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Lorsqu'on objecta que S. A. R. était responsable de ses actes comme commandant en chef, on répondit qu'il n'était pas naturel de supposer que, s'il devenait jamais nécessaire de l'accuser pour quelques uns de ses actes, la reine permit de procéder contre son époux. D'ailleurs, aussitôt que S. M. serait mère, S. A. R. deviendrait roi en fait et en droit, et alors qué serait-ce que sa responsabilité comme commandant en chef? Quelques membres allèrent plus loin, et imputèrent aux ministres de viser, par cette nomination, à s'assurer une complète domination sur l'armée, et, après la clôture des chambres, à supprimer la liberté de la presse, et à gouverner le pays par le despotisme. D'autres blâmèrent le gouvernement d'avoir placé le prince dans une situation où il était exposé à changer la bonne opinion qui régnait partout jusqu'ici son égard. En résultat, la proposition de nommer une commission chargée d'examiner la question de savoir si S. A. R. pouvait constitutionnellement garder cette place, et de faire un rapport sur cette question, fut adoptée par 45 voix contre 44, malgré l'opposition du ministère.

Mais bientôt cette discussion fut sans objet. Deux mois s'étaient à peine écoulés depuis qu'il avait touché la terre de Portugal, et le jeune prince n'était plus. Atteint dès le 20 mars d'un mal de gorge, il voulut cependant faire, le 22, une partie de chasse par un soleil déjà très-ardent, où il fut vivement incommodé de la sécheresse de l'air, de la poussière et de la chaleur. Le mal, dont les progrès furent aussi rapides que funestes, dégénéra en une angyne laryngée ou polypeuse, contre laquelle l'art des médecins ne pouvait plus rien, et qui se termina le 28 mars d'une manière fatale.

Le jour même de la mort du prince, le commandement en chef de l'armée fut confié temporairement au duc de Terceira; car on n'était pas certain que ce coup inattendu n'entraînerait pas des événemens de nature à troubler la paix du royaume.

Cette mort si subite, si rapprochée de celle du père de la reine, aujourd'hui veuve et orpheline à seize ans, donna aussitôt naissance à des bruits d'empoisonnement, comme de coutume, accueillis sans examen par la multitude, qui s'en prit au duc de Palmella. On avait affiché dans différens quartiers de la ville des placards où il était accusé d'avoir fait empoisonner le prince Auguste pour éviter de rendre compte de deux millions qu'il avait, disait-on, envoyés aux miguélistes, et afin de marier son fils à la reine; on lui prêtait aussi l'intention d'abolir la constitution, comme chose convenue avec le duc de Wellington. Le peuple rassemblé, le 29 mars, devant l'hôtel du ministre, criait : « A bas Palmella! mort au traître!» Le duc de Terceira résolut de tenir tête aux mutins; il se présenta donc à eux et leur dit, en découvrant sa poitrine : « Me reconnaissez-vous? je suis le duc de Terceira. Tuez-moi; je le mérite pour avoir délivré des gens tels que vous. » La foule, où se trouvaient beaucoup de gardes nationaux, parut sensible à ce reproche, et, honteuse de se l'être attiré, se dispersa peu à peu. Cependant, dans la même soirée, un député ministériel fut encore assailli par la populace, blessé à la joue d'un coup de baïonnette, et presque mis en danger de périr. Plusieurs miguélistes qui avaient été reconnus, furent aussi maltraités; mais le calme se rétablit plutôt par la bonne volonté du peuple que par la force armée.

Cette émeute n'en indiquait pas moins que M. de Palmella était toujours l'objet de la défaveur publique, quoique le ministère eût subi vers la fin de février un changement qui avait fait disparaître l'un des griefs auxquels l'opposition s'était le plus obstinément attachée : l'évêque de Coïmbre (don Fran cisco de san Luz ), qui fut élevé à la pairie, ayant donné sa démission de ministre de l'intérieur, M. Freire quitta la marine pour prendre l'intérieur, M. de Villaréal passa des affaires étrangères à la marine, et enfin le duc de Palmella se chargea du département occupé précédemment par M. de Villaréal.

De cette manière le nombre des ministres était réduit à six, et M. de Palmella, dont la nomination à la présidence du conscil sans portefeuille avait été si vivement attaquée dans la session précédente, sortait de sa position équivoque.

Au reste, quelle que fût la violence de l'antipathie, ou, si l'on veut, des préjugés populaires contre M. de Palmella, et des hostillités auxquelles il était exposé dans la Chambre des députés, la majorité de cette Chambre n'avait pas cessé de prêter son appui au ministère et de suivre la ligne politique qu'il s'était tracée. C'est ainsi que plusieurs propositions émanant de l'opposition avaient été successivement rejetées dans le courant du mois de mars, et entre autres celles qui tendaient soit à demander la dissolution de la Chambre, soit à permettre aux ecclésiastiques de se marier, soit à recommander à la reine le renvoi des ministres, soit enfin à exclure les miguélistes de tout emploi public. Dans cette dernière circonstance, toutefois, l'opposition n'avait pas complétement échoué; elle avait obtenu qu'un message fût adressé à la reine pour la prier de renvoyer, par mesure administrative, tous les fonctionnaires de l'ancien gouver

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La mort du prince de Leuchtemberg appela l'attention du ministère et des Cortès sur des questions d'un intérêt plus pressant, sur le veuvage de la reine et la succession au trône, qui venaient encore une fois compliquer les affaires, assez embarrassées déjà, du Portugal. Ce nouvel état de choses était propre à relever les espérances des partisans de don Miguel. Encouragés par la prolongation de la guerre civile en Espagne, ils ne laissaient pas que de remuer sur plusieurs points du royaume, bien que leur force, comparée à celle du gouvernement, fût trop inférieure pour l'inquiéter. Là où ils avaient commencé à exciter des alarmes, ils s'étaient vus en butte aux violences du peuple. Privé de l'appui des moines qui, autrefois riches et influens, étaient maintenant presque réduits à la mendicité, et dépouillé du prestige

de la puissance et de la fortune, don Miguel ne pouvait plus guère être redoutable pour le parti de dona Maria.

Néanmoins il importait, et pour contenir les miguelistes et pour couper cours à toutes les intrigues, à toutes les rivalités qui ne manqueraient pas de surgir autour d'une reine encore si jeune et sans expérience, qu'elle ne restât pas longtemps isolée sur son trône; aussi reçut-elle, dans le courant d'avril, des messages de la part des deux Chambres pour la supplier de contracter sans délai un second mariage, et, dans l'intérêt du pays, de vaincre sa répugnance à cet égard. Dona Maria répondit à peu près dans les mêmes termes à ces messages dictés par la nécessité politique : elle était reine et Portugaise, et, en vertu de ces deux qualités, les Chambres devaient et pouvaient attendre d'elle le sacrifice que réclamait la patrie.

Les Cortès accordèrent sans difficulté l'autorisation que le gouvernement était tenu de leur demander de déroger à l'article go de la Charte, qui défendait à la reine d'épou ser un prince étranger. Une proposition avait bien été faite pour que le choix de S. M. fût soumis à l'approbation des Chambres; mais elle avait été rejetée. Au reste, dans le discours que M. de Palmella prononça à cette occasion devant la Chambre des pairs, il déclara que c'était le devoir du gouvernement de faire tous ses efforts pour que ce choix tombât sur un prince qui, sous le rapport de la 'parenté, fût lié aussi peu que possible avec les familles royales des pays gouvernés par un système opposé à celui qui régissait le Portugal.

que

Quant aux autres questions d'une importance particulière les Chambres avaient eues à examiner, nous allons les retrouver énumérées dans le discours par lequel la reine fit, le 22 avril, la clôture de la session (voyez l'Appendice).

«Les lois que vous avez présentées à ma sanction royale, disait S. M., éta blissent les principes jugés nécessaires pour mettre à exécution dans tout le 41

Ann, hist. pour 1835.

royaume la nouvelle réforme judiciaire; celles qui concernent le nouveau système monétaire décimal du royaume, et qui ont pour objet d'améliorer la perception de la dime et des taxes qui s'y rattachent, ainsi qu'une foule d'autres matières dignes de votre attention, sont autant de témoignages de votre sagesse et de votre amour du pays. Je dois en outre faire une mention particulière non seulement de la loi sur les indemnités, dans laquelle vous avez eu le mérite de concilier la justice due aux parties lésées avec l'ordre et la tranquillité de la nation, mais aussi de la mesure capitale concernant la vente des biens nationaux, mesure qui, féconde en richesses immenses, ouvrant les premières sources de la prospérité et consolidant les institutions d'où dérivent des résultats si avantageux, suffirait à immortaliser l'ère de la restauration de ces royaumes. »

La reine remerciait ensuite spécialement les Cortès des votes de confiance qu'elles avaient accordés à son gouvernement, et qui lui donnaient plein pouvoir de procéder à un examen statistiqne général du pays, pour ouvrir et faciliter les communications intérieures, améliorer l'instruction publique, effectuer la nouvelle division territoriale du royaume, et pour constituer enfin l'administration publique dans toutes ses branches.

La multiplicité des affaires que les Cortès avaient eues à traiter n'ayant point permis d'examiner le budget, les taxes actuelles continueraient à être perçues conformément à l'article 137 de la Charte.

La nouvelle division territoriale, dont la reine venait de parler, fut établie par un décret du 25 avril, qui partageait le royaume en districts, et les districts en communes, dont chacune se composait d'une ou de plusieurs paroisses. Dans chaque district il y aurait un gouverneur civil; dans chaque commune, un administrateur; dans chaque paroisse, un commissaire. Chacun de ces fonctionnaires serait assisté par un conseil électif, appelé junte générale dans les districts, conseil municipal dans les communes, et junte paroissiale dans les paroisses. Chaque district aurait, de plus, un conseil permanent appelé conseil de district. Il résultait de ce décret, que les provinces de Minho, Tras-os-montes, AltaBeira, Beixa Beira, l'Estremadoure, l'Alemtejo, des Algarves, comprenaient 17 districts, 799 communes et 791,757 maisons. Le territoire d'outre-mer, c'est-à-dire les Açores,

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