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divise la forêt en 20, 25 ou 30 assiettes et on en parcourt une chaque année en coupant sur chaque cépée (les forêts furetées. sont presque toujours peuplées de hêtres) les brins dépassant une dimension minima fixée (1). Ce mode est pratiqué très anciennement dans des régions montagneuses de différentes parties de la France (2). Son importance décroît de jour en jour, assez rapidement les forêts furetées paraissent destinées à disparaître à peu près complètement.

On pourrait aussi, sans doute, substituer à la possibilité par volume une possibilité basée uniquement sur les surfaces terrières, qui se calculerait par des procédés tout à fait analogues, présenterait les mêmes avantages et les mêmes inconvénients. Elle permettrait, ce qui serait un bénéfice, de ne baser les calculs, que sur des mesurages certains et faciles, tandis que la détermination du volume des bois sur pied présente toujours quelque incertitude. En revanche, elle aurait le défaut de ne donner aucun renseignement sur le volume du matériel, ni, par suite, sur la valeur du capital engagé dans l'exploitation. Elle ne dispenserait pas, du reste, des cubages dont on ne saurait se passer pour l'estimation et la vente des bois sur pied.

(1) Puton a proposé un mode de calcul de possibilité basé sur la combinaison du diamètre et du nombre d'arbres qui aurait été appliqué au xvII° siècle en Franche-Comté et ailleurs. (Traité d'Economie forestière, tome II, 1er volume, pages 182-185.)

M. Burel a exposé, dans une brochure publiée en 1888 et intitulée Elude sur la constitution normale des forêts jardinées, un système très compliqué et assez arbitraire pour déterminer une possibilité par diamètres. On en trouvera un résumé sommaire dans le livre précité de Puton, pages 213 à 221.

2 La forêt domaniale d'Aubrac (dans l'Aveyron), qui appartenait autrefois à l'abbaye de ce nom, était traitée, en suite d'un règlement de 1512, par le mode du furetage (c'est une forêt de hêtre à peu près pur, croissant en terrain basaltique à l'altitude moyenne de 1300 mètres, sous un climat très rude). Les coupes ne devaient porter que sur les bois mesurant plus de deux palmes (0 m. 50) de tour. Ce règlement a été suivi jusqu'à la Révolution. (Voir Aubrac, son monastère, ses forêts, ses pâturages, par Paul Buffault, inspecteur des forêts, Rodez, 1903.) A la fin du XVIe siècle, la forêt domaniale de Saint-Prix près d'Autun) était, aménagée en furetage; on passait sur les mêmes assiettes tous les 25 à 30 ans, suivant les triages, en coupant chaque fois tous les brins de un pied de tour et au-dessus.

Il est bon de remarquer que le furetage n'a pas, à proprement parler, de possibilité véritable, la quotité de la coupe n'est pas fixée, elle est seulement limitée par la prescription du diamètre minimum.

On a aussi proposé (1), en vue d'échapper aux difficultés du cubage des bois sur pied, d'exprimer la possibilité ainsi que la grandeur du matériel ligneux en une unité conventionnelle, le sylve, qui serait une fonction mathématique définie et invariable de diamètre (2). Il resterait donc, lorsqu'on veut acquérir la notion indispensable du volume et de la valeur des peuplements, à déterminer le rapport évidemment très variable suivant les diamètres, les essences, les stations, les modes de traitement, etc., du sylve avec le mètre cube. On ne voit pas très bien la portée de cette conception d'une unité qui ne mesure ni n'exprime rien, qui n'apprend rien de plus que le simple dénombrement des arbres rangés par catégorie de diamètres.

(1) Voir Barême du tarif conventionnel unique, par MM. Biolley, de Blonay et Jobez, Lausanne, sans date. Cet ouvrage est probablement du commencement de 1904, car on y mentionne (sur la couverture) une publication de M. Jobez qui a paru en 1903 et il a été cité à son tour dans un article de M. Jobez: De l'unification des modes de cubage des bois, publié dans la Revue forestière de FrancheComté, en septembre 1904.

(2) Le volume du sylve, y, est relié à la circonférence à hauteur d'homme, x, par l'équation suivante :

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<«< Malheureusement, disent les auteurs du Barême du tarif unique, au-dessous de 1 m. de circonférence, la courbe traverse l'axe des x, les y se présentent négatifs, ce qui a paru d'abord extraordinaire. On a alors, pour les circonférences inférieures à 1 m. 00, admis une autre équation : = 0,1041 3 + 0,7875 x2 y= Voir à ce sujet notre Economie forestière, tome II, pages 128-129.

0,1066 x.

CHAPITRE IV

LES FONDS DE RÉSERVE

SOMMAIRE

I

Définition des fonds de réserve forestiers. Leur origine: ordonnances de 1553, de 1561. Ils furent institués pour assurer le maintien, en France, d'une étendue de bois de futaie suffisante à l'approvisionnement du pays. Coupes extraordinaires générales de 1568: le premier effet de la création des fonds de réserve fut d'entraîner un abatage général des futaies qui subsistaient dans les bois des ecclésiastiques. Réduction, suppression, rétablissement des fonds de réserve. Législation de 1669. Le fonds de réserve cesse d'être obligatoire dans les forêts royales; il est réduit au quart dans les bois ecclésiastiques et des communautés laïques. Résistance des ecclésiastiques à l'application de l'ordonnance. Abus des coupes extraordinaires au cours du XVIII° siècle, gaspillages divers. En somme l'institution des fonds de réserve, sous l'Ancien Régime, est allée directement contre son but en provoquant l'appauvrissement d'un grand nombre de forêts.

L'article 93 du Code forestier. Les fonds de réserve sont maintenus uniquement dans l'intérêt du propriétaire de la forêt.

II

Les quarts en réserve à assiette fixe. Leurs avantages, leurs inconvénients. Ils conviennent aux forêts aménagées avec une possibilité par conte

nance.

Les quarts en réserve à assiette mobile. Leurs avantages, leurs inconvénients. Ils conviennent aux forêts aménagées avec une possibilité par volume.

III

Rôle et importance actuels des quarts en réserve dans les forêts domaniales ou communales. Le progrès des moyens de transport, le déve loppement du commerce, la facilité du crédit permettent aux communes de se procurer des ressources extraordinaires en bois ou en argent sans recourir à des coupes dans la forêt. Projets de modification de l'article 93 du Code forestier. Les fonds de réserve sont encore utiles pour assurer la stabilité du revenu dans le cas d'accidents fortuits ou d'erreurs dans l'établissement des aménagements.

IV

Résumé de l'histoire des fonds de réserve.

Ils furent institués dans un but d'utilité publique, qu'ils furent incapables de remplir.

Au XVIe siècle, on les maintient à la fois dans l'intérêt général et dans celui des propriétaires forestiers. Echec de cette législation.

Le Code forestier de 1827 n'envisage plus que l'intérêt des propriétaires de forêts. Get intérêt ne subsiste plus aujourd'hui comme il y a un siècle. Dans l'avenir les fonds de réserve ne paraîtront plus justifiés qu'autant qu'une stabilité de revenu très grande sera exigée de la forêt.

I.

Le fonds de réserve, en économie forestière, est une portion du matériel ligneux qui est soustraite à l'aménagement en vue de parer à des besoins extraordinaires auxquels les coupes réglées de l'aménagement ne sauraient suffire.

Nous voyons surgir pour la première fois la notion du fonds. de réserve vers le milieu du xvre siècle. Un règlement émané de la Table de marbre de Paris, en date du 15 novembre 1549, prescrit que le tiers des forêts appartenant aux communautés d'habitants sera réservé pour croître en futaie; ce règlement est confirmé par une ordonnance de 1553. Quelques années plus tard, une ordonnance de 1561 renouvela et généralisa cette prescription, l'étendant aux forêts royales et à tous les bois de main

morte.

Les rois, pressés par les besoins des finances publiques, venaient de décider que les cantons de futaie restés intacts jusqu'alors, au moins en principe, dans les parties centrales des grandes forêts du domaine, seraient soumis dorénavant à des coupes réglées. L'expérience trop constante du passé avait montré que la mise en coupes d'une futaie équivalait, en fait, à sa destruction: les repeuplements qui pouvaient se produire étaient l'objet de recépages ou de nettoiements périodiques. Pratiquées abusivement et dénaturées, ces opérations finissaient trop souvent par ne laisser que de véritables taillis, dans le sens actuel du mot. A plus forte raison en était-il ainsi,

lorsqu'à la suite de dégâts de pâturage ou d'incendies le recépage n'était plus une coupe de dégagement, d'amélioration, mais une coupe radicale, totale, de tout le repeuplement. (Voir à ce sujet le § 3 du Chapitre II de la neuvième Etude.)

C'est en vue d'assurer les besoins de la consommation que l'ordonnance (1) de 1561 vint ordonner que le tiers des bois jusqu'alors réduits ou qui seraient à l'avenir réduits en taillis (2) serait mis en dehors des coupes ordinaires pour croître en futaie.

L'ordonnance de 1561 visait toutes les forêts royales, celles des ecclésiastiques et celles des communautés laïques. Une opposition extrêmement vive surgit aussitôt contre son application, surtout de la part des gens d'église. Dès 1565, l'ordre de Malte obtint d'en être dispensé. En 1568, on dut accorder, par mesure d'ensemble, à tous les ecclésiastiques, une coupe extraordinaire qui fut l'occasion d'un abatage général de ce qui avait été réservé. Comme l'ordonnance avait soigneusement recommandé de former la réserve des bois les plus âgés on voit que le premier effet de la création des fonds de réserve fut un appauvrissement notable de toutes les forêts des abbayes, évêchés, etc. Mais les bénéficiaires ne se tenant pas pour satisfaits, le roi crut devoir faire une nouvelle concession et réduisit au quart de l'étendue, en 1573, la portion à laisser en dehors des coupes réglées (3). Malgré cela, l'opposition ne devint pas moins vive, si bien que Henri III, en 1580, révoqua purement et simplement les mesures adoptées par son prédécesseur.

(1)« Les bois de haute futaie... ont été réduits en nature de bois taillis seulement et mis en coupes ordinaires.. et étant ce qui reste desdits bois de haute futaie continué à être coupé, et le taillis (le repeuplement des coupes), demeurant en coupes ordinaires et sans qu'on le permette recroitre en hauts bois...... notre royaume se trouvera en bref temps de tout dépopulé et dégarni de gros et hauts bois.. Pour à quoi pourvoir..... ordonnons..... que la tierce partie des bois taillis..... sera dorénavant délaissée pour croitre et se convertir en nature de bois de haute futaie. » (Ordonnance d'octobre 1561, article unique.)

(2) Nous rappelons que pour nos prédécesseurs le mot taillis désignait un jeune bois de moins de 30 à 40 ans par exemple, quelles que soient son essence ou son origine. Réduire un bois en taillis, c'était le régénérer.

(3) Cette ordonnance ne vise ni les bois du roi, ni ceux des communautés laiques.

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