Page images
PDF
EPUB

<< responsable, l'application de l'article 1384 doit être faite par les tribu

naux )).

Le jugement ajoutait que : « dans l'espèce, on ne saurait évidemment « prétendre que, si des arbres ont été marqués en dehors de la forêt <«< communale sur la propriété Goglio, ils l'ont été en vertu d'ordres << compétemment donnés par l'Administration »; que « cette voie « de fait, si elle a été commise, ne résulte au contraire que de l'impru<«<dence et de la négligence personnelle de l'agent chargé de ce travail <«<et doit, en conséquence, tomber sous l'application du droit com

<<< mun. >>

--

Au vu de ce jugement, le préfet des Basses-Alpes a élevé le conflit d'attributions. Son arrêté a été confirmé par la décision dont la teneur suit :

LE TRIBUNAL DES CONFLITS: Vu l'arrêté du 24 février 1890, par lequel le préfet du département des Basses-Alpes a élevé le conflit d'attributions dans une instance engagée devant le tribunal correctionnel de Barcelonnette, entre la commune d'Uvernet, représentée par son maire en exercice et l'État;

Vu l'assignation en date du 13 janvier 1890 par laquelle la commune d'Uvernet assigne le préfet du département des Basses-Alpes, comme représentant l'État, à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Barcelonnette, pour s'entendre condamner à relever et garantir ladite commune de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle dans l'instance déjà pendante devant ledit tribunal, entre les époux Goglio et les sieurs Pellissier et Ricaud, et à l'occasion de laquelle la commune d'Uvernet a ellemême été appelée en garantie par lesdits sieurs Pellissier et Ricaud; .

Vu le jugement du 12 février 1890, par lequel le tribunal correctionnel de Barcelonnette, tout en se déclarant compétent, par le motif qu'il appartient à l'autorité judiciaire d'apprécier les conséquences de l'exécution des règlements administratifs au point de vue des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, dit toutefois qu'il sera sursis au jugement du fond jusqu'à l'expiration des délais fixés par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 et condamne le préfet aux dépens de l'incident;

yu les observation présentées le 18 avril 1890 par le Ministre de l'agriculture, ensemble le mémoire de l'Administration des forêts, lesdites observations tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit;

Vu les observations présentées par le Ministre de l'intérieur, le 23 avril 1890, et tendant également à la confirmation de l'arrêté de conflit;

Ouï M. Tétreau, vice-président du Tribunal, en son rapport;
Ouï Me Gosset, avocat du Ministre de l'agriculture en ses observations ;
Ouï M. Bertrand, commissaire du Gouvernement en ses conclusions;
Considérant que devant le tribunal correctionnel de Barcelonnette les époux

Goglio réclamaient aux sieurs Pellissier et Ricaud, ce dernier appelé comme civilement responsable, une somme de cinq cents francs pour le dommage qui serait résulté pour eux du fait par le sieur Pellissier d'avoir coupé et enlevé une certaine quantité de pins sylvestres sur un terrain dont lesdits époux Goglio se prétendaient propriétaires ;

Considérant que les sieurs Pellissier et Ricaud, se fondant sur ce que la commune d'Uvernet leur avait délivré la coupe des arbres par eux abattus dans la forêt communale, et notamment des pins sylvestres faisant l'objet de la réclamation des époux Goglio, ont assigné ladite commune en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre eux;

Considérant que, sur cette assignation, la commune d'Uvernet a intenté à son tour une action en garantie contre l'État; qu'elle soutient que, si les arbres dont il s'agit sont la propriété des époux Goglio, ils ont été marqués par l'agent de l'Administration des forêts comme dépendant des bois de la commune soumis au régime forestier et que, par suite, si une erreur a été commise, cette erreur provient uniquement du fait de cet agent dont l'État serait civilement responsable;

Mais considérant que la responsabilité qui peut incomber à l'État, à raison d'un dommage causé à des particuliers par le fait d'un agent concourant à l'exécution d'un service public n'est pas régie par les principes établis par le Code civil; que cette responsabilité a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés; qu'il suit de là que les tribunaux judiciaires ne peuvent être régulièrement saisis de l'examen de cette responsabilité que dans le cas où la connaissance leur en a été expressément attribuée par une disposition légale; que si le tribunal correctionnel de Barcelonnette était compétent pour connaître de l'action dirigée par les époux Goglio contre les sieurs Pellissier et Ricaud et de la demande en garantie formée par ces prévenus contre la commune d'Uvernet, aucune loi n'a donné compétence à l'autorité judiciaire pour connaître des demandes d'indemnités formées contre l'État à raison des dommages provenant des erreurs commises par les agents de l'Administration des forêts dans les opérations qu'ils accomplissent en leur qualité de préposés de l'Administration; qu'ainsi c'est avec raison que, par l'arrêté de conflit ci-dessus visé, le préfet du département des Basses-Alpes a revendiqué pour l'autorité administrative la connaissance de l'action en responsabilité civile dirigée par la commune d'Uvernet contre l'État;

DÉCIDE:

Art. 1. L'arrêté de conflit pris par le préfet du département des Basses Alpes, le 24 février 1890, est confirmé.

Art. 2. Sont considérés comme non avenus l'exploit en date du 13 janvier 1890 et le jugement rendu le 12 février suivant par le tribunal correctionnel de Barcelonnette.

Délibéré dans la séance du samedi 10 mai 1890, où siégeaient MM. Têtreau, président; de Louverade, Braun, Greffier, Chabrol, Chambareaud et Chante-Grellet, membres du tribunal.

Prononcé en séance publique le même jour.

[ocr errors]

OBSERVATIONS. Un arrêt du Conseil d'État, du 25 mars 1852, rapporté dans le bulletin des Annales forestières, tome V, page 437, avait déjà réservé à l'autorité administrative le droit de statuer sur une action en dommages-intérêts formée contre l'État comme responsable du préjudice éprouvé par une commune par suite d'irrégularités commises par les agents forestiers dans les opérations préparatoires à la vente d'une coupe de bois à elle appartenant. (Préfet de l'Ain c. commune de Péron.)

Cette décision et celle qui vient d'intervenir dans l'instance pendante entre l'État et la commune d'Uvernet sont conformes à la jurisprudence que le Conseil d'État et le tribunal des conflits ont toujours. soutenue et à laquelle la Cour de cassation s'est ralliée récemment, notamment dans un arrêté de la Chambre civile, du 19 novembre 1883, qui a reconnu l'incompétence des tribunaux judiciaires pour connaître d'une demande tendant à faire déclarer l'État civilement responsable de la perte d'une embarcation, imputée à l'incurie de ses agents, dans la surveillance d'un port. « Attendu qu'il n'appartient qu'à l'autorité << administrative de connaître des actions tendant à faire condamner «<l'État, puissance publique, comme responsable du fait ou de la négli«gence de ses agents dans l'exécution d'un service public. >>

Il importe peu que l'État soit assigné directement, comme il l'avait été en 1852 par la commune de Péron, ou appelé en garantie comme il l'était par celle d'Uvernet; en effet, la règle contre laquelle ceux qui seront assignés en garantie seront tenus de procéder devant le tribunal où la demande originaire sera pendante, encore qu'ils dénient être garants (Code de procéd. civ., art. 181), peut bien déroger à la compétence ratione persona, mais non à la compétence ratione materiæ dérivant du principe de la séparation des pouvoirs. (Laferrière, Traité de la juridiction administrative, tome 1er, page 628.)

C'est ce qu'a décidé le tribunal des conflits à l'occasion d'un accident causé par l'exploitation de poudres que la Compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée transportait pour le compte de l'État.

Il est d'ailleurs évident que le principe appliqué au cas où l'État a fait acte de puissance publique, en désignant les agents forestiers chargés, dans un intérêt général, de l'administration des bois communaux érigée en service public, ne saurait être étendu aux instances dans lesquelles l'État serait assigné, en qualité de propriétaire et dans

les formes tracées par l'article 69 du Code de procédure civile et l'article 15, titre III, de la loi des 28 octobre-5 novembre 1790, comme responsable des fautes et des erreurs commises dans la gestion de ses propres forêts.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

La loi d'amnistie du 19 juillet 1889 ne s'oppose pas à ce que les tribunaux correctionnels condamnent les prévenus, auxquels aucune peine n'est plus applicable, aux restitutions et dommages-intérêts dus aux parties civiles et aux frais afférents à ces condamnations.

Et, dans ce cas, la contrainte par corps doit être prononcée pour leur

recouvrement.

L'action de l'Administration des forêts spécialement est recevable, quand elle poursuit la réparation du dommage provenant d'un délit commis dans un bois appartenant à l'Etat; cette action est fondée sur la réserve des droits des tiers insérée dans la loi.

Mais, quand le délit n'est passible que d'une amende, le prévenu doit être renvoyé sans dépens (2o arrêt).

MINISTÈRE PUBLIC C. ALBERT ET CONSORTS.

FAITS. Par jugement du 26 juillet 1889, le tribunal correctionnel de Bonneville, déclarant les quatre prévenus coupables du délit susspécifié, les a, en réparation, condamnés solidairement en 111 francs d'amende, 55 fr. 50 de dommages et 0 fr. 60 de restitution; a prononcé la confiscation de trois serpes et quatre traineaux ayant servi au délit ; les a, en outre, condamnés solidairement aux dépens taxés à 15 fr. 33 outre les coûts du jugement.......

M. le Procureur de la République a fait appel de ce jugement dans le délai légal.

ARRET :

Attendu que, quoique régulièrement cités, les prévenus ne comparaissent pas;

Attendu que les contrevenants en matière forestière qui, au 14 juillet 1889, avaient subi ou encouru une condamnation, ont bénéficié des dispositions de la loi d'amnistie promulguée le 20 même mois;

Attendu que ceux qui avaient encouru une condamnation sans l'avoir encore subie ne sauraient être placés dans une situation plus défavorable que ceux qui, ayant été condamnés, avaient la possibilité de justifier leur libération des restitutions, dommages et frais laissés par la loi à la charge des amnisties;

Que les premiers juges, ayant égard à cette situation et à l'impossibilité légale où les prévenus se trouvaient placés de satisfaire à des condamnations encore à venir bien qu'encourues, devaient, par une juste interprétation du paragraphe 2 de l'article 5 de la loi du 19 juillet, les relaxer de toutes amendes et confiscations, ainsi que des frais afférents à ces amendes, pour ne retenir que les condamnations et dommages envers les parties civiles, ainsi que les frais afférents à ces condamnations;

Attendu, en effet, que, dans l'espèce, les restitutions et dommages concernent une commune, véritable partie civile, représentée aux débats par l'agent forestier;

Attendu qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement déféré;

Attendu, quant à la contrainte par corps, qu'en vertu des dispositions de l'article 211 du Code forestier, elle doit être prononcée pour assurer l'exécution de tous jugement prononçant des restitutions et des dommages, aussi bien que de ceux condamnant à l'amende ; que, dans l'espèce, le minimum de cette contrainte par corps est fixé à huit jours, conformément à l'article 18 de la loi du 22 juillet 1867;

Que, de ce chef encore, il y a lieu de réformer le jugement déféré;
En ce qui touche les frais d'appel :

Attendu que le libellé de l'acte d'appel vise en son ensemble le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bonneville, le 26 juillet; que, la Cour ne réformant point ce jugement en son entier, maintenant au contraire partie des condamnations qui en résultent, il y a lieu de condamner les prévenus aux frais de l'appel envers l'Etat;

Par ces motifs,

Donne défaut contre les prévenus faute de comparaître;

Reçoit le Ministère public en son appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bonneville le 26 juillet dernier; et y ayant tel égard que de raison;

Réformant parte in qua le jugement susdit, le confirmant pour le surplus; Relaxe Albert, Jean Marie; Albert, Charles; Albert, Jean, et Albert, François de l'amende fixée contre eux à 111 francs, ainsi que de la confiscation de trois serpes et de quatre traineaux;

Maintient les condamnations prononcées solidairement contre eux à 0 fr. 60 c. de restitution, 55 fr. 50 c. de dommages et aux frais de première instance; Les condamne solidairement aux frais de l'appel envers l'État...

Fixe à huit jours la durée de la contrainte par corps.

M. Auzias-Turenne, président.

« PreviousContinue »