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Postérieurement à ce travail de Venturoli, cette formule n'est plus considérée que comme une simplification dérivée des formules PronyEytelwein; le nom même de Chézy n'apparaît donc pas dans les textes les plus estimés, mais Turazza, dans la troisième édition (1880) de son excellente Idraulica, corrigeant les indications douteuses des éditions antérieures, déclare la formule veRi « suggerita in primo luogo dallo Chézy ».

Vous désirez courtoisement que les observations que contient cette correspondance soient publiées sous mon nom; je vous remercie de cette proposition cordiale et reste obligé de l'hospitalité que vous indiquez dans les Annales des Ponts et Chaussées. Je préférerais, cependant, si cela est possible, qu'elles accompagnent votre note à titre d'un petit complément, reproduites telles qu'elles sont ou abrégées, mais sans leur donner la forme d'une note ou mémoire, car elles expriment simplement mon avis immédiat sur les différents sujets qui y sont traités, et n'ont comporté aucune recherche spéciale. Vous excuserez mon français qui restera tout de même un peu Milanais, juste comme Stendhal, quoique pas du tout stendhalien.

III

MÉMOIRE SUR LA VITESSE DE L'EAU
CONDUITE DANS UNE RIGOLE DONNÉE,

PAR M. CHÉZY,

INSPECTEUR GÉNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSÉES, 1775 (1).

Lorsqu'on a de l'eau à conduire, soit pour en procurer à un lieu où il en manque, soit pour dessécher un terrain où il y en a de trop, on est, presque partout, obligé d'en faire couler le plus qu'on peut avec la moindre pente possible.

(1) Le présent mémoire qui peut être considéré comme classique, a été souvent cité, particulièrement à l'étranger. La Commission des Annales des Ponts et Chaussées croit devoir autoriser la publication du texte original comme suite et annexe de l'article de M. G. Mouret sur Antoine Chézy. Histoire d'une formule.

La minute de ce mémoire est contenue dans le dossier n° 847 (Ms. 1915) de la Collection des manuscrits existant à la Bibliothèque de l'Ecole des Ponts et Chaussées.

Une traduction anglaise de ce mémoire a été publiée par M. Clemens Herschel (On the Origin of the Chezy Formula v c√ rs) dans le Journal of the Association of Engineering Societies, Philadelphie, 1897, p. 363.

Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1921-II.

16

Après avoir projeté une rigole, et en avoir bien ménagé et réglé la pente, il est très intéressant de savoir si cette rigole sera suffisante pour l'eau qui doit y couler. Pour cela, il faut connaître la vitesse que l'eau pourra avoir dans le cours de cette rigole, qu'on suppose d'une pente uniforme.

Il ne s'agit pas d'une vitesse initiale et momentanée qui peut être fort grande, si elle est occasionnée par une charge d'eau, ou très petite, si elle n'est occasionnée par aucune autre cause que la pesanteur ou la pente de la rigole. Quelle que soit cette vitesse initiale, elle diminue ou augmente assez promptement pour se réduire à une vitesse uniforme et constante qui n'est due qu'à la pente de la rigole et à la pesanteur dont l'effet est modéré par la résistance du frottement contre les parois de la rigole.

C'est cette vitesse qu'il s'agit de connaître, du moins à peu près. La question ainsi proposée présente d'elle-même la solution, car il est évident que la vitesse due à la pesanteur qui agit toujours (faisant abstraction de celle qui serait venue de toute autre cause et qui, étant bientôt détruite, ne fait plus rien à la question) n'est uniforme que quand elle ne s'accélère plus, et la pesanteur ne cesse de s'accélérer que quand son action sur l'eau est égale à la résistance occasionnée par les parois de la rigole; mais cette résistance est comme le carré de la vitesse, à cause du nombre et de la force des particules choquantes dans un temps donné; elle est aussi comme la partie du périmètre de la section du courant qui touche les parois de la rigole. On néglige la résistance de l'air contre sa superficie (1).

En nommant la vitesse V, et cette partie du périmètre P, la résistance du frottement sera donc comme VVP.

D'un autre côté, l'effet de la pesanteur est comme l'aire de la section du courant, et comme la pente de la rigole ou la hauteur dont elle descend par chaque toise de longueur.

Nommant donc l'aire de la section A, et la pente de la rigole H,

l'effet de la pesanteur sera comme AH.

Cela posé, si par une bonne observation on connaît :

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(1) contre la surface du courant (sur la minute) (G. M.].

il sera facile de trouver la vitesse v d'une autre rigole dont on connaît:

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On voit que pour faire usage de cette formule, on a besoin d'une observation où tout soit connu.

J'ai cru devoir en mettre ici deux qui ont été faites avec tout le soin dont je suis capable.

Désirant, à l'occasion du canal de l'Yvette, connaître quelle pente il convenait de donner à une rigole, je me suis transporté dans la forêt d'Orléans pour vérifier la pente de la rigole de Courpalette qui fournit de l'eau au point de partage du canal d'Orléans dont je savais qu'elle avait très peu de pente à proportion de sa longueur. J'ai trouvé, par un nivellement fait deux fois très exactement, que la pente de cette rigole était, le 23 septembre 1769, de 3 pieds 5 pouces 2 lignes sur toute sa longueur qui est de 16.100 toises. Le point de partage du canal était alors très plein, l'eau n'y étant qu'à 0.10.11 1/4 plus bas que le dessus du bajoyer du batardeau du grand bief du côté Grignon, près de la rainure aval du côté de la rigole. L'inégalité du lit de la rigole et divers embarras qui rendaient la pente totale très inégale, m'ont empêché de la mesurer; je me suis réduit à faire l'observation suivante sur une partie qui m'a paru la plus propre à ce que je désirais.

(1) Plusieurs personnes, même versées dans la mécanique, remarquant que la vitesse des courants était à peu près comme la racine carrée de leur pente, sachant, d'ailleurs, que les vitesses acquises d'un corps tombant, soit librement, soit sur un plan incliné, sont comme la racine de la hauteur de la chute, ont cru, sans y faire plus d'attention, que le rapport des vitesses des courants de pente différente, avait la même cause [dans la minute : que le rapport des vitesses de différents courants pouvait s'expliquer de même). Il est aisé de voir que c'est une erreur.

Première observation.

Pour connaître la vitesse relative à la pente, j'ai choisi la partie de la rigole la plus droite et la plus égale, à l'endroit dit de la Gibonnière, par un temps très calme.

Une boule de cire jetée dans le milieu de la rigole a parcouru 101 toises en 23 minutes et une deuxième fois 99 toises en 22 minutes et demie; c'est à peu près 0 pi. 5. 31/4 par seconde.

La pente de la rigole en cette partie, vérifiée plusieurs fois, s'est trouvée de 0 pi. 0. 6 1/4 pour 100 toises de longueur.

Les côtés de la rigole, en cet endroit, sont revêtus de planches appuyées contre de petits pieux liernés et entretoisés, comme il parait au plan ci-joint. Les pieux, vraisemblablement, retardent un peu la vitesse. La rigole, d'ailleurs, était assez nette, fort droite et assez

égale dans une longueur très grande au-dessus et au-dessous de celle qui a servi à l'observation. Sa largeur moyenne, entre les pieux, était de 4 pi. 0. 02/3 et la profondeur moyenne de l'eau était de 1 pi. 7. 2. Par conséquent, le volume d'eau qui coulait était de 421 pouces d'eau (1), [plus exactement 410.27 pouces d'eau (2)].

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La Seine, nivelée le 7 octobre 1769, avec tout le soin possible, avait 11 pouces de pente en 1330 toises de longueur depuis le bac de

(1) Chézy évalue le pouce d'eau à 1/150 de pied cube à la seconde, soit 0 lit. 2285. C'est le débit mesuré par Mariotte et adopté par Bélidor. [G. M.]

2 Annotation écrite en marge [G. M.].

Suresnes jusqu'au nouveau pont de Neuilly. Elle a parcouru cet espace en 55 minutes. La hauteur de l'eau était à 4 pi. 7. 6 au-dessus de l'étiage. Le bras de la Seine où s'est faite l'expérience a 50 toises. de largeur moyenne et avait 9 pieds de hauteur d'eau.

La vitesse de l'eau était donc de 2 pi. 5. 0 par seconde et sa pente de un dixième de ligne par toise.

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On peut, à présent, par le moyen de la formule précédente, et de l'une ou de l'autre des deux observations, trouver la vitesse de l'eau d'une rigole projetée, [telle que celle de l'Yvette] (1). On suppose qu'elle ait 5 pieds de largeur au fond, 6 en haut, et 5 de hauteur, qu'elle soit pleine d'eau et que sa pente sont de 18 lignes pour 100 toises.

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(1) Sa section et sa pente étant donnée (sur la minute) [G. M.].

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