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projeté de s'embusquer tous armés sur le passage du roi, et d'attaquer sa voiture à coups de pistolet et de poignard; puis ensuite de se jeter sur les chevaux, d'abattre les postillons, et de lancer dans la voiture un baril rempli de poudre et de balles, après qu'on y aurait introduit une mêche allumée. Dénoncés par un homme qu'ils avaient mis dans leur confidence, les conjurés furent arrêtés. Tout en niant les faits qui leur étaient imputés, ils se dirent hautement républicains et proférèrent les vociférations les plus séditieuses. Cette affaire dura onze jours (du 28 mars au 8 avril), et se termina par la condamnation de l'un des accusés à dix ans de détention, comme coupable d'avoir participé à un complot contre la vie du Roi, et, d'avoir commis ou commencé des actes pour en préparer l'exécution. Quatre autres accusés, également déclarés par le jury coupables du même complot, mais sans commencement d'exécution, en ce qui les concernait, furent condamnés à trois, quatre et cinq ans de prison, et mis pendant dix ans sous la surveillance de la haute police.

Les sociétés populaires dissoutes par la loi du 10 avril 1834 avaient été remplacées par des associations secrètes connues sous le nom de légions révolutionnaires, de communistes, d'association parisienne, et de société des familles. Des renseignemens obtenus par l'autorité avaient signalé le but commun, l'organisation et les espérances de ces diverses sociétés. Suivant ces renseignemens, le serment prêté par chaque membre de la Société des familles, laquelle se subdivisait en familles composées de cinq ou six individus, ce serment était ainsi conçu: « Je jure de ne révéler à personne, pas même à mes plus proches parens, ce qui sera fait ou dit parmi nous. Je jure d'obéir aux lois de l'association; de poursuivre de ma haine et de má vengeance les traîtres qui se glisseraient dans nos rangs; d'aimer et secourir mes frères, et de sacrifier ma liberté et ma vie pour le triomphe de notre

sainte cause. »

Au mois de mars dernier l'autorité fut avertie que plusieurs individus présumés appartenir à cette Société des familles, s'occupaient à fabriquer de la poudre et des munitions de guerre rue de l'Oursine. Une perquisition fut faite à l'im proviste dans une maison de cette rue. Cinq individus furent arrêtés en flagrant délit. On saisit en outre 24 livres de poudre confectionnée, ainsi qu'une grande quantité de matières premières et d'instrumens nécessaires à cette fabrication. D'autres perquisitions mirent encore entre les mains de la police plusieurs individus signalés comme complices de cette fabrique clandestine de poudre et comme faisant partie de la Société des familles. Ils étaient connus pour la plupart par l'exaltation de leurs opinions soi-disant républicaines. On avait cru d'abord qu'il s'agissait encore de quelque complot contre la vie du roi ou la sureté de l'état ; mais aucune preuve ne vint confirmer ces soupçons, et tous les individus arrêtés, au nombre de 45, furent traduits au mois d'août, en police correctionelle, sous la prévention, soit d'avoir fait partie d'une association illicite, soit d'avoir fabriqué et distribué de la poudre sans autorisation, soit enfin d'avoir été détenteurs d'armes et de munitions de guerre. Trois des prévenus seulement furent renvoyés de la prévention ; les autres furent condamnés à la prison pour un temps plus ou moins long, et à des amendes plus ou moins élevées ; quelques uns devaient, après l'expiration de leur peine, rester pendant deux ans sous la surveillance de la haute, police.

Une machination qui s'était aussi annoncée avec tous les caractères de la plus haute criminalité, puisqu'elle avait fait croire à de nouveaux dangers pour la personne du roi et forcé le ministère à supprimer la revue du 29 juillet, se réduisit, lorsqu'elle fut portée, en décembre, devant la Cour d'assises de la Seine, aux proportions du plus mince délit. (Voyez la Chronique.) Les accusés étaient deux jeunes ouvriers, deux enfans de 17 ans, qui avaient dénoncé euxmêmes leur prétendu complot dans des lettres anonymes

adressées au ministre de l'intérieur et au préfet de police, pour se faire arrêter, jouer un rôle et arriver à la célébrité des Cours d'assises.

L'échauffourée des hussards de Vendôme n'avait pas nécessité une longue instruction, et d'ailleurs ils appartenaient à la juridiction expéditive des conseils de guerre. Ils furent traduits au nombre de dix, vers le milieu de décembre, devant celui de la 4 division militaire séant à Tours, comme coupables d'avoir pris part à un complot tramé pour renverser le gouvernement du roi et proclamer la république. Après trois jours de débats, le conseil rendit un jugement qui condamnait deux des accusés à mort, et deux à cinq années de détention. Le reste fut acquitté. Des deux condamnés à mort, l'un était contumax, et l'autre obtint une commutation de sa peine en une détention perpétuelle.

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Enfin, les derniers jours de l'année virent encore commencer à Paris un procès criminel dans lequel figuraient treize ouvriers accusés de complot contre la sureté de l'Etat, et qui étaient presque tous affiliés à la Société des familles. Déjà deux séances (26 et 27 décembre) avaient été consacrées à ce procès ; à la troisième séance, le lendemain d'une nouvelle tentative d'assassinat faite sur la personne du roi, un incident interrompit les débats, et l'affaire fut renvoyée à une prochaine session.

Qui n'aurait pensé, à en juger senlement par tous ces complots, par tous ces attentats, que la France était sur un volcan, que les discussions les plus irritantes y exaltaient les têtes, en un mot qu'elle devait s'attendre avant peu à un bouleversement général? Cependant le pays en masse était calme, après avoir été long-temps indifférent en matière politique. C'était tout au plus si quelques symptômes laissaient deviner le réveil de l'esprit public et le retour de ces luttes constitutionnelles entre le pouvoir et la liberté, la conser vation et le progrès, qui sont la vie des peuples libres.

La presse elle-même, cette sentinelle avancée de l'opinion, avait fait quelques pas en arrière, pour se tenir moins éloignée du corps de l'armée, qui ne marchait qu'avec une extrême modération, si même il n'avait pas fait halte. La polémique des journaux avait considérablement perdu de sa vivacité, de son acerbité, surtout dans la première partie de l'année; et cette modification de ses allures jointe à ce fait, que les lois de septembre en rétrécissant le cercle des questions qui tombaient dans son domaine, étaient venues diminuer pour elle les chances d'encourir les rigueurs du paquet, avaient rendu les procès pour délits de la presse beau coup moins fréquens que par le passé. Aucune nécessité n'était encore apparue au gouvernement de recourir à la juri diction extraordinaire de la Cour des pairs pour ceux de ces délits qui avaient été transformés en attentats par ces mêmes lois de septembre.

Un dernier trait achevera ce tableau de la France, pris du point de vue judiciaire. Un grand nombre de légitimistes com. promis dans les troubles de l'Ouest et condamnés ensuite par contumace, s'étaient décidés à subir l'épreuve d'un nouveau ju gement avant que l'expiration du délai légal eût rendu le premier irrévocable, et tous ou presque tous avaient été acquittés. Un sentiment généreux avait étouffé dans l'esprit des jury les pénibles souvenirs de la guerre civile ; il avait répugné à des condamnations au milieu du calme profond dont jouissait le pays. Quelquefois des jurés s'étaient rencontrés qui avaient en 1831 et en 1832 marché contre les mêmes individus dont la vie était maintenant à la merci de leur vote. Citoyens, ils avaient combattu pour la défense des lois; juges, appréciateurs des besoins de l'époque, accrois sant l'omnipotence du jury, et plaçant l'indulgence au nonbre de leurs droits, ils avaient usé de cette omnipotence pour absoudre.

CHAPITRE X.

Ex

Expédition de Tlemcen. Etat des choses dans la province d'Oran. pédition de Médeah. — Camp retranché de la Tafna. Blocus de ce camp par Abd-el-Kader. Engagemens divers. Combat de la Sickack. Ravitaillement de Tlemcen.-Etat des choses dans la province d'Alger. Attaques contre Bougie. Expédition de Constantine. - Echec de cette

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expédition. — Effet que cette nouvelle produit en France. d'assassinat sur la personne du roi.

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Tentative

Après l'expédition de Mascara, le maréchal Clausel pensa qu'il n'y avait plus qu'un dernier coup à porter à Abd-elKader, dans Tlemcen, dont les habitans se montraient ses partisans, et où l'émir s'était rendu pour réunir de nouvelles forces, et recommencer la lutte. Le maréchal résolut donc, lorsque les troupes eurent pris le repos nécessaire, de marcher sur Tlemcen; il y était attendu par les Koulouglis, qui, depuis six ans, maîtres de la citadelle, appelée le Méchouar, s'y maintenaient contre leurs ennemis, les Hadars ou Maures citadins et les Arabes, et étaient disposés à se soumettre à la France.

La petite armée expéditionnaire, composée de cinq régimens, de deux bataillons et des forces indigènes, fut formée en trois brigades. Huit obusiers de montagne, quatre pièces montées, une batterie de fusées à la Congrève, un équipage de ponts et quatre compagnies du génie complétèrent l'ensemble des moyens nécessaires pour surmonter tous les obstacles que les Arabes ou le terrain pourraient opposer à la marche des Français.

Le 8 janvier, ils quittèrent les murs d'Oran; cinq jours après ils étaient en vue de Tlemcen, sans avoir tiré un coup de fusil, sans avoir à déplorer la perte d'aucun homme et presque sans avoir rencontré d'ennemis. Alors de tous côtés

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