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pourvoir d'une autre maison. On peut suivre à cet égard la règle établie pour les congés qui se donnent, dans les cas où la durée du bail n'est point fixée par la convention. V. ci-devant, S. 4.

VI. Quelquefois la faculté de résoudre le bail n'est accordée par la convention qu'à l'une des parties; cette clause étant permise, doit être exécutée.

Il reste à observer qu'après l'avertissement, la partie qui l'a fait, n'a plus de liberté de changer son projet malgré l'autre partie. Au surplus, l'avertissement peut être fait verbalement, lorsqu'il n'y a pas lieu de craindre que la partie qui le reçoit, en disconvienne; sinon, il faut le signifier par le ministère d'un huissier.

[[VII. La loi du 1er jour complémentaire an 7 autorisait les conscrits à faire résilier les baux par lesquels, avant d'être appelés au service militaire, ils avaient pris une maison à loyer ou un domaine à ferme. V. là-dessus mon Recueil de Questions de droit, au mot Bail, S. 9.

Mais cette loi est abrogée par l'art. 7 de celle du 30 ventóse an 12.]]

S. XV. De la garantie de la chose louée, et des dommages et intérêts résultant de l'inexécution du Bail.

I. Comme nous l'avons dit précédemment, une des principales obligations du bailleur est de faire en sorte qu'il ne soit apporté aucun trouble à la jouissance du preneur. Ainsi, lorsqu'un tiers veut exercer des droits sur la chose louce, c'est un trouble que le bailleur est tenu de faire cesser.

Ce genre de trouble qui est proprement une éviction, non de la chose, mais de la jouissance de la chose, est appelée par Pothier, trouble judiciaire; parcequ'il dérive de la demande formée par un tiers contre le preneur, tendant à ce que celui-ci soit tenu de laisser l'héritage dont le demandeur se prétend propriétaire ou usufruitier, ou bien à ce que le preneur ait à souffrir l'exercice de quelque droit de servitude, dont il n'a pas été chargé par son bail.

Le trouble judiciaire peut aussi dériver des prétentions que des tiers opposent par forme d'exception, à l'action que le preneur a intentée contre eux, pour leur faire défendre de le troubler dans sa jouissance.

Pour connaitre de quel trouble ou éviction le bailleur est obligé de garantir le preneur, Pothier propose les règles et les exemples qu'on va lire:

1o. Lorsque la cause de l'éviction que le preneur a soufferte de la part du tiers, existait dès le temps du bail, le bailleur en est garant envers le preneur, soit que le bailleur ait eu connaissance de la cause de l'éviction, soit qu'il l'ait ignorée.

Par exemple, si l'héritage dont vous m'avez passé bail, ne vous appartenait pas, au moins quant à l'usufruit, mais appartenait au tiers qui a formé la demande contre moi pour m'obliger à le lui délaisser, ou si vous n'en aviez qu'une propriété résoluble, qui depuis le bail s'est résolue au profit de ce tiers, vous êtes garant de l'éviction que j'ai soufferte de la part de ce tiers, quand même vous auriez ignoré le droit qu'il avait.

2o. Si le preneur connaissait, lors du bail, le droit du tiers de la part duquel il a souffert l'éviction de la jouissance de l'héritage qui lui a été loué, le bailleur n'est pas garant de cette eviction, à moins qu'ayant pareillement connaissance de ce droit, il n'ait expressément promis au preneur de le garantir d'une pareille éviction; mais si le bailleur l'ignorait, il ne serait pas tenu de la garantie envers le preneur qui en avait la connaisance, quand même il aurait expressément promis cette garantie. La raison en est qu'il aurait été induit en erreur par le preneur, qui, ayant dissimulé la connaissance qu'il avait du droit du tiers, ne peut prétendre autre chose que d'être déchargé de la ferme pour le restant du bail, depuis le jour qu'il a été obligé de quitter la jouissance.

3o. Il n'y a pas lieu à la garantie contre le bailleur pour l'éviction que le preneur souffre de la part d'un tiers de la jouissance de l'héritage qui lui a été loué, lorsque le preneur est lui-même, en une autre qualité, garant de cette éviction envers le bailleur.

Voici un exemple de cette règle. Je vous ai vendu un héritage dont j'étais en possession et dont je me croyais propriétaire, quoiqu'il appartint à Pierre; vous me l'avez depuis donné à ferme, et pendant le cours du bail, j'ai souffert éviction de la jouissance de l'héritage de la part de Pierre; il est évident que je ne puis, en ce cas, prétendre aucune garantie; car c'est au contraire moi qui, comme vendeur de cet héritage, suis garant envers vous de l'éviction que vous souffrez.

4o. Lorsque la cause de l'eviction de la jouissance de l'héritage que le preneur a soufferte de la part d'un tiers, n'a existé que depuis le bail, le bailleur en est garant, si elle procède de son fait; sinon, il n'en est pas garant.

Le cas de la première partie de cette règle

est lorsque, depuis le bail, le bailleur a, sans aucune nécessité, vendu ou aliéné sous quel qu'autre titre, l'héritage à un tiers sous la charge de l'entretien du bail; ou lorsque depuis le bail, il a imposé au profit d'un héritage voisin un droit de servitude sur l'héritage loué.

Quand même la vente aurait été forcée et faite sur la saisie réelle de l'héritage par les créanciers du bailleur, celui-ci ne serait pas moins tenu de la garantie du trouble qui aurait été fait au fermier par l'adjudicataire; car c'est encore en ce cas le fait du bailleur, puisque l'héritage a été vendu pour payer des dettes qu'il devait acquitter.

Pour exemple du second cas de la règle, supposez que, depuis le bail que vous m'avez passé d'une maison, le corps de ville ait obtenu des lettres-patentes par lesquelles vous ayez été obligé de lui vendre cette maison pour être détruite, et servir à l'emplacement de quelque édifice public, il est certain que la demande en sommation que le corps de ville me fait en conséquence de son acquisition est un trouble, mais vous n'en êtes pas garant; le corps de ville a de parceque le droit que m'empêcher de jouir, est un droit qui n'a commencé que depuis le bail, et qui ne procede pas de votre fait ; puisque vous n'avez pas pu résister à l'autorité publique en vertu de laquelle l'aliénation de la maison a été ordonnée je dois seulement, en ce cas, être déchargé des loyers pour ce qui restait à expirer du temps du bail, depuis que j'ai été obligé de sortir de la maison. [[ V. Propriété, no 4.]] 5o. Le bailleur est garant, non-seulement des évictions qui privent entièrement le preneur de la jouissance de l'héritage, mais encore des troubles qui tendent seulement à gêner ou diminuer cette jouissance, telle que celui que le preneur souffre de la part d'un tiers qui prétend quelque droit de servitude sur l'héritage; et il faut faire à l'égard de la garantie de ces troubles, les mêmes distinctions qui ont été faites dans les règles précédentes à l'égard de la garantie des évictions.

le

6o. Il y a lieu à la garantie, soit que trouble ait été fait au preneur lui-même, soit qu'il ait été fait à ses sous-locataires.

II. Le preneur qui a été empêché de jouir, soit en tout, soit en partie, de la chose louée, peut intenter contre le bailleur ou contre ceux qui le représentent en qualité d'héritiers, ou qui ont accédé à ses engagemens, une action de garantie, tant pour se faire décharger de l'obligation de payer le loyer pour le temps

qui reste à courir du bail, que pour les faire condamner aux dommages et intérêts résultant de la non-jouissance de la chose louée.

Puisque le preneur a contre le bailleur, ou contre ceux qui le représentent, une action pour se faire garantir la jouissance de la chose louée, il faut en tirer la conséquence, qu'il a aussi le droit de proposer une exception contre les actions qu'ils peuvent intenter pour l'empêcher de jouir. Pothier a éclairci cette décision par l'exemple suivant.

Vous m'avez affermé une métairie dont par erreur vous croyiez avoir la pleine propriété, quoique la propriété, ou du moins l'usufruit, appartint à Pierre. Pierre qui, depuis le bail que vous m'avez fait, est devenu votre héritier, demande que je lui abandonne la jouissance de cette metairie. En qualité de propriétaire ou d'usufruitier, il a le droit de son chef de former cette demande; mais il est en même temps héritier de mon bailleur, et en cette qualité non-recevable dans cette demande, comme étant tenu envers moi de la garantie : cette fin de non-recevoir que j'ai à lui opposer, est ce qu'on appelle une exception de garantie qui l'exclut de sa demande.

Il faut décider la même chose, si Pierre, au lieu d'avoir un droit de propriété sur la métairie que l'on m'a affermée, avait un droit de servitude dont je n'ai pas été chargé par le bail, et qu'il soit devenu l'héritier de mon bailleur : s'il réclame contre moi le droit de servitude qui lui appartient, je lui opposerai l'exception de garantie dont il est tenu envers moi comme heritier de mon bailleur.

Le preneur ne peut opposer l'exception de garantie qu'à l'héritier pur et simple du bailleur, et non à celui qui n'est héritier que par bénéfice d'inventaire : la raison en est qu'un tel héritier n'est pas obligé d'employer ses propres biens à remplir les engagemens du défunt; ainsi, rien n'empêche qu'il n'exerce les droits qu'il peut avoir de son chef contre le preneur, sauf à celui-ci à répéter ses dommages et intérêts contre celui-là en sa qualité d'héritier bénéficiaire du bailleur.

Si le propriétaire ou usufruitier n'était héritier du bailleur que pour partie, comme il ne serait tenu des engagemens du défunt que proportionnellement à la part pour laquelle il serait héritier, le preneur ne pourrait lui opposer l'exception de garantie que pour cette part. Un exemple va développer ce principe.

Supposons que Guillaume, héritier du bail

leur pour moitié, ait fait juger que la propriété ou l'usufruit lui appartient de son chef, et qu'en conséquence, il somme le preneur d'abandonner la jouissance de la métairie louée, celui-ci n'aura, par l'exception de garantie, que le droit de retenir la jouissance de la moitié de cette métairie, sauf à exercer contre les autres héritiers du bailleur l'action ex conducto, pour raison de l'éviction de l'autre moitié.

Au surplus, le preneur peut, en cas pareil, abandonner la jouissance de toute la métairie, et exercer l'action ex conducto, tant contre l'héritier par lequel il a été évincé que contre ses cohéritiers, pour les faire condamner, chacun pour leur part, aux dommages et intérêts résultant de l'éviction. Ce serait en vain que, pour éviter cette condamnation, le propriétaire ou l'usufruitier dirait qu'il n'est tenu que pour moitié de l'obligation de faire jouir le preneur, et qu'il consent qu'il continue de jouir de la moitié de la métairie : il ne serait point écouté : la raison en est que le preneur n'a loué la métairie que dans l'intention de jouir de la totalité, et qu'il ne l'aurait pas voulu louer pour ne jouir que de la moitié.

Quant à celui qui a un droit de servitude sur la metairie louée, quelle que soit la portion pour laquelle il est heritier du bailleur, le preneur est fondé à lui opposer l'exception de garantie pour le tout, et par conséquent à le faire déclarer non-recevable. La raison que Pothier donne de cette décision, est que les droits de servitude étant quelque chose d'indivisible, l'obligation de garantie que le bailleur a contractée à cet égard envers le preneur, est aussi une obligation indivisible, à laquelle par conséquent chacun des héritiers du bailleur succède pour le total. Ainsi, par l'exception de garantie, le preneur peut repousser pour le total la demande de l'héritier propriétaire du droit de servitude, sauf à lui à se faire faire raison par ses cohéritiers de ce qu'il a seul, à ses dépens, par la privation de son droit de servitude, acquitté ce chef de l'obligation du défunt dont ils étaient tous tenus. C'est pourquoi il faut estimer ce que vaut l'usage de son droit de servitude pendant le temps qu'il doit en être privé; et chacun de ses cohéritiers doit, à proportion de sa part héréditaire, l'indemniser de la somme à laquelle aura été portée l'esti mation.

Les successeurs à titre universel du bailleur, tels qu'un donataire ou légataire universel, ou un seigneur confiscataire, etc., étant tenus des dettes et obligations du déTOME II.

funt, on peut aussi, selon la remarque de Pothier, leur opposer l'exception de garantie, comme à un héritier; mais il y a cette différence, que l'héritier étant tenu indéfiniment des dettes du défunt, ne peut se défendre en quelque manière que ce soit de l'exception de garantie; au lieu qu'un légataire universel ou un autre semblable successeur, n'étant tenu des dettes du défunt que jusqu'à concurrence des biens auxquels il succède, il peut se défendre de l'exception de garantie qui lui est opposée par le fermier ou locataire, et user contre lui des droits qu'il a de son chef, en offrant de lui rendre compte des biens du défunt et de lui abandonner ce qui en reste pour les dommages et intérêts résultant de l'obligation de garantie contractée par le défunt envers lui. [[Mais V. Légataire, §. 7, art. 1, no 17. ]]

On ne peut opposer l'exception de garantie qu'à ceux qui sont personnellement assujettis à garantir, et non à ceux qui possèdent des biens hypothéqués à cette garantie. Mais si le preneur vient à être obligé d'abandonner à ceux-ci la jouissance des terres qu'il a louées, ou de souffrir l'exercice du droit de servitude qui leur appartient, il pourra diriger contre eux l'action hypothécaire, relativement aux dommages et intérêts qui lui seront dus.

On ne peut pas non plus opposer l'exception de garantie contre quelqu'un qui n'a fait que consentir à un bail, en forme d'autorisation, attendu que, par un tel consentement, il ne saurait être proprement tenu de l'obligation de garantir; mais comme il résulte de son consentement une sorte d'engagement de n'apporter aucun obstacle à l'exécution du bail, il faut en tirer la conséquence que, s venait à intenter une action qui troublât le preneur dans sa jouissance, celui-ci serait fondé à repousser la demande, non par l'exception de garantie, mais par l'exception pacti aut doli.

,s'il

Pothier remarque fort bien à ce sujet que le preneur peut opposer cette dernière exception, quand même l'action du demandeur dériverait d'un droit auquel il aurait succédé depuis à un tiers : la raison en est que, par son consentement au bail, il s'est obligé indéfiniment à n'apporter aucun obstacle à la jouissance du preneur, soit en vertu des droits qu'il avait lors du contrat, soit en vertu de ceux qu'il pourrait avoir par la suite.

Mais si le tiers avait formé la demande de son vivant, le consentement donné au bail par celui qui serait aux droits de ce tiers, le rendrait-il non-recevable à reprendre l'instance? Pothier pense qu'il ne pourrait la re

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prendre que pour faire condamner le locataire ou fermier aux dépens, si la demande était bien fondée; mais qu'il ne serait pas recevable à suivre la demande au principal.

Observez à l'égard de l'héritier de celui qui a donné un simple consentement au bail, que sa qualité d'héritier l'exclut bien d'exercer les actions que le défunt s'était interdit d'exercer par son consentement au bail, mais qu'elle ne l'exclut pas des actions qu'il a de son chef pour évincer le locataire ou le fermier : la raison en est que le défunt n'ayant pas contracté l'obligation d'en défendre le locataire ou fermier, son héritier ne succède à aucune obligation qui puisse l'en exclure.

Si, en qualité de notaire, vous rédigiez un bail, par lequel Pierre louát à Paul un héritage dont la propriété ou la jouissance vous appartînt, et que votre droit vous eût été connu, vous ne seriez pas fondé à diriger une action contre le preneur pour l'expulser, ou du moins il pourrait avec succès repousser votre prétention par l'exception de dol, attendu que votre réticence serait un dol qui l'aurait induit en erreur. Mais il en serait différemment, si vous justifiez que vous n'avez acquis votre droit ou que vous ne l'avez connu que postérieurement au bail que vous avez rédigé.

III. Les dommages et intérêts qui résultent de l'inexécution d'un bail, consistent dans la perte que cette inexécution a occasionée au preneur, et dans le profit dont elle l'a privé. Ainsi, la quotité de ces dommages et intérêts doit être sujette à beaucoup de variations: souvent on détermine cette quotité d'après le prix du bail; mais il est bien des cas où cette régle ne doit pas être suivie.

Supposons qu'Alexandre ait loué à Balthasar un appartement dont on n'ait pas livré les clefs au temps convenu : il est clair que ce que le preneur, pour se loger dans un appartement semblable à celui qu'il avait loué, a payé au delà de ce qu'il lui en aurait coûté, est une perte que lui a causée l'inexécution de la convention, et que le bailleur doit l'en indemniser.

Les frais faits pour passer le bail devant notaire, seraient aussi une dépense qu'il serait juste que le bailleur remboursât au preneur.

S'il s'agissait d'une maison louée pour être tenue comme auberge, la perte qu'aurait pu faire le preneur en revendant les denrées achetées pour tenir cette auberge, serait un article de dommages et intérêts, dont il conviendrait que le bailleur l'indemnisât.

Il y aurait à la charge du bailleur un autre article de dommages et intérêts dans la pri

vation du profit que le preneur aurait vraisemblablement pu faire, en tenant l'auberge louée.

Cependant si le preneur a fait ou pu faire un autre commerce que celui de tenir l'auberge louée, il faut, dans la liquidation des dommages et intérêts résultant de l'inexécution du bail de l'auberge, faire entrer en considération le profit que le preneur a pu faire dans cet autre commerce.

Si le bailleur, ne pouvant donner d'exécution au bail par lequel il a loué une métairie, avait négligé d'en avertir à temps le preneur, et que celui-ci se trouvant sans métairie, fût obligé de vendre à perte ses bestiaux, il faudrait comprendre cette perte dans les dommages et intérêts dus au preneur, ainsi que le profit dont il aurait vraisemblablement été privé par l'inexécution de la convention.

Mais si le preneur n'avait pas été obligé de vendre ses bestiaux, et qu'il eût loué une autre métairie à des conditions moins avantageuses que celles du premier bail, il faudrait, pour liquider les dommages et intérêts, calculer le produit des deux métairies, et à quoi monterait en conséquence le préjudice occasioné au preneur par l'inexécution du premier bail.

Pothier, à qui appartient cette doctrine, observe que, quand ce n'est point par mauvaise foi que le bailleur n'a pas exécuté la convention, il ne doit être tenu envers le preneur que des dommages et intérêts qui ont pu être prévus lors du contrat, parcequ'il est censé ne s'être soumis qu'à ceux-là; mais qu'il ne doit pas répondre du préjudice que l'inexécution de la convention a pu occasioner au preneur, lorsque ce préjudice n'a pas été prévu lors du

contrat.

que

Si, au contraire, c'est par mauvaise foi le bailleur n'a pas rempli ses engagemens, le jurisconsulte cité veut qu'on l'assujettisse à payer indistinctement tous les dommages et intérêts qui résultent de l'inexécution de la convention, soit qu'ils aient été prévus lors du contrat, ou qu'ils n'aient pas pu l'être. Cette décision est fondée sur ce que le dol de ceux qui causent du préjudice, les oblige à le réparer, sans qu'ils se soient soumis à cette réparation.

Quant aux dommages et intérêts qui ont dû être prévus lors de la convention, et desquels tout bailleur est tenu, Pothier veut encore qu'on les estime à la rigueur contre le bailleur de mauvaise foi, et qu'on use au contraire d'indulgence et de modération envers le bailleur de bonne foi.

IV. Lorsqu'avant l'expiration du bail, le preneur est évincé par un successeur à titre singulier, soit en vertu de la loi emptorem ou autrement, on lui accorde communément, lorsqu'il s'agit de terres labourables, le tiers des sommes qu'il aurait été obligé de payer jusqu'à la fin de son bail, si la résolution n'en avait pas eu lieu. Ainsi, en supposant qu'a près quatre années de jouissance, on ait évincé le fermier d'une métairie qui avait un bail de six ans, moyennant 100 écus par an, il faudra lui accorder pour dédommagement, 200 liv., qui font le tiers de 600 liv. qu'il aurait encore payées si le bail n'eût pas été résolu.

Il paraît qu'il y a, à cet égard, une règle particulière dans le Maine. On voit, par un acte de notoriété donné par les avocats du Mans le 18 août 1735, que le dédommagement qu'on accorde au fermier évincé, n'est qu'un cinquième des sommes qui seraient à payer si le bail devait s'exécuter jusqu'au terme réglé par la convention.

[En Artois, ce dédommagement est fixé, par la jurisprudence du conseil de cette province, au quart des fermages.]

Au reste, cette règle est sujette à des exceptions qui naissent des circonstances ou de quelques considerations particulières. Supposons que l'éviction que le preneur a soufferte, soit d'une certaine partie des héritages dépendant de la métairie louée, comme de cinq fauchées de pré, ou trois arpens de vigne, il faudra déterminer la diminution du loyer, non d'après ce que ces choses pourraient être affermées selon leur valeur actuelle, mais d'après la somme pour laquelle elles sont entrées dans le prix total de la métairie, lors du bail: ce qui se règle par une evaluation de ces choses et des autres parties de la métairie, euégard à la valeur respective qu'elles avaient au temps du bail.

Si la valeur de la jouissance des parties distraites du bail, se trouve augmentée depuis le bail, cette augmentation étant un profit dont le preneur se trouve privé, il doit obtenir à cet égard des dommages et intérêts qui assurent son indemnité.

Je vous ai loué une prairie moyennant 1200 liv. par année, et le bail doit durer neuf ans : vous avez ensuite sous-loué cette prairie à un laboureur pour 900 liv. par an: si ce laboureur vient à être évincé, il ne faudra pas seulement qu'il soit déchargé des 900 liv. qu'il devait donner par année jusqu'à la fin du bail, mais il sera pareillement nécessaire de vous décharger du paiement des 1200 liv.

faisant le prix de votre bail, puisque vous ne jouirez plus ni par vous, ni par votre souslocatairesi, au contraire, je vous avais loué la prairie pour goo liv., et que vous l'eussiez sous-louée pour 1200 liv., le gain de 300 liv., par an que vous auriez fait, est un objet qui doit entrer dans les dommages et intérêts résultant de l'éviction que vous aurez soufferte.

Lorsque le locataire d'une maison se trouve évincé en vertu de la loi emptorem, il paraît que la jurisprudence actuelle du parlement de Paris, est de n'accorder pour dommages et intérêts que six mois de loyer, et tout au plus une année, lorsqu'il s'agit d'une maison où il y a boutique.

Un menuisier de Soissons, qui, en vertu de la loi citée, fut évincé de la jouissance d'une maison que, suivant son bail, il devait encore occuper pendant neuf années, obtint pour dommages et intérêts au bailliage de Soissons, le tiers des loyers qui restaient à payer jusqu'à la fin du bail; mais par arrêt du 16 octobre 1770, la sentence fut infirmée, et le parlement réduisit les dommages et intérêts à une année de loyer. L'auteur du Traité des connaissances nécessaires à un notaire, qui rapporte cette espèce, nous apprend qu'en plaidant, on cita contre le menuisier un arrêt récent qui n'avait pareillement accordé qu'une année de loyer à un marchand épicier de la place Maubert, qu'un acquéreur avait aussi évincé en vertu de la loi emptorem.

Il y a néanmoins lieu de croire que, si l'acquéreur d'une maison n'expulsait le locataire que pour y faire un commerce pareil à celui que le locataire y faisait avec succès, on accorderait à ce dernier des dommages et intérêts proportionnés au tort que l'éviction lui causerait. Tel serait du moins le conseil de l'équité.

[[ V. le Code civil, art. 1744, 1745, 1746, 1747, 1748, 1749 et 1750. ]]

S. XVI. Des fins de non-recevoir que le fer mier peut opposer contre la demande en paiement des loyers.

I. Les quittances de trois années consécutives des loyers ou des fermages stipulés par le bail, font présumer que les années antérieures ont été payées, et établissent par conséquent une fin de non-recevoir contre la demande en paiement, qui pourrait être formée à cet égard.

Cette décision est fondée sur la loi romaine qui a établi une semblable présomption relativement aux impôts publics. Et cette présomp

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