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convoqué les états et ordonné à ses pairs, » les vassaux immédiats du roi, de s'y ren » dre? Mais ce qui tranche toutes les difficul»tés, c'est que l'intervalle de la mort de » Louis V au couronnement de Hugues-Capet » fut trop court pour assembler les grands » du royaume. Hugues se contenta d'appeler » auprès de lui, ses parens, ses amis et ses » vassaux; il en composa, si l'on veut, une espèce d'assemblée, telle que celles qui, » avaient élevé Eudes et Raoul sur le tróne, » se fit reconnaître pour roi par ses partisans, » et se mit en état de défendre sa dignité » contre les seigneurs qui épouseraient les » intérêts du dernier Carlovingien,-La pré » rogative royale était si peu de chose, et » les grands tellement indépendans du prince, » que l'élévation de Hugues-Capet et les droits » de son compétiteur ne pouvaient pas for» mer une question bien importante, lors» qu'elle fut agitée. Il paraissait presque » indifférent aux seigneurs français d'avoir » un roi ou de n'en point avoir ». (Mably, ibid. pag. 297, 298 et 299.)

» Si donc ce fut par usurpation que les grands vassaux acquirent les droits de souveraineté dans leurs provinces, ce fut aussi par usurpation que Hugues-Capet acquit sur eux, en prenant le titre de roi, les droits d'hommage et de ressort que l'ordre des successions déférait au dernier Carlovingien; et sans doute, ils ne consentirent à le reconnaître pour roi, que sous la condition d'être euxmêmes maintenus dans tous les droits dont ils étaient en possession. C'est aussi ce que remarque l'auteur que nous venons de citer pages 299 et 300 : « Quelque irrégulière que fût » la manière dont Hugues-Capet était monté » sur le trône, il devint un roi légitime parce» qué les grands du royaume, en traitant » enfin avec lui, reconnurent sa dignité, et » consentirent à lui prêter hommage et à >> remplir à son égard les devoirs de la vassa» lite; ce fut un vrai contrat entre le prince » et ses vassaux. L'intention présumée de » ceux-ci, en se soumettant à reconnaître un » seigneur au-dessus d'eux, n'était pas sans » doute de se faire un ennemi qui eût le droit » de les dépouiller de leurs priviléges; et » Hugues Capet fut censé consentir à la con»servation des coutumes féodales, que des » exemples réitérés et le temps commençaient » à consacrer ».

» Une preuve sans réplique que les choses se passèrent ainsi, une preuve sans réplique que Hugues Capet s'obligea, en recevant l'hommage des grands vassaux, de leur conserver tous leurs droits de souveraineté, c'est

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» L'habitude où le peuple avait été depuis Charles-le-Chauve, dans chaque grand fief, de se soumettre aux ordres absolus du duc ou comte qui en avait la propriété, fit que Hugues Capet, en montant sur le trone, exerça sans partage, comme sans contradiction, la puissance souveraine sur les provinces qu'il avait possédées auparavant comme duc et comte. Aussi, quand ce prince et ses successeurs faisaient des ordonnances pour les pays de leurs domaines, ils n'employaient que leur seule autorité; et c'est pourquoi ces pays étaient appeles pays de l'obéissance-le-roi.

» Il en était tout autrement dans les terres possédées par les feudataires de la couronne : le roi n'y était considéré que comme seigneur dominant; le royaume n'était, à leur égard, qu'un grand fief; et aux marques de l'autorité royale que l'on y avait vues, sous Charlemagne, briller de toutes parts, était substitue un simple droit seigneurial.

» C'est de là qu'en 1040, Étienne et Thibaut, fils d'Eudes II, comte de Champagne, prirent les armes contre le roi Henri Ier, et ne voulurent point, avant de se mettre en possession de leurs terres, en faire hommage à ce prince, suivant la loi des fiefs. Ils se fondaient sur le refus qu'il avait fait de secourir leur père contre l'empereur Conrad-le-Salique. Le devoir en effet était réciproque entre le seigneur et le vassal; si celui-ci était obligé de secourir le supérieur dans la guerre, celui-là ne l'était pas moins de donner secours à l'inférieur pour défendre le fief qu'il tenait de lui. Ce n'est pas que cette raison pût avoir lieu à l'égard d'Eudes; l'empereur Conrad n'avait point armé contre lui pour le dépouiller des provinces qu'il possédait à titre de vassal de la couronne; il ne l'avait fait, comme le remarque l'abbé Vély dans son Histoire de France, que pour l'empêcher de s'approprier la Bourgogne, dont il avait été institué seul et unique héritier. Mais la prétention des fils du comte d'Eudes prouve toujours que le roi n'était alors, relativement aux grands vassaux, qu'un simple suzerain.

» Ce fut encore parceque le royaume était gouverné comme un grand fief, que sous Louis IX, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, pretendit se retirer de l'hommage du roi,

parceque ce prince avait refusé de faire juger en sa cour un différend qui le concernait.

» On conçoit bien, par-là, que le roi ne pouvait alors rien ordonner de lui-même dans les terres de ses vassaux, qui, pour cette raison, étaient qualifiées de pays hors l'obéissance-le-roi; seulement il tenait des assemblées générales ou cours plenières, où les pairs et barons siégeaient avec lui mais ces assemblées n'étaient plus, comme sous les deux premières races, représentatives des deux premiers ordres de la nation, le clergé et la noblesse; les pairs et les barons n'y intervenaient que pour leurs propres interêts; et le congrès qu'ils formaient, n'était, dans la vérité, qu'un plaid féodal.

» De là vient la différence qu'il y avait alors, relativement à la législation, entre les domaines du roi et ceux des grands vassaux. Nous avons déjà dit que, dans les premiers, la seule volonté du monarque faisait les lois ; mais pour les seconds, ses ordonnances n'y avaient lieu qu'autant que les seigneurs à qui ils appartenaient, les avaient souscrites, ou qu'ils trouvaient à propos de les recevoir. C'est, comme l'observe Montesquieu, liv. 28, chap. 29, ce que prouvent « les ordonnances » du commencement de la troisième race, » rapportées dans le recueil de Laurière, sur» tout celle de Philippe-Auguste sur la juri» diction ecclésiastique, celle de Louis VIII » sur les fiefs, et les chartes rapportées par » Brussel, tome 2, livre 3, pages 7 et 35, no»tamment celles de Saint-Louis sur le bail » et rachat des terres, et la majorité féodale » des filles ». - Aussi, ajoute le même publiciste, les établissemens de Saint-Louis ne furent-ils reçus que par ceux des seigneurs qui crurent qu'il leur était avantageux de les recevoir.

» Cet ordre de chose existait encore sous Philippe-le-Bel, et il reconnaissait tellement lui-même pour souverains les grands vassaux de sa couronne, que, lorsqu'il voulait faire exécuter dans la Champagne les ordonnances qu'il rendait pour ses domaines, il les faisait approuver, signer et sceller par la comtesse de Champagne, son épouse (1).

» Cependant ce prince avait déjà fait des tentatives pour étendre sa puissance législative sur les domaines de ses grands vassaux, et l'on en trouve un exemple éclatant dans la « lettre impérieuse qu'il écrivit au duc de » Bourgogne, en lui enjoignant avec le ton

(1) V. l'article Champagne.

» d'un législateur, d'exécuter, dans ses états, » les ordonnances générales sur la fonte des » monnaies ». (Mably, tome 2, page 112.) - Il paraît même, par un passage singulièrement remarquable de Beaumanoir, que Philippe-le-Bel était enfin parvenu à faire recevoir et respecter toutes ses ordonnances générales par ses grands vassaux. Mais veut-on se convaincre que, par-là, ses grands vassaux n'avaient pas perdu la qualité de souverains? il faut entendre Beaumanoir lui-même, chapitre 34; « pour che que nous parlons en che livre pluriers de souverain, et de che que il » puet et doive fere, aucunes personnes si » pourraient entendre, pour che nous nom» mons ne duc ne comte, que che fust dou roi. » Mes en tous ces lieux là où le roi n'est pas » nommé, (nous entendons de chau qui tien» nent en baronie) car chascuns des barrons » si est souverain en sa baronie; voirs est que » est li roi et souverain par dessus tous, » et a de son droit la générale garde dou » royaume, par quoi il puet faire tex établis» semens comme il lui plest pour le quenum » pourfit, et che que il establit i doit estre

» tenu »>.

» Les grands vassaux étaient donc alors souverains, quoique, dès le principe, ils eussent été et fussent toujours demeurés assujettis à l'hommage lige et au ressort; quoique, dans la suite des temps, les ordonnances générales des rois fussent reçues dans leurs terres comme dans celles qui dépendaient immédiatement de la couronne. Mais s'ils étaient alors souverains, quel changement est-il donc survenu depuis dans leur manière d'exister?

» Sans doute, il en est parmi eux qui ont perdu leurs droits de souveraineté, les uns par des traités, les autres par confiscation pour félonie, d'autres par prescription; mais il en est aussi qui les ont conservés tant que leurs terres n'ont pas été réunies à la couronne; et certainement on ne peut pas dire que ceuxci n'aient pas été souverains pendant tout ce temps, quoique, dans le principe, ils n'eussent dû cette qualité qu'à la faiblesse des rois de la seconde race. Bien évidemment, faire le procès à la souveraineté de ceux-ci, c'est le faire à celle de tous les rois de la troisième

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» règne de Charles IV (dit Mably, tome 2, page 131), présente un spectacle bien bi»zarre pour des yeux politiques, mais bien > digne cependant de la manière dont le gou>> vernement s'y était formé au gré des évé» nemens et des passions. Quoiqu'une vérita>>ble monarchie eút succédé à la police barbare » et anarchique des fiefs dans la plupart des provinces que comprenait le royaume, le » gouvernement féodal subsistait encore tout » entier dans quelques autres. Le roi, monar» que dans toute la France, n'était encore que le suzerain des ducs de Bourgogne, d'A» quitaine, et du comte de Flandre. Ces sei»gneurs avaient été assez puissans et assez » heureux pour ne se point laisser accabler; » et s'ils avaient perdu, ainsi que je l'ai fait » remarquer, plusieurs de leurs anciens droits, » ils conservaient cependant des forces assez > considérables pour défendre avec succès » leurs prérogatives, et même à la faveur d'une

guerre heureuse, pour recouvrer TOUTE » leur souveraineté. Quoiqu'ils réconnus» sent la suzeraineté du roi, et que, par les » lois et les devoirs multipliés du vasselage, » ils ne formassent qu'un corps avec les au» tres provinces de la France, il faut plutôt > les regarder comme des ennemis que comme » des membres de l'état ».

» Cependant, il faut le répéter, ces grands vassaux qui étaient souverains, et que les rois de la troisième dynastie eux-mêmes traitaient comme tels, étaient sujets à l'hommage et au ressort. L'hommage et le ressort ne sont donc pas exclusifs de la souveraineté.

>> Eh! qu'avons-nous besoin d'exemples étrangers pour établir une vérité aussi simple? Tout le monde convient, et la demanderesse l'avoue elle-même, que les ducs de Lorraine et du Barrois non mouvant, étaient universellement reconnus pour souverains de ces pays; et pourtant ce n'est que par le traité de Nuremberg, du 26 août 1542, qu'ils ont été déclarés indépendans de l'empire d'Allemagne; ce n'est que par ce traité que leurs obligations envers l'empire d'Allemagne, ont été réduites à un subside pécuniaire, prix de la protection qu'ils en recevaient.

» Avant ce traité, quoi qu'en disent quelques auteurs, la Lorraine et le Barrois non mouvant étaient sujets à l'hommage. Le duc Rene avait même prêté à l'empereur Maximilien, en 1495, un serment ainsi conçu : « Je, » René, roi de Jérusalem et de Sicile, duc de » Lorraine et de Bar, marquis de Pont, » comte de Provence, de Vaudemont, d'Har» court, etc., jure et promets, comme duc de » Lorraine et de Bar, à vous Maximilien, roi

» des Romains, au sacré empire romain, ét à » vos successeurs dans l'empire, fidélité, sou» mission et obéissance, selon la teneur des > lettres de mes fiefs (1) ».

»Et quant au ressort envers la chambre impériale, les ducs de Lorraine prétendaient bien n'y être pas sujets; mais ils avaient toujours été contredits en ce point par la chambre impériale et par l'empereur.

» Si donc, nonobstant cette contradiction, l'empereur, la chambre impériale et toutes les puissances, toutes les autorités de l'Europe, s'accordaient, avant le traité de Nuremberg, à reconnaître pour souverains les ducs de Lorraine et de Bar, il est clair qu'avant cette transaction, la qualité de souverain était, dans l'opinion universelle, compatible, non-seulement avec l'hommage, mais même avec le ressort.

» Toutes ces notions posées, il nous sera facile de rétablir les preuves de la souveraineté

des ducs de Lorraine et de Bar dans le Barrois mouvant.

» D'abord, il serait fort indifférent à notre question qu'avant le traité de Bruges de 1301, le Barrois mouvant eût dépendu de la France, comme le prétend la demanderesse, et non pas de l'empire d'Allemagne, comme nous l'avons soutenu et le soutenons encore; car le

proprietaire du Barrois mouvant pouvait tout aussi bien être souverain sous la dépendance la dépendance de l'empire germanique; et la de nos anciens rois, qu'il pouvait l'être sous preuve en est que les ducs de Normandie, les les ducs de Bretagne, les comtes de Flanducs de Guyenne, les comtes de Toulouse, dre, etc., n'étaient pas moins souverains dans leurs duchés ou comtés, que les ci-devant électeurs d'Allemagne ne l'étaient dans leurs états.

"Mais il ne faut pas même laisser à la demanderesse l'avantage qu'elle croit tirer de tout ce qu'elle allègue par rapport à la maniere dont le Barrois mouvant existait avant

le traité de 1301.

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Lothaire aura tous les pays entre le Rhin et l'Escaut jusqu'à la mer, ainsi que le Hainaut, le Cambrésis et les comtés en deçà de la Meuse qui sont contigus à cette rivière, jusqu'au confluent du Rhône et de la Saône, et en suivant le cours du Rhône jusqu'à la mer; 3o que le reste jusqu'aux frontières d'Espagne, restera à Charles-le-Chauve.

» Il n'est pas bien clair que, par ce partage, Charles-le-Chauve ait eu dans son lot le Barrois mouvant. Mais supposons-le, sera-ce une raison pour dire qu'en 1301 le Barrois mouvant faisait encore partie du royaume de France? C'est comme si l'on disait qu'en 1301 le royaume de France ne comprenait aucun des pays qui avaient été assignés en 843 à Lothaire; assertion qui démentirait hautement une foule de monumens historiques. Et qui est-ce qui ne sait pas que, soit par des traités, la force des armes, soit par le partage de 843 essuya même, dans les temps les plus voisins de sa conclusion, des atteintes et des modifications qui déplacérent les limites qu'il avait posées entre les états des trois frères co-partageans? Qui est-ce qui ne sait pas qu'en 857, Louis dit le Germanique, enleva l'Alsace à Lothaire II, fils de son frère Lothaire Ier? Qui est-ce qui ne sait pas qu'en 880, Louis de Germanie, second fils de Louis-le-Germanique, força les rois de France Louis et Carloman à lui céder la partie de la Lorraine qui était échue à Charles-le-Chauve? Qui estce qui ne sait pas qu'en 1001, le roi de France Robert s'empara de la Bourgogne?

» Qu'y aurait-il donc d'étonnant que la partie du Barrois qui avait pu être comprise en 843 dans le lot de Charles-le-Chauve, eût été, plus ou moins de temps après, détachée du royaume de France, et füt tombée sous la dépendance des empereurs d'Allemagne ?

» Ce qu'il y a de certain, c'est que, des l'an 951, le comté de Bar était possédé par Frédéric, et que celui-ci le tenait d'Othon Ier, roi de Germanie, couronné empereur en 962.

» Ce qu'il y a de certain encore, c'est qu'en 964, le même Othon Ier obligea le comte Frédéric d'indemniser Saint-Gerard, évêque de Toul, du tort que lui avait causé le comte Frédéric, par la construction du château de Bar, sur un terrain appartenant à son église.

» Et ce qui n'est pas moins constant, c'est qu'en 1112, Renaud, comte de Bar, s'étant révolté contre l'empereur Henri IV, celuici l'assiégea dans son château de Bar, le fit prisonnier, et ne le mit en liberté qu'après l'avoir obligé de lui faire hommage de ce chateau.

» De ces trois faits, la demanderesse ne contredit que le second; et comment le contredit-elle ? Par une méprise sur le fait même.

» Il est vrai, dit-elle, que des plaintes furent portées à Othon Ier, de ce que le comte Frédéric se permettait d'élever un château, celui de Bar, dans un lieu où il n'en avait pas le droit. Mais Blondel atteste, d'après Flodoard, que le roi Othon répondit aux ambassadeurs du roi Louis, qu'il ne voulait pas, qu'il défendait même que Frédéric bâtît aucune forteresse dans le royaume de France, à moins que le roi Louis ne lui en donnât la permission.

» Remarquons d'abord que, suivant Flodoard, et Blondel son copiste, ceci se passa tremer régnait en France, et où Othon Ier en 951, époque où effectivement Louis-d'Oun'avait encore que le titre de roi de Germanie.

>> Remarquons ensuite que, suivant les mêmes historiens, ce fut Louis-d'Outremer qui porta des plaintes au roi Othon, de l'entreprise que faisait Frédéric, non sur les propriétés de l'église de Toul, mais sur son royaume, en y bâtissant une forteresse.

» Et c'en est déjà plus qu'il n'en faut pour pouvoir assurer que le fait rapporté par Flodoard et Blondel, n'a rien de commun avec celui dont nous avons argumenté; car, c'est en 964, dix ans après la mort de Louisd'Outremer, et deux ans après l'avènement d'Othon Ier à l'empire, qu'a eu lieu la construction du château de Bar; et ce n'est pas Louis-d'Outremer, mais Saint-Gérard, évêque de Toul, que la Chronique de SaintMihiel nous représente comme portant des plaintes à Othon Ier, contre cette construction; et ce n'est pas à Othon Ier, roi de Germanie, c'est à Othon Ier, empereur, que, suivant la même Chronique, ces plaintes furent portées; et la même Chronique atteste que l'empereur Othon Ier fit droit lui-même sur ces plaintes; et les auteurs du Gallia Christiana, tome 13, page 977, nous apprennent que le porteur de ces plaintes, Saint-Gérard, n'était pas encore évêque de Toul en 951, date de la construction du château dont parle Flodoard, et qu'il ne fut élevé à cette dignité que le 29 mars 963, à peu près un an avant la construction du château dont il est parlé dans la Chronique de Saint-Mihiel.

» Mais ce n'est pas tout: le château qui fait la matière du récit de Flodoard, est appelé par cet auteur même, Banis, ou, suivant quelques manuscrits, Fanis; ce n'est donc pas celui de Bar.

» Ainsi, différence de noms entre les deux châteaux; différence de treize années de date entre la construction de l'un et la construction de l'autre; différence entre les individus qui réclament contre l'une et l'autre con struction; différence entre les qualités qu'avait Othon Ier, lorsque les deux réclamations furent portées devant lui; différence entre les résultats des deux réclamations. Et la demanderesse a pu confondre deux faits aussi distincts! elle a pu se flatter d'en imposer, par une confusion aussi étrange, à la religion de la cour suprême!

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» Mais quel était ce château de Baris ou Banis, que Flodoard place dans le royaume de France, et que la réponse d'Othon Ier aux ambassadeurs de Louis-d'Outremer, nous

oblige effectivement d'y placer? C'est à la demanderesse à nous l'apprendre, c'est à elle à prouver qu'il était situé dans le Barrois mouvant. Et que dit-elle pour le prouver? Elle dit, avec la Martiniere, que,« soit que >> ce lieu de Banis ou Fanis soit celui de Bar » même, ou que ce soit seulement celui de » Fains, qui lui est contigu, il s'ensuivra » toujours que ce pays était alors de la » France ».

» Mais, 1o on vient de voir qu'il n'y a pas l'ombre d'identité entre le château báti à Fanis ou Banis en 961, et le château construit à Bar en 964.

» 2o. Il n'y a pas plus d'analogie entre le mot Fains et les mots Banis ou Fanis, qu'il n'y en a entre ceux-ci et le mot Bar. C'est donc sans aucun fondement, et par une conjecture purement hasardée, que la Martinière fixe dans le village de Fains, situé à une lieue de Bar, le château construit en 951

à Banis ou Fanis.

» 3o. Cette conjecture n'est pas seulement hasardée, elle est encore démentie par deux diplômes des empereurs Othon et Conrad, dans lesquels Fains est désigné, non par le mot Banis, non par le mot Fanis, mais par le mot Fangia, qui, dans la basse latinité, signifie fange, marais; parceque comme l'observe dom Calmet, Fains est dans un lieu bas, aquatique et marécageux.

» Par le premier de ces diplômes, l'empereur Othon autorise l'abbaye de Saint-Evres à posséder en toute propriété alodum unius mansi in Ponto, juxtà castrum Fangia, super fluvium Ornæ, quod dedit Godofridus miles pro sepulturá suá. Par le second, l'empereur Conrad renouvelle mot pour mot cette autorisation en faveur de la même ab

baye, qui, ruinée pendant quelque temps, venait d'être rétablie (1).

» Niera-t-on que le lieu appelé dans ce diplóme Fangia, soit le même que Fains! Mais tout concourt à en démontrer la parfaite identité : 1o le lieu que ces diplômes désignent par Pontus, était ainsi nommé à cause d'un pont que l'on voit encore près de l'ancien château de Fains; 2o ces diplómes disent expressément que le château Fangia est situé sur la rivière d'Ornain; et c'est précisément sur cette rivière que le village de Fains est encore situé; c'est même sur cette rivière qu'existe encore le pont dont il s'agit.

» Dira-t-on que le village de Fains pouvait s'appeler Banis ou Fanis du temps de Flodoard, et avoir changé de nom à la date des

diplomes cites? Mais il ne faut pas oublier que le premier de ces diplômes est de 965, et certainement c'est vers le même temps qu'écrivait Flodoard, puisqu'il était euré de Cormicy, diocèse de Reims, en 940, et qu'il assista en 947 au concile de Verdun. (Dom Calmet, tome 1, page 850. )

» Il ne faut pas d'ailleurs perdre de vue que, par ces diplomes, il est prouvé que, nonseulement en 965, mais même en 1033, il existait une forteresse à Fains, castrum Fangia: cette forteresse ne pouvait donc pas être la même qui avait été construite à Banis ou Fanis en 951, puisque celle-ci avait été démolie, d'après les réclamations de Louisd'Outremer.

chose de plus : c'est qu'en 965 et en 1033, » Ces diplômes prouvent encore quelque l'empereur d'Allemagne faisait encore des actes de suzeraineté à Fains, et par conséquent dans la partie du Barrois que l'on a depuis appelée Barrois mouvant : cette partie du Barrois ne relevait donc pas alors de la France.

» Mais, dit-on, en 1213, à la fameuse bataille de Bouvines, le comte de Bar combattait à côté de Philippe-Auguste, contre l'empereur Othon IV donc il était alors vassal du roi de France.

» Quel raisonnement! A la bataille de Bouvines, le comte de Flandre combattait avec l'empereur Othon IV, contre Philippe-Auguste; s'ensuit-il de là que le comte de Flandre était vassal de l'empereur, et non du roi?

» Mais, dit-on encore, en 1266, le roi Louis XI blama le comte de Bar, Thibaut, d'avoir entrepris, sans son consentement, une guerre

(1) Dom Calmet, Histoire de Lorraine, tome 2, pages ccxix et cclxij des Preuves.

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