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poussée. Le conseiller Heyetschweiler, qui se jeta entre les combattants pour les exhorter à la paix, fut blessé à mort. Cependant, le bruit se répandait que le conseil exécutif, appelait à son secours des troupes fédérales. Ce dernier fait hâta la péripétie; la ville était envahie de toute part, et la milice cédait sur tous les points. Le conseil supérieur ne pouvant plus faire face au danger, donna sa démission et le conseil-d'état se constitua comme gouvernement provisoire. Les vainqueurs saluèrent avec empressement le nouvel ordre de choses, et le comité de la foi le justifia au nom de la religion :

⚫ Citoyens et frères, disait-il au peuple, Dieu a donné la victoire à la cause de la justice, mais elle a été chèrement payée. Plusieurs de nos frères ont succombé en combattant pour elle : ils ont versé leur sang pour la patrie et pour le Christ, Dieu les en récompensera dans l'autre monde. La patrie et les riches bourgeois prendront soin des veuves et des orphelins; rappelez-vous long-temps cette victoire importante. Ce souvenir vous fera un devoir de prouver, en mémoire des frères morts pour la sainte religion, que comme eux, vous n'aviez qu'un but unique, celui de défendre la sainte religion, et que la piété et la vertu présideront toujours à notre vie publique et privée..

Le comité ajoutait :

Frères, nous vous conjurons, au nom de la sainte religion qui a dirigé vos bras dans la lutte, de n'exercer aucunes représailles contre ceux qui vous ont fait du mal; montrez-vous les dignes disciples de Jésus, sachez, comme lui, pardonner à vos ennemis; laissez à Dieu le soin de la vengeance; il saura tôt ou tard faire rendre compte au cou pable. La punition des impies et des incrédules est déjà assez rigoureuse par suite de la victoire remportée sur eux. »

De son côté, le gouvernement adressa une proclamation aux confédérés, dans laquelle il déclarait solennellement, que non-seulement il ne considérait pas comme nécessaire une intervention armée dans les affaires intérieures du canton de Zurich, mais qu'une telle intervention serait à ses yeux, déplorable sous tous les rapports et de nature à troubler de la manière la plus grave la tranquil-,

lité de Zurich et celle même de la confédération entière. Néanmoins les Etats de Saint-Gall, Berne, Lucerne, Soleure, Bâle-Campagne, Argovie et Turgovie protestèrent contre le personnel du gouvernement provisoire, et déclarèrent à leurs commettants, qu'ils déclinaient toute responsabilité résultant de l'interruption des séances de la diète et des travaux ayant pour objet les intérêts de la république, et qu'ils persistaient à demander la convocation immédiate de la diète, proposant de confier aux députés de Berne la direction des délibérations. Le gouvernement de Zurich répliqua par une note énergique, et les prétentions des états n'eurent aucune suite.

Pendant ces démélés, où le pouvoir provisoire ne faillit point à sa mission, les électeurs étaient convoqués, et nommaient un conseil définitif, dont les membres, par leurs antécédents, promettaient de ne pas tromper les espérances des chefs du mouvement populaire; la première séance eut lieu le 19 septembre. M. Hess, dans le discours qu'il prononça en cette solennelle circonstance, assura qu'à l'avenir Zurich prendrait une position décidée dans le sens du droit et de la modération. Quelques jours plus tard, il fut arrêté que le canton de Zurich se retirerait du concordat de 1852. Tel était d'ailleurs le vœu du peuple.

A peine cette révolution touchait-elle à sa fin, que d'au. tres principes et un autre esprit occasionnèrent un mouvement semblable dans le Tessin. Depuis long-temps déjà, en dehors du gouvernement, plusieurs associations s'étaient formées pour le triomphe des idées libérales. Bien que l'opposition fût contrebalancée dans le grand conseil par une imposante majorité, les amis de l'ordre actuel de choses ne pouvaient voir avec indifférence la force croissante du parti libéral, dont les rangs venaient de se grossir encore des réfugiés italiens. Aussi, des mesures repres

sives furent-elles prises contre les éventualités 'd'une attaque possible. Une première tentative, dont le projet avait été dévoilé, fut prévenue et étouffée à son origine. Mais ce facile succès du pouvoir, fut la cause même des revers qui déterminèrent sa chute. En effet, usant largement du droit de représailles, il prononça la dissolution des sociétés de carabiniers, où se réunissaient les libéraux, et suspendit la liberté de la presse. Ces déterminations arbitraires furent suivies du décret de bannissement de plusieurs Italiens et de Jacques Ciani, l'un des chefs les plus ardents de la cause populaire. Une sérieuse insurrection, qui éclata le 4 décembre à Lugano, en arrêta l'effet: au moment où un commissaire allait saisir au nom du grand conseil un pauvre artisan, le peuple s'élança contre la garde qui l'escortait et la mit en fuite. Ce fut le signal de la collision. Bientôt les rues et les places furent encombrées par les citoyens courant aux armes. Bellinzona et les districts voisins, s'associèrent de cœur et d'action à cet élan patriotique. Une administration nouvelle fut appelée provisoirement à la tête de l'Etat. Elle déclara que son but était de revenir à l'empire de la loi, de conserver le statut ancien, et surtout de maintenir la religion, les corporations religieuses et les autres institutions, précieuses pour le canton. Les élections nécessités par le renversement de l'ordre de choses. établi, furent presque partout inspirées par l'esprit libéral qui avait présidé à l'accomplissement de ces faits.

Telle était à la fin de cette année la situation de la république helvétique. Trois révolutions avaient eu lieu; une seule était considérée comme terminée: celle de Zurich. Le Valais s'agitait toujours dans le même état d'anarchie, et le Tessin, après un changement și rapide, ne pouvait encore envisager l'avenir sans inquiétude.

Ajoutons que l'impulsion donnée, se propageait dans

plusieurs cantons, et que ces exemples ne paraissaient pas devoir demeurer sans imitateurs.

SARDAIGNE.

Un mouvement industriel et progressif se développait dans toute l'étendue du royaume. Le chemin de fer qui courait de Chambéry à l'entrée du lac Bourget, allait s'avan'cer jusqu'à la petite ville d'Aix-les-Bains, et ainsi l'on pouvait entrevoir que bientôt la capitale de la Savoie donnerait la main aux frontières de la Suisse.

D'autre part, un pont fut jeté sur le torrent des Usses, qui traverse la route d'Annecy à Genève. Cette imposante construction, que l'art admire suspendue à une hauteur de 600 pieds aux sommets de deux rochers, fut immédiatement utilisée pour le commerce. En effet, les produits étrangers qui, de ce côté, n'avaient précédemment d'issue que par l'Eluiset, pourraient à l'avenir être expédiés par le Chable, où venait d'être établi un bureau de transit.

La navigation par bateaux à vapeur ne fut point non plus négligée, et dans des vues d'intérêt général, comme aussi pour encourager cette industrie nouvelle dans ses états, le roi, sur la demande de la compagnie du Rhône supérieur, ordonna que le bureau de douane de Chanaz fût ouvert pour l'entrée, la sortie et le transit de toutes les marchandises non prohibées. En conséquence de ces mesures, les bateaux du baut Rhône, dont leservice devenait quotidien, feraient le commerce de la Savoie, de l'Italie et de la Suisse.

A côté de ces améliorations matérielles avaient lieu d'autres améliorations toutes morales. Un nouveau code pénal était préparé par l'auteur même du code civil qui avait remplacé dans les états sardes le code Napoléon. Et en même temps s'organisait un plan de réforme péniten

tiaire. Le comte Petiti, chargé en 1855 et 1837 de l'inspection des prisons, s'était prononcé contre le système de Philadelphie, et, sans partager les idées de M. Charles Lucas, il avait néanmoins adopté son système pratique des trois espèces de détentions préventive, répressive et corrective; la séparation absolue des sexes; l'isolement de nuit dans les cellules; le travail en commun avec le silence; l'instruction industrielle et élémentaire, surtout et avant tout l'instruction religieuse; enfia les sociétés de patronage. Un pénitencier avec 400 cellules de nuit serait élevé pour les jeunes détenus, et une ferme attenante permettrait de les occuper aux travaux agricoles. La surintendance des maisons de détention pour les accusés serait donnée à l'autorité judiciaire, celle des prisons des condamnés appartiendrait au ministère de l'intérieur.

Pendant que l'exécution de ce projet s'accomplissait avec promptitude, les relations étrangères recevaient une heureuse extension. C'est ainsi qu'un traité de commerce fut conclu avec la Turquie, dans les mêmes termes que celui qui avait été signé le 18 août 1838 entre la Porte, l'Angleterre et la France.

Cependant, le Cabinet sarde qui avait embrassé avec chaleur et dévotion la cause de don Carlos, voyait s'évanouir une à une les prévisions qu'il s'était plu à nourrir en faveur du prétendant. Les secours qu'on était parvenu à faire tenir à l'armée carliste, n'avaient pas empêché la fortune et l'espérance d'abandonner les drapeaux du prince. Le dernier coup porté à son parti par la convention de Bergara, eut un douloureux retentissement à la cour de Turin.

Néanmoins, dominé par de sages considérations, le roi se décida à rétablir les relations commerciales avec l'Es pagne constitutionnelle, sur le pied où elles étaient à l'époque de leur suspension en 1837, et donna immédiatement des ordres pour que tous les ports fussent ouverts aux navires

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