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qui maintient l'abbaye de Mureaux dans la possession où elle est de prendre par préciput, dans ces Arages, les douze réaux qu'elle a acquis, en 1251, de Geoffroy de Vaucouleurs. Le 16 avril 1625, bail par lequel l'abbaye de Mureaux afferme les portions du droit d'Arage dont elle jouit sur les terres ensemencées en grains dans le territoire de Lifflot-le-Grand, et qui consistent, chaque année, en 109 mines de bled et 27 minots d'avoine.

Le 8 octobre 1659, l'abbaye de Mureaux cede ces prestations, par bail perpétuel et à surcens, à la commune de Lifflot-le-Grand, moyennant une rente annuelle, perpétuelle et non rachetable, de 160 francs barrois.

En mars 1660, le chapitre de Lamotte, suivant l'exemple de l'abbaye de Mureaux, cède pareillement à la commune de Lifllot-le-Grand, la portion qu'il a dans le droit d'Arage qui grève toutes les terres ensemencées en grains dans ce territoire.

Le 2 du même mois, le duc de Lorraine et de Bar aliene, sous faculté perpétuelle de rachat, la seigneurie de Lifflot-le-Grand.

En frimaire an 14, le directeur des domaines du département des Vosges, décerne contre la commune de Lifflot-le-Grand, une contrainte en payement d'une somme de 6,853 francs 30 centimes, pour les arrérages échus de la rente stipulée par le bail à surcens du 8 octobre 1659.

La commune forme opposition à cette contrainte, et soutient que le droit d'Arage étant aboli par les lois des 25 août 1792 et 17 juillet 1793, la redevance qui le représente, est nécessairement frappée de la même abolition.

Le préfet du département des Vosges inter. vient, à raison de la contestation élevée sur le fond du droit; et l'affaire s'instruit contradictoirement avec lui.

Le 24 mars 1809, jugement par forclusion, qui, attendu 1o que rien dans l'acte du 8 octobre 1659, ne décèle la féodalité; 2o qu'il est avancé par le préfet, et non contesté par la commune, que l'abbaye de Mureaux n'était, à aucun titre, seigneur de la totalité ni d'une partie quelconque du territoire de Limflot-leGrand; 3o qu'à la vérité, la rente de 160 fr. barrois représente un préciput à prendre sur des Arages, et que la loi du 25 août 1792 range les redevances de cette espèce dans la classe des droits féodaux ou censuels utiles; mais qu'elle leur suppose la nature de féodales, et qu'elle ne les abolit qu'autant qu'elles ne seraient pas prouvées avoir pour cause une concession primitive de fonds; 4° que cette concession primitive doit être présumée, lorsqu'étant posée en fait par les demandeurs,

rien ne porte à croire que la redevance ait été le résultat de l'usurpation et l'effet de la puissance féodale;- condamne la commune à servir la rente contentieuse aux termes fixés par l'acte du 8 octobre 1659, sauf à elle à exercer contre les possesseurs des terres sujettes à l'Arage, les droits résultans du même acte.

La commune appelle de ce jugement, et le 28 décembre suivant, arrêt de la cour de Nancy, qui met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge la commune de la demande du préfet. Voici par quels motifs :

« La loi du 25 août 1792 a formellement aboli le droit d'Arage et les redevances de cette espèce, s'il n'était prouvé qu'elles fussent le prix d'une concession de fonds. La loi du 17 juillet 1793 ne s'est pas essentiellement attachée à cette preuve; elle a prononcé l'abolition de toutes rentes féodales, et a fixé même une exception : c'est la conservation des rentes purement foncières et non seigneuriales. Ainsi, quand il est reconnu que la rente réclamée était seigneuriale ou féodale, elle est nécessairement abolie.

» A cette proposition il faut attacher plusieurs conséquences: l'une, qu'une rente n'est pas présumée seigneuriale, parcequ'elle appartiendrait à un ci-devant seigneur; l'autre, que, dans les coutumes allodiales, la rente due à cause d'un fonds, est présumée purement foncière. L'application de ces principes doit embrasser plusieurs rapports. Quelle était la nature de l'Arage perçu sur les terres de Lifflot-le-Grand, dans la main des comtes de Bar? Quelle était leur qualité dans cette commune? Dans quelle classe la coutume locale peut-elle être placée? Enfin, quelle influence la conversion de la redevance aura-t-elle à l'égard des derniers possesseurs?

» Il est définitivement reconnu que le droit d'Arage se percevait à Lifflot-le-Grand, sur toutes les terres du territoire ensemencées de grains. Il paraît avoir de la similitude avec un autre droit connu dans la ci-devant Lorraine, sous le nom de droit de charrue, qui n'était autre que la reconnaissance de la liberté d'ou. vrir la terre, et le signe indubitable de l'impression féodale. Si l'on attachait forcément à des redevances de cette espèce la présomption de la foncialité, il faudrait ranimer la puissance féodale et couvrir la terre de prestations onéreuses que les lois ont déclarées contraires à la liberté.

» Dans l'ancien droit, une présomption légale faisait admettre que, dans le cas où il n'était dû qu'une seule rente sous le titre de champart ou terrage, sans aucun cens, cette

rente tenait même nature que le cens, chefcens, rente directe, et était présumée seigneuriale. Les titres produits ne laissent aucun doute sur le fait que les comtes de Bar étaient seigneurs à Lifflot-le-Grand; que le droit d'Arage leur appartenait dans cette contrée, et s'étendait à plusieurs communes. La concession de l'Arage fut l'effet de leurs propres dispositions; la remise de plusieurs années d'arrérages, le résultat de leur bienfaisance; les différentes mutations, la conséquence de leur consentement, émanation certaine du pouvoir territorial; consentement expressément donné par Thibaut II à Geoffroy, avec indication que Geoffroy tenait l'Arage de lui.

» La coutume du bailliage de Bassigny ne peut être placée dans la classe des coutumes allodiales. L'art. 11 du tit. 5 atteste que l'on y connaissait des serfs taillables et de poursuite, sujets à d'autres servitudes, selon la nature des terres et seigneuries, à cause des hommes. On y connaissait des censives assujetties aux droits de lods et vente. Les arrérages du cens se prescrivaient par dix ans, sans qu'il soit question du fond du cens sur lequel toute explication était donnée, en parlant au titre des fiefs, de l'imprescriptibilité des droits dus par les vassaux. Enfin, sous un autre rapport, l'aliénation des fiefs n'y pouvant se faire sans confirmation. On trouve à la fois dans la sentence de 1647, la preuve que Thibaut II dut confirmer l'échange fait par Geoffroy avec les religieux de Mureaux, et que l'Arage cédé étant la seule redevance transmise, partici pait, dans cette coutume, de toutes les qualités du cens, toujours considéré comme la reconnaissance de la directe seigneurie. Il faut conclure de ces faits, que les comtes de Bar ayant aliéné à Geoffroy et autres le droit d'Arage qu'ils percevaient, non-seulement à Lifflot-le-Grand, mais encore dans plusieurs autres communes, ont transmis en entier le droit méme avec la directe seigneurie, et par conséquent auraient aliéné la directe même. Que si, dans la coutume de Bassigny, une seconde mutation ne pouvait se faire sans le consentement du prince, règlement qui tenait au régime des fiefs, la confirmation de l'échange fait avec les religieux de Mureaux, aurait été équivalemment une transmission directe et sans aucune réserve. Ainsi, la redevance aurait toujours conservé sa qualité primitive. Cette considération écarte l'application des exceptions de la loi du 17 juillet 1793 et de l'art. 17 de celle du 25 août 1792; car ce qui constitue la foncialité d'une rente, c'est lorsque le seigneur de la rente la vend à un tiers, en se réservant la directe; par là,

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il n'aliéne pas son autorité féodale; il constitue, par le démembrement, une rente qui devient foncière pour l'acquéreur, et qui prend cette qualité de lui au redevable, en sorte qu'elle n'est plus régie que par la loi commune qui admet la prescription et tous autres moyens généraux réglementaires des conventions. Ainsi, les religieux de Mureaux, devenus propriétaires du droit d'Arage, sur la concession duquel les comtes de Bar n'avaient fait aucune réserve, ont dû en jouir au même titre et avec les qualités qu'ils avaient. En ont-ils changé la nature par le bail perpétuel qu'ils ont fait ? On remarque d'abord que les religieux n'auraient pu opérer ce changement, parcequ'ils ne pouvaient dénaturer la redevance ni la convention primitive qui y attachait la reconnaissance de la directe seigneurie. 2o. En traitant avec la commune, ils n'oublient pas de déclarer qu'après des calculs exacts, ils ont trouvé une parfaite égalité entre le droit d'Arage et la rente en argent qu'ils acquièrent; et s'ils qualifient le bail à surcens, il est certain que rien n'est stipulé in augmentum primi censús, ni aucune charge séparée; ils n'ont donc fait qu'une simple conversion. 3°. Le bail rappelle le titre originaire, la cause de la prestation; le prix consenti à cause d'elle s'identifie avec ce droit même; ainsi, étant devenu la représentation d'un droit seigneurial, il doit cesser, dès que le droit trouve dans sa qualité la cause de sa destruction.

» La commune avait annoncé, dans un acte du 3 novembre, un incident sur la remise de plusieurs pièces qu'elle prétend lui appartenir; la cause s'est plaidée sans que l'incident fut renouvele; les conclusions ne le rappellent pas; il paraît dès lors que les parties se réservent particulièrement de distinguer, lorsqu'elles contesteront sur l'instance indécise, les titres et pièces que chacune d'elles aura droit de conserver........ ».

Le préfet du département des Vosges se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

«La requête en cassation dont vous venez d'entendre le rapport (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 22 août 1810), réduit toute cette affaire à la seule question de savoir si la coutume de Bassigny était allodiale ou non ; et l'on sent que c'est véritablement à ce seul point qu'elle doit être réduite, si le droit d'Arage dont la rente litigieuse est représentative, peut être considéré comme le prix d'une concession de fonds.

» En effet, dans cette hypothèse, il faut d'abord tenir pour constant, d'après le décret de la convention nationale du 6 messidor an 2,

que, si la coutume de Bassigny n'était pas allodiale, le droit d'Arage avait été, dans le principe, récognitif de la seigneurie directe des ducs de Bar, sur les terres qui en étaient grevées, et avait par conséquent, formé dans leurs mains, un droit seigneurial.

» Il faut ensuite, toujours en supposant la coutume de Bassigny non allodiale, regarder les divers particuliers ou corps ecclésiastiques à qui les ducs de Bar ont cédé leur droit d'Arage, pour le tenir d'eux en fief, comme ayant succédé, chacun pour la portion qui le concernait, à la seigneurie directe des ducs de Bar eux-mêmes, sur les terres grevées de ce droit; et par conséquent comme ayant possédé ce droit à titre féodal. Car ce droit était, à ce qu'il paraît, le seul dont les ducs de Bar eussent joui sur ces terres, le seul qui fût récognitif de leur seigneurie directe; ils n'ont pas pu le mettre hors de leurs mains, ils n'ont pas pu le transporter par inféodation à divers particuliers ou corps ecclésiastiques, sans mettre hors de leurs mains, sans transporter à leurs concessionnaires, la seigneurie directe dont il était récognitif. Le parlement de Paris l'avait ainsi jugé le 10 fevrier 1784, en faveur des dames du Trésor, défendues par M. Henrion; et la cour l'a jugé de même, trois fois, savoir le 10 février 1806, au rapport de M. Zangiacomi, et sur nos conclusions, en cassant un arrêt de la cour de Poitiers, du 9 pluviose an 11 (1); le 16 février 1809, au rapport de M. Henrion, en maintenant un arrêt de la cour de Bruxelles, attaqué par le sieur Rapsaet; et, le même jour, au rapport de M. Zangiacomi, en maintenant un autre arrêt de la même cour, attaqué par le sieur Vancoen-Wemberche (2).

» Et il n'importe que, dans des actes postérieurs à la concession faite par les ducs de Bar de leur droit d'Arage sur les terres situées dans la commune de Lifflot-le-Grand, les ducs de Bar soient encore qualifiés de seigneurs de cette commune. En n'aliénant que la seigneurie directe ou foncière de cette commune, ils s'en étaient nécessairement conservé la haute seigneurie; en n'alienant leur droit d'Arage qu'à la charge que les concessionnaires le tiendraient d'eux, ils en avaient nécessairement retenu la mouvance; et il n'en fallait pas davantage pour qu'ils continuassent de se qualifier de seigneurs.

» Si, au contraire, la coutume de Bassigny était allodiale, le droit d'Arage des ducs de

(1) V. l'article Cens, S. 2, no 3. (2) V. l'article Terrage, nó 3.

Bar sur les terres de la commune de Lifflot-leGrand, doit être présumé avoir formé, dans leurs mains, le prix d'un bail à simple rente foncière ; et s'il existait encore en ce moment dans leurs mains, il devrait y être maintenu, nonobstant les dispositions des lois des 25 août 1792 et 17 juillet 1793. Témoin les arrêts de la cour, du 3 pluviose an 10, au rapport de M. Boyer; du 24 vendémiaire an 13, au rapport de M. Ruperou; et du 9 floréal de la même année, au rapport de M. Rousseau, qui ont expressément jugé que la présomption de la qualité purement foncière des redevances est admise dans le cas même où elles sont dues à des seigneurs, dans les pays allodiaux (1).

» A la vérité, les ducs de Bar, en aliénant ce droit par inféodation, l'avaient converti en droit féodal; mais envers qui? envers les redevables? non les redevables qui, avant l'alienation du droit, ne le devaient et ne le payaient que comme purement foncier et allodial, ont continue de le devoir et de le payer comme tel. Ce droit n'est devenu féodal par l'alienation, que des ducs de Bar aux alienataires ; il n'a formé, entre les mains des aliénataires, qu'un fief passif; et la cour a jugé, par plusieurs arrêts, notamment par ceux des 26 pluviose an 11 et 17 floréal an 12, rendus, l'un, au rapport de M. Lombard-Quincieux, en faveur du sieur Schawenbourg; l'autre, au rapport de M. Rousseau, en faveur du sieur Thobois, que les rentes foncières et les champarts qui ne formaient dans les mains des créanciers de ces droits, que des fiefs passifs, n'avaient reçu aucune espece d'atteinte par les lois abolitives des droits féodaux (2).

» C'est donc uniquement de l'allodialité ou de la non-allodialité de la coutume de Bassigny, que dépend la question de savoir si le droit d'Arage dont il s'agit, considéré comme formant le prix d'une concession primitive de fonds, est ou n'est pas aboli.

» Ainsi, la coutume de Bassigny- était-elle allodiale ou ne l'était-elle pas? Voilà ce que nous avons à examiner.

» L'arrêt attaqué juge qu'elle n'était pas allodiale; et il faut convenir que les motifs n'en sont rien moins que satisfaisans.

» On voit, y est-il dit, par l'art. 11 du tit. 5, qu'il y avait, dans le ressort de cette coutume, des serfs taillables et de poursuite,

(1) V. l'article Quart-raisin, et mon Recueil de Questions de droit, aux mots Rente foncière, S. 10, et Terrage, §. 1.

(2) V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Rente foncière, §. 11, et Terrage, S. 3.

sujets à d'autres servitudes, selon la nature des terres et seigneuries à cause desquelles ils sont hommes. On y connaissait des censives emportant lods et ventes. Les arrérages du cens s'y prescrivaient, aux termes de l'art. 172, par dix ans ; et la coutume ne s'expliquant pas sur le temps requis pour la prescription du fonds du cens, on doit en conclure qu'elle le réputait imprescriptible, d'autant que l'art. 23 affranchissait expressément de toute prescription les droits et devoirs du vassal envers son seigneur.

» Mais, 1o de ce qu'une coutume admettait dans son territoire la main-morte fondée sur titre ou possession ancienne, il ne s'ensuit nullement qu'elle ne fût pas allodiale. Elles étaient certainement allodiales les coutumes de Franche-Comté, du duché de Bourgogne, de Chaumont, de Troyes et d'Auvergne. Cependant il existait, dans leurs territoires, des milliers de serfs et de main-mortables.

» 2o. Il est vrai que les art. 103, 104, 105 et 106 de la coutume de Bassigny parlaient de censives et de lods et ventes. Mais les coutumes de Franche-Comté, du duché de Bourgogne, de Chaumont, de Troyes et d'Auvergne, en parlaient aussi dans une foule d'articles : est-ce à dire pour cela qu'elles réputaient sujettes aux cens et aux lods et ventes, toutes les terres dont la franchise n'était pas prouvée? Il est bien constant que non, puisque leurs propres textes, confirmés par des arrêts sans nombre, établissaient clairement la maxime nul seigneur sans titre.

» 3o. En supposant que le cens fût imprescriptible dans la coutume de Bassigny, devraiton en inférer que cette coutume n'était pas allodiale? Non, certainement. Sans doute on pouvait tres bien argumenter de la prescriptibilité du cens à l'allodialité, et dire : telle coutume admet la prescription du cens, donc elle est allodiale (1). Mais on ne pouvait pas réciproquement argumenter de l'imprescriptibilité du cens à la non-allodialité; et cela est si vrai, que le cens était universellement reconnu pour imprescriptible dans les coutumes de Franche-Comté, du duché de Bourgogne et d'Auvergne, quoique l'allodialité de ces trois coutumes fût incontestable.

» Il n'y a donc rien de moins concluant que les raisons sur lesquelles s'est fondée la cour de Nancy, pour juger que la coutume de Bassigny n'était pas allodiale.

cette coutume n'était pas allodiale, la cour de Nancy a-t-elle violé quelque disposition de cette coutume elle-même?

» Le préfet du département des Vosges soutient l'affirmative, et voici comment il débute : « le Bassigny était divisé en deux par» ties : l'une dite le Bassigny français, com» prise dans le Barrois mouvant, était régie >> par la coutume de Chaumont, et ressor» tissait au parlement de Paris. C'est dans >> cette coutume que la cour d'appel paraît » avoir puisé les motifs de son arrêt. L'autre » partie du Bassigny était comprise dans le » Barrois non mouvant qui composait le duché » de Bar, régi par les coutumes de Bassigny » et de Saint-Mihiel, et ressortissait au par» lement de Nancy. C'est dans cette partie du » Bassigny, dite le Bassigny lorrain, qu'était » située la commune de Lifflot-le-Grand ».

» Mais d'abord, la coutume du bailliage de Bassigny régissait non-seulement la partie de ce bailliage qui appartenait au Barrois non mouvant, mais encore celle qui dépendait du Barrois mouvant, et ressortissait au parlement de Paris. La preuve en est écrite littéralement dans le procès-verbal de cette coutume, où l'on voit figurer séparément et successivement les trois ordres de l'une et de l'autre parties.

» Ensuite, il s'en fallait beaucoup que la différente de celle du bailliage de Bassigny, coutume de Chaumont en Bassigny, bien fût au nombre des coutumes non allodiales. Elle était, au contraire, une de celles dont l'allodialité était la moins équivoque; elle disait en toutes lettres, art. 62: L'on tient audit bailliage que tout héritage est réputé franc, charge, quelque part qu'il soit assis. qui ne le prouve être redevable d'aucune

» Le demandeur ne s'entend donc

même, quand il vient vous dire que c'est de pas luila coutume de Chaumont, et non de celle du bailliage de Bassigny, qu'a entendu parler la cour d'appel.

bailliage de Bassigny quelque disposition qui » Mais enfin, y a-t-il dans la coutume du établisse clairement l'allodialité de cette coutume?

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Il n'y en a point d'autre, suivant le préfet du département des Vosges, que les art. 39 et 40 du tit. 5; et ces articles qui, à ses yeux, sont décisifs pour l'allodialité, que portent-ils ? Rien autre chose si ce n'est, le premier, que les non nobles sont de deux sortes, dont aucuns sont franches personnes, qui ne sont de

»Mais, d'un autre côté, en jugeant que main-morte, for-mariage ou d'autre condition

(1) V. l'article Franc-alleu, §. 12. TOME II.

servile; le second, que les autres sont serfs de main-morte, for-mariage, taillables à volonté et de poursuite, quelque part qu'ils se trans4

portent, et sujets à autres servitudes, selon la nature des terres et seigneuries à cause desquelles ils sont hommes, dont il y ait titre ou d'autre possession.

» Ainsi, suivant le préfet du département des Vosges, la coutume de Bassigny, par cela seul qu'elle exigeait titre ou possession pour l'assujettissement des personnes à la mainmorte et aux droits qui en dérivaient, était censée exiger titre ou possession pour l'assujettissement des héritages au cens.

» Mais où a-t-on vu qu'avant l'abolition du régime féodal, on pût ainsi argumenter de la franchise des personnes à la franchise des biens? Dans la coutume de Paris et dans une infinité d'autres, toutes les personnes étaient réputées franches, et néanmoins aucun heritage n'y était présumé allodial; l'allodialite ne pouvait y être établie que par des titres expres. Et pourquoi en aurait-il été autrement dans la coutume de Bassigny?

» C'est, dit le préfet du département des Vosges, que les coutumes voisines, notamment celle de Saint-Mihiel, étaient constamment allodiales; et qu'en cette matière, on ne pouvait mieux interpréter le silence ou l'obscurité d'une coutume, que par les dispositions de celles qui régissaient les territoires contigus au sien.

» La coutume de Saint-Mihiel était allodiale! Elle pouvait l'être, et nous avons sujet de croire qu'elle l'était réellement par l'usage et la jurisprudence; mais l'était-elle par son propre texte? Non car elle se bornait à dire, tit. 1, art. 13, que toutes personnes sont censées franches et libres, s'il n'appert du contraire; et encore une fois, il n'y a nulle conséquence à tirer de la franchise des personnes à l'allodialité des biens.

» Les coutumes de Lorraine, de Gorze, d'Épinal, du bailliage de Bar étaient aussi allodiales, mais elles ne l'étaient que comme la coutume de Saint-Mihiel; elles ne l'étaient que d'après la manière dont la jurisprudence avait interprété quelques-unes de leurs dispositions; car aucune de leurs dispositions n'etablissait expressément l'allodialité.

» Les coutumes de Chaumont en Bassigny et de Troyes, non moins voisines de celles du bailliage de Bassigny, consacraient l'allodialité par des textes for mels. Mais prétendre que vous devez casser l'arrêt attaqué, pour n'avoir pas étendu leurs textes hors de leur territoire, c'est un système qui n'a pas même le mérite d'être spécieux.

>> En dernière analyse, la cour de Nancy a fort mal raisonné en jugeant que la coutume de Bassigny n'était pas allodiale; mais elle n'a,

du moins, violé aucune loi écrite; et il n'en faut pas davantage pour garantir son arrêt de toute atteinte, même dans la supposition que le droit d'Arage dont étaient grevées les terres de Lifflot-le-Grand, pût être considéré comme provenant d'une concession de fonds. » Mais il y a plus, et cette supposition n'est pas même exacte.

» Elle le serait sans doute, s'il en était du droit d'Arage comme des droits de champart, de terrage, d'agrier ou de complant; car ceuxci sont, par eux-mêmes, censés être le prix de la concession des biens fonds qui en sont charges; et de là vient que, dans les pays allodiaux, ils subsistent, comme droits purement fonciers, alors même qu'ils sont dus à des ci-devant seigneurs, à moins qu'on ne prouve qu'ils sont seigneuriaux, c'est-à-dire, qu'ils sont le prix de baux à fief ou à cens.

» Mais le droit d'Arage n'a-t-il pas une autre origine? Il paraît avoir de la similitude, estil dit dans l'arrêt attaqué, avec un autre droit connu dans la ci-devant Lorraine, sous le nom de DROIT de CHARRUE, qui n'était autre que la reconnaissance du droit d'ouvrir la terre; et si cette conjecture est fondée, ou ce qui, pour nous revient au même, si elle est à l'abri de la censure de la cour de cassation, que gagnerait ici le préfet du département des Vosges, à prou· ver que la coutume de Bassigny était allodiale?

» L'allodialité d'une coutume est sans contredit une puissante raison de regarder comme purement foncières, comme non récognitives de seigneurie directe, et par conséquent comme maintenues par l'art. 2 de la loi du 17 juillet 1793, les redevances qui proviennent, ou sont censées provenir, de concession de fonds.

» Mais que peut-elle signifier relativement à une redevance qui, comme le droit d'Arage, n'aurait d'autre caractère que celui d'un droit de justice, ou plutôt de l'abus le plus monstrueux que les seigneurs justiciers aient jamais fait de leur puissance? Exiger un droit du malheureux cultivateur pour la permission qu'on lui accordait de labourer son propre champ, c'était une execrable tyrannie; et il n'était pas plus tolérable dans les coutumes allodiales, , que dans les coutumes asservies à la règle, nulle terre sans seigneur.

» Aussi ces sortes de redevances ont-elles été proscrites des les premiers temps de l'abolition du regime féodal. La loi du 15 mars 1790, tout en maintenant jusqu'au rachat, les droits féodaux qui avaient, ou étaient présumés avoir leur source dans des concessions de fonds, supprimait formellement, sans indemnité, tit. 2, art. 22, tous les droits créés sous prétexte de permissions données par les seigneurs pour

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