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CHAPITRE IX.

Rejet

ESPAGNE. Travaux préparatoires des cortès. Ouverture de la session. Discours de la reine. Adresse des cortès. Objets divers. d'une proposition tendant à établir des tribunaux révolutionnaires. Question de la régence. O Confirmation de l'exclusion de don Carlos de tout droit au trône. Emeute militaire à Madrid. Etat des choses dans le reste de l'Espagne. Indépendance du Mexique reconnue. - Loi d'exception sur la liberté individuelle. - Réforme de la Constitution. — Suite de l'expédition de Gomez. Etat de l'insurrection dans le centre de l'Espagne. Siége de Bilbao. - Défaite des carlistes devant cette place.

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C'est au milieu de ces graves conjonctures que les cortès avaient commencé, le 17 octobre, leurs travaux préparatoires; ces travaux consistaient principalement dans la véri fication des pouvoirs. Le 21, l'assemblée se constitua définitivement en composant son bureau de la manière suivante : Président, don Alvaro Gomez Becerra; vice-président, don Antonio Gonzalez; secrétaires, MM. Lujan, Baeza, Huelves et Salva. L'assemblée, dans ces premières séances, n'avait encore compté que 80 à 90 députés présens, sur 258 qu'elle devait comprendre.

Le 24, la reine régente vint ouvrir solennellement la session. Cette cérémonie, à laquelle assistait une immense affluence de curieux, se passa dans l'ordre le plus parfait. Les fenêtres étaient pavoisées dans toutes les rues de Madrid que traversa le cortége royal, et les deux reines furent saluées sur leur passage par de vives acclamations. La garde nationale, échelonnée sur deux rangs, faisait le service, en l'absence de la garnison, qui avait été presque tout entière envoyée à l'armée.

Le discours que la reine régente prononça devant les cortès, était remarquable par la multiplicité des objets qu'il em

brassait et présentait tous les caractères d'un rapport, sinon toujours exact et complet, du moins assez juste et assez modéré sur la situation de l'Espagne (voyez l'Appendice ). Il indiquait tout d'abord l'objet capital de la session : il s'agissait de réviser, de perfectionner la Constitution, au milieu de la guerre civile, comme autrefois, elle avait été fondée au milieu de toutes les difficultés de la guerre de l'indépendance. « Des passions irritées à calmer, des opinions opposées à rapprocher, des intérêts contraires à concilier, des ennemis intérieurs à vaincre, des intrigues étrangères à déjouer; » c'est en ces termes que la reine exposait la tâche des cortès, en exprimant l'espoir que leur constance et leur sagesse viendraient à bout de surmonter tant d'obstacles.

Passant aux affaires étrangères, le discours déclarait que les puissances qui avaient reconnu la reine Isabelle, conservaient avec l'Espagne leurs relations antérieures d'amitié et de bonne intelligence. Les signataires du traité de la qua druple alliance se montraient toujours disposés à le soutenir. Ici la reine signalait tous les secours que l'Espagne avait reçus de S. M. britannique. Quant au roi des Français, après avoir envoyé un renfort à la légion auxiliaire d'Alger, le cabinet de S. M. avait jugé ne pas devoir pousser plus loin les dispositions pour compléter la coopération en ce qui regardait la France.

La reine annonçait ensuite le rappel simultané des chargés d'affaires de quelques puissances et de ceux d'Espagne dans leurs cours respectives.

Après s'être étendue longuement sur tous les travaux d'organisation et d'administration qui avaient été déjà faits ou qui étaient encore à faire; après avoir donné à l'armée des éloges dont le but était sans doute d'encourager ses efforts et de maintenir son dévouement, la reine rappelait que le principal objet de la session était la réforme de la Constitution, et terminait ainsi :

Je ne propose, je ne conseille rien comme reine pour un si grand objet;

comme mère, je ne demande rien: il n'est pas possible d'imaginer que la générosité espagnole souffre que la prérogative du trône constitutionnel soit lésée en rien pendant l'enfance d'une reine innocente et orpheline qui est appelée à l'occuper. L'Europe vous contemple; elle verra qu'instruits par ces vingt-quatre années de combats, d'infortunes et de cruelles vicissitudes, vous savez profiter des leçons de votre propre expérience, et de celles des exemples étrangers. Elevés à la hauteur de votre mission sublime, vous vous mettrez au dessus de tous les intérêts de partis, de tous les systèmes exclu. sifs. La nation et le monde civilisé espèrent de vous une loi fondamentale au moyen de laquelle la puissance législative puisse délibérer et résoudre sans précipitation et sans passion; une loi qui donne au gouvernement l'appui et la force qui lui sont nécessaires, sans jamais faire naître l'oppression; enfin une loi par laquelle l'administration de la justice, appuyée sur une in dépendance absolue, ne donne point d'inquiétudes à l'innocent ni d'impunité au criminel. Telles sont sans doute les vues avec lesquelles vous allez entreprendre cette grande œuvre, digne de votre sagesse et de votre prudence. Ainsi réformée et révisée par vous, la Constitution espagnole fera naître plus de respect et de sympathie à l'étranger, plus d'amour s'il est possible, et plus de stabilité à l'intérieur. »

L'adresse en réponse à ce discours, qui avait été accueilli par de nombreux applaudissemens, n'en était qu'un calque fidèle, et fut votée dans la séance du 29, presque sans discussion. La commission chargée de rédiger ce document, en suivant l'ordre du discours de la couronne, conformément à l'usage adopté par les Cortès de 1820 à 1823, n'avait entendu engager en rien l'assemblée, ainsi que le déclara M. Olozaga, l'un des membres de cette commission; elle s'était exprimée en termes généraux, dé sorte que les cortès, lorsqu'elles connaîtraient le véritable état des affaires du pays pourraient manifester franchement leur opinion, sans être liées par aucun antécédent.

Dans l'excès d'irritation et d'inquiétude où les progrès de l'insurrection avaient jeté l'opinion publique, c'était nécessairement sur les affaires militaires, que l'assemblée devait commencer par porter son attention. Elles suscitèrent une foule de propositions, moins intéressantes par leur résultat que par les débats auxquels elles donnèrent lieu et qui permirent de recueillir quelques aveux curieux sur l'état de l'Espagne, et sur l'exécution des levées extraordinaires de cent et de cinquante mille hommes que nous avons vu décréter. Ces aveux démontraient évidemment, que ces levées ne s'étaient faites qu'avec la plus grande difficulté,

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et que la jeunesse espagnole répugnait extrêmement à entrer

dans l'armée.

Dans la séance du 31, après le rejet, à la majorité de 48 voix contre 44, d'une proposition tendant à faire envoyer des députés à chaque quartier général, pour recueillir sur la situation des armées, des renseignemens qui seraient transmis aux cortès, on attaqua vivement la manière dont les opérations militaires avaient été menées. Ces attaques, qui se renouvelèrent plusieurs fois, portèrent surtout sur la conduite du général Rodil; on fit d'ailleurs un crime au gouvernement de n'avoir pas frappé quelques généraux d'un châtiment exemplaire, pour leur mollesse ou leur incapa

cité.

Jusqu'alors, la nouvelle assemblée n'avait guère eu l'oc casion de dessiner sa physionomie politique, et bien qu'elle eût refusé d'envoyer des députés aux armées et de rétablir en masse l'état constitutionnel, tel qu'il existait en 1823, on ignorait encore si elle ne voudrait pas s'engager décidément dans les voies révolutionnaires. Toute incertitude fut levée à cet égard dans la discussion d'un rapport fait par une commission qui avait été nommée le 28 octobre, pour aviser aux moyens les plus efficaces de terminer la guerre civile. Ce rapport tendait, entre autres choses, à établir un système de compression énergique contre les ennemis de la liberté. Pour arriver à ce but, la commission proposait, par l'organe de M. Caballero, la création dans chaque province d'un tribunal destiné à juger sommairement les conspirateurs et les fauteurs des factieux. Jamais le procès ne pourrait durer plus de quinze jours, la peine de mort serait appliquée, et la sentence serait exécutoire sans appel ni recours en grâce.

6 novembre. Dès l'ouverture de la discussion générale, plusieurs orateurs manifestèrent vivement l'intention de prendre la parole contre le projet. C'est M. Gomez Acebo qui entra le premier en lice. L'orateur passa successivement

en revue les diverses mesures proposées par la commission; il les jugea, dans l'ensemble, inconstitutionnelles, extra légales, et en outre, vagues et indéterminées, de telle sorte qu'il lui semblait impossible qu'on en obtînt le résultat attendu. M. Olozaga, comme membre de la commission, se chargea de présenter une apologie du projet, qui lui paraissait, au contraire, propre, en tous points, à atteindre son but. D'autres membres dirigèrent quelques censures contre certaines parties du projet. Quant au ministère, il ne parut vouloir prendre au débat qu'une part incidente, pour réclamer simplement contre le blâme déversé par les précédens orateurs sur la conduite du gouvernement. Cependant le ministre de l'intérieur, M. Lopez, avait déclaré qu'il fallait frapper de terreur les ennemis de la Constitution.

8, 9, 10 novembre. M. Olozaga revint à la charge, en soutenant qu'il y avait nécessité d'instituer des tribunaux exceptionnels. Il priait la Chambre de se rappeler toutes les conspirations qui avaient éclaté depuis l'établissement du système constitutionnel, et dans lesquelles figuraient des hommes riches et influens. « En est-il un seul, demandaitil, qui ait satisfait à la vindicte publique? Si l'on avait procédé avec plus de vigueur, nos ennemis les plus acharnés ne conspireraient pas contre nous sous nos yeux. » La-commission, en réclamant une procédure rapide, n'entendait d'ailleurs appliquer cette mesure qu'aux individus qui conspireraient notoirement en faveur de don Carlos; et il importait de ne pas perdre de vue qu'il ne s'agissait pas en ce moment de voter une loi, mais seulement d'en poser les

bases.

Le projet n'en avait pas moins excité contre lui une forte opposition, qui, tout en convenant que l'état actuel de l'Espagne exigeait impérieusement une juridiction exceptionnelle, voulait que l'organisation en fût renvoyée au comité de législation. Le gouvernement, après quelque hési tation, se rangea à cet avis, et le ministre de la justice,

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