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ordonna au scheik-islam de citer les passages du Koranqui traitaient de la contagion. Celui-ci promit de donner une autre interprétation de ces passages, et le sultan le chargea de préparer un fetfa (ordonnance religieuse), qui pût, avec le secours du clergé musulman, mettre S. H. en état d'ordonner l'établissement de quarantaines dans tout l'empire.

Plusieurs autres faits, quoique d'une importance secondaire, prouvaient non moins clairement que les déclamations du fanatisme musulman n'avaient fait aucune impression sur l'esprit de Mahmoud. Accompagné de ses fils et des principaux pachas, il avait le 20 octobre, inauguré en personne un nouveau pont allant de Constantinople à Galata. Les femmes du sérail assistaient également à cette espèce de fête, avec leurs brillantes toilettes et leurs cheveux parés de tresses d'or, avec leurs charriots traînés par des bœufs caparaçonnés, le tout formant sur le pont une longue procession qui réalisait les magnificences d'un conte de fées. Enfin, le 27 novembre, le sultan partit avec une suite nombreuse pour Nicomédie, où il inspecta le chantier, la caserne, et une mosquée nouvellement construite. Il revint à Constantinople le 3 décembre sur un bateau à vapeur autrichien. C'était la première fois qu'un empereur ottoman se servait pour faire un pareil voyage, d'un navire étranger.

CHAPITRE V.

GRÈCE. Insurrection dans l'Acarnanie. · Mesures prises par le gouvernement pour combattre cette insurrection. Défaite des insurgés.

Départ du Divisions des

roi de Bavière et du roi de la Grèce pour l'Allemagne. partis. — Attaques de l'opposition contre M. d'Armansperg. — Procès du journal le Sauveur. Nouvelle organisation judiciaire. Jugement de quelques brigands. - Lois diverses. - Institution des conseils de district. - Finances. Progrès matériels du pays. d'Athènes. Mariage du roi avec une princesse d'Oldenbourg.

Reconstruction du Pirée et

L'événement, ainsi qu'on pouvait le soupçonner dès la fin de l'année dernière, ne tarda pas à démentir les assurances données par le conseil d'Etat de la Grèce (voyez 1835, p. 486) au père du jeune toi, sur la tranquillité générale du pays, qu'il invoquait comme une preuve de la satisfaction publique une nouvelle insurrection éclata au mois de février dans l'Acarnanie. Des bandes s'étaient formées sous le commandement de divers chefs de la Grèce occidentale, qui avaient pris une part active à la guerre de l'indépendance; ils avaient réuni un certain nombre de leurs anciens soldats, avec quelques brigands fameux et une foule de mécontens, et s'étaient mis en révolte ouverte. Ce qu'ils demandaient principalement, c'était le redressement de leurs griefs personnels, c'est-à-dire la distribution, conformément aux décrets de l'assemblée d'Argos, d'une portion des propriétés nationales parmi eux et parmi les familles de ceux qui avaient péri les armes à la main pour la délivrance de la patrie. Ils réclamaient, en outre, différentes réformes dans le gouvernement, l'établissement d'une constitution et le départ des troupes bavaroises.

Les mesures par lesquelles le gouvernement se décida aussitôt à combattre cette insurrection furent de deux sortes: les unes tendaient à gagner l'opinion nationale en lui don

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nant de nouveaux gages; les autres avaient pour but de réprimer les rebelles avec autant d'énergie que de célérité. Ainsi, pendant que le ministère était reconstitué dans un sens populaire, le roi adressait le 28 février aux habitans de la Grèce continentale une proclamation pour les appeler à se rallier autour du trône, et à prendre les armes contre les insurgés, qui étaient mis hors de la loi et notés d'une perpétuelle infamie. Un décret rendu le même jour, allait plus directement au but'; il portait que le nombre des troupes campées aux frontières du Nord pour y empêcher les agressions des brigands et pour protéger les sujets du roi et leurs propriétés, serait immédiatement augmenté. En conséquence, le gouvernement leverait sans délai, un corps de 2000 hommes à ses frais. Les officiers et les soldats qui avaient combattu pour l'indépendance devaient être seuls admis dans ce corps dont la composition et le commandement étaient confiés à d'anciens capitaines grecs, tels que Tzavellas, Grivas, Vasso, Goura, Mameuri et Tzango. La paie que le décret accordait aux soldats et aux officiers était cinq fois plus forte que la paie ordinaire.

Le gouvernement n'eut qu'à s'applaudir d'avoir chargé des soldats grecs du soin de réprimer l'insurrection de l'Acarnanie. Elle avait d'ailleurs trouvé si peu de sympa. thie dans les populations, que les habitans de Missolonghi s'étaient armés contre les révoltés qui étaient venus attaquer cette ville, alors dépourvue de garnison, et avaient su les repousser. Bientôt arrivèrent les troupes que les chefs nommés dans le décret du 28 février avaient recrutées parmi leurs anciens partisans, et, malgré les difficultés topographiques du pays, elles réussirent complétement à battre les insurgés, à les disperser, à les rejeter au-delà de la frontière tur

que.

Il fallait que le gouvernement eût été mis promptement hors de danger, puisque le roi de Bavière n'hésita point à se rembarquer au mois de mars. Ce prince avaît visité, tantôt

avec son fils et tantôt seul, une partie de la Grèce continentale, les îles de l'Archipel, et avait même fait une excursion à Smyrne, d'où il avait poussé jusqu'à la plaine de Troie. Le roi Louis avait principalement voyagé en archéologue et recueilli une ample moisson d'antiquités qui allèrent enrichir les musées de Munich.

Arrivé dans cette capitale, vers le milieu d'avril, il y fut suivi, à six semaines de distance, par le roi de la Grèce luimême, qui venait chercher une épouse en Allemagne, et devait passer le restant de l'année dans ce pays. Rien n'attestait mieux que ce départ et cette absence prolongée du roi Othon, que la tranquillité était parfaitement rétablie en Grèce, ou du moins qu'il n'y avait plus aucune crainte de quelque sérieuse commotion politique.

A peine se serait-on souvenu de celle dont l'Acarnanie avait été troublée, sans les diverses récriminations des partis, qui s'accusaient mutuellement de l'avoir excitée. Tandis que les uns la regardaient comme l'ouvrage de la faction de Colocotroni soudoyée par la Russie, les autres l'imputaient aux manoeuvres des amis de M. Coletti, alors résidant à Paris, en qualité de ministre plénipotentiaire. D'après une troisième version, le premier auteur de l'insurrection était l'archi-chancelier lui-même, M. le comte d'Armansperg, qui voulait profiter des embarras du pays pour concentrer de plus en plus le pouvoir dans ses mains, comme déjà il s'était servi des soulèvemens de la Messénie en 1834 pour obtenir le renvoi de deux membres de la régence, MM. de Maurer et Abel, dont la rivalité lui était devenue insupportable, et qui voulaient dès lors s'appuyer sur le parti constitutionnel.

M. d'Armansperg, resté seul maître du gouvernement, en l'absence du roi, se vit en butte à d'autres attaques de la part des journaux de l'opposition, qui continuèrent à lui reprocher sa préférence pour les Allemands, les dépenses inutiles qu'il imposait au pays, la dilapidation des finances

publiques, la détresse du trésor, et l'état d'insécurité des routes toujours infestées de brigands qui se hasardaient quelquefois à venir commettre leurs pillages et leurs assassinats jusqu'aux portes des villes. Aucun acte du pouvoir ne paraissait qui ne fut aussitôt sévèrement critiqué par la presse. Quelques mesures tendent à la frapper d'un impôt et à entraver sa circulation, accrurent naturellement son irritation. Telle était, suivant l'un de ses organes les plus accrédités (le Sauveur), la situation de la Grèce, que l'état actuel des choses ne pouvait durer, qu'une révolution nouvelle était imminente, qu'une opposition nombreuse, disséminée sur tous les points, et ne se composant plus de gens sans aveu qui n'avaient aucun intérêt au maintien de la tranquillité publique, mais de propriétaires, de cultivateurs, de bergers, était en armes dans le Péloponnèse. « Quelques efforts qu'on fasse, disait-il, pour le dissimuler à l'Europe, un fait notoire est que le pouvoir du comte d'Armansperg est usé. Le comte n'a rien fondé, rien établi, rien organisé. La Grèce s'est lassée de lui. »>

M. d'Armansperg se lassa de son côté de cette guerre implacable que lui faisait le Sauveur; ce journal, qui avait déjà été accusé et acquitté en 1835 à Nauplie, se vit traduire de nouveau devant le tribunal de première instance d'A thènes. Le procès fut jugé dans les premiers jours de septembre et fit une vive sensation. Dès le lever du soleil, le peuple encombrait tous les environs de l'édifice où siégeait le tribunal remanié et mutilé qui devait juger le journaliste, et les Bavarois étaient sous les armes. Le gérant du Sauveur, assisté du rédacteur en chef, et d'un autre avocat, requit la récusation du président et d'un juge nouvellement nommé ; mais le tribunal rejeta cette demande, et, les voix de ces deux juges comptées, il condamna le gérant à une amende pour avoir mis en doute leur impartialité. La défense ne fut guère mieux respectée, et le ministère public y coupa court, en déclarant que les ordonnances du gouvernement,

quelles

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