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résultats, parce qu'elle avait été mauvaise dans ses combinaisons.

M. Fould plaida la cause de la compagnie de la rive gauche. Après avoir fait pour 10 millions de travaux, abusée par les plans du gouvernement, n'avait-elle pas le droit de demander un prêt, une subventiou de 5 millions? D'ailleurs ses travaux ne resteraient-ils pas à titre de gage sous la main du gouvernement? Enfin outre le secours de 5 millions qui serait accordé par l'état, 14 capitalistes reconnus solvables par la commission, promettaient d'avance les fonds nécessaires, si les 15 millions ne suffisaient pas.

M. Legrand, directeur-général des ponts-et-chaussées, ne laissa pas sans réponse les diverses incriminations adressées à son administration. Il affirma qu'il n'avait pris aucun engagement avec qui que ce fût, et qu'à l'occasion du pont desinvalides qui avait cédé après avoir été construit sur les devis du gouvernement, on avait renoncé à l'usage d'arrêter les projets et de les rendre obligatoires avant l'adjudication. Quant au chemin en question, l'orateur regardait sa ruine comme un malheur public.

Laissant de côté les principes généraux, M. le ministre des travaux publics invoqua en faveur du prêt de 5 millions, l'exemple donné par l'Angleterre à l'occasion du chemin de fer de Liverpool à Manchester. D'ailleurs la garantie était suffisante, et il était moral en même temps qu'utile de prévenir l'annihilation d'un capital de 8 millions accumulé sur diverses localités. L'Etat encouragerait ainsi toutes les autres compagnies.

M. Cochin, rapporteur, tout en faisant voir que la position de la question ne s'éloignait pas du point où l'avait placée le ministre, signalait cependant une différence entre la pensée de la commission et celle du gouvernement. En effet, dans l'opinion de la commission, le prêt proposé

établissait un précédent dangereux, parce que le gouvernement avait demandé, non pas un crédit pour faire une dépense inévitable, mais un prêt au profit de la campagnie.

Néanmoins le projet de loi fut adopté par 160 voix contre 118, et reçut, le 24 juillet, la sanction de la Chambre des pairs purement et simplement.

9 Juillet. Le projet de loi relatif au chemin de fer de Bordeaux à la Teste, trouva un adversaire dans la personne de M. Desmousseaux de Givré, qui se prévalait d'une raison énoncée dans la pétition des habitants de Bordeaux. Ils se plaignaient de ce que les adjudicataires actuels obtiendraient par la loi proposée l'adoucissement des conditions qu'ils auraient librement acceptées alors que la rigueur même de ces conditions auraient été pour ces adjudicataires un moyen d'écarter leurs concurrents. Ainsi la question préjudicielle élevée devant la Chambre, était une question de bonne foi, de loyauté publique. En terminant, l'orateur suppliait le ministre de se demander à lui-même si, dans le cas où d'ici à la fin de la prochaine session, aucune compagnie sérieuse ne se présentait pour exécuter une des grandes lignes stratégiques et politiques, comme, par exemple, de Paris à Strasbourg, de Paris à la frontière du nord, il ne serait pas à propos, pour ce cas possible, de rassurer, dès à présent, le pays en lui annonçant que le gouvernement ne le condamnerait pas par un excès d'égard envers les compagnies financières à l'impuissance, et qu'à leur défaut il viendrait proposer aux Chambres de faire exécuter, de faire commencer au moins par l'état les lignes stratégiques et militaires dont la France a besoin.

M. Tesnières, rapporteur, représenta que la compagnie de Bordeaux avait entrepris des travaux sérieux, les avait commencés et avait réalisé son capital; qu'aujourd'hui seulement elle proposait un tracé plus convenable et plus utile aux intérêts du commerce de Bordeaux avec la Teste.

La Chambre, en donnant plus de latitude à l'administration, faciliterait les travaux d'une compagnie digne d'encouragement.

Après quelques paroles peu importantes de différents orateurs, la Chambre procéda au scrutin sur l'ensemble du projet que 211 voix contre 27 adoptèrent, et qui passa, le 24 juillet, à la Chambre des pairs, presque sans dis

cussion.

Au milieu de ces arides, mais utiles débats, une loi qui établissait deux nouvelles routes royales sur le littoral de la Corse, l'une, entre Bastia et Bonifacio; l'autre, entre St.-Florent et Ajaccio, fut aussi votée par la Chambre des députés, le 6 juin, et le 19 juillet par la Chambre des pairs.

Le gouvernement devait une égale sollicitude aux travaux nécessaires pour l'achèvement des canaux. Aussi, dès le 8 mai, il avait demandé aux Chambres pour cet objet un crédit de 12 millions.

Le 27 juin, M. Lestiboudois déposa son rapport. Cette somme de 12 millions était insuffisante, aux yeux de la commission, pour l'entière exécution des canaux; et le rapporteur ajoutait que l'Etat devait se charger de mener à terme ces grandes voies de communication. Restaient à régler la question des tarifs et le mode d'entretien et d'administration. Pour les tarifs, il y avait dissidence entre l'Etat et les compagnies, et il fallait les fixer définitivement. Quant à l'administration et à l'entretien des canaux, l'affermage à des compagnies particulières avait paru offrir le plus d'avantages. Mais n'eût-il pas été juste que les travaux fussent partagés en deux catégories, et que la catégorie des travaux suffisamment étudiés, fût seule admise et encouragée par la Chambre? A cet effet la commission proposait d'allouer une somme de 8 millions pour continuer les canaux, sauf à acAnn. hist. pour 1839.

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corder un nouveau crédit au ministre à la prochaine session.

9 Juillet. M. d'Angeville censura vivement la conduite du gouvernement dans ses relations avec la Chambre, et l'accusa de manquer de franchise. Après tant de déceptions, plus de votes de confiance! On était en droit de ne rien accorder, sans avoir sous les yeux des plans et des devis réguliers. Le corps des ponts-et-chaussées n'échappait pas aux attaques de l'orateur. Dans l'organisation actuelle de l'administration, l'on cherchait vainement l'unité de pensées et de vues qui devait présider à la confection des travaux publics; elle n'était ni dans le directeur général, ni dans le conseil général des ponts-et-chaussées, dont le rôle consistait seulement à se prononcer successivement sur chaque question d'art spéciale. La surveillance des travaux n'était-elle pas descendue des ingénieurs aux conducteurs, et des conducteurs aux piqueurs? Il n'y avait plus aucune espèce de garantie de ce côté : les projets soumis aux commissions étaient mal étudiés et incomplets, et ainsi la Chambre, trompée, s'engageait dans une série de dépenses interminables. En conséquence, l'honorable membre proposait deux amendements, et repoussait de toutes ses forces le projet du gouvernement, tout en votant néanmoins les fonds demandés par la commission, afin de ne pas retarder les travaux commencés depuis si long-temps.

M. Legrand ne pouvait garder le silence en présence des graves reproches dirigés contre son administration. H avouait qu'en 1833, lors de la demande d'un crédit supplémentaire pour l'achèvement des canaux, il avait espéré atteindre le but avec la somme demandée; mais les propositions du gouvernement étant basées sur les chiffres donnés par les ingénieurs, l'administration s'en était rapportée à leurs évaluations; ces évaluations ne pouvant être

faites à Paris. Le directeur général posait en principe que le temps révélait sans cesse de nouveaux perfectionnements, et que par suite, il était impossible de dire d'une route ou d'un canal qu'ils étaient terminés dans la stricte acception du mot; qu'ainsi le canal du midi et le canal du centre étaient l'objet de dépenses d'entretien et d'amélioration.

M. d'Angeville, pour toute réplique, dénonça à la Cham bre la soustraction ou l'oubli de pièces gênantes dans les dossiers soumis aux commissions, et il démontra que de nombreuses erreurs s'étaient glissées dans les devis.

L'administration est libre de composer les dossiers destinés aux commissions de la Chambre, reprit M. Legrand. Du reste, les députés pouvaient faire ouvrir tous les cartons du ministère; parfois le travail d'un ingénieur succédait à un autre, et il en résultait des changements dans les devis que le préopinant attribuait mal à propos au mauvais vouloir de l'administration.

M. Billaudel continua la discussion dans le sens de M. d'Angeville. Déjà l'on avait dépensé ou l'on dépenserait 468 millions pour les canaux votés en 1821 et 1822. En face de si larges évaluations, toutes les fois qu'un projet serait présenté aux Chambres, n'était-il pas à désirer qu'il fût moralement garanti que l'estimation donnée par l'administration ne serait point dépassée?

M. Legrand reparut à la tribune. On exagère, disaitil; la dépense nécessaire ne doit s'élever qu'à 283 millions et non à 460. Quant à la commission des canaux, les 600 lieues de travaux qu'elle avait exécutés la défendaient assez des accusations lancées contre elle.

M. Lacordaire prit part à ces débats. Pour toute espèce de travaux et chez toutes les nations, les dépenses avaient triplé les évaluations primitives; il en était ainsi des chemins de fer; néanmoins, comme les canaux étaient les véritables routes pour le transport des matières indispensables à

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