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complets, les restes de la cité d'Asanos. Ce qui frappe d'abord le regard, est un temple ionique, jadis consacré à Jupiter. Ce monument occupe le centre d'un plateau couvert de gazon. On reconnaît encore les traces d'une muraille d'enceinte qui renfermait l'édifice; cette muraille s'étendait sur un espace de cent pas carrés. A l'extré,, mité orientale du plateau, est une ouverture formée de trois grandes. marches en marbre blanc; là gisent de superbes colonnes et de magnifiques débris d'architecture; ces vestiges ont appartenu à un portique par où l'on entrait dans le parvis du temple. L'édifice a la forme d'un carré, long de cinquante pas environ; son élévation est de soixante pieds. La façade occidentale n'a perdu aucune de ses colonnes; elles sont cannelées et au nombre de huit. Vers le côté, septentrional, on compte encore dix colonnes du péristyle. Les colonnes de la partie méridionale sont brisées ou couchées à terre. La cella ou corps du temple existe encore intacte sur trois points. Dans l'intérieur on voit, dans un angle, l'autel des sacrifices; c'est un pilier de cinq ou six pieds de hauteur. Tout le monument est construit en beau marbre gris. Ce temple de Jupiter, si admirable par son élégance, repose sur une immense voûte souterraine formée de larges pierres de taille jointes ensemble sans mortier ni ciment.

Le théâtre d'Asania, qui se montre au septentrion, est aussi vaste, aussi beau que celui d'Hiéropolis. Les gradins en marbre, au nombre de quarante-cinq, sont encore tels qu'ils étaient au temps de la gloire d'Asania. Le théâtre aboutit à un stade complètement ruiné. La nécropole se présente à l'occident; vous apercevez une infinité de sarcophages en marbre, les uns brisés, les autres à demi enfoncés dans la terre. A l'orient du temple, à un quart d'heure de distance, coule une rivière considérable qui descend des montagnes de Schapana - Dagh vers le sud. Deux superbes ponts en marbre sont jetés sur cette rivière qui divisait la cité en deux parties; des débris d'architecture sont répandus en désordre sur les deux rives. Chacun des côtés de la rivière garde les traces d'un pavé en marbre gris. On s'étonne de ne rien trouver dans les livres anciens sur cette ville qui, si on en juge par ses ruines, était importante et belle. Strabon se borne à vanter l'élégance et la beauté d'Asania. A côté de ces éclatans vestiges qui révèlent le génie et la civilisation d'un grand peuple, nous voyons aujourd'hui, parmi des jardins, un pauvre petit village appelé Schaf-Deir-Hissar, habité par cinquante familles turques.

D'Asania à Kutayeh, l'ancienne Cotyléum, sept heures de marche.

La route se dirige au nord-est. On chemine pendant quatre heures au milieu d'une plaine inculte où se trouve un petit bourg appelé Ortadja; puis l'œil ne rencontre plus que des montagnes stériles, hérissées de rocs et dépouillées d'arbres : ce sont les monts Dyndimènes à qui les Turcs ont donné le nom de Hiël-Djé-Dagh (montagnes des vents). Kutayeh,'avec sa grande citadelle sarrazine flanquée d'énormes tours démantelées, ses minarets, ses coupoles et ses vastes et beaux jardins, apparaît au pied des monts Dyndimènes à l'extrémité méridionale d'une plaine fertile qu'arrose le Tymbrius appelé Poursak par les gens du pays. Kutayeh est le siége du plus grand pachalik de l'Anatolie. Soixante-dix mille Turcs, deux mille Arméniens et quinze cents Grecs, forment la population de Kutayeh. Les habitans récoltent des grains, du tabac, et surtout de l'opium. La cité compte six établissemens de bains, quatre karavanséraïs et trente mosquées qui n'ont rien de remarquable comme œuvres d'architecture. Les chrétiens ont trois églises. Les bazars de Kutayeh sont bien fournis. Les maisons sont construites en terre ou en bois; les rues sont, comme dans presque toutes les villes turques, sales, étroites, tortueuses et mal pavées. Hafiz-Pacha, actuellement général en chef de l'armée du Taurus, et qui a été remplacé à Kutayeh par Dilaver-Pacha, jadis gouverneur de Rhodes, a fait construire à Cotyléum un grand manège avec des pierres apportées d'Asanos.

Ce fut le 2 février 1833 qu'Ibrahim-Pacha, à la tête d'une colonne composée d'un régiment de la garde, de deux régimens de cavalerie et de six pièces d'artillerie, arriva devant Kutayeh. A l'approche du vainqueur de Koniah, la population de Kutayeh fut saisie d'épouvante et se retira, en partie, dans les monts Dyndimènes. Le général égyptien tranquillisa le peuple en laissant son armée dans la plaine, sur les bords du Tymbrius; il fit son entrée à Kutayeh, accompagné seulement de quinze cavaliers. Le fils de Méhémet-Ali occupa le palais du mousselin Raou-Pacha, qui était parti pour Stamboul depuis peu de jours. Tout dans la ville respirait la sécurité, malgré la présence du terrible vainqueur égyptien.

L'Asie mineure, au mois de février 1833, offrait le même spectacle que la Turquie d'Europe vers la fin du siècle dernier, époque où le fameux Pasvan-Oglou, grand-pacha de Viddin, faisait trembler Sélim III sur son trône, et s'attirait l'amour des populations. Au mois de février 1833, Ibrahim-Pacha, entraîné par la fortune de ses armes sur le chemin de Constantinople, surprit un moment l'amour du peuple turc de l'Anatolie en se donnant comme le sauveur de l'is

REVUE

DE PARIS.

XI.

IMPRIMERIE DE H. FOURNIER ET C®.

RUE DE SEINE, 14 BIS.

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