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(Castrique C. héritiers Delerue, Hazebrouck, Ghesquière et consorts.)

Par un testament olographe en date du 3 septembre 1857,

quer que celui que nous recueillons aujourd'hui juge la question d'une manière plus absolue. Dans l'espèce Bouche c. Roels, le testateur avait dit : « Je veux que mon exécuteur testamentaire fasse vendre tous mes immeubles dans les formes voulues pour l'aliénation des biens des mineurs » et l'arrêt, dans ses motifs, dit bien que la mission de vendre donnée par le testateur n'a rien d'illégal, mais qu'il peut y avoir d'autant moins de difficultés à la maintenir que le mode de vente prescrit dans le testament est de nature à garantir tous les intérêts; que les légalaires universels peuvent intervenir à la vente, en débattre les conditions, etc. L'arrêt a été du reste déféré à la Cour de cassation, et le pourvoi a été rejeté. Il rentre dans le cadre de notre recueil de publier l'arrêt de rejet. Le voici :

ARRÊT.

LA COUR; — Attendu que le testateur qui n'a point d'héritiers à réserve est libre d'imposer aux. légataires universels qu'il s'est choisis, et auxquels il était le maître de ne rien laisser, telle condition qu'il lui plaìt, pourvu qu'elle ne soit contraire ni à la loi, ni à l'ordre public ou aux bonnes mœurs;

Qu'en posant ce principe incontestable dans son arrêt et en décidant, par voie de conséquence, que la disposition du testament de la demoiselle Coquelin, qui ordonne la vente de ses immeubles dans la forme de la vente de biens de mineurs, pour le prix en être versé aux légataires universels après le paiement des charges, est valable, la Cour d'appel ne s'est mise en opposition avec aucune loi;

Attendu que le droit donné à l'exécuteur testamentaire de faire procéder à ladite vente aux époques, charges et conditions qu'il jugera convenable, n'excède pas les pouvoirs qu'il est permis au testateur de lui conférer;

Que ce droit ne porte aucune atteinte à la saisine légale que la loi, comme le testateur, dans l'espèce, accorde aux légataires universels puisque la propriété des biens qui doivent être vendus repose toujours sur la tête de ceux-ci, et que c'est seulement à la réquisition de l'exécuteur testamentaire qu'il sera procédé à la vente des immeubles, ainsi qu'aurait lieu la vente du mobilier dont le testateur lui aurait donné la saisine ; d'où il suit que ce moyen n'est pas fondé; rejette, etc.

C. cass. 8 août 1848. Ch. req. Présid., M. Lasagni. Rapp., M. Hardoin, concl. M. Montigny, avoc.-gén. Pl., M. Bonjean.

Un autre arrêt de la Cour de cassation, du 17 avril 1855 (Gardin et Buré c. Petit-Villermant), rapporté S -V. 56, 1, 253, et J. Pal. 52, 2, 211, est plus explicite et plus conforme à notre arrêt Castrique. La question s'y pose à peu près comme dans celui-ci. Le testaleur avait en effet disposé que tous les immeubles dépendant de la succession, et non légués, seraient vendus à la diligence de son exécuteur testamentaire seul, sans qu'il fût

M. Henri-Edouard Delerue a disposé en faveur de la commune d'Houplines, à la suite de différents legs particuliers au profit de tiers, du prix du surplus de ses biens meubles et immeubles destiné à la fondation d'un hospice.

Par cet acte, il nomme pour son exécuteur testamentaire Me Castrique, notaire, et, à son défaut, Me Debruyn, aussi notaire, en leur conférant le droit exclusif de faire vendre le surplus de ses immeubles, d'en toucher le prix et de l'employer à l'exécution de ses volontés.

Par un autre testament également olographe du 5 février 1861, M. Delerue, persistant dans les mêmes dispositions qu'il modifie seulement en partie, lègue à la commune d'Houplines le prix des immeubles qu'il délaissera dans le royaume de Belgique.

Il confirme la désignation de ses exécuteurs testamentaires, avec le même pouvoir de vendre tous ses biens, à charge d'en employer le prix à exécuter ses volontés, savoir le prix des biens de Belgique à remettre à la commune d'Houplines pour la fondation d'un hospice, le prix des biens de France à l'acquit des charges de sa succession; il lègue ensuite le surplus du prix de ses biens et de ses créances aux enfants et descendants de son frère et de ses sœurs par quart et par souche, sauf l'usufruit réservé au profit des sœurs et du frère, à la condition, dit-il, que les sommes objet de l'usufruit seront placées en rentes sur l'Etat.

Enfin, par un codicille du 12 octobre 1861, il ajoute au legs déjà fait à la commune d'Houplines une somme de trente mille francs.

En exécution de ce testament, M. Castrique, en sa qualité d'exécuteur testamentaire, fit annoncer la vente des immeubles de la succession Delerue en l'étude de Me Debruyn.

astreint à remplir aucune des formalités prescrites par la loi, au cas de minorité, etc. Il réglait cependant ces formes, et l'arrêt décide que le testateur a pu déclarer qu'il entendait que sa succession fût toute mobilière, et charger son exécuteur testamentaire de la faire parvenir en 'telle nature seulement aux héritiers institués, et pour cela faire vendre les immeubles dans la forme indiquée au testament.

V. sur ces questions la note placée au bas de l'arrêt Roels, rendu après partage, et la dissertation qui se trouve à la suite de cet arrêt, Jurisp. 5, 385 et 392.

Opposition. Hazebrouck, Ghesquière et consorts, héritiers ou légataires de Delerue, assignent Castrique devant le Tribunal de Lille pour se voir faire défense de procéder à la vente. Ils prétendent que Castrique a dans ses mains des valeurs de la succession suffisantes pour le paiement des legs faits par le testateur. Ils offrent d'ailleurs de compléter ces valeurs, s'il est nécessaire. Ils disent, à l'appui de leur prétention, que l'exécuteur testamentaire n'a et ne peut avoir la saisine des immeubles. Ils déclarent d'ailleurs que si la vente est autorisée, ils se rendront adjudicataires dans la proportion de leurs droits aux biens situés en France, pour démontrer qu'ainsi faite la vente serait purement frustratoire; ils soutiennent que dans tous les cas, on doit les appeler, eux légataires et héritiers, à débattre les conditions de la vente qui ne peut avoir lieu que dans la forme ordinaire des ventes par licitation.

Le Tribunal de Lille rend un jugement par lequel il déclare prématurée, tout au moins, la vente immobilière actuellement poursuivie par Castrique en tant qu'exécuteur testamentaire de feu Delerue; lui fait défense de laisser passer outre à ladite vente, laquelle demeure subordonnée au sort, maintenant en suspens, en l'absence de l'autorisation gouvernementale, des legs pieux faits par Delerue en faveur de la commune d'Houplines.

Appel par Castrique. Pour lui, il est dit devant la Cour : Par l'ensemble des dispositions de son testament, Delerue a incontestablement manifesté la volonté expresse que ses biens soient vendus, qu'ils le soient par l'un des exécuteurs testamentaires; il a voulu n'appeler, sauf les legs directs d'immeubles contenus aux testaments, tant la commune d'Houplines que les autres légataires, à recueillir que des sommes d'argent.

Cette volonté du testateur n'est contraire ni aux lois ni aux mœurs, et doit être respectée; il ne peut être permis aux héritiers de s'y soustraire et de substituer leur volonté à celle du testateur dans l'exécution des dispositions qu'il a exprimées.

Dans l'espèce, d'ailleurs, au point de vue de l'autorisation à demander au gouvernement belge pour l'exécution du legs d'immeubles, il importait au testateur et il importe anx héritiers et légataires que le prix des immeubles ait été légué au lieu des immeubles mêmes, puisque dans ce cas l'autorisation n'est pas nécessaire.

L'appel est combattu au principal. Les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire, dit-on, sont limités par la loi; il ne peut avoir la saisine des biens qui appartient aux héritiers légaux ou institués; il ne peut non plus, comme exécuteur testamentaire, prétendre à la saisine des immeubles. Le mandat qu'il reçoit ainsi du testateur pourrait être indéfiniment prorogé par lui, et il lui serait trop facile de paralyser le droit de propriété dont la mort du testateur aurait saisi les héritiers.

On soutient incidemment un autre moyen. On dit : En supposant qu'un testateur puisse, par un mandat spécial, conférer à un exécuteur testamentaire le droit de vendre tous les immeubles de la succession, sans même lui permettre un mode de vente qui soit de nature à garantir les intérêts des héritiers et légataires, il faut nécessairement reconnaître que ces derniers peuvent toujours efficacement s'opposer à la vente, soit en justifiant de l'extinction des charges de la succession, soit en offrant de compléter entre les mains de l'exécuteur testamentaire, auquel il n'est pas d'ailleurs imposé l'obligation, le droit de vendre les immeubles composant la succession; le de cujus n'a eu d'autre pensée et d'autre préoccupation que d'assurer l'exécution de sa volonté dernière, notamment en ce qui concerne la fondation d'un hospice dans la commune d'Houplines.

Alors même que cette commune serait par la suite valablement autorisée à accepter les legs qui lui ont été faits, la vente des immeubles indûment poursuivie par le sieur Castrique serait absolument inutile.

En effet, il est dès maintenant justifié et il résulte de l'inventaire dressé à la date du 29 décembre 1862, que le sieur Castrique a en sa possession des fonds suffisants non seulement pour faire face à toutes les charges dudit testament, mais aussi pour acquitter le legs d'argent fait à la commune d'Houplines.

D'ailleurs les intimés ont toujours offert et ils réitèrent en tant que de besoin l'offre de compléter de leurs deniers, le cas échéant, les sommes qui pourraient être nécessaires au paiement des legs et charges héréditaires.

La Cour a rendu la décision dont suit la teneur :

ARRÊT.

LA COUR;-Donne acte aux intimés de ce qu'ils déclarent interjeter appel incident du jugement attaqué;

Statuant sur l'appel principal et sur l'appel incident; En droit vu les art. 893, 895, 913 et 967 C. Nap.; Attendu que toute personne qui ne laisse pas d'héritiers à réserve, peut disposer de ses biens par testament de la manière la plus absolue;

Que le testateur peut notamment prescrire qu'après sa mort, tous ses biens seront vendus, et que le prix de ces aliénations sera remis aux légataires qu'il institue;

Que pour assurer l'exécution de sa volonté, le testateur a le droit de nommer un exécuteur testamentaire chargé de faire procéder à la vente des biens délaissés, et d'en remettre le prix aux légataires institués ;

Qu'une telle disposition testamentaire ne se trouve en opposition ni avec l'art. 1026, qui détermine seulement la durée et les effets de la saisine du mobilier, ni avec l'art. 1031, qui n'est pas limitatif;

Que l'art. 1025, en donnant à toute personne le droit de nommer un exécuteur testamentaire, n'a fixé aucune limite aux pouvoirs que le testateur avait le droit de conférer à celui qu'il charge de l'exécution de ses dernières volontés;

Que les légataires ne peuvent se plaindre du pouvoir donné à l'exécuteur testamentaire; qu'ils ne tiennent leurs droits que de l'institution, et qu'ils ne peuvent recueillir leurs legs qu'en se soumettant aux conditions qu'il a plu au testateur d'y apposer;

En fait vu le testament olographe de Henri-EdouardJoseph Delerue, en date du 5 février 1861;

Attendu que Delerue, après avoir fait divers legs particuliers, a nommé l'ancien notaire Castrique son exécuteur testamentaire;

Qu'il lui a conféré le droit de vendre tous les biens qu'il délaisserait, à l'exception de ceux légués à Charlotte Delerue, et a déterminè l'emploi qu'il devait faire du prix à provenir des aliénations;

Que le prix des biens situés en Belgique, destiné à la fondation d'un hospice, était légué à la commune d'Houplines; Que le prix des biens situés en France devait être em

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