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Les travaux des deux Chambres étant épuisées, les ministres vinrent le 6 août présenter l'ordonnance de clôture.

La première session de 1839 n'avait guère été que la continuation de la précédente. La coalition s'était formée dans l'une; elle avait éclaté dans l'autre. Le ministère du 15 avril s'était retiré devant une Adresse favorable, il est vrai, mais adoptée à une majorité trop faible pour lui assurer une existence parlementaire. La couronne, ayant eu recours alors à une dissolution pour laisser le vœu da pays se manifester librement, la nouvelle législature fut inaugurée par un ministère intérimaire.

Le premier acte de la Chambre élective, la nomination de M. H. Passy à la présidence, témoignait déjà de l'esprit qui animerait les mandataires de la nation. C'était en effet un mouvement prononcé vers le centre gauche. Une administration qui entrât dans les vues de cette majorité naissante, semblait devoir être l'inévitable nécessité de la situation. Mais ici se renouvelèrent les crises, les incertitudes... Les dangers de l'émeute déterminèrent la soudaine formation d'un Cabinet qui fut plutôt l'expression d'un dévouement de personnes, que la représentation d'une majorité quelconque, ou la consécration du principe parlementaire. C'était, en un mot, un ministère de fractionnements; ses intentions pouvaient être bonnes, ses tentatives utiles; mais toutes elles devaient échouer devant les éléments épars d'une Chambre, où il était difficile de rencontrer une majorité compacte et homogène. Les actes de ce nouveau pouvoir durent porter le cachet du vice de son origine et en même temps l'empreinte des sentiments personnellement généreux des membres quile composaient. C'est ainsi, qu'au début même de la session, le ministère avait annoncé qu'il n'y aurait plus désormais de presse subventionnée ;

c'est ainsi encore que le garde-des-sceaux, M. Teste, soumit au roi un projet de réorganisation du Conseild'État; enfin, c'est dans les mêmes vues d'amélioration, qu'il conçut le courageux, mais infructueux dessein, de remédier aux abus de la vénalité des offices.

L'état de nos relations au dehors se ressentait nécesrsairement des oscillations de l'intérieur : nos alliances, même les plus utiles, même les plus honorables, tendaient sensiblement à s'affaiblir. Toutefois, le Cabinet a n'avait pas hésité à demander aux Chambres un crédit extraordinaire destiné à augmenter nos forces dans la me, Méditerranée, et à mettre la France en position de jouer,

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dans le drame qui allait se dérouler en Orient, un rôle en harmonie, à la fois, avec ses intérêts et la dignité d'une grande nation. Or, pour atteindre ce résultat, pour relever nos rapports avec l'étranger et consolider l'intérieur, que fallait-il ? Il fallait, au dire de la coalition, sortir des balancements d'une administration impuissante par sa nature, à opérer le bien qu'elle méditait peut-être, et arriver enfin à un gouvernement assis sur le principe qui avait triomphé dans les deux sessions.

Mais les hommes qui auraient un jour mission de réaliser ce vœu constitutionnel justifieraient-ils l'espérance que leur avénement ferait concevoir ?

CHAPITRE VI.

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Troubles sur plusieurs points du

FRANCE. EVENEMENTS DIVERS.
territoire. Emeute à Paris. — Camp de Fontainebleau.
MEXIQUE. Prise de Saint-Jean d'Ulloa. Convention.

Prise de Verra-Cruz. Intervention de la légation anglaise. — Traité conclu avec la république.

BUENOS-AYRES.

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Situation.

· Continuation du blocus.-Prise de l'ile Martin Gracia. Incendie des bâtiments fraudeurs de la république argentine. GUADELOUPE. · Ordonnance royale sur les esclaves. Modification du tarif des douancs. — Dégrèvement des sucres. Tremblement de terre. ment des sucres. Modification du tarif des douanes. nance royale sur les esclaves.

MARTINIQUE. Etat du pays.

Dégrève-
Ordon-

Cette année fut signalée par de graves désordres qui éclatèrent sur plusieurs points de la France, et principalement dans l'Ouest, à l'occasion de l'exportation et de la circulation des céréales. Le mouvement partit de la Rochelle (31 décembre, 1er 3 janvier). L'arrivée de plusieurs chargements de blé et farine, qui devaient être conduits à bord d'un navire étranger, donna lieu à des scènes violentes où plusieurs personnes furent blessées. Le conseil municipal, dans la crainte de collisions nouvelles, proclama qu'il serait sursis à l'embarquement. Cependant le calme ne put être rétabli que par la présence des troupes dirigées immédiatement des garnisons les plus rapprochées. Plusieurs villes de la Sarthe, et en particulier Mamers et le Mans, virent se renouveler les mêmes agitations pendant et après les moissons. La libre circulation des grains fut interrompue. Aussitôt, pour faire cesser tout rassemblement, on fit marcher

sur le département de la Sarthe, des forces plus que suffisantes. Le gouvernement porta en même temps son attention sur la conduite des autorités qui avaient consenti à la vente forcée des chargements interceptés par les pertubatears, et mis en liberté les prisonniers, à la demande d'une bande tumultueuse; le préfet et le procureur du roi furent remplacés (18 septembre.)

Paris eut aussi ses jours de troubles; mais bien différent était le principe de ces désordres, et tout autre, le but. Il ne s'agissait de rien moins que d'une question sociale et du renversement de la royauté. On se rappelle que la première session législative n'avait été qu'un long combat entre le pouvoir et la coalition, et que la lutte avait eu pour issue la retraite du Cabinet présidé par M. Molé. La interrègne ministériel succéda, et le ministère du 31 mars, qui devait le faire cesser, ne fit que prolonger la crise (voir page 107). A la faveur des difficultés qui entravaient ainsi la marche du gouvernement et le laissaient en quelque sorte à découvert, les ennemis de l'ordre de choses se réveillèrent à l'improviste, les armes à la main, et troublèrent subitement la tranquillité publique (12 mai).

Après avoir pillé plusieurs magasins d'armes, les insurgés descendirent vers les quais, et se jetèrent sur les postes du Châtelet, du Palais de Justice et de l'Hôtel-de-ville, où ils tuèrent et blessèrent plusieurs hommes. L'officier, commandant le poste du Palais de justice, resta au nombre des morts. L'attaque se porta aussitôt sur la préfecture de police; mais elle fut repoussée par les gardes municipaux et les sergents de ville.

Cependant le rappel de la garde nationale battait dans tous les arrondissements. Les troupes de la garnison se précipitaient au foyer de l'émeute qui, comme touAnn. hist. pour 1889.

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jours, était concentré entre les quartiers Saint-Martin, Saint-Denis et Montmartre. Les barricades élevées furent emportées, et les postes repris. A la nuit tombante, la résistance des révoltés devint moins vive, soit par manque de munitions, soit plutôt par découragement; car ils avaient compté, pour le succès de leur cause, sur la sympathie qu'ils pensaient exciter et qu'ils ne rencontrèrent nulle part. Quelques heures plus tard, la troupe et la garde nationale étaient maîtresses sur tous les points, et le lendemain, malgré quelques nouvelles tentatives, toujours infructueuses, l'émeute fut définitivement comprimée, et tout rentra dans l'ordre. Ainsi se brisèrent encore une fois contre la légalité et le vœu national, les espérances du parti qui avait déjà succombé en juin 1832 et en

avril 1834.

Il y eut beaucoup de victimes parmi les insurgés, et ceux qui survécurent farent pris, les uns, et c'était le plus grand nombre, les armes à la main, les autres, à la suite des recherches ultérieures de la police. La cour des pairs, par ordonnance royale, fut, comme nous l'avons dit, immédiatement constituée en cour de justice et instruisit le procès dont les incidents révélèrent le plan habilement combiné des accusés, et leurs intentions révolutionnaires (voir la Chronique). Le ministère Soult improvisé pour faire face au danger, et rassurer les esprits, rappela la sécurité qui ne fut plus troublée.

En l'absence d'événements graves, à l'extérieur, qui pussent maintenir l'armée dans l'habitude des travaux militaires, un camp fut institué comme par le passé. Fontainebleau fut à son tour choisi au grand avantage de son commerce. Le 22 août, les préparatifs étaient entièrement terminés, et toutes les troupes réunies. M. le duc de Nemours en eut le commandement, et M. le duc d'Au

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