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nues; la seule question est de savoir si les agents forestiers pourront encore les réclamer devant les tribunaux correctionnels. A cet égard, la jurisprudence a subi, en 1879, une variation importante. Auparavant, on pensait que l'art. 171 C. for. créait aux agents forestiers une situation exceptionnelle, en ce qu'il les autorisait à saisir dans tous les cas le tribunal répressif, du moment où le délit forestier était constant, lors même que, pour quelque motif que ce soit, l'action publique aurait été éteinte. C'est la doctrine qu'a soutenue jusqu'à la fin notre savant maître M. Meaume. A cette théorie, la Cour de cassation répondit le 9 mai 1879 (Arrêt Mariani; Rép. for. X, p. 212) que l'art. 171 n'apporte au-, cune exception aux principes généraux de la compétence; que l'Administration ne saurait y puiser le droit d'exercer l'action civile divisément de l'action publique, et que par conséquent celle-ci étant éteinte et les agents forestiers ne pouvant agir que devant les tribunaux correctionnels, ils restaient entièrement désarmés pour l'action civile. Telle est la jurisprudence actuelle; sera-t-elle maintenue pour l'application de la loi de 1889 ? nous l'ignorons; toutefois, la tendance générale qui règne actuellement consiste à restreindre autant que possible les exceptions au droit commun, de sorte qu'un retour à l'interprétation ancienne de l'art. 171 C. for. nous semble assez improbable.

En admettant qu'il en soit ainsi, pour tous les délits qui n'ont pas été l'objet d'une poursuite avant le 14 juillet 1889, les agents forestiers deviennent incompétents quant à l'action civile. Nous parlons ici de poursuite, et non de condamnation, parce qu'il faut tenir compte d'un tempérament admis, maintenant encore, par la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir que l'extinction de l'action publique n'empêche pas le juge répressif de statuer sur les réparations civiles, s'il se trouvait déjà saisi au moment où s'est produit le fait qui a donné naissance à cette extinction: ainsi, en matière d'amnistie, lorsque le tribunal correctionnel était saisi au moment de l'application de la loi d'amnistie. (Cass., 30 janvier 1830, Carrière; Cass., 9 janvier 1882, Chazot.) Si donc le tribunal correctionnel a été saisi, c'est-à-dire si la citation a été signifiée avant le 14 juillet 1889, la poursuite peut être continuée par l'agent forestier, bien qu'il ne s'agisse plus que des intérêts civils. Sinon, le tribunal civil reste seul compétent, et alors les agents forestiers doivent abandonner l'affaire, soit à l'Administration des domaines, pour les bois de l'État, soit aux représentants des communes ou établissements publics, pour les forêts de ces personnes morales. Enfin, nous ne croyons pas qu'il soit possible d'argumenter d'une disposition particulière de la loi de 1889, relativement aux frais, pour

étendre en cette matière la compétence des agents forestiers. D'après l'art. 5, le bénéfice de l'amnistie est refusé à tous ceux qui n'auront pas justifié du paiement des frais de poursuite et de la part attribuée aux agents de constatation. Mais il faut remarquer, d'abord en ce qui concerne le prélèvement prévu par l'art. 10 de la loi de 1844, le seul dont nous avons à nous occuper, qu'il n'est acquis qu'en cas de condamnation prononcée (Ord. 5 mai 1845, art. 2); ensuite, que les termes frais de poursuite ne peuvent comprendre ceux de constatation, les seuls qui aient pu nécessiter des avances avant la citation. Il n'y a donc rien à ajouter à la limite que nous avons posée ci-dessus.

IV. Transactions accordées par l'Administration forestière.

D'après notre art. 7, l'amnistie n'est pas applicable aux sommes dues en vertu des transactions souscrites par les contrevenants.

Ce terme général comprend aussi bien les transactions avant jugement que les transactions après jugement. Les unes et les autres sont maintenues, pourvu qu'elles soient antérieures au 14 juillet 1889; elles seront recouvrables par les moyens ordinaires du droit civil, et les bénéficiaires, État, communes, établissements publics, auront à décider s'il leur convient de poursuivre ces recouvrements, pour lesquels, dans tous les cas, l'Administration forestière n'aura point droit de poursuite. On remarquera de plus que la loi mentionne uniquement les transactions souscrites par les contrevenants: il faudra donc, pour qu'une transaction rentre dans l'application de l'art. 7, que la décision du fonctionnaire compétent ait été précédée d'une demande formelle adressée par le délinquant, ou suivie d'une adhésion catégorique par lui formulée. Cette observation n'est pas inutile, puisque dans la pratique, il arrive très souvent que l'on admet à transaction sans attendre aucune demande. Dans le cas où la transaction n'aurait pas été souscrite, suivant les termes de la loi, elle devrait être considérée comme non avenue pour le recouvrement des sommes pour elle fixées, et le bénéficiaire pourrait avoir intérêt à ne pas s'en prévaloir.

Ainsi, les transactions non demandées, mais accordées d'office, n'auraient plus aucun effet : à la condition toutefois que le délinquant consente à solder les frais de poursuite (s'il y a lieu) et la part d'amende revenant aux agents de constatation, car c'est à ce prix que l'amnistie peut être invoquée, suivant les termes de la loi. Si les délinquants contre lesquels il n'y a pas eu de jugement refusaient de payer les frais et parts d'amende, ils pourraient sans doute y être condamnés, mais seu

lement par la voie civile, sauf pour la part d'amende en matière de chasse, pour laquelle le tribunal répressif demeurerait compétent.

On ne saurait dissimuler que cette complication dans les conditions de l'amnistie et surtout le défaut de compétence des tribunaux correctionnels constituent de graves inconvénients, et sont de nature à affaiblir considérablement la répression des atteintes délictueuses à la propriété forestière.

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TRIB. DE SIMPLE POLICE DE SEDAN. 7 Juin 1889.

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Est légal et obligatoire l'arrêté municipal qui ordonne la fermeture d'un chenil, par ce motif qu'il est une cause constante de plaintes motivées de la part des voisins à raison du bruit et des hurlements insupportables, surtout la nuit, des chiens qui y sont enfermés.

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MIN. PUB. c. ROBERT.

LE TRIBUNAL: Attendu que M. le maire de Sedan a pris, à la date du 12 mars 1889, un arrêté ainsi conçu: « Art. 1er. Les chenils ou dépôts de meutes de chiens sont absolument interdits dans la commune de Sedan et ses faubourgs. — Art. 2. Il est enjoint à M. Auguste Robert, manufacturier à Sedan, de faire disparaître le chenil qu'il a établi dans sa propriété sise à Sedan, avenue Philippoteaux. Cette prescription devra être exécutée dans un délai de 15 jours à partir de la date à laquelle notification lui aura été faite du présent arrêté », ledit arrêté, visé pour récépissé par M. le sous-préfet de Sedan le 14 dudit mois de mars, et notifié à M. Auguste Robert, le 12 avril suivant ;

Attendu qu'à la suite d'un procès-verbal de la police de Sedan, du 8 mai dernier, qui a constaté à cette date, dans le chenil de M. Robert, la présence de 20 à 22 chiens de chasse ou autres, M. Robert a été traduit, le 24 dudit mois de mai, devant ce Tribunal comme prévenu d'infraction audit arrêté ;

Attendu que l'autorité municipale est investie, par les lois des 16-24 août 1790, 19-22 juillet 1791 et 5 avril 1884, du droit de prescrire les mesures de police que peuvent exiger les intérêts confiés à sa vigilance, notamment en ce qui concerne la tranquillité publique;

Attendu que l'arrêté pris par le maire de Sedan, le 12 mars 1889, dans un but de bonne police et dans un intérêt public, rentre dans les limites de ses attributions; que, notamment, le chenil appartenant à M. Robert et placé par lui dans une propriété qu'il possède à Sedan, entre l'avenue Philippoteaux,

les rues de Mulhouse et les Fausses-Braies, étant, ainsi qu'il est déclaré dans l'arrêté, une cause constante de plaintes motivées de la part des habitants voisins de cette propriété, et cela par suite du bruit et des hurlements insupportables, surtout la nuit, des chiens enfermés dans ledit chenil M. le maire avait le devoir et le droit d'ordonner la fermeture de ce chenil; Attendu que l'arrêté est donc légal et, par suite, obligatoire, pour les citoyens qu'il concerne comme pour le Tribunal chargé d'en réprimer l'infraction;

Attendu que M. Robert, sans contester absolument que son chenil puisse être une cause de trouble pour le voisinage, refuse de se conformer audit arrêté; que vainement il déclare cet arrêté illégal sousle double prétexte : 1° qu'il tend à compléter ou à modifier le décret du 31 décembre 1866, qui a rangé les infirmeries de chiens dans la première classe des établissements insalubres et incommodes; 2° qu'il porte atteinte au droit de propriété;

Attendu que les principes invoqués par la défense doivent être appliqués sainement;

Attendu, d'une part, que l'arrêté du 12 mars 1889 ne déroge en rien au décret de 1866, que s'est occupé des infirmeries de chiens et non des simples chenils; que, portant sur un objet que la loi n'a pas réglementé, il ne peut contrarier ses dispositions;

Attendu, d'ailleurs, que, par arrêt du 5 avril 1867 (D. 617, 288), la Cour de cassation a décidé que, si les hurlements incessants d'un chien enfermé la nuit dans l'intérieur d'une maison troublent la tranquillité des habitants, l'autorité locale, avertie par de justes plaintes, peut prescrire des mesures réglementaires pour protéger efficacement le repos des familles ;

Attendu que la même Cour, par arrêt du 7 janvier 1882 (Gaz.Pal., 82,1,284) a déclaré légal et obligatoire l'arrêté municipal qui, sans fixer aucun chiffre, interdit d'élever et d'entretenir dans l'intérieur des habitations un nombre de chiens ou de chats tel que la sûreté et la salubrité des maisons voisines en soient compromises;

Attendu, d'autre part, qu'il n'y a pas, dans l'arrêté, violation du droit de propriété; que la Cour de cassation a jugé que l'exercice du droit de propriété doit se concilier avec l'intérêt général, et ne fait pas obstacle à ce que l'autorité municipale, agissant dans la limite de ses pouvoirs, impose aux citoyens, dans un intérêt de bonne police, certaines restrictions à l'usage de la propriété même (31 juillet 1868, D., 69, 1, 440), ou leur fasse à cet égard diverses injonctions et prohibitions, et encore que le prévenu de contravention ne peut être relaxé à raison de l'ancienneté de l'état de choses existant;

Attendu qu'aux termes de l'art. 544 C. civ., quelque absolu que soit le droit de propriété, il n'est pas permis d'en faire un usage contraire aux lois et aux règlements;

Attendu que la contravention est prévue et réprimée par l'art. 471, no 15, C. pén.;

Vu les art. 161 et 162 C. instr. crim.;

Jugeant contradictoirement et en premier ressort;

Condamne M. Robert à 1 franc d'amende;

Ordonne la fermeture de son chenil dans le délai de huit jours, à compter de la signification du jugement, à peine d'y faire procéder d'office à ses frais par qui il appartiendra;

Le condamne aux dépens.

Présid. M. Bathias. M. Zénobe François, min. pub. M. Riché, av.

(Gazette du Palais, 4 juillet 1889.)

No 38.

COUR DE PAU (Ch. civ.).— 6 Décembre 1886.

Chemin d'exploitation. - Chemin rural.

Présomption. Preuve.

Pour qu'un chemin non classé soit déclaré chemin rural, dans le sens des art. 1 et suivants de la loi du 20 août 1881, il faut qu'à la des tination du chemin se joigne, soit le fait d'une circulation générale et continue, soit l'intervention de l'autorité municipale, sous forme d'actes de surveillance et de voirie (art. 2, loi de 1881);

Les états de reconnaissance dressés par les communes, en vertu de circulaires ministérielles, ne sont que des espèces d'inventaires non contra-' dictoires, et ne peuvent créer même une présomption en faveur de ces

communes;

Lorsque toutes les présomptions énumérées dans l'art. 2 de la loi de 1881 sont en faveur de l'une des parties revendiquant la jouissance d'un chemin, il n'y a pas lieu d'exiger de cette partie la preuve de son droit de propriété ;

Si toutes ces présomptions sont contraires aux prétentions de la commune revendiquante, le chemin litigieux est un chemin privé, rentrant dans la catégorie des chemins d'exploitation (art. 33 à 37, loi de 1881). Sol. supl.

VEUVE MOUMIET C. COMMUNE DE SAINT-PIERRE-DU-MONT.

LA COUR: Attendu que toutes les parties sont aujourd'hui d'accord pour reconnaître que le chemin litigieux est bien celui qui figure sous le n° 5 du tableau de classement des chemins ruraux de la commune de Saint-Pierre-duMont; Attendu que, pour arriver à la solution du procès, il est nécessaire de rechercher d'abord quel est la nature de ce chemin; Attendu que la loi du 20 août 1881, transformant en dispositions législatives la jurisprudence antérieure, reconnaît deux sortes de chemins ruraux; les uns (art. 1er de la loi) appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas

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