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de tenter la conquête de provinces détachées de la république par l'émancipation de cette jeune nation. Mais son but était moins de venger le pays et de l'agrandir que d'occuper Bustamente loin de la capitale et d'éloigner ainsi un rival dangereux. Cette ruse ne trompa personne; les amis de Bustamente la commentèrent, accusant Santa-Anna de ne rêver que le pouvoir, et de n'étendre point ses vues audelà des limites étroites de son intérêt privé. D'ailleurs, les partisans cux-mêmes du président actuel, fatigués de son intolérable despotisme, convaincus de sa faiblesse ou plutôt de son incapacité, l'abandonnèrent à sa destinée, sans chercher à retarder sa chute.

Bustamente allait donc être encore une fois placé à la tête de la république. Instruit par l'expérience, suivrait-il une politique plus modérée à l'égard des puissances étrangères ? et les mesures d'administration qu'il prendrait répondraient-elles aux besoins de la situation? A ces questions, la réponse était encore douteuse à l'époque où nous terminons cette bistoire; car si d'une part, il rendait à la presse la liberté que lui avait ravie son prédécesseur, de l'autre, il faisait anunler par le congrès un emprunt de 150,000 livres sterlings contracté avec l'Angleterre par M. Benemerito, et ruinait ainsi le peu de crédit que le Mexique conservait encore en Europe. En outre; un changement avait lieu dans le ministère: Juan de Dios Tamedo était appelé aux affaires étrangères, Xavier Echeverria, aux finances; G. Cuevas était nommé au département de l'intérieur. On se souvient que ce dernier était un des hommes qui avaient le plus contribué à exciter la guerre étrangère, et que d'ailleurs, devenu impopulaire, il avait déjà été renversé du ministère.

TEXAS.

Entre la rivière Rouge, le golfe du Mexique, la rivière Sabine et celle de Las-Nuecez, s'étend un vaste territoire de prairies immenses, de forêts séculaires et de collines qui versent sur le pays de nombreux cours d'eau. C'est l'Italie, l'Andalousie du nouveau monde, comme l'appellent les Américains, naguère possession mexicaine, anjourd'hui république indépendante.

Dans nos précédents volumes nous avons déjà décrit les phases diverses de sa naissance à la liberté; nous avons montré de quelle manière furent brisés les liens qui attachaient le Texas au Mexique.

Cependant il ne sera pas sans intérêt de jeter un coup d'œil en arrière et de revenir sur des événements qui, dans la révolte, ne paraissaient pas pouvoir obtenir la signification et l'importance que la victoire leur a données.

On sait que les principaux acteurs de ce drame furent les Anglo-Américains qui, à la faveur des insurrections soulevées par Hidalgo et Moreloz, s'étaient introduits dans le Texas (1810), et qui plus tard, sous la conduite de Mosès-Austin, obtinrent du gouvernement espagnol d'y fonder une colonie ( 17 janvier 1821).

Quelques années s'écoulèrent pleines d'événements pour le Mexique : Iturbe déclara l'indépendance de ce pays (1821-22); mais à la vue des révoltes de chaque jour, des gouvernements éphémères qui succédèrent, la colonie dut naturellement sentir de l'éloignement pour un pouvoir sans force et sans dignité. Une première tentative de rébellion, d'ailleurs promptement comprimée, éveilla l'attention du Mexique, qui commença dès lors à s'inquiéter de la prospérité des nouveaux habitants du Texas,

et des idées d'agrandissement et d'indépendance qu'ils dissimulaient mal. Bientôt les villes qui pouvaient recevoir garnison furent occupées par des troupes mexicaines.

Ces mesures répressives furent suivies d'un décret qui abolissait le droit d'esclavage sur tout le territoire de la république. La colonie était frappée dans ses intérêts les plus directs, dans sa vie même. De là, d'énergiques et fréquentes réclamations, qui du reste aboutirent à la révocation du décret pour le Texas. Mais la blessure n'en existait pas moins; les intentions du gouvernement étaient dévoilées, et la concession qui venait de lui être arrachée, n'offrait aucune certitude et aucune garantie ponr l'avenir. D'ailleurs, une nouvelle cause de ressentiment vint envenimer cette haine naissante et hâter l'instant où elle devait éclater. La république alarmée du nombre sans cesse croissant de la population texienne, usa du droit d'exclusion spéciale qu'elle s'était réservé, et déclara que désormais l'entrée du Texas était interdite aux américains du Nord.

Dès ce moment les Texiens cherchèrent un prétexte. plausible à mettre en avant ponr couvrir leur projet, désormais bien déterminé, de complète indépendance. En 1833 ils se réunirent en convention à San-Felipe, et rédigèrent tout d'abord une demande formelle de séparation d'avec l'état de Coahuila, auquel ils étaient réunis, et Stephen-Austin, le fils même de Mosès, fut député auprés du Congrès géneral pour lui soumettre cette pétition. Son message n'ayant rien produit, et d'autre part les troupes mexicaines, après quelques temps d'absence, étant rentrées au Texas, une protestation armée eut lieu sur quelques points du pays.

Le 3 novembre 1855, une nouvelle convention générale se rassembla à San Felipe, et il fut solennellement déclaré que le Texas prenait les armes pour la

défense de ses droits méconnus et des principes également violés de la constitution fédérale de 1824; qu'il n'était plus régi moralement ni civilement par le contrat de l'union; qu'il ne reconnaissait pas les autorités présentes du Mexique, mais qu'il garderait fidélité au gouvernement mexicain quand et tant que cette nation serait gouvernée par la constitution et les lois sous l'empire desquelles avait été formée leur association politique.

Henri Smith fut nommé gouverneur de l'Etat, et Samuel Houston, major-général de l'armée régulière.

Les hostilités ne tardèrent pas à éclater et alors se déroula, cette longue suite d'événements que nos lecteurs connaissent dejà, et dont l'issue fut la proclamation définitive de l'indépendance absolue du Texas (2 mars 1836). On appela David Burnett à la présidence, et Laurenzo de Zavala à la vice-présidence. Le général Samuel Houston fut confirmé dans son commandement en chef. Quelques jours après, était rédigée la constitution de la république texienne.

Elle admettait trois pouvoirs: exécutif, législatif et judiciaire; un président, une Chambre des représentants et un Sénat. Le président serait élu par le peuple, pour trois ans, et inéligible le terme suivant. Il devait avoir trente-cinq ans au moins et trois années de résidence dans la république.

Le droit de grâce, le pouvoir de faire des traités sauf la ratification des deux tiers du Sénat, et la nomination à tous les emplois que la constitution n'exceptait pas spécialement, lui étaient accordés.

10,000 dollars de traitement lui étaient alloués; 5,000 au vice-président et aux ministres.

Les représentants seraient nommés pour un an.

La limite d'âge sine quá non était fixée à vingt-cinq ans;

le candidat devait également être citoyen de la république, et avoir résidé dans son comté ou district six mois avant l'élection.

Les sénateurs seraient nommés pour trois ans, et devraient être âgés de trente ans, et avoir une année de résidence dans leur district.

Ils se renouvelleraicnt par tiers; chaque année sénateurs et représentants seraient indemnisés pendant la ses

sion.

Il y aurait quarante représentants et vingt sénateurs. Chaque loi devait être adoptée par les deux Chambres et par le président qui ferait connaître sa réponse dans les cinq jours; s'il apposait son veto, il fallait pour l'annuler les deux tiers des votes dans chacune des Chambres.

Le droit de suffrage appartenait à tout citoyen âgé de vingt-et-un ans et établi depuis six mois dans le pays. Nul fonctionnaire public rétribué ne serait éligible. Les juges seraient élus pour quatre ans, rééligibles et

rétribués.

Tout accusé pouvait obtenir son élargissement sous caution suffisante, hors le cas d'accusation capitale.

Les dettes n'entraîneraient pas l'emprisonnement. Le Jury l'habeas corpus et la loi commune d'Angleterre étaient les fondements provisoires de la législation civile et criminelle.

Un mois s'était à peine écoulé depuis l'établissement de cette constitution et le général Houston la sanctionnait par une victoire éclatante sur les rives du San-Jacinto.

La première pensée des Texiens, en cette grande occurrence, se porta vers leur-mère patrie, la fédération américaine du nord; ils lui demandaient la reconnaissance de leur indépedance, promettant d'ailleurs d'entrer

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