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M. Ewart, le collègue de lord Sandon, dans la représentation de Liverpool, M. Grote, M. Clay, sir Samuel Whalley, tous trois nommés par des districts de la métropole, soutinrent l'amendement en insistant sur ce que la réforme était mise en danger par l'existence du ministère. M. Clay considérait ceux qui s'étaient opposés au bill de réforme comme moralement impropres pour jamais à occuper un emploi, et le renvoi du dernier gouvernement, comme l'exercice le plus injustifiable de la prérogative qui eût eu lieu depuis la révolution. Quelques uns de ces honorables membres étaient convaincus que si M. Peel persévérait loyalement dans ses précédentes opinions, ce dont il n'y avait pas de raison de douter, il était obligé de proposer le rappel de l'acte de réforme. D'un autre côté, M. Richards, M. Gladstone, le colonel Sibthorp, lord Castlereagh et d'autres membres, parlèrent en faveur de l'adresse: selon eux, le roi, en se débarrassant de l'ancien ministère, n'avait fait qu'user utilement et constitutionnellement d'une prérogative incontestable de la couronne, et ce ministère était tombé dans la nécessité de s'appuyer sur le parti qui revendiquait l'extension du suffrage électoral, une réduction de la durée des parlemens, et le vote au scrutin secret. M. Richards déclara qu'étant réformateur, mais non révolutionnaire, il ne désirait pas voir les whigs revenir au pouvoir, parce que, lorsqu'ils l'occupaient, ils avaient parlé contre les réformes avec autant de chaleur qu'ils les réclamaient actuellement. C'est ainsi que, dans le dernier parlement, ils avaient combattu les motions pour la triennalité des parlemens, pour le vote secret, pour la révision des pensions et sinécures.

Le chef du nouveau cabinet, sir Robert Peel, prit à son tour la parole. Il reconnut que, bien qu'il eût été absolument étranger au renvoi de la précédente administration, il avait encouru, en lui succédant, toute la responsabilité de cet acte. Il n'hésitait pas à soutenir que ce renvoi était parfaitement justifiable; et, pour le prouver, il rappelait toutes

les pertes que cette administration avait faites en 1834, d'abord celle de lord Stanley, de sir James Graham, du comte de Ripon, du duc de Richmond; puis ensuite celle de lord Grey, et enfin celle de lord Althorp, qui en était la pierre fondamentale. Peut-être le ministère présidé par lord Melbourne comptait-il, pour contrebalancer tant de pertes et l'opposition de la Chambre des lords, sur le ferme et unanime appui des partis qui professaient des opinions extrêmes; mais, loin qu'il eût obtenu cet appui, c'est précisément à une série d'attaques qu'il essuya de ce côté, après la résignation de lord Grey, que l'on devait attribuer sa faiblesse. A ce propos sir Robert Peel citait plusieurs passages d'une lettre adressée en octobre 1834 à M. Duncannon, en sa qualité de ministre de l'intérieur, par M. O'Connell, et dans laquelle celui-ci accablait d'outrages les whigs en général, le ministère Melbourne collectivement, et chacun de ses membres en particulier. Etait-il donc déraisonnable, après tout cela, que S. M. doutât s'il convenait que des hommes placés dans une telle condition continuassent à tenir les rênes du gouvernement?

Quant à la réunion de plusieurs offices ministériels dans la personne du duc de Wellington, sir Robert Peel ne contestait pas que la chose ne pût avoir des inconvéniens; mais il n'y avait rien là d'inconstitutionnel, et d'ailleurs le fait n'était pas sans exemple. Dans le cas actuel, cette concentration des pouvoirs en question était nécessaire pour le service public, et il n'en pouvait résulter aucun danger. Quant à la dissolution du parlement, l'orateur soutenait qu'elle avait été juste, régulière, constitutionnelle. Il avait craint que ce parlement, qui avait si souvent déclaré sa confiance sans limites dans la précédente administration, ne fût pas disposé à mettre la même confiance dans la nouvelle. Il avait donc fait appel à une autorité plus haute que ceux qui avaient proclamé avec ostentation que son ministère ne réunirait pas plus de cent vingt membres dans une division, et qui étaient

déterminés à ne pas lui accorder une loyale épreuve, et à le repousser sans l'entendre. Au reste, toutes les fois qu'un grand changement de gouvernement s'était opéré, il avait été suivi d'une dissolution du parlement.

Sir Robert Peel examinait ensuite la principale objection élevée contre son ministère, et qui consistait à dire que le pouvoir lui était désormais interdit, ainsi qu'à ses collègues, parce qu'ils s'étaient opposés au bill de réforme et aux administrations réformatrices de lord Grey et de lord Melbourne.

« Je n'ai jamais considéré, disait-il, le bill de réforme comme une machine dont le secret n'était connu que de ceux qui l'avaient construite, et je n'ai pas pensé qu'il devait avoir pour effet d'exclure aucune portion des sujets de S. M. du service de leur roi. La question de la réforme une fois décidée, tous les Anglais ne pouvaient avoir qu'un seul objet en vue, quels que fussent le principe et l'esprit du bill de réforme ; et je ne savais pas qu'aucune distinction pût être faite entre les soutiens et les adversaires de cette mesure, ou que ces derniers dussent être regardés comme des hommes étrangers au pays et à ses intérêts généraux. Cette allégation, que moi et mes amis nous nous sommes opposés aux ministres réformateurs, implique que la Chambre des communes est divisée en deux parties, les avocats et les ennemis de la réforme. Or j'en appelle aux faits pour montrer que cela n'est pas; moi, antiréformateur, j'ai appuyé, au contraire, le gouvernement, et cela lorsque les réformateurs eux-mêmes l'attaquaient. »

Ici M. Peel citait toutes les questions sur lesquelles il avait voté avec le gouvernement dans les deux dernières sessions. Ces questions, pour la plupart, avaient été soulevées par le parti radical. Sir Robert n'entendait pas dire cependant qu'il considérait comme une condition pour arriver au pouvoir ou pour s'y maintenir, l'adoption d'une marche différente en principe de celle qu'il avait suivie lorsqu'il était dans l'opposition. Ainsi, par exemple, il ne consentirait pas à faire une obligation pour les universités d'admettre les dissidens, mais il les laisserait résoudre elles-mêmes cette difficulté; il ne changerait pas de manière de voir à l'égard du bill sur le temporel de l'église, et refuserait toujours d'appliquer les propriétés ecclésiastiques à des objets non ecclésiastiques. En revanche, il exécuterait toutes les réformes annoncées par le discours de la couronne. Il avouait franchement qu'il n'était pas préparé à présenter une mesure

pour l'établissement d'un registre général des naissances et des décès. Si le discours de la couronne était vague et peu concluant sur les corporations municipales, c'est que la commission chargée d'étudier l'état de ces corporations n'avait pas encore fait son rapport, et qu'il aurait été contraire à toutes les règles que le gouvernement arrêtât, avant d'avoir reçu ce rapport, aucune mesure définitive pour la réforme municipale. Sir Robert rappelait enfin la nomination de la commission ecclésiastique, qui était déjà en activité, comme une preuve de sa volonté d'améliorer sûrement là où il y aurait nécessité de le faire. Tels étaient les principes du gouvernement; telles étaient les mesures promises par le discours de la couronne : et maintenant que signifiait l'amendement? Il n'élevait aucune objection, n'indiquait aucune mesure, ne posait aucun principe; il n'avait pas osé dire un seul mot du vote secret, du rappel de l'acte septennal, du rappel de l'union, parce que l'opposition savait que ces questions cont duiraient tout de suite ses diverses fractions à une rupture ouverte. L'amendement avait été rédigé de manière à embar rasser ceux qui avaient soutenu le bill de réforme et le bill pour l'abolition de l'esclavage, dans l'espoir qu'ils se laisseraient prendre au piége des éloges donnés à ces mesures, aux-, quelles ils avaient concouru et dont ils étaient les plus éminens promoteurs. Enfin, après avoir dit qu'il craignait qu'il y eût impossibilité de former une administration qui pût avoir des titres plus solides à la confiance publique que l'administration actuelle, sir Robert Peel terminait ainsi :

« Dans ces circonstances, je sens que mon premier, món principal devoir, est de garder le mandat qui m'a été confié, et de demander la Chambre d'attendre jusqu'à ce qu'elle ait vu les mesures que le gouvernement est sur le point de proposer. Je vous offre des mesures de réforme ecclésiastiques et civiles. Je vous offre l'arrangement de la question des dîmes en Irlande, la commutation des dîmes en Angleterre et dans le pays de Galles. Je vous offre la réforme de tous les abus démontrés dans l'Eglise. Je vous offre le redressement des griefs dont se plaignent les dissidens, en ce qui concerne le mariage et les autres points importans. Je vous offre la perspective de la continuation de la paix. Vous pouvez rejeter mes offres et accepter celles d'un autre ministère; mais les miennes auraient cet avantage, qu'elles réussiraient probablement mieux, et que je pourrais agir, je crois, avec plus de succès, ́ Ann. hist. pour 1835.

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comme médiateur et restaurateur de l'harmonie entre les deux Chambres. Vous pouvez former d'autres alliances, ou vous coaliser avec divers partis extrêmes; mais le terme viendra où l'excitation populaire s'apaisera, et alors vous n'aurez plus d'autre ressource que de vous appuyer sur ceux dont la marche a été calme et tranquille; alors vous n'aurez plus d'autre alternative que de remettre le gouvernement entre nos mains, ou de recourir à des mesures de violence et de coërcition, qui rendront la réforme inefficace et décideront du sort de la constitution britannique. »>

Lord Stanley trouvait que le discours du trône et celui de sir Robert Peel n'étaient pas, sur le sujet de la réforme municipale, aussi explicites qu'il l'aurait désiré; cependant il ne consentirait pas à condamner les mesures de l'administration avant de les avoir vues. Il attendrait avec patience l'effet des promesses qui avaient été faites; mais il était obligé de dire que la composition du ministère était telle qu'il ne pouvait avoir confiance en lui. Il critiquait l'amendement pour la manière dont il s'exprimait sur la dissolution du dernier parlement, et pour son ambiguité sur la question de l'Eglise irlandaise. M. Stanley voterait donc contre cet amendement, qui contenait beaucoup de choses qu'il approuvait, beaucoup qu'il considérait comme sujettes à objection, et quelques idées qui n'étaient ni sûres ni raisonnables. Suivant Forateur, il engageait la Chambre sur des questions qu'elle était hors d'état de juger, faute d'informations nécessaires; il tendait à produire des effets désastreux pour le pays, ét funestes à la cause de la réforme solide et constitutionnelle, par le renversement soudain et immédiat de l'administration actuelle.

Le docteur Lushington soutint que, malgré la retraite de lord Grey, la sortie de lord Althorp de la Chambre des communes, et la déclaration de M. O'Connell contre les wighs, l'administration de lord Melbourne aurait pu continuer à marcher, et qu'il n'y avait eu aucun motif valable pour la renvoyer. Il ne voyait aucune différence entre le nouveau ministère et celui qui existait en 1829; il ne pouvait espérer que ses membres exécuteraient aujourd'hui des réformes dont ils s'étaient abstenus pendant plusieurs années qu'ils avaient

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