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deux partis, c'était celle de la succession du feu comte de Rothenbourg, dernier rejeton de la ligne collatérale de Hesse-Cassel. Les vastes domaines, les droits féodaux de ce seigneur, étaient réclamés à la fois par les États comme propriété publique, et par l'électeur de Hesse comme bien de famille. Il invoquait les traités établis entre la ligne principale et la ligne collatérale, et en vertu desquels tout l'héritage du landgrave de Rothenbourg devait échoir, après sa mort, à la maison électorale. Ses droits, disait-on, avaient été acquis antérieurement à la Constitution, et n'avaient pu être ni modifiés, ni détruits par elle; d'autant plus que le comte de Rothenbourg n'avait jamais voulu la reconnaître. Les États répondaient que la Constitution formait la nouvelle loi du pays; qu'elle était une véritable transaction entre le prince et le peuple sur tout ce qui aurait donné, sans elle, ouverture à contestation. Or la Constitution disait clairement que la succession de la couronne devenait acquisition de l'état. Il ne dépendait d'ailleurs de qui que ce fût de soustraire sa personne ou ses biens à l'empire de la Constitution. L'opposition du comte de Rothenbourg ne pouvait empêcher la Constitution de régir le territoire hessois tout entier, ni les propres sujets de ce seigneur d'être affranchis du servage féodal, comme tous les autres citoyens de la Hesse électorale. Cependant un ministre du prince co-régent s'était déjà mis en possession, au nom de son maître, de la principauté de Rothenbourg. C'est dans cet état que l'affaire arriva devant l'assemblée, qui en renvoya l'examen à une commission; celle-ci fit un rapport dans lequel elle concluait à ce que le ministre fût mis en accusation pour se voir condamner à des dommages et intérêts, et en outre aux peines portées par la loi criminelle contre une pareille infidélité.

Sur ces entrefaites, une rixe sanglante, qui avait éclaté au mois de février, entre des habitans de la Hesse et des soldats prussiens, à Bockenheim, devint une nouvelle cause de scis

sion à Cassel. Les États réclamèrent des renseignemens sur ce funeste événement. Des interpellations qui furent en cette occasion adressées au ministère, il résultait que les soldats prussiens s'étaient portés aux excès les plus condamnables, sans aucune provocation de la part des citoyens qui en étaient devenus les victimes.

Enfin, en vertu de l'égalité devant la loi, proclamée par la Charte, l'assemblée demanda que les terres nobles fussent imposées comme les autres, et qu'en général le système de contribution foncière fût basé sur le principe d'égalité écrit dans l'acte constitutionnel.

Le gouvernement repoussa vivement ces demandes, en s'exprimant dans les termes les plus aigres sur la tendance désorganisatrice des représentans. Dans le cours des débats qui s'élevèrent à ce sujet, M. de Hassenpflug, ayant déclaré qu'un ministre était l'instrument du prince, il répondit lorsqu'on lui eut objecté qu'il devait exister une différence entre un ministre constitutionnel et un ministre d'un gouvernement absolu, que la différence consistait en ceci : que le ministre constitutionnel était plus souvent exposé aux invectives des rhéteurs politiques. On peut juger par cet incident du degré d'acrimonie que les discussions avaient contracté. Quant à l'affaire de Bockenheim, l'envoyé prussien ayant cru devoir se plaindre de la manière dont les États s'étaient exprimés, le gouvernement non seulement refusa les renseignemens demandés, mais il blâma en termes fort sévères le langage qui avait été employé. Les États se préparaient à rédiger des remontrances contre cette déclaration, lorsque cette lutte, qui s'envenimait de plus en plus, se termina, encore une fois, le 6 avril, par une brusque dissolution de l'assemblée.

Le nouveau différend qui donna ce fâcheux dénouement à la session, roulait sur le point de savoir si les États étaient fondés dans leur prétention de modifier à leur gré le recès, ou résumé des travaux législatifs, par lequel le gouverne→

ment termine les sessions dans tous les pays constitutionnels en Allemagne. L'assemblée de Hesse-Cassel soutenait que la preuve du droit qu'ils ont d'intervenir dans la rédaction de cet acte, résulte de ces mots qui s'y trouvent : «< avons résolu de concert avec les États, etc. », et de la disposition de la Charte, qui veut que le recès soit approuvé et signé par eux. De son côté, le gouvernement, présentant le recès pour clore la session, voulait interdire à l'assemblée de délibérer sur ce discours; car cette délibération pourrait se prolonger à la volonté de l'assemblée, et empêcher ainsi que la clôture n'eût réellement lieu. C'est de fait ce qu'on venait de voir. L'assembléc, en discutant le recès, était revenue sur les projets de loi rejetés par le prince co-régent, et elle avait refusé son approbation à ce recès, comme le prince sa sanction aux résolutions des États. De cette manière, il s'était établi entre les députés et les ministres une nouvelle discussion sur tous les points litigieux qui avaient marqué cette session, ct, ni les uns ni les autres ne voulant céder, le gouvernement trancha la difficulté par une ordonnance de dissolution, avec une aigreur de formes et de paroles que partageaient la plupart des membres de l'assemblée.

Dans cet état de désaccord flagrant entre la représentation nationale et le gouvernement de Hesse-Cassel, il est remarquable que cette affaire n'ait pas été portée au tribunal arbitral de la Confédération germanique.

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Une ordonnance que l'on peut considérer comme un résultat de la dernière session législative, où l'abolition totale de la peine de mort avait été proposée, mais rejetée, a réglé, en Saxe, le mode d'exécution des condamnations capitales d'une manière plus conforme à l'esprit de la civilisation moderne. On a supprimé toutes les formalités, fort pénibles pour les patiens, qui étaient encore en vigueur, et qui da

taient du moyen-âge; l'habillement particulier dont ils étaient revêtus, et l'admission du public auprès d'eux pendant leurs derniers jours. La question, souvent agitée en Saxe dans ces derniers temps, de savoir s'il fallait laisser des ecclésiastiques accompagner les condamnés jusqu'à l'échafaud, avait été décidée négativement; toutefois un ministre du culte devrait se trouver sur la place de l'exécution pour donner au criminel les secours de la religion, s'il les demandait.

Les Saxons commençaient à se louer des mesures prises dans la dernière session. Les impôts, il est vrai, n'étaient pas encore diminués, mais le système des recettes avait été changé, et les contribuables en ressentaient déjà quelque soulagement. Les terres nobiliaires, jusqu'ici exemptes d'impôts, payaient maintenant leur part des taxes communes; c'était du moins un progrès vers une répartition plus égale des charges de l'état.

Dans le mouvement industriel et commercial qui se faisait sentir d'une manière de plus en plus remarquable en Saxe, les efforts de la spéculation ne pouvaient manquer de se porter sur les chemins de fer. Il en était question, au reste, dans presque toute l'étendue de la Confédération germanique, et l'émulation qui régnait à cet égard forçait les intérêts politiques à s'effacer derrière les intérêts matériels. La Prusse, qui avait tant remué l'Allemagne depuis plusieurs années, pour en faire entrer successivement toutes les parties dans son association commerciale, se plaçait partout à la tête de ces entreprises, destinées à mettre en communication les états déjà liés par la commune législation des douancs. La Saxe y contribuait pour sa part, dès ce moment, par l'établissement d'un chemin de fer de Leipzig à Dresde, dont on calculait que la construction demanderait trois ans.

Les négociations entamées depuis long-temps relativement à un traité d'union entre le duché de Brunswick et le royaume

de Hanovre, pour tout ce qui concerne un même système

de douanes et d'impôts à suivre, ont été terminées cette année. L'adoption, par les Chambres des deux états, du traité conclu dans ce but, est le fait le plus saillant que nous ayons à relever dans leur session.

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