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de la Diète avait un caractère d'équivoque, tel que les deux parties s'en prévalaient également.

Cette session fut encore signalée par la publication d'un document fédéral, purement historique, où l'on retraçait la marche et les efforts des sociétés secrètes en Allemagne, leurs relations avec celles des pays étrangers, et les actes par lesquels ces associations, dont on faisait ressortir la culpabilité, mirent si souvent en pratique leurs doctrines subversives.

AUTRICHE.

Le gouvernement persévérait dans ses efforts pour assurer le bien-être de ses sujets et mettre leur commerce et leur industrie en état de lutter avec avantage contre la concurrence des autres nations. Précédemment déjà, la navigation fluviale et maritime avait été améliorée (Voir les Annuaires 1855 et 1836). Restait maintenant à imprimer une égale impulsion aux autres voies de communication, surtout à ces lignes de chemins de fer qui devront un jour centraliser l'Allemagne, et qui devinrent en effet l'objet d'une protection toute spéciale.

Le chemin de Vienne à Brunn venait d'être inauguré; celui de Vienne à Raab était en voie d'exécution; un troisième rail road, celui de Presbourg à Tyrnau, le premier qui eût été ouvert en Hongrie et que l'on espérait mener jusqu'à la capitale, était commencé. Le gouvernement approuva de même le projet de construction d'un chemin de Trieste à Vienne, avec embranchement sur celui de Hof, en Bohême. On faisait ainsi communiquer le Levant avec le nord de l'Allemagne, et bientôt la Méditerranée avec l'Ebe et la Baltique. L'Autriche se trouvait dotée, de cette manière, de tout ce qui pouvait multiplier

ses relations à l'intérieur et lui créer de nouveaux débouchés au dehors.

C'est pour arriver au même résultat que l'on fondait à Trieste une société commerciale, placée sous le patronage de l'archiduc Jean, et qui avait pour objet de faire écouler à l'étranger les produits de l'industrie indigène. Trieste était l'entrepôt naturel de ces produits. La société embrassait dans son action les provinces de Styrie, de Carniole et de Croatie, et se rattachait par ses opérations à une autre association fondée à Gratz, en 1858. Celle-ci tendait, par des moyens divers, à activer dans l'Autriche intérieure l'essor des arts et de l'industrie : elle créait les produits qu'à son tour la société de 1859 livrait au commerce extérieur.

Telle était, dans son ensemble, la situation de l'empire; le calme, dont il jouissait, était rarement troublé ; par intervalles sculement, les Monténégrins se portaient à des incursions, mais elles étaient peu dangereuses. Cependant un sujet plus grave et qui n'intéressait pas seulement la cour de Vienne, était agité dans ses conseils. Nous voulons parler de la lutte à laquelle se livraient la Turquie et son vassal, en présence de l'Europe attentive.

L'Autriche avait aussi, comme la Prusse, sa question religieuse et ses difficultés relatives aux mariages mixtes; mais les habitudes du cabinet de Vienne ne donnaient pas lieu de craindre que l'on eût recours, pour les faire cesser, à des mesures violentes.

La Hongrie, en particulier, était souvent le théâtre de dissentiments de sectes; toutefois, dans un décret aulique, adressé le 6 juin au conseil de gouvernement de ce royaume, l'empereur et roi se bornait à recommander l'exécution de la législation existante. Les Etats firent eux-mêmes à ce sujet, une demande toute de conciliation. Nous devons rendre compte maintenant des graves

débats qui s'élevèrent au sein de la diète de Presbourg; la session ayant été ouverte, le 6 juin, par le roi en personne, S. M. prononça, en latin, le discours d'usage auquel les États avaient obtenu de répondre en langue hongroise.

En appelant l'attention des Chambres sur les projets qui devaient occuper leur session, le monarque recommandait à leur patriotisme, à leur orgueil national même, les propositions qui avaient pour objet de maintenir aux régiments hongrois une organisation en rapport avec leur bravoure et leur héroïsme.

Les premières séances furent consacrées à la vérification des pouvoirs, et cette opération préliminaire donna lieu à de nombreuses discussions entre les deux Chambres d'abord, et ensuite, entre ces dernières et le gouvernement luimême. Le comitat de Pesth avait élu pour son représentant, le comte de Raday. Or, ce député se trouvait être l'objet despoursuites du ministère public, et le pouvoir s'opposait pour cette raison, à ce que son élection fût validée. Mais les Etats ne crurent pas devoir obtempérer aux exigences du gouvernement, dont le pouvoir judiciaire était, en cette occasion, l'organe. Des attaques furent même dirigées (3 et 4 juillet), au sein des Etats, contre la cour royale.

Dans un rescrit adressé à la seconde Chambre, le roi blama ces démonstrations qui lui paraissaient être le renversement des limites tracées entre les deux pouvoirs législatif et judiciaire, et prendre leur source dans un abus réel de la parole. S. M. exhortait, en conséquence, la seconde Chambre à rentrer dans les termes d'une discussion légale et modérée. « Nous avons, ajoutait le roi, la ferme résolution de respecter les lois et la liberté de la parole dans la diète du royaume. Rien ne nous serait plus Ann. hist. pour 1839.

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agréable, si les travaux de la diète se développaient de manière à ne nous inspirer aucune inquiétude sérieuse sur le maintien des institutions anciennes et du système constitutionnel du royaume, qui est spécialement placé sous notre protection. »

Loin de pacifier les idées, le rescrit les irrita. On y vit un empiétement de l'autorité royale sur les droits des Etats. Ceux-ci déclarèrent positivement qu'ils n'examineraient les propositions du gouvernement que lorsqu'il aurait été fait droit à leurs réclamations au sujet de l'élection contestée.

De leur côté, les magnats ne reconnurent point à la șeconde Chambre le droit de surseoir à l'examen des projets présentés par le gouvernement.

Cependant, les Etats persistaient, et le conflit se traînait ainsi en pourparlers entre les deux Chambres. Telle est, en effet, l'ordinaire allure des discussions qui s'élèvent entre les deux branches de la législature.

Le roi intervint de nouveau :

. En me fondant, disait S. M., sur le sens précis de l'article 13 des années 90 et 91, et prenant en considération les propositions que nous avons faites dans l'intérêt de l'Etat, et pour l'exécution des lois, nous -espérions, avec confiance, que vous ouvririez immédiatement les délibérations sur ces propositions, et que vous me feriez connaître les griefs et les désirs du pays, afin qu'il fût statué sur tous ces griefs dans un délai légal. Il est donc tout à fait contre notre attente, que la seconde Chambre des Etats ait déclaré qu'elle n'admettra pas dans son sein un député qui doit être nommé dans le comitat de Pesth, en remplacement d'un individu qui est sous le coup d'une accusation infamante, et cela, en se fondant sur ce que l'exécution de notre rescrit serait une atteinte portée au libre choix de nos députés.»

Le souverain protestait, à cette occasion, de sa ferme volonté de n'entraver en rien l'exercice du droit d'élection; mais, en cette occurence, il s'agissait d'un cas excep tionnel, prévu d'ailleurs par les principes anciennement

appliqués; en un mot, d'une élection entachée d'une nullité légale. Les Etats étaient donc itérativement invités à délibérer et répondre ainsi à l'attente du pays qui désirait, disait S. M., que la session fût avantageuse à l'intérêt gé

néral.

Ce ne fut pas seulement au sein des Etats, que des désordres éclatèrent; ailleurs, ils furent sanglants. Les réélections du comitat de Tolna, de Bercha, donnèrent lieu à de nombreux excès et entraînèrent même la mort de plusieurs personnes. Ajoutons que, durant la session actuelle, les villes qui constituent la partie intelligente de la nation, renoncèrent à se faire représenter, par la raison que leur vote ne comptant que pour celui d'un comitat, elles ne venaient dans la seconde Chambre qu'au rang de quatrième Etat. En refusant de siéger, elles protestaient tacitement contre les dispositions de la loi fondamentale, en ce qui les concernait.

Une dissolution de la diète paraissait devoir seule trancher tant de difficultés, lorsqu'un changement inespéré se déclara dans les dispositions des Etats, qui renoncèrent subitement (16 septembre) aux griefs qu'ils avaient élevés.

On s'expliquerait à peine cet étrange revirement, que la démission du comte de Raday avait d'ailleurs bâté, si l'on n'interrogeait encore les singularités de la constitution.

Les membres des Etats sont enchaînés en quelque sorte par les instructions, ou pour mieux dire, les mandats impératifs qu'ils reçoivent de leur commettants à différents intervalles de la session; et comme ces instructions, ces mandats, sont dictés par l'opinion, il en résuite que les fluctuations qu'elle subit réagissent sur les termes de ces documents électoraux, et souvent les rendent contradictoires.

L'harmonie fat donc momentanément rétablie entre

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