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par l'effet du traité de 1301 que le bailliage de Bar a été assujetti au ressort envers les rois de France; qu'il ne l'a été que par l'effet de la prescription qu'ils en ont acquise depuis l'an 1475; que même, pendant long-temps, cette prescription ne leur a pas donné un droit exclusif à ce ressort; et que ce droit exclusif ne leur a été attribué que par le concordat de 1571.

» Faut-il s'étonner, d'après cela, que depuis 1301 jusqu'en 1541, le gouvernement français ait constamment traité les ducs de Bar comme souverains du Barrois mouvant; et qu'en 1508, le parlement de Paris lui-même les ait jugés tels? Que manquait-il aux ducs de Bar, dans tout ce long intervalle, pour être effectivement souverains de cette partie de leurs États? L'exemption de l'hommage lige. Mais on peut être soumis à l'hommage lige, et n'en être pas moins souverain : c'est une vérité que nous avons portée jusqu'au plus haut degré d'évidence, et que la demanderesse elle-même ne conteste plus.

» La dernière ressource de la demanderesse est donc de prétendre que le concordat de 1571, en assujettissant le Barrois mouvant au ressort envers le parlement de Paris, a dépouillé les ducs de Bar de leur qualité de souverains de cette contrée. Mais y pense-t-elle sérieuse

ment?

» D'abord, le ressort n'est pas plus incompatible que l'hommage lige avec la qualité de souverain et non seulement cela résulte, en these générale, de tout ce que nous avons dit plus haut; mais cela est encore jugé formelle ment, pour les ducs de Bar eux-mêmes, par l'arrêt du parlement de Paris, du 21 juillet 1508; car le comté de Ligny, dont il est question dans cet arrêt, était alors, et il était depuis deux siècles, au nombre de ces certaines terres, de ces aucunes villes, que Philippe de Valois avait déclaré, en 1344 et 1346, être les seuls lieux du comté de Bar qui ressortissent devant ses juges; et cependant, par cet arrêt, il a été jugé, de la manière la plus précise, que le duc de Bar était souverain du comté de Ligny.

» Ensuite, le concordat de 1575, bien loin de dépouiller le duc de Bar de sa qualité de souverain, la lui confirme expressément, puisqu'il le maintient dans tous les droits de régale et souveraineté dans le Barrois mouvant, à la seule exception du dernier ressort de la justice.

» Que le parlement et la chambre des comptes de Paris aient, pendant quelque temps, résisté à ce concordat, qu'est-ce que cela prouve? Que ces cours étaient rebelles à l'autorité du monarque, et rien de plus. - Le TOME II.

parlement de Paris apporta bien une autre résistance au fameux concordat passé en 1516, entre le pape Léon X et le roi François Ier : il eut même la hardiesse, en l'enregistrant ex ordinatione et præcepto domini nostri regis reiteratis vicibus facto, d'arrêter que, par la suite, il continuerait de juger suivant la pragmatique-sanction de 1498, tous les procés concernant les bénéfices ecclésiasti ques; et il tint parole peu de temps après, en maintenant dans l'archevêché d'Albi le sujet élu par le chapitre, au prejudice de celui qu'avait nommé le roi (1). Mais quelle fut l'issue de cette lutte indécente? Le concordat français en demeura-t-il moins loi de l'État jusqu'au décret du 12 juillet 1790, sur la constitution civile du clergé ?-Au surplus, la demanderesse convient, page 54, que le parlement avait fini par rendre hommage au concordat de 1571, et à la déclaration de 1575; qu'était-il donc besoin de faire sonner si haut la résistance que cette cour avait d'abord opposée à ces lois?

» C'est, dit-on, parceque de là il résulte que le concordat de 1571 était, de la part du roi Charles IX, une véritable aliénation de ses droits de souveraineté.-Telle était en effet la prétention du parlement de Paris. Mais combien il avait lui-même changé d'opinion sur ce point! Combien était manifeste la contradiction dans laquelle il se mettait luimême avec ce qu'il avait jugé en 1508! Et cette prétention était-elle soutenable à la vue du traité de 1301, qui ne donnait au roi qu'un droit d'hommage lige sur la chastellerie de Bar; des lettres patentes de Philippe de Valois, du 9 mai 1346, qui reconnaissaient les comtes de Bar pour vrais et souverains seigneurs de leur comté; —de l'édit du roi Jean, du 19 mars 1350, qui assimilait le duché de Bar, non-seulement au duché de Bretagne et au comté de Flandre, mais encore au Cambresis et au comte de Namur ;―et de l'adhésion donnée en 1389, par Charles VI, aux lettres patentes par lesquelles le duc Robert s'était réservé, en 1388, la souveraineté sur la terre d'Ancerville?

» Eh! comment peut-on, de bonne foi, insister aujourd'hui sur une prétention aussi étrange? Comment peut-on encore surtout contester au concordat de 1571 la qualité de transaction sur procès, tandis qu'il n'est fait, comme il le porte expressément, que pour mettre fin à tous procès et différends, tant mús qu'à mouvoir, à raison desdits droits de régale et souveraineté?

(1) V. l'article Concordat.

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» Il serait, au surplus, bien indifférent que ce concordat n'eût pas le vrai caractère d'une transaction; il le serait même encore que ce concordat ne fût, de la part du roi Charles IX, qu'une aliénation de ses droits de souveraineté. Dans ces deux suppositions, aussi gratuites, aussi fausses l'une que l'autre, il nous resterait encore à dire que ce concordat aurait été érigé en convention diplomatique proprement dite, par le traité de Ryswich du 30 octobre 1697; traité qui, certainement, est aussi obligatoire pour la France que pour les autres puissances qui l'ont signé, et dont Louis XIV a d'ailleurs ordonné l'exécution par sa déclaration du 23 juin 1698, enregis. trée au parlement de Paris le 2 juillet sui

vant.

» Et que la demanderesse ne croie pas éluder ce traité, sous prétexte que le concordat de 1571 ne serait pas nommément compris dans la disposition qui prescrit l'observation exacte des concordats précédemment passés entre les rois de France et les ducs de Lorraine il y est compris, puisqu'il n'en est pas excepté; et c'est un point jugé solennellement par un arrêt très célèbre du conseil du 7 mai 1720, qui sera joint à ce mémoire. Après avoir visé, comme motif de sa décision, le traité passé entre le roi Charles IX et Charles III, duc de Lorraine, le 23 janvier 1571, ainsi que la déclaration donnée par le roi Henri III, le 8 août 1575, en explication dudit traité, cet arrêt vise en même temps l'art. 41 du traité conclu à Ryswich, entre le feu roi, l'empereur et l'Empire, portant qu'on maintiendra aussi dans leur ancienne force et vigueur les concordats faits entre les rois très-chrétiens et les ducs de Lorraine, sans y

contrevenir.

>> Et! qu'importe que, dans le concordat de 1571, il ne soit parlé, relativement à la libre et paisible jouissance de tous droits de régale et de souveraineté, que du sieur duc de Lorraine et de Bar, tant lui que ses descendans? Qu'importe que, d'après ces termes, les héritiers collatéraux du duc de Bar n'eussent pas pu se prévaloir de cette transaction? Tout ce qui résulte de là, c'est, de deux choses l'une, ou que la question serait restée entière par rapport aux héritiers collatéraux du duc de Bar, ou que, si elle eût été implicitement décidée contre eux par les expressions dont il s'agit, le duc de Bar aurait consenti, pour mettre fin au procès, et conséquemment par forme de transaction, que ses droits de souveraineté sur le Barrois mouvant s'éteignissent avec sa descendance. Mais vouloir nférer de là que le duc de Bar et ses descen

dans n'ont pas été maintenus par le concordat dans leur qualité de souverains du Barrois, c'est une véritable inconséquence.

>> C'en est encore une que de soutenir que le parlement de Paris n'a pas reconnu, par ses arrêts des 4 décembre 1581 et 20 mars 1585, le droit qu'avaient les ducs de Bar de faire des lois dans le Barrois mouvant.

>> Quoi! rejeter l'appel des lettres-patentes du duc Charles III, qui ordonnent la réformation de la coutume du bailliage de Bar; rejeter l'appel des lettres-patentes du même prince qui confirment la nouvelle rédaction de cette coutume, et veulent qu'elle soit exécutée comme loi certaine et inviolable; ordonner que cette nouvelle coutume sera mise au greffe, ainsi que l'on a accoutumé de faire recevoir et mettre au greffe les coutumes qui sont arrêtées par l'ordonnance et sous l'autorité du roi; ordonner la même chose pour la coutume du bailliage de Bassigny, comprise dans un cahier qui renferme à la fois et les lettres - patentes du duc de Bar qui en commandent la rédaction, et celles qui, après sa rédaction, ordonnent qu'elle sera entretenue, gardée et observée pour loi et coutume certaine et inviolable, avec défense de plus articuler ni faire écrire dorénavant et pour l'avenir autres coutumes; ce n'est pas reconnaître que le duc de Bar est investi, dans le. Barrois mouvant, de la puissance législative! Quel étrange, quel incroyable systeme!.... (1).

» Mais les arrêts de 1581 et 1585, en ordonnant la mise au greffe des coutumes de Bar et de Bassigny, en les assimilant en termes exprès aux coutumes rédigées de l'autorité du roi, n'ont pas seulement jugé que le duc de Bar était législateur dans le Barrois mouvant; ils ont encore jugé, quoi qu'on en dise, que le duc de Bar avait, dans le Barrois mouvant, le droit de paix et de guerre: car ils ont approuvé les dispositions de ces coutumes qui obligent les vassaux du duc de le servir en armes ès guerres qu'il pourrait avoir contre les ennemis de son pays.

» Sans doute cette obligation était un droit féodal; mais ce droit féodal, à qui était-il, dans le seizième siècle, permis de l'exercer? Aux souverains, et aux souverains seuls. Depuis l'abolition des guerres privées, les seigneurs, même du premier ordre, ne pouvaient plus convoquer leurs vassaux en armes et les faire marcher en expéditions militaires contre leurs propres ennemis, contre les ennemis de leurs seigneuries particulières; ils

(1). l'article Coutume.

ne pouvaient les convoquer et les faire marcher que contre les ennemis de l'État, et lorsqu'ils étaient eux-mêmes convoqués à cet effet par le roi, en vertu du droit de ban. Or, les coutumes de Bar et de Bassigny ne disent pas que les vassaux du duc de Bar sont tenus de le servir en armes ès guerres que le roi son suzerain pourrait avoir contre les ennemis de la France (comment même pourraient-elles le dire? Jamais le Barrois mouvant n'a été assujetti envers la France au service du ban et de l'arrière-ban; cela est énoncé comme un fait notoire et incontestable, dans l'arrêt du conseil déjà cité du 7 mai 1720); mais elles disent que les vassaux du duc de Bar sont tenus de le servir en armes ès guerres qu'il pour rait lui-même avoir contre les ennemis de son pays, c'est-à-dire, contre tous ceux qui se mettraient en état d'hostilité à l'égard du pays gouverné par ces deux coutumes, à l'égard du Barrois mouvant.

» Et n'est-ce pas sur le fondement que le duc de Bar avait le droit de guerre dans le Barrois mouvant, qu'en 1508, le parlement de Paris avait jugé qu'il lui était permis d'assembler des troupes et de les faire agir pour faire cesser les voies de fait exercées par ses vassaux contre son autorité? N'est-ce pas parcequ'il avait le droit de guerre, que lui seul tenait garnison dans les villes et forteresses du Barrois mouvant?

» Nous disons lui seul, et c'est un fait que l'on n'a jamais conteste; c'est un fait auquel on ne saurait pas opposer même un exemple du contraire. Non, il n'y a pas d'exemple que les rois de France aient, hors les cas de guerre contre les ducs de Bar, mis garnison dans les villes et forteresses du Barrois mouvant. Eh! ne voyons-nous pas, en 1454, Charles VII demander aux officiers de la chambre des comptes et du conseil du duc René, à Bar, la permission de faire cantonner ses troupes dans le Barrois? Ne voyons-nous pas, en 1483, en vertu de l'ordre de Charles VIII de restituer le Barrois au successeur de René, les troupes de ce monarque évacuer le château de Bar? Ne voyons-nous pas, en 1698, les troupes françaises qui accompagnaient Élisabeth-Charlotte d'Orléans, s'arrêter à la frontière du Barrois, et faire place aux troupes lorraines? Ne voyons-nous pas, en 1729, le duc François-Étienne envoyer Bar quatre compagnies de sa garde pour y vivre en discrétion pendant deux mois? Et si tout cela ne caractérise pas le droit de guerre, que l'on nous dise donc en quoi pourrait consister ce droit terrible, et qui assurement ne peut appartenir qu'aux souverains?

à

» Pour revenir au pouvoir législatif, il est difficile de regarder comme sérieuses les réponses que fait la demanderesse à l'arrêt du conseil du 9 septembre 1623.-Cet arrêt décide, de la manière la plus précise, que deux lois générales de la France, l'édit de Nantes, de 1598, et l'édit des insinuations ecclésiastiques, étaient sans autorité dans le Barrois mouvant; et la demanderesse ne trouve dans cette décision rien que d'insignifiant, 1o parceque, relativement à l'exécution de l'edit de Nantes dans le Barrois, cet arrêt ne regle qu'un fait de police; 2o parceque, relativement aux insinuations ecclésiastiques, il décide seulement que le roi ne pouvait, comme dans beaucoup d'autres provinces, y établir des impôts.

» Mais, 10 si le Barrois mouvant eût été, de plein droit, assujetti aux lois générales du royaume, les lois de police du royaume auraient dû y être exécutées comme toutes les autres. Or, l'arrêt du conseil du 9 septembre 1623 juge que l'édit de Nantes n'est pas obligatoire pour les habitans du Barrois mouvant: il juge donc que les habitans du Barrois mouvant ne sont pas soumis aux lois générales de Ia France.

» 2o. L'édit des insinuations ecclésiastiques n'établissait pas un impôt proprement dit; il prenait des mesures pour assurer la date des actes relatifs à l'église; et il n'y a certainement pas de province en France où le roi n'eût le pouvoir de faire un pareil établissement. Le privilege qu'avaient les pays d'états de n'être imposés que de leur consentement, était restreint aux contributions directes : jamais il n'a été étendu aux impôts indirects; et tout le monde sait que ces pays ont toujours été, comme les autres, assujettis, par la seule volonté du prince, aux profits de la fabrique des monnaies, aux droits d'entrée et de sortie, au droit de contrôle, à celui de centième denier, etc. Si donc les lois générales de la France avaient eu lieu dans le Barrois mouvant, il n'y aurait eu, il n'aurait pu y avoir aucune raison de juger par un simple arrêt, qu'il était exempt des insinuations ecclésiastiques.

» Mais cet arrêt n'a pas seulement jugé que le Barrois mouvant n'était sujet ni à l'édit de Nantes de 1598, ni à l'édit des insinuations ecclésiastiques; il a encore cassé, comme nous l'apprend celui du 7 mai 1720, un arrêt du parlement de Paris du 7 avril 1623, par lequel cette cour avait entrepris de donner un règlement entre le lieutenant général et le prévót de Bar, contre des règlemens précédens émanés du conseil du duc, lequel, par la disposi

tion des concordats, a seul l'autorité de leur en donner, et encore contre l'usage de la cou tume observée de tout temps dans le Barrois. » Il a fait plus : il a cassé, et c'est encore l'arrêt du conseil du 7 mai 1720 qui nous l'apprend, ila cassé un autre arrêt du parlement de Paris du ro mai de la même année, qui condamnait les officiers de Montier-sur-Saulx, à une amende, pour avoir emprisonné un sergent royal, lequel, contre la disposition des concordats, avait entrepris d'exploiter en ce lieu, en vertu de lettres de committimus, sans avoir demandé paréatis.

» Dire, comme le fait la demanderesse, que les arrêts du conseil ne font pas jurispru dence, c'est rappeler ces temps où les cours supérieures osaient rivaliser d'autorité avec le roi, de qui elles tenaient leur mission et leurs pouvoirs. Mais, quelles que fussent les prétentions de ces compagnies, il est constant que les arrêts de l'ancien conseil-d'état étaient, comme les décisions du conseil-d'état actuel en matière administrative, comme les arrêts de la cour de cassation en matière judiciaire, les interprètes les plus sûrs, en même temps que les plus légitimes, de la volonté du gouvernement et des lois qui en étaient émanées. · L'arrêt du conseil du 9 septembre 1623 est donc une preuve irrefragable de la ferme intention dans laquelle était l'ancien gouvernement, de ne pas étendre au Barrois mouvant l'empire des lois générales

de la France.

» Mais, dit la demanderesse, comment concilier cette intention avec les droits que Louis XIII exerça, dix ans après, sur le Barrois mouvant?

» La chose n'est pas bien difficile. Le duc de Bar avait, comme vassal du roi, encouru la peine de la félonie: il fut traité, comme l'avait été en 1202, le duc de Normandie Jean-sans-Terre, et le roi confisca son duché. Cela prouve-t-il qu'avant cette confiscation, le duc de Bar n'était pas souverain? C'est comme si l'on disait que le duc de Normandie n'était pas souverain avant l'arrêt de la cour des pairs de 1202.

» La demanderesse s'étonne que, de la manière dont fut exécutée, en 1633, la confiscation prononcée contre le duc de Bar, nous ayons inféré que le duc de Bar était souverain. Rien n'est pourtant plus simple. Lorsqu'en 1202, Philippe - Auguste fit exécuter, en Normandie, l'arrêt de sa cour des pairs; lorsqu'en exécution de cet arrêt, il prit militairement et civilement possession du duché de Jean-sans-Terre; lorsqu'il y fit effacer les

armoiries de son vassal, pour y substituer les siennes; lorsqu'il y fit battre monnaie, promulguer les lois et rendre la justice en son nom, certes, il reconnut bien que le prince qui, avant lui, avait fait tous ces actes de souveraineté, était un véritable souverain. Mais n'est-ce pas là précisément ce qu'a fait Louis XIII en 1633 ? N'est-ce pas ce qui résulte de l'ordonnance de son commissaire

-

Delanauve, portant « que tous les actes se » feront à l'avenir au nom de sa majesté; » qu'ils seront scellés de ses armes; que tous » les habitans du Barrois auront recours à sa » majesté pour obtenir des lettres de justice » et de grâce, les rémissions et absolutions » de crimes, et que la monnaie ne sera plus » marquée d'aucun coin que celui de France »? » L'arrêt du parlement de Paris du 27 mai 1699, et le réquisitoire de M. d'Aguesseau qui l'a provoqué, ne détruisent nullement cette conséquence. A la vérité, le réquisitoire établit, et l'arrêt juge, que le roi de France est souverain du Barrois mouvant; mais ils n'établissent ni ne jugent que le duc de Bar n'en est pas également souverain : et déjà nous avons vu que la haute souveraineté n'est pas exclusive d'une souveraineté inférieure; déjà nous avons fait voir que Philippe de Valois avait formellement reconnu la compatibilité de l'une avec l'autre, d'une part, en qualifiant, par ses lettres-patentes du 9 mai 1346, le comte de Bar de vrai et souverain seigneur du Barrois; et de l'autre, en déclarant, par ses lettres de pardon du 22 octobre 1349, que les Barisiens avaient attenté à sa souveraineté, en maltraitant les officiers qu'il avait envoyés à Bar. Déjà nous avons remarqué que la même chose résulte du décret du 30 mars 1806, relatif à la principauté de Neuchâtel; et enfin, ce qui tranche jusqu'à la moindre difficulté, c'est que Beaumanoir, chap. 34, dit, en toutes lettres, que tout grand vassal de la couronne qui jouit dans ses domaines des droits de souveraineté, y est souverain, comme le roi est souverain par-dessus tous dans son royaume.

>> Il est vrai qu'un autre arrêt du parlement de Paris va beaucoup plus loin que celui du 22 mars 1669; c'est l'arrêt du 6 septembre 1719, qui tout à la fois juge que l'ordonnance d'Orléans de 1560 fait loi dans le Barrois mouvant, et fait défense de se servir d'aucuns termes tendant à faire entendre que le duc de Bar est souverain, et que le duché de Bar ne fait point partie du royaume; sans préjudice néanmoins des droits appartenans au duc de Bar, en vertu du concordat de 1571 et de la déclaration de 1575, lesquels seront

exécutés selon leur forme et teneur. Mais que d'observations à faire sur cet arrêt !

» 1o. Le duc de Bar n'y était point partie; et conséquemment il ne peut pas avoir contre le gouvernement qui est aujourd'hui aux droits du duc de Bar, l'autorité de la chose jugée.

» 2o. Eu jugeant que le duc de Bar n'était pas souverain du Barrois mouvant, cet arrêt a violé ouvertement les lettres-patentes, les ordonnances et les autres actes ci-dessus rappelés, par lesquels les rois de France avaient constamment déclaré le contraire, et plus ouvertement encore les art. 16 et 20 du traité de Paris du 21 janvier 1718.

raine la possède en souverain, quoique, par son union au Barrois mouvant, et comme dépendante de la prévôté de Gondrecourt, elle doive incontestablement ressortir au parlement de Paris.

>> L'art. 20 est encore plus clair : « Sur la diffi» culté concernant l'état et sujétion person» nelle des curés des villages ci-après, qui » restait indécise depuis les traités passés les » 2 octobre 1704 et 21 mai 1705, entre le » sieur de Harouis, intendant en Champagne, » commissaire du roi, et le sieur de Sarrasin, » conseiller d'état, commissaire du duc; » par lesquels traités ils ont procédé con»jointement, dans les villages de Burey» en-Vaux, Badouville, Coussincourt, Es» piez, Lézeville, Doinville et Saint-Germain, » dont la souveraineté est indivise entre » sa majesté à cause de ses prévôtés de Vau» couleurs, d'Andelot et de Grande, et sadite » altesse royale à cause de ses prévôtés de » GONDRECOURT et de Foug, à la recon» naissance des habitans qui doivent être su» jets du roi, et à celle des habitans qui doi» vent être sujets du duc, conformément aux » anciens usages y observés ; il a été convenu » que lesdits traités seront suivis et exécu»tés; et que, pour terminer toutes contes»tations sur le fait desdits cures, ceux qui » sont actuellement pourvus des cures desdits » villages, sous quelque domination et en » quelque pays qu'ils soient nés, seront tous » réputés et tenus sujets du roi; et que les » curés qui leur succederont immédiatement » dans lesdites cures, sous quelque domination

» Ce traité avait été passé entre le roi et le duc de Lorraine, pour l'exécution de l'art. 28 du traité de Ryswich, lequel avait réglé que le duc de Lorraine serait rétabli dans la libre et pleine possession des états, lieux et biens que le duc Charles, son grand-oncle paternel, possédait en l'année 1670; et voici, entr'autres dispositions, comment il s'était expliqué, art. 16: « Le village de Maxey-sous-Brixey, » et la rue dite la rue du Fief dans celui du » Pagny-sur-Meuse, autrement la Blanche» Cóte, seront restitués au duc, ayant été » justifie que le duc Charles les possédait en » tous droits de souveraineté, justice et do» maine, en 1670, et long-temps auparavant ; » lequel village de Maxey sa'majesté décharge » des foi et hommage qui lui en étaient dus » à cause de son château de Monteclair, et » les habitans du même village du droit de » sauve-garde de deux sous par ménage qu'ils » devaient audit château : décharge pareille»ment ladite rue de Fief de Pagny des foin et en quelques pays qu'ils soient nés, ap

» et hommage dus à sadite majesté, à cause » de son château de Vaucouleurs; à condition » néanmoins que ladite rue du Fief sera unie » au corps dudit village, faisant partie de la » prévôté de Gondrecourt, dépendant du » Barrois, et comme tel, compris dans l'hom» mage dú au roi par ledit duc à cause du

» Barrois ».

» Ainsi, d'une part, le traité reconnaît que le duc Charles était en 1670 souverain du village de Maxey et de la rue de Fief de Pagny, quoiqu'il fit hommage au roi, de l'un à cause de son château de Monteclair, de l'autre à cause de son château de Vaucou leurs.

» D'un autre côté, pour ne plus parler ici que de la rue du Fief de Pagny, ce traité la distrait de la mouvance du château de Vaucouleurs; il l'unit au Barrois mouvant, et néanmoins il la restitue au duc de Lorraine, pour être possédée comme en avait joui le duc Charles: il veut donc que le duc de Lor

» partiendront au duc; et après la mort de » ce dernier, leurs successeurs seront sujets » du roi et ainsi alternativement à mesure » que les cures vaqueront et seront remplies, » les cures appartiendront tantôt à sa majesté, » et tantôt à son altesse royale ».

» Ainsi, dans la prévôté de Gondrecourt, qui appartient au duc de Lorraine, est compris le droit de souveraineté par indivis avec le roi, à cause de ses prévôtés de Vaucouleurs, d'Andelot et de Grande, sur plusieurs villages dont les habitans sont en conséquence, les uns sujets du roi, les autres sujets du duc : donc le duc de Lorraine est souverain de la prévôté de Gondrecourt; donc il est souverain du Barrois mouvant dont l'art. 16 du traité déclare en termes exprès que cette prévôté fait partie; donc l'arrêt du parlement de Paris du 6 septembre 1719 juge directement contre le texte littéral du

traité.

» 3o. Jamais cause ne fut plus mal défendue

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