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vous encore une fois paisiblement et énergiquement pour votre pays et votre reine! Dimanche, après avoir fléchi le genou et humilié vos cœurs devant l'Eternel, ralliez-vous simultanément, que chaque paroisse d'Ir lande vote une adresse et une pétition : une adresse à la reine et une pétition aux communes. Suppliez la reine et les communes de vous conserver une administration juste et impartiale en Irlande, de vous préserver des favoris d'une faction bigote, oppressive et sanguinaire.»

Enfin, le jour où devait être vidé ce grand débat parlementaire, ce jour arriva. Ce fut le 15 avril (séance des communes). Lord Russell prit la parole: le ministre ne craignait point de l'avouer la motion sur laquelle la Chambre allait être appelée à se prononcer, le pénétrait lui-même d'une vive anxiété. Entrant ensuite dans le fond de la question, lord Russel! répondit tout d'abord au reproche dominant adressé par sir Robert Peel à la motion du gouvernement de ce que l'on demandait à la Chambre d'exprimer son sentiment sur une partie seulement de la politique adoptée par le pouvoir exécutif : Je me suis borné, dit le ministre, à demander à la Chambre d'exprimer son opinion sur cette partie de la politique, parce que c'est cette même partie qui a servi de base ou de cause principale à la résolution adoptée par l'autre Chambre, mais que la Chambre des lords, si elle le juge convenable, adopte un vote de reprobation contre d'autres parties du système politique du gouvernement, et je regarderai comme également impossible que le ministère conserve la direction des affaires sans avoir la certitude de posséder la confiance de la Chambre. L'enquête ordonnée par les lords étant er réalité un vote de censure contre le ministère, il est du devoir de la Chambre de se pro

noncer.

Lord John Russell fit ensuite ressortir toutes les conséquences de la résolution de la Chambre haute, et d'ailleurs les lords eux-mêmes n'avaient pas voilé leur dessein: il était évident qu'ils avaient voulu faire peser sur le Cabinet la responsabilité des crimes commis contre les per

sonnes et les propriétés en Irlande n'avaient-ils pas d'ailleurs, dans leurs journaux, reproché à l'administration de l'Irlande d'avoir manqué de vigueur dans l'application des lois et abusé de la prérogative royale, de sa clémence; enfin de s'être rendus coupables de négligence?

Le chef du département de l'Intérieur reprochait ensuite aux membres dévoués aux principes de sir Robert Peel, de s'être contentés jusqu'à ce jour de demander des productions de pièces sur la situation de l'Irlande, laissant ainsi aux lords le soin de censurer le ministère au lieu de le faire eux-mêmes, d'user de l'ancien droit des communes, celui de contrôler les mesures du gouvernement dans les circonstances qui commandent une pareille décision. Or, lord Russell s'expliquait parfaitement cette tactique de l'opposition; elle ne procédait ainsi, disait-il, qu'en désespoir de cause et parce qu'elle savait bien qu'elle ne trouverait point dans cette Chambre une majorité d'accord avec elle. Mais, dit-on, votre motion est une atteinte portée aux droits de la pairie : je ne le pense pas, répondait lord Russell. Si la Chambre des lords a eu raison de demander une enquête, on ne saurait avec quelque fondement empêcher les communes de suivre son exemple. Si elle a eu tort, nous ne craignons encore point de consulter les communes. En ce qui concerne la législation, les deux Chambres du parlement peuvent rester longtemps divisées d'opinion, sans qu'il en résulte aucun inconvénient pour le pays; mais en ce qui touche la conduite et les actes du pouvoir exécutif, de pareilles divergences d'opinion ne sauraient se prolonger sans détriment pour la chose publique. Il faut que le pouvoir exécutif soit dirigé d'une manière ou d'une autre. L'Irlande ne peut être gouvernée simultanément par lord Haddington et par lord Mulgrave; il faut opter entre deux systèmes et déclarer si vous avez ou non confiance dans le ministère. A l'appui de

ce raisonnement, l'organe du Cabinet citait ce qui avait eu lieu sous le ministère de lord Grey: une divergence d'opinion avait éclaté entre les deux Chambres au sujet de la politique suivie par le gouvernement à l'égard du Portugal. La Chambre des lords, ayant alors voté une adresse au roi dans laquelle elle désapprouvait cette politique, l'un des membres de l'administration vint demander aux communes si elles partageaient l'avis de la Chambre haute.

Le ministre corroborait cette importante distinction gouvernementalé par des considérations tirées de la nature même du système des trois pouvoirs.

« Le pouvoir exécutif ne peut, disait-il, être dirigé à ia fois conformément à la volonté des communes et à celle des lords; quand les deux Chambres ne sont point d'accord, il faut que l'une et l'autre soient consul. tées, et si l'opinion des communes diffère de celle des lords, c'est la première qui doit prévaloir, selon le vœu de la constitution.Si la Chambre manifeste une opinion, elle maintiendra son influence et sa dignité; si, au contraire, elle adopte l'amendement qui lui est proposé, si elle attend, pour se prononcer, que la Chambre des lords ait procédé à l'enquête, et laisse ainsi le gouvernement affaibli et déconsidéré devant un vole des lords, la dégradation des communes datera de ce jour.»

Enfin, lord Russell, dans ce long et remarquable discours, exposait les vues que le Cabinet se proposait d'appliquer à l'administration de l'Irlande, et justifiait la conduite tenue dans ce pays par lord Normanby. Cet administrateur avait attaqué le mal dans sa source; il savait que le peuple irlandais aimait mieux se faire justice luimême que de recourir à la protection des lois; en un mot, il croyait peu à l'impartialité d'un tribunal, d'où il voyait repousser les hommes hostiles au pouvoir, et siéger ceux qui lui étaient favorables; lord Normanby fit cesser cet abus, et la justice vint s'asseoir enfin réellement dans le prétoire. Mais on a reproché au lord-lieutenant d'avoir exercé un patronage. En ce point, à la vérité, il s'est distingué de ses prédécesseurs; mais, en ce point encore, sa conduite

a été sage: en Angleterre, le gouvernement se conforme aux vœux du peuple anglais, pourquoi donc en Irlande, se conformerait-on aux vœux d'une minorité? Pour agir d'une manière ferme et stable, le gouvernement doit adopter des principes d'administration qui obtiennent la sympathie du peuple irlandais. On a fait beaucoup, on fera plus encore. La misère, la pauvreté, qui, si long-temps ont pesé et pèsent encore sur cette terre malheureuse, cèderont elles-mêmes à l'efficacité des remèdes que le temps et les efforts du gouvernement amèneront à leur suite.

• A supposer même; disait lord Russell en finissant, à supposer que la motion soit rejetée, le Cabinet ne regrettera point de l'avoir soumis à la Chambre ; il ne le regrettera pas, car, si ses mesures sont blâmées, il ne saurait en adopter d'autres auxquelles il a cru devoir résister jusqu'à ce jour. A quelque époque que nous nous retirions du pouvoir, nous aurons la consolation de penser qu'en ce qui concerne l'Irlande, nous avons établi entre les deux pays des relations plus amicales, et nous n'ignorons pas que cette conduite nous a fait perdre quelque influence et quelque popularité en Angleterre. Cet obstacle ne nous a pas empêchés de créer entre les Anglais et les Irlandais des liens d'affection et de bienveillance, afin de reudre le Royaume-Uni plus fort contre les ennemis, et de fonder en Irlande un gouvernement capable de gagner l'estime du peuple: et si le ministère tombe, c'est parce qu'il aura persévéré dans le dessein de rapprocher les cours de tous les sujets de Sa Majesté..

Il fallait toute la puissance de logique et d'entraînement de sir Robert Peel, pour réfuter la parole digne et élevée de lord Russell: le représentant de Tamworth ne recula point devant la tâche. Après avoir rappelé les termes de son amendement, les bases sur lesquelles il était assis, à savoir qu'il ne convenait point, qu'il n'appartenait point à la Chambre, sauf certains cas extraordinaires, de faire des déclarations abstraites d'opinion sur la politique publique du gouvernement; que l'inopportunité de semblables déclarations était d'autant plus flagrante, qu'elles devaient avoir pour résultat inévitable un injuste conflit avec la Chambre des lords; après avoir, disons-nous, établi ces deux propositions, l'orateur exprima cette opinion: que

l'appui d'une Chambre législative résultait plutôt de ses votes, plus ou moins favorables à telle ou telle mesure proposée par le gouvernement, que de ses solennelles déclarations. A part quelques cas très rares, où il va de l'intérêt réel du gouvernement, à mettre la Chambre en demeure de se prononcer, il est certain que, recourir à ce moyen, c'est constituer l'un des précédents les plus embarrassants qui se puissent rencontrer, et mettre en même temps la Chambre dans une position fausse et délicate.

« Je dirai aux ministres, continuait sir Robert, qu'ils ont le tort grave de vouloir séparer la direction des affaires de l'Irlande des autres ques- tions intéressant directement le gouvernement en général. Tout éloge adressé à lord Normanby doit s'adresser également aux membres du Cabinet. La Chambre doit se rappeler ce qui se passa il y a un an, lorsque lord Glenelg était l'objet d'attaques très vives : les autres ministres se groupèrent autour de lui. Depuis l'aventure de Nisus et d'Euryale, on n'avait jamais vu de plus chevaleresque attachement. La Chambre des communes a dù l'admirer, çar elle ne souffrirait pas, quand on le voudrait, que l'un des ministres fût sacrifié pour tous les autres. Mais, avant de comprendre dans le même éloge tous les membres du Cabinet, je pense qu'il serait de toute nécessité de s'entendre au moins sur le nombre des administrations, que les communes doivent honorer de leur approbation. Je demande directement à lord John Russel si nos éloges s'adresseront à lord Grey, à lord Wellesley, à lord Plunk et à lord Anglesca. Si vous ne faites aucune différence entre ces divers lords-lieutenants, si leur administration rentre dans votre période, mal définie par ces mots Dans les dernières années, alors vous demandez aux honorables membres de cette Chambre de se démentir eux-mêmes.

Les dernières années! Concevez que ces mots ne signifient rien... Cette désignation est trop vague et vous refusez encore de l'expliquer, car je vous interroge et vous ne répondez pas... Mais, remarquez-le bien, si vous ne voulez pas mieux définir ce que vous entendez par les dernières années, je me trouve, malgré moi, compris dans le nombre des administrateurs dont vous voulez faire juger la conduite; car j'ai été moi-même chargé de la direction des affaires en Irlande, et je ne crois pas avoir démérité; je suis forcé de conclure et de votre silence et de la nature vague et mal définie de votre proposition, que vous avez l'intention de surprendre la religion de la Chambre, et je lui signale votre projet.

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Après cette vive et spirituelle apostrophe, l'honorable baronnet examina le second point, celui d'une collision avec la Chambre haute: il contesta l'assertion du minis

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