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nécessaires pour aligner les recettes et les dépenses de 1837. Le président du conseil, en prenant la parole pour répondre à M. Laffitte et à M. Berryer, faisait une première réflexion, c'est que c'était vraiment chose nouvelle de juger les révolutions par ce qu'elles avaient coûté. Il était prêt à accorder que les révolutions coûtaient beaucoup, et, si les révolutions étaient des questions d'argent, il croyait que les peuples n'en voudraientjamais faire.

que

« Mais quand il serait vrai, ajoutait-il, que les révolutions coûtent cher si, après elles, viennent les belles institutions, le développement sincère de la liberté, si le pays peut se livrer avec sécurité à son mouvenient progressif, oh! tont cela vaut des milliards! car tout cela donne en même temps les moyens de payer beaucoup plus qu'on ne payaît auparavant..

»Messieurs, il y a une proportion beaucoup plus facile à établir sans faire de règle de trois (On rit): un peuple dont la richesse est doublée ou triplée pent facilement payer un impôt qui serait augmenté même de moitié. Ainsi, comparez la situation de la France avant 89, avec sa situation depuis cette époque, et vous verrez que cela valait bien là peine de faire une révolution.

Mais laissons de côté ces considérations. Je dis que, si la révolution a coûté des sommes énormes, en vérité à qui faudra-t-il s'en prendre? Est-ce à cette opposition qui n'a cessé de dire au gouvernement: Vous vous perdez; ne faites pas de coups d'état, tenez votre parole. Il ne s'agissait, en 1830, que d'un changement de ministère; assurément, si on n'avait pas violė la foi jurée, nous n'aurions pas fait une révolution. » (C'est vrai!),

Abordant la question de savoir si le gouvernement actuel coûtait plus que le gouvernement de la Restauration, le mi nistre, après de longs développemens tout hérissés de chiffres,

se résumait ainsi :

« Vous avez le même budget, mais 80 millions d'augmentation de services; mais une dette de 190 au lieu de 200 millions, un amortissement un peu moindre, 73 au lieu de 79 millions.

» Ainsi, vous avez des services améliorés, votre avenir pas plus engagé qu'il ne l'était, votre puissance pour agir sur la dette à peu près égale; et il me semble qu'en mettant tontes les différences politiques de côté, la situation sous le rapport matériel est considérablement améliorée.

Eh bien pour mon compte, en cousidérant cet état de choses, je déclare que la révolution de juillet, quand elle ne serait pas venue pour des causes politiques, quand elle ne serait venue que pour le bien de nos finances, aurait bien fait d'arriver. »¦

Ce discours, qui avait obtenu une vive approbation dans la grande majorité de l'assemblée, ne termina point le débat, bien que la question financière eût été véritablement épuisée; et la lutte, en se prolongeant entre M. Berryer et le président

du conseil, tendit de plus en plus à mettre la Restauration et le gouvernement actuel en parallèle sous le rapport des finances. M. Berryer remonta à la rentrée des Bourbons en 1814, et rejeta sur les cent jours tous les malheurs, toutes les charges de la seconde invasion. Le ministre, de son côté, rappela cet aveu de Louis XVIII: « Mon gouvernement a fait des fautes. » C'est à ces fautes qu'il attribuait le retour imprévu qui avait occasioné la seconde invasion. Aujourd'hui, la France, tranquille et prospère, réparerait les fautes de tout le monde.

Dans la discussion des chapitres, M. Gauguier reproduisit l'amendement qu'il présentait chaque année avec persévérence, pour demander que les députés fonctionnaires, à l'exception des ministres, ne reçussent aucun traitement pendant la durée de la session. M. Dupin combattit cet amendement, qui fut rejeté à une très-grande majorité.

Après ce vote, la Chambre procéda à un scrutin secret dont le résultat fut l'adoption par 248 voix contre 38 de l'ensemble de la loi des dépenses pour 1837.

En résumé, la Chambre avait fait sur la somme de 1,012,166,910 fr. demandée par le gouvernement, des réductions pour une somme de 9,029,772 fr. Elle avait en même temps accru de 1,234,880 fr. la dotation de plusieurs services, en sorte que la demande primitive s'était trouvée ramenée à 1,004,372,018. Mais il y avait été ajouté une somme de 22,687,000 fr. par suite des lois spéciales votées depuis la présentation du budget, savoir: pour les chemins vicinaux, les lacunes des routes royales, l'achèvement des monumens de la capitale, et la reconstruction de la salle de la Chambre des pairs. En dernier résultat, la dépense totale était arrêtée par la loi des finances à 1,027,059,018 fr.

Il restait à pourvoir, indépendamment de cette somme, 1° à la subvention de 4,852,000 fr. à la caisse des retraites, dont le vote n'était qu'ajourné; 2° au paiement du quatrième terme de l'indemnité accordée aux États-Unis, échéant le

2 mars 1837, et formant, principal et intérêts, une somme de 4,480,000; 3° au supplément aux pensions militaires, voté par une loi du 9 juin dernier, qui imposerait à l'exercice de 1837 une charge nouvelle de 900,000 fr. Ces dépenses additionnelles de cet exercice montaient en total à 10,232,000 fr.

La Chambre avait, comme de coutume, interrompu plusieurs fois cette longue discussion pour s'occuper de différens projets, que nous allons reprendre suivant l'ordre chronologique de leur adoption, et entre lesquels le premier qui se présente ainsi était relatif à l'établissement d'un chemin de fer de Montpellier à Cette, aux frais, risques et périls d'une compagnie. L'exposé des motifs (9 mai) et le rapport de la commission d'examen (25 mai) ne laissaient aucun doute sur l'utilité de ce chemin, dont la Chambre, après un court débat, autorisa la concession, à une très-grande majorité (11 juin).

Vint ensuite un projet de même nature et communiqué à la Chambre le même jour que le précédent, qui autorisait le gouvernement à procéder, avec publicité et concurrence, à la concession pour 99 ans, d'un chemin de fer de Paris à Versailles par la rive droite de la Seine. Le rabais de l'adjudication porterait sur les prix énoncés au tarif pour les voyageurs et les marchandises. Les travaux devaient être commencés dans le délai d'une année, à partir de l'homologation de l'adjudication, et être achevés dans le délai de trois ans, sous peine de déchéance.

Des objections nombreuses s'élevèrent contre ce projet, dans la commission qui l'examina, à raison de la direction et de la longueur du parcours adopté pour le chemin de fer de Paris à Versailles, et du danger qu'il y aurait, d'après la teneur de la loi de 1835, d'établir un monopole en faveur de la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Paris à Saint-Germain. Ces objections décidèrent la commission à conclure (6 juin), par l'organe de M. de Salvandy,

à l'adjudication de deux chemins, l'un par la rive droite, l'autre par la rive gauche de la Seine.

13 juin. La discussion du projet ainsi modifié fut animéé et difficile. On critiqua avec force, comme l'avait déjà fait la commission, le tracé par la rive droite, qui n'était qu'un em+ branchement du chemin de Saint-Germain qu'il rejoignait à Asnières, exigeait la construction d'un souterrain de 800 mètres dans le parc de Saint-Cloud, et était de 6000 mètres plus long que le tracé par la rive gauche. On contesta qu'il fût prudent d'adjuger deux chemins quand il était très-incertain que Paris pût fournir un assez grand nombre de voyageurs pour alimenter à la fois les deux entreprises (MM. Salverte, Arago, Teste). Le directeur général des ponts-etchaussées (M. Legrand) et le ministre du commerce pri rent la défense du tracé de la rive droite, qu'ils considéraient comme le plus urgent, parce que le centre des affaires, le point de départ des communications de Paris avec Versailles était sur la rive droite. Du reste, ils n'élevaient pas d'objections contre le tracé de la rive gauche, et assuraient qu'il avait toujours été dans l'intention de l'administration qu'il y eût plus tard deux chemins de fer. Beaucoup d'amendemens et de propositions furent lancés à la traverse du débat. M. Aragó, seul, réussit à faire adopter un article additionnel relatif au prix des places, et portant que le taux établi chaque année, avec le concours du préfet, au dessous du maximum fixé par la loi, ne pourrait être changé dans le courant de la même année. Le projet de loi rencontra encore une assez forte op position dans l'épreuve du scrutin secret; il n'y eut pas moins de 84 boules noires contre 146 blanches.

Divers crédits extraordinaires sur l'exercice 1836 et se composant entre autres, 1' d'une somme de 200,000 fr. pour la prochaine célébration des fêtes de juillet (31 mai, 10 et 14 juin); 2° d'une somme de 1,200,000 fr. destinée à pourvoir au rétablissement des communications interrompues sur les routes royales et sur les rivières navigables par la crue et

le débordement des eaux (18 mai, 3 et 14 juin); 3° d'une somme de 400,000 fr. affectée à la réparation de la cathédrale de Chartres, qui avait été en partie détruite par un incendie (10, 13 et 16 juin), passèrent dans la Chambre des députés, aux dates que nous avons indiquées, par les trois épreuves accoutumées de la présentation, du rapport et de la discussion, sans aucune circonstance remarquable.

Le budget des recettes pour 1837, qui arrivait à l'ordre du jour immédiatement après le vote du dernier de ces crédits, était évalué dans le projet soumis le 14 janvier à la Chambre par le ministre des finances, à la somme totale de 1,014,600,000 fr. La commission, dans son rapport, présenté le 26 mai par M. Calmon, n'élevait ses prévisions pour le même exercice qu'à 1,012,336,000 fr.; revenu d'une insuffisance évidente pour faire face aux dépenses de 1837. La commission insistait donc encore sur la nécessité pour le gouvernement et les Chambres, de se renfermer plus scrupuleusement qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent, dans les limites fixées par les budgets, et de se mettre en garde contre l'entraînement des crédits supplémentaires. Il importait aussi beaucoup à la bonne administration et à l'avenir des finances du pays que l'on trouvât dans les recettes ordinaires le moyen de subvenir à toutes les dépenses courantes. Dans ce but la commission indiquait plusieurs impôts, tels que celui des patentes, les droits d'enregistrement et de timbre, les droits sur les boissons et sur les sels, comme susceptibles d'une grande amélioration, soit par une meilleure répartition, soit par des dispositions répressives de la fraude. La commission proposait une disposition de ce genre relativement aux donations entre vifs de rentes sur l'état, qui ne seraient désormais exemptes du droit proportionnel d'enregistrement qu'autant que l'inscription de la rente donnée existerait depuis plus d'un an sous le nom du donateur. L'impôt sur les jeux, dont la commission reconnaissait toute l'impopularité, n'était de sa part l'objet d'aucune proposition formelle; mais, à la manière dont

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