégitimes que le juge peut percevoir dans les fonc«tions de son office;... s'ils se taxent des vacations par excès. » Aujourd'hui, la concussion serait beaucoup plus difficile, puisque les juges ne reçoivent plus de salaire des parties. On pourrait cependant citer l'hypothèse où le juge, commis à une descente sur lieux, mentionnerait sur son procès-verbal plus de jours de transport, séjour ou retour, qu'il n'en a été employé (art. 298, C. pr.); on considérerait encore comme concussionnaire le juge qui accorderait sciemment au greffier, à l'avoué, dont il taxerait les frais, une somme supérieure à celle qui

(1) Tribunal de Caen, 12 juin 1849 (Dall., 1850, 3, 30).

(2) C. d'Agen, 27 août 1845 (Dall., 1845, 2, 200).

(3) Cass., Rej., 24 mai 1842 (Dall., Rép., vo Prise à partie, no 8).

(4) La faute lourde ne serait même pas assimilée au dol. Cass., Rej., 9 juillet 1858 (Dall., 1858 1, 279 et la note 4 de ladite page).

(5) V. notamment l'ordonnance de 1667, tit. VI, art. 1, 2, 3, et tit. VII, art. 8. Ces articles indiquent formellement la voie de la prise à partie contre les juges qui retiennent indûment les affaires à leur tribunal.

est due à l'officier ministériel, et qui recevrait le prix de cette complaisance coupable. Mais je ne crois pas que de pareils faits se soient jamais présentés et, sans doute, ils ne se présenteront jamais dans la pratique.

2o Si la prise à partie est expressément prononcée par la loi. L'ordonnance de 1667 prononçait expressément, dans certains cas, la prise à partie en matière civile. Ainsi je citais tout à l'heure les art. 1, 2, 3 du titre VI et l'art. 8 du titre VIII de l'ordonnance. Le Code de procédure ne contient aucun cas spécial de prise à partie; mais on en trouve plusieurs expressément spécifiés au Code d'inst. crim (V. les art. 77, 112, 164, 271, 370).

Les art. 164 et 370 de ce Code nous parlent d'une prise à partie même contre le greffier, quoique notre art. 505 ne semble soumettre que les juges à la prise à partie. En général, on n'étend pas aux greffiers des tribunaux civils cette poursuite de prise à partie prononcée contre les greffiers des tribunaux de simple police ou des cours d'assises par les art. 164 et 370 du Code d'inst. crim.

3° Si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages-intérêts. La responsabilité du juge n'est pas de droit commun; elle n'existe que dans les cas où la loi l'a expressément prononcée. On trouvait des exemples de cette responsabilité dans l'ordonnance de 1667, titre XI, art. 15; titre XVII, art. 10; titre XXI, art. 1er; titre XXXV, art. 42. Les dispositions de ces différents articles n'ont pas trouvé place dans notre Code; l'art. 1er du titre XXI de l'ordonnance de 1667 a été reproduit par l'art. 295 du Code de procédure, moins la partie qui est relative aux dommages-intérêts contre le juge. Aujourd'hui nous trouvons la peine des dommages-intérêts prononcée par l'art. 2063 du Code Napoléon, contre le juge qui ordonne la contrainte par corps hors des cas prévus par la loi ; par l'art. 15 du Code de procédure, contre le juge de paix qui laisse périmer, par sa faute, l'instance pendante à son tribunal; par l'art. 928 du même Code, contre le juge de paix qui lève le scellé avant le délai fixé par la loi.

4o S'il y a déni de justice. L'art. 506 détermine ce qu'il faut entendre par ces mots: Déni de justice.

Art. 506. Il y a déni de justice, lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes, ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées. »

L'art. 506 indique deux cas de déni de justice. Il faut en ajouter un troisième, écrit dans l'art. 4 du Code Napoléon, le refus de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi.

« Art. 507. Le déni de justice sera constaté par deux réquisitions faites aux juges en la personne des greffiers, et signifiées de trois en trois jours au moins pour les juges de paix et de commerce, et de huitaine en huitaine au moins pour les autres juges : tout huissier requis sera tenu de faire ces réquisitions, à peine d'interdiction.

Pour sauvegarder le caractère et la dignité du magistrat, le législateur donne aux actes qui sont adressés aux juges le nom de réquisitions, et les lui fait parvenir par l'intermédiaire du greffier et non par une signification directe. L'ordonnance de 1667 (tit. XXV, art. 3) avait montré moins de ménagements pour le juge: il recevait de la partie des actes d'huissiers qui conservaient le nom de sommations, et qui lui étaient adressés ou par la voie du greffe, ou même directement à son domicile.

Tout huissier requis sera tenu de faire ces significations, à peine d'interdiction. La loi craint que l'huissier ne refuse son ministère contre un juge sous la surveillance duquel il est placé.

« Art. 508. Après les deux réquisitions, le juge pourra être pris à partie. »

Dans l'ordonnance de 1667, la partie pouvait, après les deux sommations dont j'ai parlé sur l'article précédent, ou appeler comme de déni de justice, ou prendre le juge à partie. Si elle voulait obtenir des dommages et intérêts, elle devait prendre le dernier moyen; dans le cas contraire, si le déni de justice provenait d'un juge ou d'un tribunal qui ne statuait qu'en premier ressort, elle pouvait se pourvoir contre le déni de justice par la voie de l'appel. Cette option n'existe plus aujourd'hui ; la partie qui se plaint d'un déni de justice doit agir par la prise à partie.

759. § 2. Quel est le tribunal compétent et quelle est la procédure à suivre dans la prise à partie (Art. 509 à 515) ? Dans l'ancien droit, la question de compétence en matière de prise à partie soulevait les plus grandes difficultés. On conçoit qu'il en devait être ainsi sous un système où chaque juridiction avait ses priviléges et des prétentions encore plus étendues que ses priviléges.

Le Code de procédure a tranché cette question dans l'art. 509.

Art. 509. La prise à partie contre les juges de paix, contre les tribunaux de commerce ou de première instance, ou contre quelqu'un de leurs membres, et la prise à partie contre un juge d'appel (1) ou contre un juge de la cour criminelle, seront portées à la cour impériale du ressort.

« La prise à partie contre les cours d'assises, contre les cours impériales ou l'une de leurs sections, sera portée à la haute cour, conformément à l'art. 101 de l'acte du 18 mai 1801. »

La haute cour dont il est parlé dans le deuxième alinéa de notre article n'existe plus, et la connaissance des prises à partie qui lui était attribuée appartient aujourd'hui, d'après la législation antérieure (loi du 27 novembre 1790, tit. I, article 2, et loi du 27 ventôse an VIII, art. 60), à la cour de cassation, qui est ainsi compétente pour la prise à partie contre les cours d'assises et contre les cours d'appel ou l'une de leurs sections.

Aucune loi ne s'est expliquée sur la prise à partie dirigée contre un conseiller à la cour de cassation ou contre la cour de cassation tout entière ou l'une de ses sections. La prise à partie contre un conseiller à la cour de cassation doit être portée devant cette cour, par analogie de la décision relative à la prise à partie contre un conseiller à la cour impériale ((er alinéa de notre article).

Quant à la prise à partie contre la cour de cassation tout entière ou l'une de ses sections, elle ne pourrait être formée, puisque aucun tribunal ne serait compétent pour la juger (2). Le législateur n'a pas dû supposer que le tribunal le plus élevé, le tribunal chargé de faire respecter la loi pût, tout entier, tomber sous l'application de l'art. 505 du Code de procédure. D'ailleurs, il y a nécessai

(1) Même contre un président, C. de cass., 8 août 1859 (Dall., 1859, 1, 460), (2) On pourrait, à la rigueur, porter la prise à partie contre une chambre de la cour de cassation devant les deux autres chambres réunies.

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