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EXAMEN CRITIQUE

De la traduction officielle qu'a faite M. PERRON du livre de KHALIL

CONTENANT

LA SOLUTION DE QUESTIONS INTÉRESSANTES

ET DÉMONTRANT

1. QUE LES PRINCIPES DE LA LOI MUSULMANE ET DU DOGME ISLAMIQUE,
BIEN COMPRIS ET BIEN APPLIQUÉS,

NE S'OPPOSENT PAS AU DÉVELOPPEMENT CIVILISATEUR DES PEUPLES MUSULMANS;
2° QUE LES MÊMES PRINCIPES,

EXCEPTÉ CEUX QUI ONT TRAIT AU DIVORCE ET AUX SUCCESSIONS,

NE S'OPPOSENT POINT A L'APPLICATION DU CODE CIVIL FRANÇAIS AUX ARABES DE L'ALGÉRIE,

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CHALLAMEL AINÉ, LIBRAIRE -ÉDITEUR

COMMISSIONNAIRE POUR LA MARINE ET LES COLONIES

30, RUE DES BOULANGERS, ET 27, RUE DE BELLECHASSE

THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY

431755

ASTOR LENOX AND

1302

En raison du bon accueil que la Presse française a fait à ma brochure : Initiation à la science du droit musulman, j'autorise les Journaux et les Revues à reproduire cet Examen critique par extraits à part cette exception, je réserve mes droits d'auteur.

:

Contre un mandat de 5 francs, adressé à l'auteur, on recevra, franco, l'Examen critique. Contre un mandat de 3 francs, on recevra l'Initiation à la science du droit musulman. Contre un mandat de 6 francs, on recevra les

deux livres.

Scire leges, non hoc est verba earum tenere, sed vim ac potestatem: Ce n'est pas savoir les lois que d'en connaître les termes, il faut en saisir l'esprit et l'étendue.

Une traduction n'a de valeur qu'autant qu'elle reproduit des idées et non des mots, car la lettre tue et l'esprit vivifie.

Au pays des aveugles, les borgnes sont rois.

Orientaliste veut dire celui qui est versé dans la connaissance des idiomes de l'Orient; mais de la connaissance d'une langue à la connaissance exacte d'une science traitée en cette langue, il y a une grande distance à parcourir. La preuve, c'est que le bachelier ès-lettres est obligé, pour devenir jurisconsulte ou médecin, d'étudier le droit ou la médecine : chacun son métier... Le mien est de cultiver les lois et de les apprendre à ceux qui les ignorent.

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Compter sur l'appui de certains savants en renom, pour obtenir, au détriment de leur réputation, un succès mérité, c'est compter sur le néant.

La modestie seyait bien alors que la bonne foi régnait sur la terre, mais aujourd'hui, c'est de la sottise, car l'homme modeste est exploité par les intrigants, ou détruit par les individus auxquels il porte ombrage. Je n'entends pas dire que l'immodestie doive être désormais une règle de conduite, j'entends dire seulement que l'homme qui a la conviction que son talent, tant faible soit-il, peut être utile à son prochain, ne doit pas le laisser ignorer à ceux-là qui, au lieu de le reconnaître, sont disposés à le ravaler : qui se fait brebis, le loup le mange.

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La question n'est pas de savoir si j'ai été diffus, incorrect, même vain, prẻsomptueux, mais bien de savoir si j'ai été clair et si j'ai frappé juste.

Il n'y a que la vérité qui offense.
Qui ne dit mot consent.

:

Je n'ai pas fait de personnalités; j'ai voulu dire seulement que celui qui se reconnaît dans ma critique, s'applique ce que je dis, si bon lui semble.

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Quoique, depuis la fin de l'âge d'or, on ne puisse plus dire impunément la vérité, j'ai tâché de concilier cette règle que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, avec celle-ci: fais ce que tu dois, advienne que pourra.

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Les nègres du Soudan, parlant de la domination arabe, disent en matière d'administration, consulter les chefs ou les magistrats musulmans, c'est demander aux chacals leur opinion à l'égard des brebis

Ils disent en outre il n'est plus temps de recourir aux plantes salutaires, quand on les à laissées étouffer par les mauvaises herbes.

Stechert Feb. 12, 1908

AVIS

AU LECTEUR BIENVEILLANT.

En m'adressant à M. Perron en particulier, je me suis également adressé aux autres orientalistes français en général, pour le droit musulman dont j'ai fait ma spécialité. Or, ils ne peuvent être juges dans leur propre cause. Mes juges compétents sont non-seulement à Berlin, mais encore dans la personne des éminents orientalistes d'Angleterre et de Russie. Que le lecteur, qui ne pourra apprécier par lui-même la valeur de ma critique, attende donc avec confiance la décision. que je réclame, et que jusque là, il veuille bien ne point s'arrêter aux objections de mes détracteurs, car la plupart des savants en renom ne pardonnent pas à un homme simple et obscur, mu par le seul intérêt de la vérité, de leur signaler naïvement ce qu'ils ont ignoré, ni de leur prouver de même que, sur les matières traitées par eux, ils ont commis des erreurs graves.

J'ai déjà parlé de la traduction de M. Perron dans mon livre Initiation à la science du droit musulman. A cette époque, je n'en avais examiné que quelques passages; mais ayant eu, depuis, l'occasion d'en consulter un grand nombre et de les comparer avec l'original arabe, j'ai été frappé de nombreuses erreurs, plus vivement que M. Perron, lorsqu'il dit, vol. 6, p. 476, en parlant des traductions françaises ou étrangères du Koran: « J'ai été frappé de quelques inexactitudes. « J'ai dû les rectifier. » C'est alors que j'ai entrepris cette critique, dans l'intérêt de la science et spécialement de l'Algérie, avec d'autant plus de raison que M. Perron, jusqu'ici, n'a trouvé que des louangeurs.

PRÉFACE

Le but de mes efforts, tant dans cette critique que dans mon précédent livre: Initiation à la science du droit musulman, a été de démontrer que les institutions musulmanes ont été envisagées sous un faux jour par tous les savants. En effet, si ces institutions étaient essentiellement mauvaises, les Musulmans n'auraient pu, avec les mêmes lois que celles qu'ils ont aujourd'hui, demeurer pendant plus de sept cents ans, le plus grand et le plus civilisé des peuples de l'Occident. (1)

Le but de mes efforts a été également de démontrer

(1) Les institutions, tant bonnes soient-elles, ne suffisent pas pour assurer et maintenir la prospérité d'un peuple; il faut qu'elles soient appliquées, d'une manière saine et impartiale, tant aux hommes puissants qu'aux déshérités; sinon, elles sont comme ces terrains incultes, qui ne produisent que des ronces et des chardons. Que l'on considère ce qu'était l'Espagne sous la loi musulmane, et ce qu'elle est devenue sous le gouvernement des prêtres catholiques, malgré la loi du Christ! Que l'on considère également ce que sont aujourd'hui les pays musulmans sous la loi du Koran !

De ce que les institutions musulmanes ne s'opposent pas au développement civilisateur des peuples musulmans, il faut tirer cette conséquence que les Arabes de l'Algérie sont déjà aptes à être régis par notre code français, mais il ne faut pas conclure que nous devons laisser les Arabes sous l'empire de leur statut personnelcivil En effet, leurs jurisconsultes, à part quelques rares exceptions, ne s'attachent plus qu'à la lettre de la loi, et sont incapables de toute initiative civilisatrice. D'un autre côté, il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas venus en Algérie pour faire refleurir la loi du Koran, mais que nous y sommes venus pour imposer nos lois civiles aux vaincus, de même que les rois Arabes de l'Espagne imposaient aux Chrétiens les parties purement civiles de la loi musulmane.

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