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par lesquelles ils se sont ou ne se sont pas reservé le pouvoir de s'avantager.

» De deux choses l'une en effet : ou la loi de laquelle dépend pour eux la faculté de donner et de recevoir, leur permet de disposer au profit l'un de l'autre, ou elle le leur défend.

Au premier cas, la disposition est valable; mais ce n'est pas de leur contrat de mariage qu'elle tire sa validité; elle ne la tire que de la loi.

» Au second cas, la disposition est nulle, et le contrat de mariage, quelque stipulation, quelque réserve qu'il contienne, ne peut pas en couvrir la nullité. « La prohibition de don»ner entre mari et femme (dit Ricard, Traité » des donations, part. 1, no 377), est exécu»tée parmi nous avec tant de bonne foi, dans » les coutumes qui la contiennent, que nous » ne souffririons pas qu'elle fût violée par quel » que voie que ce soit....Nous ne souffririons » pas même, dans notre droit français, du » moins pour les coutumes dont nous parlons » et qui prohibent aux époux de se donner, » qu'ils pussent valablement se réserver la » faculté de contrevenir à cette prohibition » et de s'avantager pendant leur mariage, » parcequ'il ne dépend pas des particuliers » de déroger au droit public; et que cette » convention ne détruit pas les raisons par » lesquelles la loi a interdit, pour les biens » des familles, ces sortes de donations et » d'avantages ».

Il est vrai que la coutume du duché de Bourgogne en disposait autrement, et qu'elle permettait aux époux de se réserver par leur contrat de mariage, la faculté de s'avantager, qu'ils n'avaient pas sans cette réserve. Mais c'était une exception au droit commun, et la jurisprudence a constamment proscrit les tentatives faites de temps à autre pour l'étendre à d'autres coutumes.

<< Charondas, dans ses Réponses, liv. 19, chap. 86, rapporte un arrêt du parlement de Paris, du 27 mars 1575, qui, nonobstant une pareille réserve que deux époux avaient stipulée en se mariant, déclare nulle la donation faite par l'un d'eux à l'autre pendant le mariage.

Boucheul, des Conventions de succéder, page 108, nous en fournit un autre rendu par la même cour le 12 janvier 1613, après un consultis classibus, et par lequel est annullée une donation entre époux de biens situés en Angoumois, quoique, par le contrat de mariage, il y eût convention expresse,

NONOBSTANT TOUTES COUTUMES CONTRAIRES.

Enfin, il y a dans le Recueil de Dulaury, S. 72, un arrêt semblable du grand-conseil de Malines, du 14 octobre 1617.

TOME II.

» La demanderesse ne peut donc, sous aucun rapport, se prévaloir ici du contrat de mariage des sieur et dame de Talaru; et, parlà, tombe son premier moyen de cassation. » Le deuxième doit être envisagé sous deux points de vue.

» Tel que le présente la demanderesse, il se réduit à dire que l'arrêt attaqué viole la loi romaine, c'est-à-dire, la loi de la situation des biens-fonds de la testatrice, suivant laquelle le testament, fait en bonne forme par une personne capable de tester, est pour ses héritiers une loi irrefragable: dicat testator et erit lex. Mais ce moyen ainsi présenté, rentre évidemment dans le troisième ; et il n'est pas encore temps de nous en occuper.

» Il est une autre face sous laquelle on peut le considérer, et qui mérite une attention particulière. La dame de Franqueville, peuton dire, a été instituée héritière par la dame de Talaru, sa sœur; et quoiqu'elle ait renoncé à son institution pour s'en tenir à sa qualité d'héritière ab intestat, elle n'en est pas moins assujettie aux legs de la testatrice, que si elle se fût portée héritière en vertu du testament. C'est la conséquence des lois placées sous le titre du Digeste, si quis omissá causá testamenti; et ces lois n'admettent ni restitution ni exception quelconque, quand tous les biens du testateur étaient de libre disposition.

» Or, la dame de Franqueville, qui, en sa qualité d'héritiere instituée, tire tout son droit du testament de la dame de Talaru, peut-elle s'élever contre l'article de ce testament qui la grève, au profit du sieur de Talaru, d'un legs de 125,000 livres? Peut-elle diviser la dernière volonté de la testatrice, l'accepter en ce qu'elle a d'utile, et en rejeter l'onéreux? Peut-elle, en un mot, séparer de son institution un legs qui en forme la charge, qui en est la condition? Et son institution ne s'évanouit-elle pas, si la charge n'en est pas remplie, si la condition n'en est pas exécutée ?

» A toutes ces questions, MM., il est une réponse bien simple, et c'est dans les lois romaines que nous la puisons. Tout ce qui, dans un testament, disent ces lois, blesse, ou l'honnêteté publique, ou les bonnes mœurs, ou les dispositions prohibitives de la législation, est réputé non écrit; et l'institution qui se trouve grevée d'une condition ou d'une charge de cette nature, doit être exécutée comme si elle était faite purement et simplement: Conditiones contrà edicta imperatorum aut contrà leges scriptæ, vel quæ contrà bonos mores, vel derisoriæ sunt, aut hujusmodi quas prætores improbaverunt, pro non scriptis habentur et perinde ac si conditio hæreditati

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adjecta non esset, capitur hæreditas. (Loi 14, troisième, dans celui qui consiste à dire que, D. de conditionibus institutionum.)

» Si donc le legs de 125,000 livres que la dame de Talaru a fait à son époux, était prohibé par la coutume de Paris, et si c'est la coutume de Paris qui doit décider de son sort, il doit être considéré comme non écrit dans le testament de la dame de Talaru; et la dame de Franqueville, quoique tirant tout son droit de ce même testament, n'en est pas moins recevable à demander la nullité de cette disposition particulière.

» C'est ce qu'a jugé, dans une espèce à peu près semblable à celle-ci, un arrêt célebre du parlement de Paris, du 2 avril 1762.

» La dame de Régusse avait institué son mari, président à mortier au parlement d'Aix, son héritier et légataire universel, et lui avait substitué le second fils du sieur de Bonardy, son oncle; elle laissait des biens en pays de droit écrit, où la loi l'autorisait à avantager son mari, et dans les coutumes de Paris et de Senlis qui le lui défendaient.-Le sieur de Bonardy réclama, comme tuteur de son fils, les biens situés sous l'empire de ces deux coutumes. Mon fils, disait-il, est appelé à ces biens, en cas que M. de Ragusse ne puisse pas les recueillir. Or, ce cas est arrivé par l'effet de la loi territoriale qui annulle la disposition que la tes tatrice en a faite à l'avantage de son mari.

>> M. de Ragusse lui répondait : Votre fils n'a rien qu'en vertu du testament de ma femme. Ce testament n'est, dans ses diverses dispositions, qu'un seul tout moral; vous ne pouvez donc pas le diviser.

» Erreur, répliquait le sieur de Bonardy; la nullité de votre legs universel est prononcée par une loi prohibitive; votre legs universel est donc comme non écrit ; je puis donc l'attaquer, sans m'exposer a perdre le titre que

me confère le testament.

» Et effectivement, l'arrêt cité, adoptant les conclusions de M. l'avocat-général Joly de Fleury, prononça en ces termes : « La cour » déclare la partie de Dorigny (M. de Régusse) >> incapable de retenir les biens compris » dans le legs universel porté au testament » dont il s'agit, comme situés és coutumes » prohibitives de tout avantage entre époux; » en conséquence, déclare le fidei-commis des» dits biens ouvert au profit de la partie de » Gin (le sieur de Bonardy); condamne la par»tie de Dorigny à délaisser à la partie de Gin » la propriété, possession et jouissance desdits » biens...".

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» Le second moyen de la demanderesse n'est donc pas mieux fondé en soi que le premier : et comme le premier, il vient se fondre dans le

par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Paris a fait une fausse application de l'art. 282 de la coutume de cette ville.

» Pour établir ce moyen, la demanderesse part d'un principe qu'elle regarde comme audessus de toute espèce de contradiction : c'est que le statut prohibitif des avantages entre époux est absolument réel, et qu'il n'est en conséquence applicable qu'aux biens situés dans son territoire. Elle conclut de là que la coutume de Paris a bien pu annuller le legs de bijoux, de portraits, de meubles spécifiquement déterminés, que la dame de Talaru avait fait à son mari, parceque ces effets ayant leur situation légale dans le domicile de la dame de Talaru, ont nécessairement dû recevoir la loi de la coutume qui, à l'époque du décès de la testatrice, régissait son domicile. Mais elle en conclut en même temps que la coutume de Paris n'a pas pu empêcher que le legs de 125,000 livres ne reçût son exécution sur les biens du Dauphiné; et pour justifier cette conséquence, elle vous rappelle que les lois du Dauphiné permettaient les libéralités testamentaires entre époux; elle soutient qu'en léguant 125,000 livres à son mari, la dame de Talaru était censée avoir disposé de ses biens du Dauphiné jusqu'à cette concurrence; que la coutume de Paris n'avait pas plus d'empire sur ce legs que sur les biens destinés à en acquitter la charge: qu'ainsi, avoir appliqué la coutume de Paris à ce legs, c'est avoir fait de sa disposition prohibitive des donations entre mari et femme, une application souverainement fausse.

>> Tout ce raisonnement repose, comme vous le voyez, sur le principe que les statuts prohibitifs des Avantages entre conjoints, sont purement réels; et il faut convenir que ce principe, quoique fortement combattu par de grands jurisconsultes, a acquis, par le grand nombre d'arrêts qui l'ont invariable ment consacré, une autorité presque égale à celle d'une loi expresse... (1).

» Mais peut-on, même en assimila nt ce point de jurisprudence à une disposition législative, accuser la cour d'appel de Paris d'avoir faussement appliqué l'art. 282 de la coutume de cette ville, et d'avoir par-là contrevenu à la loi delphinoise?

» Sans contredit, il y aurait fausse application de l'un, et contravention à l'autre, si la dame de Talaru eût légué à son mari les biens

(1) V. Mon Recueil de Questions de droit, au mot Avantage entre époux, §. 3.

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qu'elle avait en Dauphiné; mais ce n'est point là ce qu'elle a fait : elle a légué à son mari une somme de 125,000 livres, et rien de plus.

» On prétend néanmoins qu'en léguant 125,000 livres, elle a véritablement légué ses immeubles du Dauphiné, jusqu'à la concurrence de cette somme.

» Mais que l'on veuille bien répondre à une question: si le legs eût été reconnu valable, les héritiers auraient-ils pu forcer le légataire à prendre des biens du Dauphiné en paiement de ses 125,000 liv.? La loi 12, D. de legatis 2o, décide nettement que non ; et c'est ce qu'ont jugé un arrêt du parlement de Paris, du 10 janvier 1651, rapporté par Soefve; un arrêt du parlement de Bordeaux, du 4 septembre 1692, rapporté par la Peyrère ; trois arrêts du parlement de Grenoble, des 10 décembre 1634, 25 novembre 1635 et 3 juin 1636, rapportés par Basset; et un arrêt du parlement de Dijon, du 12 juillet 1604, rapporté par Brillon.

» Comment donc peut-on dire qu'en léguant 125,000 livres, la dame de Talaru est censée avoir disposé, jusqu'à la concurrence de cette somme, de ses biens du Dauphiné ? Elle ne peut pas être censée en avoir disposé, lorsqu'il s'agit de savoir de quelle manière le legs, supposé valable, devrait être payé; et elle serait censée en avoir disposé, lorsqu'il s'agit de savoir si réellement le legs est valable ou non! On ne peut assurément rien concevoir de plus incohérent.

» Mais, dit-on, Duplessis, sur la coutume de Paris, chap. 1, sect. 2; Valin, sur la coutume de La Rochelle, art. 65, no 108, et Pothier sur la coutume d'Orléans, introduction au Titre des testamens, no 76, enseignent que «<le legs d'une somme de deniers, sans espèce » ni assignat, est à prendre généralement sur » tous les biens ».

» Oui, et leur doctrine est incontestable. Mais quel sens lui donnent-ils, et quel est leur objet en s'expliquant ainsi ? Ils parlent d'un legs de deniers dont la validité n'est pas révoquée en doute; et voulant déterminer pour quelles parts les cohéritiers doivent entre eux contribuer à son paiement, ils établissent que chacun d'eux en est tenu à proportion de ce qu'il prend dans l'hérédité, sans qu'il y ait, à cet égard, aucune distinction à faire entre les héritiers des meubles et les héritiers des immeubles disponibles par testament. Voilà tout ce que disent Duplessis, Valin et Pothier; et certes, on ne peut pas en conclure qu'un legs de deniers proscrit par la loi qui régit la personne et la fortune mobilière du testateur, puisse valoir sur les immeubles soumis à l'empire d'une autre loi.

» Voyez en effet où conduirait une pareille conséquence! Un mari domicilié sous une loi qui permet les Avantages entre époux, lègue à sa femme une somme de 100,000 francs, et il meurt laissant une succession de 200,000 fr.; savoir, 100,000 francs en argent comptant, et 100,000 francs en immeubles situés sous une loi qui interdit toute libéralité entre mari et femme. Que recevra sa veuve en vertu du legs de 100,000 francs dont il l'a gratifiée ? Elle recevra incontestablement les 100,000 francs qui se trouvent en espèces dans la succession, et elle les recevra sans réduction ni retranchement quelconque. Cependant, si l'on adoptait le corollaire que tire la demanderesse de la doctrine de Duplessis, de Valin et de Pothier, il faudrait réduire le legs à 50,000 fr. ; car les immeubles situés sous la loi prohibitive, seraient censés en avoir été grevés pour moitié par le testateur, et le testateur ne serait censé avoir légué à sa femme que la moitié des 100,000 francs qu'il a laissés en espèces métalliques. Or, de telles idées sont-elles proposables?

» Il est encore une autre conséquence non moins fausse, non moins absurde, à laquelle conduirait infailliblement le système de la demanderesse. Il en résulterait en effet que, dans les pays où, pour disposer à titre gratuit d'un immeuble, on doit remplir dans le lieu de sa situation une formalité que n'exige pas la disposition d'un objet mobilier, la donation d'une somme d'argent ne serait valable, du moins pour la part qu'en doivent supporter les immeubles du donateur, qu'autant qu'elle aurait été revêtue de cette formalité dans le lieu où ces immeubles sont situés; et, il faut le dire, un jurisconsulte justement célèbre, Ricard, dans son Traité des donations, part. 1, no 1155, a soutenu que cela devrait être ainsi, par rapport à l'insinuation; mais c'est une erreur contre laquelle s'est élevé Furgole, sur l'art. 23 de l'ordonnance de 1731, et qui a été hautement condamnée par un arrêt solennel du parlement de Paris, du 8 juillet 1739.

» Le 19 septembre 1732, Jean-François Dubois, domicilié dans le ressort du bailliage de Langres, donne entre vifs à Charles Dubois, à Christine Mailly, sa femme, et à Anne Dubois, leur fille, une somme de 8000 livres à prendre sur le plus clair de ses biens, tant meubles qu'immeubles, lesquels il déclare affecter au paiement de cette somme, dont il se réserve l'usufruit. Cette donation est insinuée au greffe du bailliage du domicile du donateur. Après la mort de celui-ci, ses héritiers prétendent la faire annuller sous le prétexte qu'elle n'a pas été insinuée au greffe du

bailliage de Chaumont, dans lequel sont situés tous les immeubles de la succession, et il invoque l'autorité de Ricard; mais par l'arrêt cité, confirmatif d'une sentence du bailliage de Langres, leur prétention est rejetée, et ils sont condamnés à payer les 8000 livres.

» Cet arrêt (dit Rousseaud de la Combe, dans son Recueil d'arrêts et règlemens notables, page 329) décide, comme l'on voit, que les dispositions de sommes mobilières, » quoiqu'affectées sur les immeubles, se re» glent par le domicile de la personne qui dis» pose, à l'instar des meubles corporels ».

» La demanderesse a opposé à cet arrêt, devant la cour d'appel de Paris, qu'il ne décidait pas directement la question agitée entre elle et les dames de Franqueville et de Veynes; que d'ailleurs, il n'avait été rendu qu'après un partage porté de la grand'chambre à la première des enquêtes. Mais en voici un autre qui l'a suivi de près, et auquel on ne peut certainement pas faire d'objections semblables.

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» Le sieur de Chaillon, domicilié à Paris, fait un testament par lequel il donne à son épouse « la somme de 30,000 livres et tous les » meubles meublans du château de Mézières, » estimés à la somme de 40,000 livres, et tous » les bagues et joyaux, tant audit sieur tes» tateur qu'à ladite dame de Chaillon, le tout » suivant la coutume de Dreux ».

» Le frère du sieur de Chaillon attaque ce legs. Sentence des requêtes du palais qui le déclare nul. Appel.

» Le célèbre Cochin, pour la dame de Chaillon, appelante, disait que la prohibition de s'avantager entre époux est un statut réel qui ne forme pas en eux une incapacité absolue de se donner mutuellement, mais qui contient seulement une interdiction de se donner ou léguer des biens situés dans des coutumes prohibitives; qu'il n'est pas nécessaire de se donner nommément les biens situés dans une coutume qui le permet, mais seulement de ne pas se donner ceux qui sont situés dans une coutume qui le défend; qu'ainsi, le sieur de Chaillon ayant pu donner les biens situés dans la coutume de Dreux, qui permet les Avantages, il avait pu donner une somme à prendre sur ces mêmes biens, et les charger du paiement du legs; que dès là, aucune raison, aucun prétexte ne pouvait écarter la demande en paiement des 30,000 livres ; qu'à l'égard du mobilier du château de Mézières, il était bien vrai que le sieur de Chaillon n'avait pu en disposer au profit de son épouse, le mobilier suivant le domicile de la personne à qui il appartient; mais que l'estimation qu'il lui avait

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donnée dans le testament, équivalait à un legs en deniers, qui, se réduisant à une action, devait être exécuté, parceque le testateur avait laissé, dans sa succession, des biens disponibles, sur lesquels cette action pouvait être exercée. Telle était la substance du plaidoyer de ce grand orateur, que l'on retrouve en entier dans le recueil de ses œuvres, tome 5, pag. 79 et suivantes.

soit

»Gueau de Reverseaux, son digne émule, répondait pour l'intimé, qu'il était inutile de rechercher si la coutume de Dreux autorisait les donations entre mari et femme, parceque le testateur n'avait disposé que d'effets mobiliers, qui, suivant la loi du domicile, devaient se régler par la coutume de Paris, qu'on la considerat comme un statut person. nel, soit qu'on la jugeât former un statut réel. « Une première règle (ajoutait-il, ainsi que >> nous l'apprend Rousseaud de la Combe, dans » le Recueil déjà cité, page 361), une pre» mière règle est que le droit français ne con» naît que deux espèces de biens, des meubles » et des immeubles. On n'y suit point le droit >> romain qui mettait les droits incorporels » dans une troisième classe de biens; ici, les » droits incorporels sont meubles ou immeu »bles, suivant la nature de leurs objets; ils » sont meubles, quand ils ont un meuble » pour objet; et immeubles, quand ils ten»dent à acquérir un immeuble; d'où il suit » qu'un legs de 30,000 livres n'ayant pour » objet que des deniers, est une disposition » mobilière. Une seconde règle, c'est que les >> meubles suivent le domicile de celui qui » dispose; il faut donc, pour juger du legs » d'une somme mobilière, suivre la loi du » domicile. Ce principe que les dispositions » de sommes mobilières suivent la loi du do» micile, a été confirmé par l'arrêt du 3 juil» let 1739, au sujet de la donation de 8,000 » livres faite par Jean-François Dubois à Char»les Dubois ».

» Après avoir ainsi prouvé que le legs d'une somme de 30,000 livres devait être annulle, quoique le testateur eût laissé des biens dans une coutume permissive des donations entre époux, Gueau de Reverseaux soutenait qu'il en devait être de même et à plus forte raison, du legs des meubles du château de Mézières; qu'en effet, ces meubles, quoique placés matériellement dans la coutume de Dreux, avaient leur situation légale dans la coutume de Paris; que le testateur n'avait pas pu les soustraire à la loi prohibitive de son domicile, en déclarant qu'il en disposait sui vant la coutume de Dreux; que la distinction des coutumes fait partie de l'ordre public,

qui ne dépend point de la volonté des particuliers, etc.

» M. l'avocat général Joly de Fleury a dit, en adoptant ces moyens, que, « quand » même il y aurait eu dans le testament, à >prendre les 30,000 liv. sur la terre de Mé»zières située dans la coutume de Dreux, ce serait toujours un legs d'une somme mobi»lière qui se doit régler par le domicile du

» testateur »>.

« En conséquence, arrêt du 7 avril 1740, qui confirme la sentence des requêtes du palais. » Que pourrions-nous ajouter à une décision aussi formelle, et qui rentre aussi parfaitement dans notre espèce? Il en résulte clairement qu'un legs de deniers ne doit avoir pour règle de sa validité, que la loi du lieu où la succession est ouverte ; et dès là, nul moyen de porter atteinte à l'arrêt qui vous est dénoncé. Nous estimons, en conséquence, qu'il y a lieu de rejeter la requête de la demanderesse ».

Arrêt du 2 juin 1806, au rapport de M. Valée, par lequel,

« Attendu que, bien que la dame de TaJaru eût des immeubles en pays de libre disposition, et que le legs de 125,000 livres fait à son mari, fût à prendre sur tous ses biens, elle avait son domicile à Paris, où les Avantages entre époux étaient prohibés; que la cour d'appel de Paris, ayant déclaré le legs fait la dame de Talaru à son que mari, était un legs de chose mobilière et par conséquent nul, d'après la loi du domicile, n'a point contrevenu aux dispositions de la coutume de Paris ; que par la solution donnée à ce moyen, les moyens tirés de la violation du contrat de mariage et de la contravention aux lois romaines se trouvent répondus ;

par

» La cour rejette le pourvoi........... ». VIII. Deux époux peuvent-ils renoncer, par leur contrat de mariage, à la faculté de s'avantager l'un l'autre ? V. Renonciation, S. I, no 3.

VIII bis. Les donations entre époux peuvent-elles, lorsque le mariage est nul, valoir comme donations entre concubinaires? V. Don mutuel, S. 2, no 5; et le plaidoyer du 15 juil let 1811, rapporté au mot Jugement, §. 7 bis. IX. On trouvera dans mon Recueil de Questions de droit, aux articles Avantages entre époux, Don mutuel et Révocation de donation, un grand nombre de questions sur les dispositions de l'ancien droit et des lois nouvelles concernant les Avantages entre époux.

V. encore, sur cette matière, les articles Conventions matrimoniales, Entravestisse ment, sect. 2 et 3; et Donation. ]]

* AVANTAGE A UN ENFANT. I. Les enfans sont naturellement appelés à partager la succession de leur père et de leur mère par égales portions; mais ne peut-il pas être dérogé à cette égalité? Le droit écrit et le droit coutumier n'ont presque rien de commun à cet égard.

Dans le droit écrit, il est permis de faire la condition d'un de ses enfans meilleure que celle des autres, soit par testament, soit par donation entre-vifs, soit par institution contractuelle. En pays coutumier', il n'y a là-dessus rien d'uniforme : dans quelques coutumes, on ne peut avantager les uns plus que les autres, si ce n'est par leur propre contrat de mariage; dans d'autres, on ne peut les favoriser que d'une certaine quotité et d'une certaine nature de biens. Ici, on distingue entre nobles et roturiers; là, on accorde un préciput: ailleurs, il n'en est point question; autant de coutumes, autant, pour ainsi dire, de dispositions diverses et singulières.

Lorsqu'il est dit par une coutume, que le père et la mère ne pourront avantager l'un de leurs enfans plus que les autres, il est certain que ce qu'on ne peut point faire pour eux directement, on ne peut le faire non plus d'une manière indirecte, c'est-à-dire,

par

des voies détournées.

II. Un pareil statut est-il réel ou personnel? [[Il ne peut être que réel, d'après les principes développés aux mots Autorisation maritale, sect. 10. ]] Il en est donc ici comme à l'égard du mari et de la femme, pour lesquels il est décidé qu'ils peuvent exercer leurs libéralités respectives sur d'autres biens que ceux qui sont situés dans la coutume prohibitive où ils ont leur domicile.

Mais si un père, pour avoir occasion d'avan-` tager l'un de ses enfans dans une coutume prohibitive, vendait de ses fonds situés dans cette coutume, pour en acheter d'autres dans une province où il est permis d'avantager l'un de ses enfans plus que les autres, la disposition qui serait faite de ces biens nouvellement acquis en faveur de cet enfant, au préjudice des autres, serait-elle valable? Ceci [[ suivant quelques auteurs ]] dépendrait des circonstances : il est certain [[disent-ils]] que, si, peu de temps après l'acquisition, le père en disposait en faveur de son fils, cette disposi tion paraîtrait faite pour éluder la loi, et le fils serait obligé de rapporter ce qu'il aurait pris: mais si, d'un côté, on peut présumer de la prédilection de la part du père, on est, d'un autre côté, éloigné de soupçonner de la fraude; lorsqu'on fait attention qu'un

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