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tration des forêts demandait l'allocation de 234 francs de dommagesintérêts à la commune, par application des dispositions combinées des articles 199 et 202 du Code forestier.

L'avocat des prévenus concluait, de son côté, à ce que le Tribunal, leur donnant acte de ce qu'ils étaient prêts à payer tous les frais de poursuites et considérant que les condamnations encourues étaient antérieures au 14 juillet 1889, dit qu'elles étaient couvertes par l'amnistie édictée le 19 du même mois, et déboutât, en conséquence, l'Administration de toutes ses demandes.

Le Tribunal a statué comme il suit :

JUGEMENT:

Sur la fin de non-recevoir :

Attendu que la loi d'amnistie du 19 juillet 1889 n'a pas eu pour effet d'annuler complètement les jugements prononcés en matière forestière; que l'article 7 de cette même loi déclare l'amnistie non applicable aux restitutions et aux dommages-intérêts;

En ce qui concerne la question du fond:

Attendu que l'Administration forestière est donc recevable dans son action pour demander des dommages-intérêts aux délinqnants;

Attendu qu'il est de principe que la condamnation des prévenus à des dommages-intérêts est facultative pour le juge; qu'en effet, il résulte de la combinaison des articles 199 et 202 du Code forestier que les tribunaux peuvent, s'il y a lieu, adjuger ces dommages-intérêts; qu'ainsi, à plus forte raison, les tribunaux ont-ils tout pouvoir d'appréciation pour évaluer la quotité des dommages-intérêts;

Que, sans doute, les dommages-intérêts sont obligatoires lorsqu'il s'agit de délits d'adjudication commis par les adjudicataires; mais que ce n'est pas le cas de l'espèce actuelle où il ne s'agit que d'introduction dans un bois soumis au régime forestier;

Attendu, du reste, que c'est le cas d'une véritable réparation civile demandée par l'Administration, question sur laquelle les Tribunaux ont tout droit d'appréciation suivant les circonstances;

Que, dans cette cause, on ne relève qu'un délit de dépaissance commis dans un bois de plus de dix ans; qu'il ne s'agit point, par conséquent, d'un dommage présumé, faisant supposer, à cause du jeune âge du bois, un préjudice certain ;

Attendu que le délit dont on demande la réparation pécuniaire a donc été commis dans un bois où le dégât n'est pas toujours appréciable; que, d'autre part, les délinquants poursuivis pouvaient, moyennant une déclaration préalable et le paiement de la taxe, y introduire leurs bestiaux sans avoir à se préoccuper d'un dommage futur; que c'est seulement pour n'avoir pas rempli cette double obligation que les prévenus sont actuellement poursuivis ;

Attendu que le Tribunal possède les éléments nécessaires pour estimer le dommage sans recourir à une expertise;

Par ces motifs,

Le Tribunal,

Quant au délit de dépaissance relevé à l'encontre des six prévenus, les relaxe en vertu de la loi d'amnistie du 19 juillet 1889;

Et, au contraire, les retient dans la cause en ce qui concerne les dommages-intérêts et les dépens et les condamne solidairement en trente francs de dommages-intérêts et aux dépens;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

M. Pougat, président.

Appel de l'Administration :

ARRÊT:

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont reconnu l'existence du dommage occasionné dans la forêt de Sainte-Engrâce par l'introduction dans cette forêt de 117 bêtes à laine, non déclarées, appartenant aux six propriétaires désignés dans le procès-verbal no 610 du 8 juin 1889; mais qu'en portant à 30 francs la réparation pécuniaire du dommage demandée par l'Administration forestière, ils ont fait une application inexacte de l'article 202 du Code forestier; que leur décision doit donc être réformée quant à ce;

Par ces motifs,

LA COUR:-Faisant droit à l'appel de l'Administration forestière envers le jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Palais, du 13 juin 1890, !condamne les nommés Oyhanart (Gratian), Barneix (Pierre), Carricondo (JeanPierre), Oylhen (Jean) Etchebar (Cadet) et Etchebar (Dominique) solidairement à deux cent trente-quatre francs de dommages-intérêts et aux dépens;

Fixe la durée de la contrainte par corps au minimum déterminé par la loi.

Prononcé à l'audience publique du 22 novembre 1890.

MM. Lapenne, conseiller, remplissant les fonctions de président; Guyon, avocat général.

(Aux mêmes dates ont été rendus, par le même Tribunal et la même Cour, deux autres jugements et deux autres arrêts identiques.)

OBSERVATIONS. L'erreur du Tribunal de Saint-Palais s'explique difficilement, si l'on se reporte au texte formel de l'article 202 du Code forestier. Il est certain que l'allocation de dommages-intérêts n'est pas obligatoire dans tous les cas; car il est des délits qui ne causent aucun préjudice; mais, dès que les juges reconnaissent l'existence d'un dommage, ils ne peuvent pas allouer au propriétaire lésé une somme moindre que l'amende prononcée par leur jugement, ou que leur jugement aurait prononcée, s'il n'était pas survenu d'amnistie.

A cet égard, le Tribunal de Saint-Palais a méconnu un point de droit qui paraît incontestable. Son jugement semble, d'ailleurs, démontrer combien serait insuffisante la réserve faite par la loi d'amnistie, des réparations civiles dues pour des délits couverts par l'extinction de l'action pénale, dans le cas où l'on admettrait que ces réparations dussent être demandées nécessairement aux tribunaux civils. C'est en se considérant comme tel que le Tribunal correctionnel de SaintPalais, se voyant saisi uniquement d'une action civile, a pu être amené, dans une certaine mesure, à se croire obligé d'apprécier le dommage, comme l'aurait fait un tribunal civil. Bien que son jugement portât qu'il possédait les éléments nécessaires et se trouvait ainsi dispensé de recourir à une expertise, cette appréciation était arbitraire; car le procès-verbal évaluait le dommage à 11 fr. 70 et le Tribunal en a alloué 30.

Or cet arbitraire se serait produit inévitablement, à moins d'une expertise coûteuse, et dont l'exactitude aurait été d'ailleurs impossible, en raison de la nature du dommage, si la commune propriétaire avait dû s'adresser aux tribunaux civils pour être indemnisée du préjudice que le pâturage lui avait causé.

On peut remarquer que le tribunal de Saint-Palais, pour reconnaître le droit de la commune de Sainte-Engrâce à des réparations civiles, s'est appuyé sur la disposition de l'article 7 (loi du 19 juillet 1889) relative aux restitutions et dommages-intérêts. Cette disposition paraît cependant plus spécialement applicable à l'État et c'est dans la réserve des droits des tiers que le Tribunal aurait dû plutôt chercher la justification de l'action exercée par l'Administration dans l'intérêt de la commune dont les bois lui étaient confiés.

No 48. TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE BAUME. 1888 et 5 Novembre 1889.

6 Novembre

Chasse. Temps prohibé. Chien errant. Interdiction préfectorale.

Délit.

Est légal et obligatoire l'arrêté préfectoral qui, pour prévenir la destruction des oiseaux, œufs et couvées, interdit la divagation des chiens après la clôture de la chasse.

L'infraction à cet arrêté est, en conséquence, passible de l'amende

édictée par l'article 11, § 3, de la loi du 3 mai 1844 (1er jugement). Le fait de laisser chasser son chien en temps prohibé constitue d'ailleurs le délit prévu et puni par l'article 12, § 1, de ladite loi (2o jugement).

ADMINISTRATION DES FORÊTS C. BRONCHAT.

Le préfet du Doubs a pris, le 29 mai 1884, l'arrêté dont la teneur suit:

Police de la Chasse.

Nous, préfet du Doubs, chevalier de la Légion d'honneur.

Vu les lois des 3 mai 1844 (art. 9 et art. 11, § 3) et 22 janvier 1874 sur la police de la chasse;

Vu l'arrêté du 26 décembre 1879 sur la réglementation permanente de la chasse et notamment l'art. 7 ainsi conçu :

Il est formellement interdit aux propriétaires ou possesseurs de chiens, quelle que soit leur race, de les laisser chasser en liberté pendant la période d'interdiction de la chasse; ▸

Vu les propositions du conservateur des forêts en date du 3 mai 1884;

ARRÊTONS:

ART. PREMIER.

--

L'article 7 susvisé de l'arrêté préfectoral du 26 dẻcembre 1879 est modifié ainsi qu'il suit :

Afin de prévenir la destruction des oiseaux, œufs et couvées et celle des petits des autres espèces de gibier, il est formellement interdit aux pro«priétaires et possesseurs de chiens, quelle que soit leur race, de les laisser errer, soit dans les bois, soit dans la plaine, pendant la période d'interdic<tion de la chasse.»

ART. 2. MM. les sous-préfets, M. le conservateur de forêts, MM. les maires, etc........., sont chargés de l'exécution, etc.

Besançon, le 29 mai 1884.

Le préfet du Doubs: Signé: J. LEVAILLANT.

Sous l'empire de cet arrêté, le Tribunal correctionnel de Baume a prononcé contre le noinmé Dronchat les condamnations ci-après.

fer Jugement. 6 Novembre 1888.

Considérant qu'il est établi... que le 7 du mois de juin dernier le prévenu a laissé chasser sa chienne courante dans la forêt de Nancray; qu'il a ainsi contrevenu à l'arrêté préfectoral du 29 mai 1884;

Par ces motifs, le Tribunal, ouï les conclusions de l'Administration forestière, et celles du ministère public, déclare le prévenu convaincu d'avoir commis le délit qui lui est reproché dans une forêt appartenant à la commune

de Nancray et, pour répression, lui faisant application de l'article 11 de la loi du 3 mai 1844, le condamne même par corps à l'amende de 16 francs...

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Attendu qu'il résulte du procès-verbal qui a donné lieu aux poursuites que, le 15 juillet dernier, le chien du prévenu a été trouvé chassant dans une forêt appartenant à la commune de Nancray, au canton Folle; que ce faid constitue à la charge du prévenu le délit prévu et puni par les articles 12, 14, 15 et subsidiairement 11, § 3, de la loi du 3 mai 1844;

Par ces motifs, le Tribunal, ouï les conclusions de l'Administration forestière et celles du ministère public, déclare le prévenu convaincu d'avoir commis le délit qui lui est reproché dans une forêt appartenant à la commune de Nancray et, pour répression, lui faisant application des articles susrappelés, le condamne même par corps à l'amende de cinquante francs...

OBSERVATIONS.

Après quelques incertitudes, la jurisprudence s'est fixée et bien peu de tribunaux hésitent encore à reconnaître la légalité des arrêtés préfectoraux qui, par application de l'art. 9 de la loi sur la police de la chasse et dans l'intérêt de la conservation des oiseaux et de leur repeuplement, interdisent la divagation des chiens pendant la clôture de la chasse.

L'arrêté du préfet du Doubs, de 1884, qui, rectifiant la rédaction de celui de 1879, insuffisamment motivé, a spécifié que la défense, faite aux propriétaires et possesseurs de chiens, de les laisser errer dans les bois et la plaine lorsque la chasse est prohibée, a pour but de prévenir la destruction « des oiseaux, œufs et couvées », serait donc irréprochable, s'il n'avait ajouté « et des petits des autres espèces de gibiers >>.

Sans doute il est admis que les termes généraux de l'article 9 de la loi de 1844 le rendent applicable « à toutes espèces d'oiseaux, de quel«< que nature qu'ils soient ». (Arrêt de la Cour de Nancy, du 23 janvier 1882, inséré dans notre Répertoire, tome XI, n° 9, avec des observations de M. Guichet.) Mais, comme il est certain que le législateur a eu surtout en vue la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, il semble que les préfets doivent éviter, dans le libellé de leurs arrêtés, tout ce qui peut faire croire qu'ils se sont, avant tout, sinon exclusivement, préoccupés des oiseaux qualifiés de gibier; à plus forte raison doiventils s'abstenir de présenter l'interdiction de laisser les chiens errer dans les campagnes comme une mesure de protection pour les « petits des << autres espèces de gibier ».

Est-ce pour ce motif et afin de s'appuyer sur une base plus solide

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