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La Chambre, en donnant plus de latitude à l'administration, faciliterait les travaux d'une compagnie digne d'encouragement.

Après quelques paroles peu importantes de différents orateurs, la Chambre procéda au scrutin sur l'ensemble du projet que 211 voix contre 27 adoptèrent, et qui passa, le 24 juillet, à la Chambre des pairs, presque sans dis

cussion.

Au milieu de ces arides, mais utiles débats, une loi qui établissait deux nouvelles routes royales sur le littoral de la Corse, l'une, entre Bastia et Bonifacio; l'autre, entre St.-Florent et Ajaccio, fut aussi votée par la Chambre des députés, le 6 juin, et le 19 juillet par la Chambre des pairs.

Le gouvernement devait une égale sollicitude aux travaux nécessaires pour l'achèvement des canaux. Aussi, dès le 8 mai, il avait demandé aux Chambres pour cet objet un crédit de 12 millions.

Le 27 juin, M. Lestiboudois déposa son rapport. Cette somme de 12 millions était insuffisante, aux yeux de la commission, pour l'entière exécution des canaux; et le rapporteur ajoutait que l'Etat devait se charger de mener à terme ces grandes voies de communication. Restaient à régler la question des tarifs et le mode d'entretien et d'administration. Pour les tarifs, il y avait dissidence entre l'Etat et les compagnies, et il fallait les fixer définitivement. Quant à l'administration et à l'entretien des canaux, l'affermage à des compagnies particulières avait para offrir le plus d'avantages. Mais n'eût-il pas été juste que les travaux fussant partagés en deux catégories, et que la catégorie des travaux suffisamment étudiés, fût seule admise et encouragée par la Chambre? A cet effet la commission proposait d'allouer une somme de 8 millions pour continuer les canaux, sauf à acAnn. hist. pour 1839.

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corder un nouveau crédit au ministre à la prochaine ses

sion.

9 Juillet. M. d'Angeville censura vivement la conduite du gouvernement dans ses relations avec la Chambre, et l'accusa de manquer de franchise. Après tant de déceptions, plus de votes de confiance! On était en droit de ne rien accorder, sans avoir sous les yeux des plans et des devis réguliers. Le corps des ponts-et-chaussées n'échappait pas aux attaques de l'orateur. Dans l'organisation actuelle de l'administration, l'on cherchait vainement l'unité de pensées et de vues qui devait présider à la confection des travaux publics; elle n'était pi dans le directeur général, ni dans le conseil général des ponts-et-chaussées, dont le rôle consistait seulement à se prononcer successivement sur chaque question d'art spéciale. La surveillance des travaux n'était-elle pas descendue des ingénieurs aux conducteurs, et des conducteurs aux piqueurs ? Il n'y avait plus aucune espèce de garantie de ce côté les projets soumis aux commissions étaient mal étudiés et incomplets, et ainsi la Chambre, trompée, s'engageait dans une série de dépenses interminables. En conséquence, l'honorable membre proposait deux amendements, et repoussait de toutes ses forces le projet du gouvernement, tout en votant néanmoins les fonds demandés par la commission, afin de ne pas retarder les travaux commencés depuis si long-temps.

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M. Legrand ne pouvait garder le silence en présence des graves reproches dirigés contre son administration. I avouait qu'en 1833, lors de la demande d'un crédit supplémentaire pour l'achèvement des canaux, il avait espéré atteindre le but avec la somme demandée; mais les propositions du gouvernement étant basées sur les chiffres donnés par les ingénieurs, l'administration s'en était rapportée à leurs évaluations; ces évaluations ne pouvant être

faites à Paris. Le directeur général posait en principe que le temps révélait sans cesse de nouveaux perfectionnements, et que par suite, il était impossible de dire d'une route ou d'an canal qu'ils étaient terminés dans la stricte acception du mot; qu'ainsi le canal du midi et le canal du centre étaient l'objet de dépenses d'entretien et d'amélioration. M. d'Angeville, pour toute réplique, dénonça à la Cham bre la soustraction ou l'oubli de pièces gênantes dans les dossiers soumis aux commissions, et il démontra que do nombreuses erreurs s'étaient glissées dans les devis.

L'administration est libre de composer les dossiers destinés aux commissions de la Chambre, reprit M. Legrand. Da reste, les députés pouvaient faire ouvrir tous les cartons du ministère; parfois le travail d'un ingénieur succédait à un autre, et il en résultait des changements dans les devis que le préopinant attribuait mal à propos au mauvais vouloir de l'administration.

M. Billandel continua la discussion dans le sens de M. d'Angeville. Déjà l'on avait dépensé ou l'on dépenserait 468 millions pour les canaux votés en 1821 et 1822. En face de si larges évaluations, toutes les fois qu'un projet serait présenté aux Chambres, n'était il pas à désirer qu'il fût moralement garanti que l'estimation donnée par l'administration ne serait point dépassée?

M. Legrand reparut à la tribune. On exagère, disaitil; la dépense nécessaire ne doit s'élever qu'à 283 millions et non à 460. Quant à la commission des canaux, les 600 lieues de travaux qu'elle avait exécutés la défendaient assez des accusations lancées contre elle.

M. Lacordaire prit part à ces débats. Pour toute espèce de travaux et chez toutes les nations, les dépenses avaient triplé les évaluations primitives; il en était ainsi des chemins de fer; néanmoins, comme les canaux étaient les véritables routes pour le transport des matières indispensables à

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l'industrie manufacturière, il importait d'en abaisser les tarifs et de compléter le système de la navigation intérieure ; ainsi, le pays pourrait échanger librement ses divers et lointains produits, et établir, au cœur de son territoire, le transit des marchandises des peuples environnants. Peut-être même ces résultats seraient atteints en peu de temps, si l'Etat entrait sérieusement dans cette voie si féconde pour toutes les classes de commerce et d'industrie.

10 Juillet. Après le rejet de l'amendement de M. d'Angeville, qui avait pour objet d'exiger des plans définitifs avant d'accorder les fonds, M. Tesnières affirma que la dépense des canaux ne s'élèverait qu'à 300 millions; d'ailleurs, il ne fallait pas se préoccuper des sommes que les travaux pouvaient coûter, parce que l'utilité qui en résultait était bien plus grande encore. L'orateur votait contre l'amendement de la commission, car il gênerait l'action de l'administration, sans avantage pour la Chambre, et il aurait pour conséquence la suspension des travaux du canal du Berry.

M. le ministre des travaux publics partageait cette opinion. En effet, en obligeant l'administration à consacrer 7 millions à tels ou tels ouvrages, on apportait: des entraves à la direction bien entendue des travaux. M. Rivet combattit les conclusions du ministre.

Suivirent quelques considérations présentées par M. Vuitry contre l'amendement, et une réplique de M. Dagabé, et la Chambre vota le projet à une majorité de 233 voix contre 48.

Cette loi passa, sans discussion sérieuse, le 30 juillet, à la Chambre des pairs.

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CHAPITRE V.

Vote de plusieurs crédits supplémentaires. Etat de la question d'Orient. Présentation, discussion et adoption de la loi relative aux armements maritimes dans le Levant. Loi pour l'amélioration des ports.- Emprunt grec. Budget de 1840. — Rapport général. — Cré

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dits supplémentaires.-Rapport sur l'ensemble du Budget.-Adoption des Budgets des dépenses et des recettes. Clôture de la session -Esprit des deux sessions.

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Le blocus des ports du Mexique et de la république Argentine avaient nécessité des forces plus nombreuses sur les rivages américains, et par conséquent des dépenses extraordinaires au département de la marine. La législature fut appelée à voter sur les ressources de l'exercice de 1858, un crédit de 850,000 pour acquiter les comptes qui restaient dus par suite de ces armements.

Une allocation supplémentaire de 6,405,640 fr. fut également accordée au ministère de la guerre pour être en partie affectée aux besoins et à l'amélioration de notre colonie d'Alger. Les chambres sanctionnèrent encore une demande de 4,912,800 fr. faite par le ministre de la marine pour la protection de nos intérêts commerciaux en Amérique et pour la surveillance des côtes d'Espagne.

D'autre part, comme les événements survenus en Orient durant l'année précédente l'avaient fait pressentir (voyez Fart. Turquie, Annuaire 1838), une rupture entre le sultan et son puissant vassal devenait imminente. Dans cette conjoncture, la France ne pouvait plus tarder à prouver à l'Europe, intéressée comme elle dans le débat, qu'elle y saurait prendre une attitude ferme et digne. C'est ce qui explique la demande faite, le 25 mai, par le ministère d'un crédit de 10millions destinés à augmenter nos forces maritimes dans le Levant.

Le 24 juin, M. Jouffroy exposa à la tribune la pensée

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