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foncière dans les régions dévastées. Elle est instituée par la « loi du 4 mars 1919 sur la délimitation, le lotissement et le remembrement des propriétés foncières dans les régions dévastées par le fait de la guerre », et par le décret du 10 septembre 1920 portant règlement d'administration publique pour l'application de cette loi.

Cette loi permet d'exécuter d'office par autorité administrative et aux frais de l'État les remembrements que la loi du 27 novembre 1918 confie à des syndicats autorisés.

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Il semble que, pour passer d'une procédure à l'autre, il eût suffi de prévoir le remplacement de l'Association syndicale autorisée par une association syndicale forcée, semblable à celles constituées par la loi du 14 floréal, an XI. Le syndicat élu, qui administre l'association autorisée, serait remplacé par une commission exécutive désignée d'office; la commission arbitrale conserverait son rôle de tribunal jugeant les contestations et homologuant le remembrement.

Le législateur de 1919, pour des motifs qui n'apparaissent pas clairement, a institué une procédure quelque peu différente.

Le préfet constitue une Commission communale de Reconstitution foncière, présidée par le juge de paix, et comprenant trois fonctionnaires et six propriétaires, dont le rôle est de rétablir les limites disparues; mais cette commission, au lieu de rechercher et de rétablir les limites anciennes, peut proposer un nouveau lotissement des terres.

Cette demande est portée devant une Commission départementale de la Reconstitution foncière, composée de trois fonctionnaires et de neuf propriétaires, sous la présidence d'un magistrat désigné par le Ministre de la justice; sur l'avis de la Commission départementale et après enquête, le préfet ordonne le remembrement.

La Commission communale, remplaçant en quelque sorte le syndicat, fait l'évaluation et le classement des terres, établit le projet de remembrement, et le soumet à l'enquête. A la fin de l'enquête, la Commission communale statue sur les réclamations; les intéressés peuvent, dans un délai d'un mois, se pourvoir devant

la Commission départementale de Reconstitution, qui, alors, statue définitivement, sauf recours au Conseil d'État pour excès de pouvoirs ou violation de la loi.

Ces deux Commissions, en dehors de leur rôle d'exécution, fonctionnent donc comme de véritables tribunaux, l'un de première instance, l'autre d'appel, exerçant à deux degrés les pouvoirs dévolus à l'unique commission arbitrale de la loi du 27 novembre 1918.

Les décisions de ces commissions de reconstitution ont le même effet que celles de la commission arbitrale: elles transfèrent d'office sur les parcelles du nouveau lotissement, les droits de propriété, les privilèges, hypothèques et tous droits réels, attachés aux anciennes parcelles; elles sont transcrites sur le registre des hypothèques.

Ces opérations de remembrement, qui peuvent comporter l'ouverture de chemins d'exploitation, sont exactement celles qui sont nécessaires pour réaliser un aménagement urbain. En fait, on a considéré que la loi du 4 mars 1919, sur le remembrement dans les régions dévastées, pouvait être appliquée à la reconstitution des villages détruits: on peut bien, en effet, considérer comme terrains non bâtis ces villages où les constructions n'existent plus qu'à l'état de décombres informes.

Nous devons à l'obligeance de M. Leroy, chef du service de la Reconstitution foncière dans le département de la Somme, la -communication d'un plan d'aménagement et de remembrement du village de Gueudecourt (301 habitants en 1911), situé sur le front de bataille de la Somme, entre Bapaume et Combles, et où toute construction, toute clôture, plantation ou limite de propriété ont disparu dans les champs d'entonnoirs. Le projet, de proportions modestes, mais très pratiquement conçu, se borne à rectifier et à élargir les anciennes voies publiques, à ouvrir une Tue transversale amorcée par d'anciennes ruelles en impasse. Le nouveau parcellaire a été tracé de façon à obtenir des limites perpendiculaires aux rues, et à placer autant que possible les nouveaux lots dans la même situation que les anciens, tout en regroupant ceux qui, appartenant à un même propriétaire, étaient séparés.

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LACUNES DE LA LÉGISLATION SUR LES REMEMBREMENTS URBAINS

On peut donc réaliser des remembrements urbains en vertu de la loi du 4 mars 1919, mais seulement dans les régions dévastées, et pour la reconstitution de villages entièrement détruits.

La loi du 27 novembre 1918, sur les syndicats de remembrement rural, n'est faite que pour les propriétés non bâties et dans` l'intérêt de l'agriculture. Elle ne peut s'appliquer aux remembrements urbains, à moins d'une disposition législative nouvelle. La loi du 21 juin 1865 — 22 décembre 1888 sur les associations syndicales nous ouvre-t-elle une procédure utile?

« Les travaux d'ouverture, d'élargissement, de prolongement et de pavages de voies publiques, et de toute autre amélioration. ayant un caractère d'intérêt public dans les villes et faubourgs, bourgs, villages ou hameaux » peuvent faire l'objet d'associations syndicales autorisées, mais à condition d'être reconnus d'utilité publique par un décret en Conseil d'État.

La majorité requise pour constituer l'association est difficile à obtenir les 3/4 des intéressés, représentant les 2/3 de la superficie et payant les 2/3 de l'impôt foncier, ou les 2/3 des intéressés représentant les 3/4 de la superficie et de l'impôt. La règle (( qui ne dit mot consent » n'est pas appliquée aux abstentionnistes. La constitution d'une association syndicale urbaine sera donc pénible. Si elle réussit à se former, pourra-t-elle procéder à un remembrement?

L'article 18 de la loi répond : « Dans le cas où l'exécution des travaux entrepris exige l'expropriation de terrains, il y est procédé conformément à la loi du 3 mai 1841. » Il faudra que l'association exproprie, c'est-à-dire achète et paie tous les terrains, avant de pouvoir les remembrer et les revendre; sans doute, certains associés consentiront à faire des échanges de parcelles entre eux et le fisc ne manquera pas de taxer cette double mutation; quant aux propriétaires récalcitrants, rien ne peut les contraindre à apporter leurs terrains à la masse, et à accepter en échange des lots aménagés. Le remembrement proprement dit est légalement impossible; et l'expropriation est pratiquement impossible, car le syndicat n'a pas d'argent liquide, et l'indemnité d'expropriation doit être payée comptant.

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