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AVERTISSEMENT.

Ce Cours de Législation religieuse, dont nous livrons aujourd'hui le second volume au public, a été entrepris le lendemain de la révolution de 1830; par une coïncidence remarquable, nous le terminons le lendemain de la révolution de 1848, áprès dix-huit ans de recherches et d'observations. Témoin, après les journées de Juillet, des tracasseries sans cesse renaissantes d'un grand nombre d'agents supérieurs et subalternes du gouvernement d'alors; effrayé des atteintes journalières portées à la liberté religieuse, garantie cependant par la nouvelle Charte; ému des actes arbitraires dont le clergé était trop souvent victime; froissé par les empiétements de l'autorité civile sur les droits de l'Église; inquiet de voir les intérêts des fabriques compromis, etc., etc., nous nous mîmes alors sérieusement à étudier la législation civile ecclésiastique, pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'arrêter ces envahissements et ces vexations.

Pour atteindre à ce but, nous publiâmes, un peu plus tard, dans les journaux religieux, et notamment dans l'Univers, un très-grand nombre d'articles de jurisprudence religieuse, persuadé qu'en cela nous remplissions un devoir de notre ministère sacerdotal: car, comme l'a dit, en 1837, avec tant de raison, le célè

bre auteur du Traité de la Propriété des biens ecclésiastiques, dont tout l'univers admire aujourd'hui l'héroïque dévouement:

Si le premier devoir d'un prêtre est d'instruire, de toucher, << de faire connaître les règles de la morale, de faire aimer, << surtout par ses exemples, les vérités saintes de la religion, et, • pour employer la sublime allégorie des livres saints, d'élever ⚫ avec des pierres vivantes un temple au Seigneur, il doit aussi « défendre des propriétés que la religion consacre, qui sont un • moyen nécessaire, quoique matériel, de la conserver, soutenir ⚫ des droits fondés sur les règles immuables de la morale, et • qui ont été respectés chez tous les peuples que n'agite pas la fièvre des révolutions.» (Page VIII.) Telle fut la cause et l'origine de ce Cours de Législation ecclésiastique.

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Or si, au témoignage d'un homme si compétent et si capable de donner de sages et utiles conseils en cette matière, c'est un devoir de conscience pour le prêtre de défendre les intérêts matériels de l'Église et de soutenir des droits fondés sur les règles immuables de la morale, nous ne saurions trop engager les ecclésiastiques, nos vénérés confrères, surtout ceux qui sont chargés de l'administration d'une paroisse, de se livrer à l'étude des lois civiles ecclésiastiques: car si dans tous les temps il a été utile dans l'intérêt de l'Église, de connaître ces lois, la connaissance en est devenue bien autrement importante depuis 1830, et notamment depuis la révolution de Février.

Cette révolution s'est faite, à la vérité, au nom et en faveur de la liberté et du droit d'association, garantissant à tout citoyen une égale protection pour la profession de son culte. Et cependant combien de vexations, de tracasseries le clergé n'a-t-il pas souffertes et ne souffre-t-il pas encore dans un grand nombre de localités? à combien d'actes arbitraires ou injustes ne le soumeton pas encore chaque jour? combien d'usurpations, d'empiétements ne cherche-t-on pas à faire? Il devient donc plus nécessaire, plus indispensable que jamais pour le prêtre ou les

administrateurs des fabriques, de connaître leurs droits pour les défendre, et leur devoir pour le pratiquer et ne pas se compromettre. Nous nous estimerions heureux qu'on pût puiser cette utile connaissance dans l'ouvrage que nous livrons aujourd'hui au public. C'est, si nous ne nous faisons pas illusion, le plus complet qui ait été publié jusqu'alors sur la législation religieuse, le plus commode, le plus pratique, le plus approprié aux circonstances et au temps où nous vivons, car on y trouve tous les actes législatifs sur la matière qui ont paru jusqu'à ce jour.

La proclamation de la République n'a rien changé au plan de notre ouvrage, car notre but a été de faire connaître la législation ecclésiastique telle qu'elle existait avant la révolution de 1789, telle qu'elle a existé depuis sous le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration, le gouvernement de Juillet et le régime actuel. Nous n'avons donc rien à supprimer dans notre travail; mais nous aurons sans doute à y ajouter quelque chose et à indiquer quelques modifications: ce sera le sujet d'un Supplément que nous nous engageons à publier dans un avenir plus ou moins prochain. Nous ne négligerons rien pour que cet ouvrage devienne un manuel nécessaire et indispensable à tous ceux qui, par état et par position, ont besoin de connaître les lois civiles ecclésiastiques, c'est-à-dire à Nosseigneurs les archevêques et évêques et à leurs secrétaires généraux ; à MM. les curés et à tous les administrateurs des fabriques; à MM. les préfets, sous-préfets, conseillers de préfecture, maires, juges de paix, avocats; à MM. les instituteurs, les administrateurs des bureaux de bienfaisance, des hospices, etc., etc.

Les seuls changements que nous eussions pu et peut-être dû faire sont si peu importants que nous n'avons pas cru devoir nous en occuper. Ainsi, par exemple, nous avions mis et nous avons laissé il faut obtenir l'autorisation du roi pour telle ou telle chose, une ordonnance royale pour telle ou telle autre, etc. Le lecteur intelligent saura bien substituer le mot décret à celui

d'ordonnance royale, celui d'autorisation du gouvernement à celui d'autorisation du roi, celui de procureur de la républiqué à celui de procureur du roi, etc., etc. Ce sont, du reste, les mots consacrés par les actes législatifs d'alors. Puis, qui peut répondre que, chez une nation agitée par la fièvre des révolutions, suivant l'expression de Mgr Affre, la forme du gouvernement que nous venons d'adopter ne changera pas encore, comme elle a tant de fois changé depuis un demi-siècle? Quoiqu'il en soit, nous aurions une éternelle reconnaissance au gouvernement de la République s'il faisait disparaître de l'arsenal de nos lois tant d'actes législatifs qui violent ou entravent, d'une manière plus ou moins odieuse, la liberté de l'Église de Jésus-Christ, actes législatifs qui n'ont pas peu contribué, selon nous, à faire crouler les gouvernements précédents, car Dieu n'aime rien tant en ce monde, comme l'a dit depuis longtemps saint Anselme, que la liberté de son Église.

Nous avons dédié le premier ouvrage que nous avons publié, sous le titre de Cours de droit canon, à Mgr Jolly, archevêque de Sens, notre vénérable et bien aimé pontife, qui a daigné l'approuver comme très-utile aux ecclésiastiques, et non moins remarquable par la profondeur de la science que par la netteté du style et le talent de l'exposition. Nous devions dédier ce second ouvrage à Mgr Affre, archevêque de Paris, dans le diocèse duquel nous travaillons depuis quatre ans. Ce pieux et illustre prélat avait daigné nous encourager à le publier; il avait bien voulu nous honorer de ses conseils et de sa bienveillance; il avait approuvé notre plan, plan qu'il avait aussi conçu luimême et qu'il aurait réalisé, nous a-t-il dit, si les nombreuses occupations de son épiscopat lui eussent permis d'y employer le temps nécessaire. Tout le monde regrettera, comme nous, qu'un ouvrage de ce genre n'ait pu être exécuté par un homme si habile, si expérimenté et si versé dans ces sortes de matières. Nous nous serions donc estimé très-heureux si nous eussions pu

faire paraître ce Cours de Législation ecclésiastiqué sous les auspices d'un éminent prélat, qui à la science qui fait les hommes distingués joignait les qualités et les vertus qui font les saints ét les martyrs (1). Mais au moins nous conjurerons ce saint et illustre pontife, ce glorieux et immortel martyr de la charité, ce bon ét fidèle pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis, de prendre encore cet ouvrage sous sa protection, en demandant à Dieu, pour la gloire duquel nous l'avons entrepris, qu'il daigne le bénir, afin qu'il ait un résultat utile, et qu'il porte des fruits en aidant à diriger la conduite du pasteur dans sa paroisse, et qu'il lui fasse éviter ces discussions, ces procès toujours si nuisibles à la religion et au salut des âmes.

L'encouragement honorable que nous avons reçu, pour le premier volume, de plusieurs de nos vénérables prélats, d'un grand nombre de nos confrères et même du ministère des cultes, où l'on nous dit que notre ouvrage était de nature à éviter bien des chicanes entre l'administration civile et l'administration ecclésiastique, nous a porté à travailler avec encore plus de soin à celui-ci. Pendant l'impression qui, contre notre volonté et à cause des événements, a été beaucoup plus longue que nous ne l'avions pensé d'abord, nous y avons ajouté, comme on pourra s'en apercevoir, plusieurs nouveaux documents utiles et importants; nous avons corrigé et même refait plusieurs articles qui ne nous paraissaient point assez clairs et assez lucides pour certains lecteurs. qui ne sont point versés dans les questions de droit et de jurisprudence. La clarté et la précision est ce à quoi nous nous sommes spécialement appliqué; nous craignons de n'avoir pas toujours suffisamment réussi.

(1) Tout le monde connaît le sacrifice admirable qui a enlevé à la science ecclésiastique et à l'Eglise de Paris, dont il fera le perpétuel honneur, le savant auteur du Traité de l'administration temporelle des Paroisses que nous avons si souvent cité. Nous nous estimons heureux d'avoir assisté aux derniers moments de ce célèbre martyr de la charite, d'avoir baisé sa noble face aussitôt qu'il eut rendu sa belle âme à son Créateur, et d'avoir fait vœu, la main étendue sur son corps expirant, de consacrer, à son exemple, ce qui nous reste de vie à la gloire de Dieu et au salut de nos frères.

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