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des navires désarmés pèse en sens inverse, etc., etc. Cette difficulté n'est pas spéciale aux ports maritimes: la nécessité de concilier les contraires se présente couramment à l'ingénieur comme au législateur, à l'administrateur, à l'éducateur, même au négociant. Il en résulte que dans tous les domaines, il faut se méfier des axiomes trop tranchants. On aime, par exemple, en France, à dire que les ports sont faits pour les navires: comme la plupart de ces formules lapidaires, celle-ci est dangereuse parce qu'elle pousse à l'exagération. A force de répéter que les ports sont faits pour les navires, on finit par agir comme s'ils n'étaient faits que pour les navires, et c'est ainsi qu'on est arrivé souvent à exagérer l'influence des commissions nautiques, qui ne se préoccupent que des questions de manoeuvres, et à rendre beaucoup de ports si difficiles à exploiter. Autrefois quand les navires n'avaient pour se mouvoir que leurs voiles et ne pouvaient. recevoir d'assistance que d'embarcations à l'aviron, il était légitime de se préoccuper avant tout des considérations nautiques, de l'entrée et de la sortie. D'ailleurs, grâce à la petite dimension des navires, les tracés établis dans ce but sauvegardaient la sécurité; quant à la marchandise, elle n'était pas exigeante, comme nous l'avons rappelé, et, surtout, avant de se préoccuper de la manutentionner, il fallait d'abord lui permettre d'arriver, c'est-à-dire assurer l'entrée du navire, si délicate par les moyens dont on disposait. Actuellement il en est tout différemment les énormes longueurs des navires ont ajouté le problème du calme des bassins à celui de la manoeuvre et en compensation ce dernier est bien simplifié. Les grands navires ont plusieurs hélices et se font aider par des remorqueurs, sans parler des cas particuliers comme les cabestans d'écluse et même les locomotives de Panama. Il n'est désormais pas plus légitime de dire que les ports sont faits pour les navires que de dire que les navires sont faits pour les ports. Ni les navires ni les ports ne sont des buts: ce sont des moyens, et la vérité, c'est que les navires et les ports ne sont pas faits les uns pour les autres, mais les uns et les autres pour le commerce, c'est-à-dire pour la marchandise et le passager. Les conditions de desserte des ports sont arrivées à prendre

autant d'importance que leurs conditions nautiques et c'est ce qui complique les choses. Ce serait une grave erreur que de négliger une des faces de la question, sous prétexte de donner plus complète satisfaction à une autre considération. Heureusement dans le cas des ports, comme il arrive le plus souvent, l'évolution de l'industrie, qui intensifie les difficultés, est accompagnée de progrès mécaniques qui en fournissent la solution, au risque de bousculer quelques habitudes, survivance de conditions disparues. Les grands navires modernes, par exemple, ne peuvent plus évoluer dans les bassins comme le faisaient leurs petits prédécesseurs; mais il est facile de les manœuvrer par l'arrière, à culer, entre remorqueurs, et c'est un procédé dont l'emploi s'imposera de plus en plus.

Un projet, nous l'avons déjà remarqué, n'est jamais qu'un compromis. Il est bien évident qu'on ne peut pas trouver une solution qui ne soulève aucune critique. Bien plus, le meilleur projet ne serait pas celui qui donnerait une satisfaction complète (si c'était possible) à l'une des conditions en présence; car il sacrifierait les autres. Il serait même illusoire de croire qu'il puisse dans aucun cas concret exister un tracé qui soit « le meilleur » d'une façon absolue. Ce qu'on peut réaliser c'est un certain nombre de combinaisons, peut-être très différentes, mais toutes admissibles, parce qu'elles tiennent un compte suffisant des divers besoins en présence. Chacune d'elles, sans sacrifier aucune des conditions à remplir, donne une plus complète satisfaction à l'une ou quelques-unes d'entre elles, et l'on choisit selon les conditions locales, les prévisions que l'on croit pouvoir faire pour l'avenir, les enseignements de l'expérience, les préférences légitimes des intéressés, les tendances ou même les modes commerciales, en un mot d'après les circonstances et le but que l'on poursuit.

Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1921-V.

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N° 27

NOTE

Sur la reconstruction du pont de Brasles, sur la Marne, près de Château-Thierry.

Par M. DELFORGES,

Agent-voyer d'arrondissement faisant fonctions d'Ingénieur ordinaire
des Ponts et Chaussées.

Planche 6.

PONT EN BÉTON ARMÉ ET FRETTÉ, SYSTÈME CONSIDÈRE, DE 79 M. 50 D'OUVERTURE TOTALE ENTRE CULÉES

EXPOSÉ

L'embranchement, dit de la gare de Château-Thierry, du chemin de grande communication n° 3, franchit la Marne, immédia tement à l'amont de Château-Thierry, au moyen d'un pont donnant passage, à la fois, au chemin de fer d'intérêt local de Château-Thierry à Mareuil-sur-Ourcq et à une voie charretière, la voie ferrée étant elle-même accessible aux voitures.

Cet ouvrage, en béton armé et fretté, a été détruit le 31 mai 1918, par le Génie militaire français, au moment où les Allemands s'approchaient, pour la seconde fois, de Château-Thierry, après l'affaire du Chemin des Dames. Il avait été construit en 1908-1909 et comportait, comme aujourd'hui, deux travées en arc de 38 mètres d'ouverture chacune.

Le projet initial avait été étudié par la maison Considère, Pelnard et Cie et exécuté par M. Loup, entrepreneur à Paris, sous la haute direction de M. l'Ingénieur en chef Limasset et de M. l'Ingénieur ordinaire Riboud.

L'explosion qui a déterminé la rupture du pont avait entraîné

la destruction complète de l'arche de rive gauche, mais l'arche de rive droite, coupée à la clef, s'était seulement affaissée.

La démolition complète des arcs et leur dragage ont été poursuivis en 1918-1919 par les soins du Service de la navigation. Il ne subsistait donc de l'ouvrage, au moment de sa reconstruction, que la pile et les culées.

Les culées proprement dites étaient intactes; seuls les murs de culées et les murs en retour étaient plus ou moins mitraillés, ceux de la culée R. D. surtout, qu'il a fallu démolir et refaire entièrement. La pile avait perdu son aplomb et son orientation; sous la poussée de l'arc qui était resté en place elle s'était, en outre, déplacée de la R. D. vers la R. G.

La réfection de l'ouvrage fut mise au concours en mai 1919, sans résultat.

L'Administration supérieure envisagea, alors, de reconstruire le pont tel qu'il était avant la guerre et la maison Pelnard, Considère, Caquot et Cie fut pressentie pour cette reconstruction. Cette maison s'aboucha avec ses concessionnaires, MM. J. Loup et Fils, entrepreneurs, qui consentirent à se charger des travaux.

Ces derniers remirent rapidement des propositions qui furent acceptées en principe. Toutefois, leurs offres ne comprenaient. ni les parachèvements (garde-corps, chaussée, etc.), ni la remise en état de la pile; cette remise en état, au point de vue des fondations, posait un problème dont la solution restait à trouver.

Un premier projet fut donc présenté qui comportait seulement la réfection des arches. Il fut bientôt suivi d'un second relatif à la réfection de la pile et des parties endommagées des culées et des murs en retour.

Les travaux ont été entrepris le 22 avril 1920.

Ils ont été terminés fin avril 1921.

Le pont a été livré à la circulation le 1er mai 1921.

CHAPITRE PREMIER

Description sommaire de l'ouvrage.

Le pont de Brasles est droit; il a 79 m. 50 d'ouverture totale entre parements des culées et 8 m. de largeur entre garde-corps. Il comporte deux travées de 38 m. 03 d'ouverture au niveau des naissances et une pile de 3,44 de largeur à ce même niveau.

Le gabarit de navigation, au-dessus des H. E. N., est de 4 m. 80 sur 10 m. dans chaque travée.

L'ossature de chacune des travées se compose de trois arcs en béton fretté supportant un hourdis en béton armé, soit directement, dans la partie centrale, soit par l'intermédiaire de potelets.

Ces arcs sont d'épaisseur variable; ils mesurent respectivement l'arc d'amont, 0 m. 80; l'arc médian, 1 m. 20; et l'arc d'aval, 0 m. 60. Ils sont espacés deux a deux de 3 m. 20 d'axe en axe. La fibre moyenne des arcs est une parabole de 38 m. 40 de corde et de 3 m. 675 de flèche.

L'intrados est formé de 3 arcs de parabole. L'extrados se compose d'un arc de parabole et de deux droites tangentielles. La hauteur des arcs est de 0 m. 72 à la clef et de 1 m. aux naissances. Leur surbaissement est du 1/10 environ.

En coupe transversale, la section d'un arc est rectangulaire ; toutefois, le parement extérieur des arcs d'amont et d'aval est renforcé sur les bords par deux boudins demi-ronds à la partie supérieure et inférieure des arcs; ces boudins n'ont qu'un rôle purement décoratif.

Les tympans sont ajourés, le tablier reposant, dans ces parties, sur des potelets espacés de 3 m. 28.

Le tablier se compose d'un hourdis général de 0 m. 15 d'épaisseur uniforme, profilé, dans le sens transversal, suivant un arc de cercle de 6 m. de corde et 0 m. 06 de flèche; ce hourdis est renforcé par des longerons et des entretoises et reçoit la chaussée proprement dite par l'intermédiaire d'une chape en ciment. Les trottoirs sont en encorbellement; ils ont 1 m. de largeur. La chaussée, constituée d'un pavage en bois de 0 m. 12

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