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Dans la soirée du 4, ces scènes se renouvelèrent. Le peuple s'attroupa aux mêmes endroits que la nuit précédente; il poussa des vociférations contre la troupe, contre la police, et montra la plus grande exaspération. Toutefois, la foule était moins nombreuse que la veille, une bonne partie des ouvriers étant retournée à ses occupations habituelles. De son côté, le gouvernement s'était mis sur ses gardes, en doublant les postes et en plaçant des forces imposantes aux lieux les plus menacés. Malgré toutes ces dispositions, quelques nouveaux excès furent commis, et beaucoup de fenêtres brisées; mais les rassemblemens ne tardèrent pas à se dissiper devant les charges de la cavalerie, et heureusement sans qu'on eût été obligé de tirer sur le peuple.

Berlin n'avait pas encore vu de troubles aussi graves, et, bien qu'ils n'eussent aucun caractère politique, une ordonnance, rendue par le roi le 17 août, et contresignée par tous les ministres, peut donner une idée de l'impression qu'ils avaient faite sur le gouvernement. Après avoir défendu de crier et de siffler, cette ordonnance portait que les étrangers pris au milieu des groupes seraient traités comme vagabonds; que les individus surpris les armes à la main ou nantis d'instrumens dangereux, donneraient lieu au déploiement de la force armée, qui pourrait tirer sur eux sans sommation; que la pénalité contre la révolte s'étendrait jusqu'à la peine capitale; que, dans le cas où les sommations d'un officier ou d'un sous-officier à la tête d'un détachement ne suffiraient il y aurait un roulement de tambour, et, si ce dernier ordre était méconnu, si les groupes ne se séparaient, la troupe ferait usage de ses armes ; qu'elle repousserait les voies de fait en faisant aussi usage de ses armes; que les spectateurs ne seraient pas regardés comme inoffensifs, si, après les sommations de la force armée, ils ne s'étaient pas retirés; et, enfin, que l'instruction de ces affaires serait faite sommairement.

pas,

La sévérité de ces dispositions et d'autres mesures de précaution, laissaient à penser qu'on n'était pas entièrement sans inquiétude à Berlin sur le renouvellement des désordres du 3 et du 4 août; cependant la tranquillité de cette capitale ne fut plus troublée, et, quelques jours après, le roi avec sa famille partit pour la Silésie, où une grande revue militaire eut lieu à Kapsdorff (entre Breslau et Schweidnitz), avant celle qui devait réunir les monarques de Prusse et de Russie à Kalisch, ainsi que les troupes des deux nations. Cette réunion, dont nous parlerons plus en détail au chapitre de Russie, n'était elle-même qu'un préliminaire d'une entrevue de ces mêmes monarques avec l'empereur d'Autriche à Toeplitz (voyez ci-dessus, page 421).

Le système de douanes prussien a fait cette année trois conquêtes importantes par l'accession de Bade, de Nassau et de Francfort. Ainsi s'élargissait de plus en plus, comme il avait été facile de le prévoir, le cercle de cette association commerciale; elle s'étendait maintenant sans interruption du côté de la France, et sur environ 1,200 milles allemands de frontières touchant à la Baltique, à la Pologne et à la Russie, à l'Autriche, à la France, au Luxembourg, à la Belgique, à la Hollande, à la Suisse et aux États allemands. non encore compris dans l'union; elle comptait seulement 1,050 milles de lignes de douanes, au lieu de plus de 3,000 milles que présentaient auparavant les divers pays qu'elle

embrasse.

BAVIÈRE.

Un concordat avait été fait, en 1817, entre la cour de Rome et le roi de Bavière, par lequel ce prince s'était engagé à rétablir et à doter convenablement des monastères d'ordres religieux des deux sexes, soit pour l'éducation religieuse de la jeunesse et pour son instruction scientifique, soit pour le salut des âmes et le soin des malades. Déjà, conformément à

cette stipulation, environ cinquante hospices et monastères d'hommes et de femmes avaient été rétablis en Bavière depuis l'avénement du roi Louis; et, cette année encore, la restauration de l'ordre des bénédictins est venue annoncer que le gouvernement bavarois se proposait de plus en plus de ressusciter ces institutions du moyen-âge.

En Bavière, comme dans les autres états allemands, défense fut faite aux ouvriers, conformément à la résolution de la Diěte germanique, dont il a été question plus haut (page 413), de se rendre en France, en Belgique, en Suisse et en Angleterre. Le conseil des cercles de la Bavière rhénane réclama auprès du roi contre cette défense, alléguant qu'elle ne reposait sur aucune base légale, et qu'elle attaquait la liberté individuelle, ainsi que le droit illimité de s'instruire dans les contrées où l'industrie est le plus développée. Le roi répondit que non seulement il ne pouvait se déterminer à révoquer cette défense, mais qu'il se réservait en outre de prendre d'autres mesures pour déjouer les projets d'un parti qui s'efforçait ouvertement de renverser l'ordre existant et de détourner les jeunes gens de leurs études, afin d'en faire les instrumens de ses coupables desseins.

Par ces nouvelles mesures, le roi entendait sans doute les statuts des trois universités du royaume, qui furent publiés dans le mois de juin, et qui ne laissaient rien subsister des franchises et des coutumes universitaires, au moyen desquelles les étudians ont pu souvent jouer un rôle politique en Allemagne.

L'état de la Grèce, qui n'était nullement paisible, comme on le verra plus loin, décida le roi Louis à se mettre en route le 21 novembre, pour entreprendre un voyage dans ce pays, où l'appelaient les intérêts du trône de son fils, et aussi le désir de voir la terre classique des Hellènes, de contempler leurs vieux monumens et de visiter tant de lieux d'une si grande célébrité.

WURTEMBERG.

Une courte session, commencée le 27 novembre et terminée le 19 décembre, a réuni les Etats du Wurtemberg pour discuter quelques projets de loi élaborés depuis leur dernier ajournement à la fin de 1833. Cette session n'a offert quelque intérêt que par les motions de M. Pfizer dans la Chambre des députés, pour maintenir la constitution du royaume intacte en présence des résolutions de la Diète germanique. A cet effet, il proposa de protester contre l'établissement du tribunal arbitral ordonné par la résolution fédérale du 31 octobre 1834, en déclarant que la Diète germanique n'avait aucun droit de s'immiscer dans les affaires intérieures des états constitutionnels, et que la Chambre ne reconnaissait point le tribunal arbitral comme un moyen convenable et légal de juger les différends qui pourraient s'élever entre un gouvernement et une assemblée législative, Le même membre proposa également de protester contre les dispositions restrictives de la liberté de la presse, et contre l'atteinte portée aux priviléges des universités. Ces motions rencontrèrent de chaleureux partisans dans l'enceinte de la Chambre; mais, en définitive, elles furent rejetées.

BADE.

La session des états de Bade a été ouverte le 31 mars par le grand-duc en personne, qui a prononcé à cette occasion un discours où il disait que le tribunal arbitral, dont la formation avait été arrêtée dans les conférences de Vienne (voyez 1834, page 371), offrirait un moyen certain de s'arranger à l'amiable, lorsque des dissentimens s'éleveraient entre les gouvernemens et les Etats sur le sens des constitutions ou sur les bornes de la coopération des États et les droits des gouvernans, pour autant que la divergence des opinions à cet égard ne saurait être aplanie par aucune voie

constitutionnelle. Toutefois, le grand-duc s'abandonnait à l'espoir que, comme toujours, lui et les États pourraient à l'avenir régler leurs affaires d'un commun accord et d'une manière amicale. Passant aux négociations relatives à l'accession de Bade au système de douanes prussien, il annonçait que, si elles n'avaient pas encore atteint leur but, on devait l'attribuer à la difficulté de trouver une base d'arrangement satisfaisante pour le grand-duché. S. A. ajoutait que rien ne serait négligé pour surmonter les obstacles qui s'opposeraient à cette institution vraiment nationale, et que, pendant la session actuelle, les États connaîtraient le résultat de ses soins à ce sujet.

Dans son adresse en réponse à ce discours, la Chambre des députés déclara qu'elle avait accueilli avec reconnaissance les paroles de S. A. touchant le tribunal arbitral; paroles qu'elle interprétait de telle sorte que ce tribunal, dont l'établissement l'avait remplie d'inquiétude et qui semblait même menacer les libertés constitutionnelles, ne serait compétent qu'après le consentement préalable des Etats et du gouvernement. Or, comme la Charte badoise indiquait elle-même les voies à suivre pour rétablir l'harmonie entre le gouvernement et les États, si jamais elle pouvait être sérieusement troublée, il était à espérer, disaient les députés, qu'en Bade, le tribunal arbitral, composé seulement de représentans du principe monarchique, ne deviendrait jamais compétent.

La question capitale à traiter dans cette session était celle de l'adhésion du grand-duché au système de douanes prussien. Le traité qui consacrait cette adhésion, ayant été enfin signé le 12 mai à Berlin, il fut soumis sans retard à la Chambre des députés par le ministre des finances, M. de Boeckh, dans le discours duquel on remarqua le passage

suivant :

« Ce n'est pas sans mûre réflexion, ni sans un examen approfondi de la matière, que nous sommes entrés dans la grande association commerciale. Cette union, qui embrasse vingt millions d'habitans environ, est organisée

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