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l'industrie manufacturière, il importait d'en abaisser les tarifs et de compléter le système de la navigation intérieure ; ainsi, le pays pourrait échanger librement ses divers et lointains produits, et établir, au cœur de son territoire, le transit des marchandises des peuples environnants. Peut-être même ces résultats seraient atteints en peu de temps, si l'Etat entrait sérieusement dans cette voie si féconde pour toutes les classes de commerce et d'industrie.

10 Juillet. Après le rejet de l'amendement de M. d'Angeville, qui avait pour objet d'exiger des plans définitifs avant d'accorder les fonds, M. Tesnières affirma que la dépense des canaux ne s'élèverait qu'à 300 millions; d'ailleurs, il ne fallait pas se préoccuper des sommes que les travaux pouvaient coûter, parce que l'utilité qui en résultait était bien plus grande encore. L'orateur votait contre l'amendement de la commission, car il gênerait l'action de l'administration, sans avantage pour la Chambre, et il aurait pour conséquence la suspension des travaux du canal du Berry.

M. le ministre des travaux publics partageait cette opinion. En effet, en obligeant l'administration à consaerer 7 millions à tels ou tels ouvrages, on apportait des entraves à la direction bien entendue des travaux. M. Rivet combattit les conclusions du ministre.

Suivirent quelques considérations présentées par M. Vuitry contre l'amendement, et une réplique de M. Dugabé, et la Chambre vota le projet à une majorité de 233 voix

contre 48.

Cette loi passa, sans discussion sérieuse, le 30 juillet, à la Chambre des pairs.

CHAPITRE V.

Vote de plusieurs crédits supplémentaires.

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Etat de la question d'O

rient. Présentation, discussion et adoption de la loi relative aux armements maritimes dans le Levant.

ports.

Emprunt grec.

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Loi pour l'amélioration des Budget de 1940. — Rapport général. — Crédits supplémentaires.-Rapport sur l'ensemble du Budget.-Adoption des Budgets des dépenses et des recettes. Clôture de la session -Esprit des deux sessions.

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Le blocus des ports du Mexique et de la république Argentine avaient nécessité des forces plus nombreuses sur les rivages américains, et par conséquent des dépenses extraordinaires au département de la marine. La législature fut appelée à voter sur les ressources de l'exercice de 1838, un crédit de 850,000 pour acquiter les comptes qui restaient dus par suite de ces armements.

Une allocation supplémentaire de 6,405,640 fr. fat également accordée au ministère de la guerre pour être en partie affectée aux besoins et à l'amélioration de notre colonie d'Alger. Les chambres sanctionnèrent encore une demande de 4,912,800 fr. faite par le ministre de la marine pour la protection de nos intérêts commerciaux en Amérique et pour la surveillance des côtes d'Espagne.

D'autre part, comme les événements survenus en Orient durant l'année précédente l'avaient fait pressentir (voyez l'art. Turquie, Annuaire 1858), une rupture entre le sultan et son puissant vassal devenait imminente. Dans cette conjoncture, la France ne pouvait plus tarder à prouver à l'Europe, intéressée comme elle dans le débat, qu'elle y saurait prendre une attitude ferme et digne. C'est ce qui explique la demande faite, le 25 mai, par le ministère d'un crédit de 10millions destinés à augmenter nos forces maritimes dans le Levant.

Le 24 juin, M. Jouffroy exposa à la tribune la pensée

de la commission sur le projet de loi du gouvernement et ses vues sur la situation des affaires en Orient.

Notre flotte, disait le rapporteur, a été considérablement reduite cette année, à cause de nos différends avec le Mexique et Buenos-Ayres.

Notre escadre, dans l'Archipel, continuait-il, a souffert de cette réduction, et l'on est tenté d'accuser la prudence du gouvernement, quand on voit qu'au moment même où les mouvements de l'armée turque sur l'Euphrate menaçaient la paix du monde, la France n'avait dans le Levant que trois vaisseaux et quelques bâtiments légers: depuis, cette escadre a reçu des renforts; d'autres vont les suivre, et dans peu l'équilibre, rompu à son détriment, sera rétabli. Mais les huit à neuf vaisseaux dont le budget ordinaire permet de la composer ne suffiraient pas, si la diplomatie échouait dans ses efforts contre les causes nombreuses qui poussent à la guerre la Porte et l'Egypte.

M. Jouffroy, pénétrant alors dans la cause même de la situation, rendait compte de la politique suivie jusque-là par la France dans les phases diverses de cette question, et de celle que sa dignité et ses intérêts lui prescrivaient d'adopter dans les suites qu'elle pouvait avoir. Ce que l'on devait craindre avant tout, c'était la destruction de cet équilibre de l'Europe, qui fait de cette partie un monde, une famille d'états où la raison du plus fort est habituellement impuissante, et où les choses se règlent par la discussion et non par les armes. Contre ce danger, il n'y avait qu'un préservatif : la politique de l'Europe devait poser en principe que, quoi qu'il arrivât en Orient, elle n'admettrait pas qu'il pût en résulter pour personne une cause d'agrandissement. En effet, ajoutait le rapporteur, il sera éternellement de l'intérêt de toutes les puissances de l'Europe qu'Alexandrie et Constantinople ne tombent point entre les mains de quelques-unes d'elles, et qu'elles demeurent la propriété de gouvernements distincts et indépendants, avec lesquels il soit loisible à tout le monde de traiter et de commercer; car ces possessions donneraient une telle prépondérance aux puissances qui les occuperaient, que la liberté de la république européenne, liberté

qui porte dans son sein l'avenir de la civilisation, en scrait gravement compromise.

1er Juillet. -M. le président du conseil, ministre dés affaires étrangères, posa nettement la question. Depuis le traité de Kutaya, intervenu en 1853, entre l'Égypte et la Porte Ottomane, la Russie avait conclu, en 1858, avec la Turquie, le traité d'alliance défensive signé à UnkiarSkelessi, et ne s'était éloigné du Bosphore qu'à la demande de la France et de l'Angleterre; jusqu'alors la paix avait été maintenue; mais les événements récents annonçaient des hostilités prochaines, et Méhémet-Ali avait fait marcher ses troupes contre l'armée du sultan, prête à envahir ses frontières de Syrie. Ces faits menaçants nécessitaient l'accroissement de nos forces navales dans la Méditerranée. Cependant, le ministre se reposait de l'avenir sur les négociations déjà entamées par la France et par l'Angleterre.

La lice parlementaire était ouverte; toutes les sommités de la Chambre s'y précipitèrent.

Vint d'abord M. le duc de Valmy, dont l'argumentation fut une longue et vive censure de la conduite du gouvernement. Deux fois la Turquie, après la défaite de Koniah, avait fait appel à la France, et deux fois la France était restée neutre ou impuissante; de là l'intervention de la Russie, et le traité d'Unkiar-Skelessi. De plus, l'ambassade de France, en se portant médiatrice dans l'arrangement de Kutaya, avait pris sous sa garantie un premier partage de l'empire ottoman, partage contre lequel la Porte avait énergiquement réclamé. Également intéressés à la fortune de la Porte, et à celle de l'Égypte, par notre conduite indécise et flottante, nous ne pouvions que mécontenter le sultan et le vice-roi, et en voulant les épargner tous deux, nous perdions notre crédit sur l'un et sur l'autre.

Des hauteurs de ces considérations générales, l'orateur

descendait à la question du statu quo, et déclarait que la France provoquait la guerre en voulant la prévenir, et que l'empereur Nicolas avait répondu à nos réclamations, qu'il remplissait fidèlement les obligations du traité du 8 juillet, sans avoir égard à nos protestations; rien, d'ailleurs, dans le langage du ministère, ne démontrait qu'il eût adopté une politique capable de le mettre en position de régler sérieusement le statu quo dans lequel s'engloutissaient l'empire ottoman et l'équilibre de l'Europe.

M. de Carné, sans nier l'indécision de la France à l'origine de la question d'Orient en 1831 et 1832, croyait pouvoir l'expliquer, tant par le vague de ces événements primordiaux, que par la position incertaine à cette époque de notre diplomatie, dont l'attention était alors occupée par les affaires d'Anvers et de l'Espagne. Mais laissant le passé pour ne s'occuper que de l'avenir, l'honorable député regardait comme impossible le rétablissement de l'harmonie; alors que le glaive était tiré, les congrès et les conférences seraient impuissants à régler la situation. D'ailleurs, la Russie, qui menaçait déjà Constantinople, et l'Angleterre, qui voulait l'isthme de Suez, avaient intérêt au maintien du statu quo.

En face des circonstances qui peuvent se produire, ajoutait l'orateur, il est de l'intérêt de la France d'agir immédiatement, d'agir seule, de déclarer qu'elle protège l'Égypte, qu'elle prend sous son abri une nationalité qui importe à l'équilibre européen; qu'elle la protège contre le despotisme maritime, tout aussi bien que contre le despotisme militaire.

« Je dis que déjà la force morale de l'action de la France serait immense, si elle changeait seulement le titre de son agent; si, au lieu d'un agent consulaire, elle avait à Alexandrie un agent diplomatique.

« Vous attendez-vous sérieusement que la Porte ottomane vienne dans la conférence qui s'ouvrira, signer vos protocoles ? Rappelezvous donc ce qu'a été sa politique dans tous les temps. Rappelezvous, Messieurs, que, pour l'Ottoman, il n'est de providence que la force qu'il ne s'incline que devant les événements accomplis.

Eh bien tant que le sultan n'aura pas vaincu son vassal, tant

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