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No 47. COUR DE CASSATION (Ch. des requêtes).
8 Juillet 1890.

Animaux nuisibles.

Sangliers.

Dommages aux champs. Chasse. Forêt domaniale. — Adjudicataire. - Responsabilité. - Cahier des charges.

Les dispositions contenues dans le cahier des charges dressé pour l'adjudication du droit de chasse dans les forêts domaniales afin d'assu rer la destruction des animaux nuisibles y sont inscrites tant dans l'intérêt de la conservation des forêts qu'en vue de préserver de tous dommages les propriétés particulières; les propriétaires voisins d'une de ces forêts sont donc recevables à se prévaloir desdites dispositions et de leur inobservation par l'adjudicataire pour en faire découler contre ce dernier un principe de responsabilité en cas de dommage causé à leurs récoltes par le gros gibier séjournant dans la forêt.

Spécialement, il y a lieu de reconnaitre la responsabilité dudit adjudicataire engagée vis-à-vis d'un propriétaire voisin dont les récoltes ont été endommagées par les nombreux sangliers retirés dans la forêt, lorsqu'il est constant: 1° que, mis en demeure par le conservateur des forêts de détruire un certain nombre de sangliers dans un délai déterminé, il n'en a détruit que la moitié de ce nombre; 2o qu'il n'a fait dans la forêt que des chasses insuffisantes, s'abstenant d'ailleurs de chasser dans les endroits où les agents forestiers lui avaient, à plusieurs reprises, signalé la présence de laies suivies de marcassins; 3o enfin qu'il n'a pas, comme l'y obligeait l'art. 4 de l'ordonnance du 20 juin 1845, relative à la chasse dans les forêts domaniales, concouru aux battues ordonnées par l'autorité préfectorale pour la destruction des animaux nuisibles.

RICHARD WALLACE C. BONIN.

LA COUR: Sur le moyen unique pris de la violation des art. 1382, 1383, 1385 et 1165 C. civ. : Attendu que le jugement attaqué constate que les sangliers retirés dans la forêt domaniale d'Andaine, et dont le nombre s'était considérablement accru, ont causé des dommages à la propriété du défendeur éventuel; que le même jugement constate que sir Richard Wallace, adjudicataire du droit de chasse dans ladite forêt, n'y a fait que des chasses insuffisantes; que, mis en demeure par le conservateur des forêts de détruire dix sangliers dans un délai déterminé, il n'en a détruit que cinq; qu'il n'a pas concouru aux battues ordonnées par le préfet de l'Orne pour la destruction des animaux nuisibles habitant la forêt d'Andaine;

Attendu que le pourvoi prétend vainement que ces infractions aux injonctions des agents de l'État ne pouvaient constituer l'adjudicataire en faute visà-vis du défendeur éventuel, étranger au contrat intervenu entre l'État et l'adjudicataire;

Attendu, en effet, qu'il résulte de l'art. 3 de l'ordonnance du 20 juin 1845 que les dispositions contenues dans les cahiers des charges dressés pour l'adjudication du droit de chasse dans les forêts domaniales afin d'assurer la destruction des animaux nuisibles y sont inscrites, tant dans l'intérêt de la conservation des forêts qu'en vue de préserver de tout dommage les propriétés particulières; qu'aux termes de l'art. 4 de la même ordonnance, les fermiers de la chasse sont tenus de concourir aux chasses et battues ordonnées par les préfets pour la destruction des animaux nuisibles;

Attendu qu'il est encore constaté par le jugement attaqué que, loin de faire ce qui était en son pouvoir pour s'opposer à la multiplication des sangliers, l'adjudicataire de la chasse n'a pas chassé dans les endroits où les agents forestiers lui avaient à plusieurs reprises signalé la présence de laies suivies de marcassins;

Attendu qu'en présence des faits ainsi constatés, c'est à bon droit que le jugement attaqué a déclaré le demandeur en cassation responsable du dommage causé aux propriétés de Bonin par les sangliers de la forêt dont la chasse lui avait été adjugée, et qu'en statuant ainsi, loin de violer les principes de droit et les articles de loi invoqués par le pourvoi, il n'a fait qu'une juste application des art. 1382 et 1383 C. civ.;

Rejette.

MM. Bedarrides, prés.; Lepelletier, rapp.; Loubers, av. gén. Me Boivin-Champeaux, av.

Note. L'art. 2 de l'ordonnance du 29 juin 1845, relative à la chasse dans les forêts domaniales, est, en effet, ainsi conçu : « Un cahier des charges, approuvé par notre Ministre des finances, réglera les conditions auxquelles les fermiers seront assujettis. Il devra contenir les dispositions nécessaires à l'effet d'assurer la destruction des animaux nuisibles, tant dans l'intérêt de la conservation des forêts qu'en vue de préserver de tous dommages les propriétés particulières. »

Les dispositions du cahier des charges prises en exécution dudit article constituent ainsi, de la part de l'État, des stipulations à la fois, pour lui-même et pour autrui, valables en tant que stipulations pour autrui dans les termes de l'art. 1121 C. civ. et que les tiers dans l'intérêt desquels elles ont été introduites, en même temps que dans l'intérêt de l'État, ont le droit d'invoquer et faire valoir à leur profit en en réclamant l'observation. V. d'ailleurs sur la responsabilité du locataire du droit de chasse dans une forêt domaniale qui a laissé se multiplier outre mesure le gros gibier, cerfs, biches, sangliers, etc.: Cass. 31 juillet 1876 (D., 77, 1, 24); 24 décembre 1883 (Gaz. Pal., 84, 1, 874).

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Les cours d'eau et rivières non navigables ni flottables, leurs eaux courantes et leur lit, pris dans leur ensemble et comme formant un seul tout, rentrent dans la classe des biens qui, n'appartenant à personne,

sont hors du commerce et dont la possession ne peut ni conduire à la prescription ni donner ouverture à l'action possessoire.

Et lorsque la nature du cours d'eau litigieur est contestée au possessoire entre les parties, le demandeur prétendant qu'il s'agit d'un canal fait de main d'homme, le défendeur d'un bras naturel d'une rivière, le juge ne peut se dispenser d'examiner les titres produits par le défendeur, et de vérifier, à seules fins de statuer sur le possessoire, si de ces titres et des autres circonstances de la cause il appert que l'exception opposée par celui-ci soit justifiée.

VILLE DE TONNERRE C. VEUVE LEMAIRE.

LA COUR:
Vu les articles 2226, 2229, 644, 714 C. civ., 23 C. pr. civ.:

Sur le moyen unique du pourvoi;

Attendu que, si les cours d'eau et rivières non navigables ni flottables sont affectés, au profit des héritages qu'ils bordent ou traversent, de certains droits réels définis par l'article 644 précité, dont la possession peut être la base d'actions possessoires, ces mêmes cours d'eau et rivières, leurs eaux courantes et leurs lits, pris dans leur ensemble et comme formant un seul tout, rentrent dans la classe des biens qui, n'appartenant à personne, sont hors du commerce (art. 714, 2226 C. civ.) et dont la possession ne peut ni conduire à la prescription, ni donner ouverture à l'action possessoire;

Attendu, en fait, que les consorts Lemaire, se disant troublés par la ville de Tonnerre dans leur possession annale, et à titre de propriétaires d'un cours d'eau qu'ils prétendent être le canal ou bief d'un moulin leur appartenant, ont agi en complainte et demandé à être maintenus en possession à titre de propriétaires dudit bief ou canal; qu'à cette demande la ville de Tonnerre a opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que le cours d'eau litigieux, n'étant pas un canal creusé de main d'homme, mais un bras naturel de l'Armançon, rivière non navigable ni flottable, n'avait pu être l'objet d'une possession à titre de propriétaire;

Attendu que, la nature du cours d'eau litigieux étant ainsi invoquée comme faisant obstacle à l'exercice d'une action possessoire à titre de propriétaire, les juges de la cause pouvaient et devaient examiner les titres produits par la ville de Tonnerre, et vérifier, à seules fins de statuer sur le possessoire, si de ces titres et documents et des autres circonstances du procès il apparaissait que le cours d'eau litigieux était un bras naturel de la rivière ou un canal fait de main d'homme;

Attendu qu'ils ont cependant expressément refusé de se livrer à cet examen, sous le prétexte qu'il n'appartient pas au juge du possessoire d'interpréter les actes, d'en apprécier la valeur, non plus que de rechercher quelle est la nature d'un cours d'eau, et que, fût-il d'ailleurs établi que dans la cause il s'agissait d'un bras naturel de la rivière, il ne pouvait résulter de cette constatation qu'une simple exception de domanialité, opposable par l'Etat seul et non par la ville de Tonnerre; qu'en se basant sur ces seuls motifs pour écarter l'exception d'imprescriptibilité proposée par la ville demanderesse, le jugement attaqué a méconnu les principes en matière d'action possessoire et violé les articles de loi ci-dessus visés;

Casse.

MM. Mazeau, prés.; de Lagrevol, rapp.; Ronjat, proc. gén. M's Defert et Rambaud de Larocque, av.

Note. I. Sur le premier point: V. conf. sur le principe qui reconnaît aux cours d'eau non navigables ni flottables le caractère de choses communes dont l'usage appartient à tous, mais non susceptibles d'appropriation privéo : Cass. février 1888, Paris, 2 mars 1889.

II.

Sur le deuxième point: V. conf. Labori et Schaffauser, Rép. encyclop. du dr. fr., v Action possessoire, n° 103, et les arrêts cités par ses auteurs.

(Gazette du Palais, 17 avril.)

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-

Cassation.

Chasse. Délit. - Procès-verbal. Affirmation. - Nullité.
Preuve. - Témoins. Garde.

-

Est nul le procès-verbal dont l'affirmation émane du maire et non du garde rédacteur1. (C. instr. crim., 154, 189; L. 3 mai 1844, art 24.) La nullité résultant de ce qu'un procès-verbal constatant un délit de chasse n'a pas été affirmé par le garde rédacteur est une nullité d'ordre public, qui peut être invoquée devant la Cour de cassation, quoiqu'elle n'ait été proposée ni en première instance ni en appel 2. (ld.)

En cas de nullité du procès-verbal, la partie poursuivante peut prouver le délit en faisant entendre des témoins, et notamment le garde rédacteur du procès-verbal 3. (L. 3 mai 1844, art. 21).

Mais l'arrêt qui a prononcé une condamnation, en s'appuyant, non seulement sur les dépositions des témoins entendus à l'audience, mais aussi sur les constatations dudit procès verbal, qu'il considérait dès lors comme valable, manque de base légale et doit être annulé “. (Id.).

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RASSE C. TANNEUR.

ARRÊT:

Sur le moyen pris de la violation de l'art. 24 de la loi du

V. conf. Cass. 9 mars 1866 (S. 1866. 1. 375.

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et le renvoi; et M. Leblond, Code de la chasse, t. II, p. 23 et s., n. 318.

2.

- Conf. Cass. 28 janv 1875 (S. 1875. 1. 439. — P. 1875. 1086; 27 fév. 1879 (S. 1879. 1. 440-P. 1879. 1120); et MM. Giraudeau, Lelièvre, Soudée, La chasse, p. 274, n. 1042; Leblond, Code de la chasse, t. II, p. 24. n. 319. V. aussi Cass. 25 nov. 1882 (S. 1883. 1. 141. - P. 1883. 1. 316).

3.

En ce sens, Rouen, 22 fév. 1878 (S. 1879. 2. 260.-P. 1879. 1026), et la note Cass. 25 nov. 1882, précité.

4.Sic, Cass. 27 févr. 1879, précité; 31 juill. 1880 (S. 1881. 1. 361. - P. 1881. 1, 792); 25 nov. 1882, précité, la note et les renvois; et MM. Giraudeau. Lelièvre, Soudée, op. cit., p. 276, no 1050.

3 mai 1844, et des art. 154 et 189, C. instr. crim., en ce que l'arrêt attaqué aurait fait état, non seulement de la déposition du garde, mais encore du procès-verbal, nul à défaut d'affirmation régulière; - Attendu qu'aux termes de l'art. 24 de la loi de 1844, les procès-verbaux des gardes, en matière de chasse, doivent, à peine de nullité, être affirmés par les rédacteurs dans les vingt-quatre heures du délit, devant le juge de paix ou l'un de ses suppléants, ou devant le maire ou l'adjoint, soit de la commune de leur résidence, soit de celle où le délit aura été commis; Attendu, en fait, que le garde particulier Cochin ayant dressé, le 16 octobre 1889, un procès-verbal pour constater un délit de chasse que Rasse aurait commis la veille, l'acte d'affirmзtion mis au bas de ce procès-verbal est ainsi conçu: « Le maire affirme le 16 oct. 1889, à huit heures du matin; › que c'est donc le maire qui affirme une circonstance dont il n'a point une connaissance personnelle, la concordance du contenu du rapport avec les faits dont le garde a été le témoin; - Attendu qu'une pareille affirmation, non émanée du rédacteur, n'étant pas celle exigée par la loi, le procès-verbal qui en est l'objet manque de la forme légale nécessaire pour sa validité; qu'il est, par suite, entaché d'une nullité d'ordre public, laquelle peut être invoquée devant la Cour de cassation, quoiqu'elle n'ait pas été proposée en première instance, ni en appel; - Attendu, toutefois, que, d'après les dispositions de l'art. 21 de la loi de 1844, la partie poursuivante pouvait, pour établir le délit de chasse reproché à Rasse, suppléer par la preuve testimoniale la preuve écrite qui lui faisait défaut, et que, le garde Cochin ayant été cité et entendu comme témoin, l'arrêt attaqué aurait eu une base légale, s'il était fondé uniquement sur sa déposition; - Mais attendu que le jugement, dont l'arrêt attaqué a adopté les motifs, pour déclarer Rasse coupable du délit de chasse relevé contre lui, s'est appuyé, non seulement sur la déposition du garde, mais sur les constatations de son procès-verbal, qu'il considérait comme valable; D'où la conséquence que, le procès-verbal vicié de nullité ayant eu une influence sur la détermination des juges, l'arrêt qui en a fait état manque de base légale et, par suite, a violé les articles ci-dessus visés ; Casse, etc.

Du 17 avril 1890.

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Bertand, av. gén. ; Lelièvre, av.

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MM. Loew, prés. ; Poulet, rapp.;

(Sirey, 6 cahier, 1890.)

No 50. COUR DE CASSATION (Ch. des requêtes).

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30 Juin 1890.

Garde particulier.

Serment.

Conditions de moralité.

Lorsqu'un individu, porteur d'une commission de garde particulier, à lui délivrée par le propriétaire et régulièrement revêtue du visa approbatif du sous-préfet de l'arrondissement, est présenté au serment par

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