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N° 19

NOTE

SUR

L'AMÉNAGEMENT DE LA GARONNE

ENTRE BORDEAUX ET LE BEC D'AMBÈS

Par M. LEFORT,

Ingénieur des Ponts et Chaussées.

Planches 9 à 11.

I. HISTORIQUE SOMMAIRE DES TRAVAUX
ANTÉRIEURS

L'amélioration de la Garonne et de la Gironde entre Bordeaux et la mer a préoccupé dès le milieu du XVIIIe siècle les commerçants et les Ingénieurs. En 1751, un Ingénieur de la Marine, MAGIN, était envoyé, sur la demande de la Chambre de Commerce de Bordeaux, pour dresser un plan d'ensemble du fleuve et rechercher les moyens de faciliter la navigation. Plus tard, en 1823, furent présentés par M. WIOTTE, Ingénieur en Chef de la Gironde, les premiers projets d'amélioration du passage du Bec d'Ambès.

Mais ce n'est en réalité qu'à partir de 1840 que des études sondages et observations furent poursuivies d'une façon méthodique en vue de déterminer le régime des fonds et des marées : elles ont fait l'objet d'un mémoire très complet publié en 1849 par PAIRIER, alors Ingénieur ordinaire au Service Maritime; il

contenait un premier programme de travaux, dont la réalisation fut commencée en 1854 (voir le plan général, pl. 9).

Ces travaux ont porté exclusivement sur la Garonne proprement dite, de Bordeaux jusqu'à son confluent avec la Dordogne (kilom. 25): on a réalisé l'unité de lit sur ce parcours en barrant plus ou moins complètement les faux bras de Grattequina et de Bassens et on a cherché à obtenir, par l'établissement d'ouvrages de direction appropriés, l'approfondissement des seuils existant d'une part sur les deux inflexions de Bassens et du Caillou, d'autre part sur le point singulier formé par le confluent de la Dordogne au Bec d'Ambès. Toutes ces améliorations ont été poursuivies exclusivement au moyen de digues émergentes en enrochements construites de 1854 à 1868.

A la suite d'une période difficile pour la navigation qui devint de plus en plus active en raison des facilités mêmes données par les premiers travaux, un nouveau programme fut mis à l'étude en 1876 et déclaré d'utilité publique par la loi du 3 août 1881. Pour obtenir le surapprofondissement des passages difficiles, M. FARGUE, alors Ingénieur en chef du Service Maritime, proposa de réaliser entre Bordeaux et le Bec d'Ambès un tracé en plan aussi conforme que possible aux lois de l'hydraulique fluviale qu'il venait de déterminer à la suite d'observations sur la section de la Garonne située en amont de Bordeaux : le programme qu'il avait établi fut complètement remanié en 1892 : on entreprit alors la régularisation, sur tout le parcours considéré, non plus seulement de la succession des largeurs et des courbures en plan, mais encore de la succession des sections moyennes d'écoulement suivant les lois qui avaient été formulées par M. FRANZIUS et dont l'application sur le Weser venait de donner des résultats très intéressants.

Les travaux furent poursuivis de 1885 à 1908 sous forme d'un aménagement des rives et du lit majeur au moyen de rescindements de berges (Ile Cazeau) et d'épis de rive en charpente (Bassens, Caillou, Bec d'Ambès); on devait compléter les résultats obtenus dans cette région en poursuivant en aval, non loin de Pauillac, le dragage des seuils de Beychevelle, formés de graviers agglutinés et de calcaires feuilletés.

Les améliorations réalisées pour les fonds, de Bordeaux au Bec d'Ambès, pendant ces deux premières périodes ressortent au tableau suivant :

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On voit que dans l'ensemble l'abaissement obtenu a été de 1 m. 35 environ pour une profondeur moyenne primitive de 2 m. 32, soit de plus de 50 %. En outre, les seuils de l'île Verte et de Beychevelle situés à l'aval du Bec d'Ambès sont descendus durant la 2o période de (-3,60) à (-4,75) environ. Ces résultats semblent avoir eu pour complément une certaine amélioration du régime des marées, si on s'en rapporte aux deux relevés ci-après, bien que, en ce qui concerne le premier, certaines données fassent défaut pour permettre une comparaison absolument rigoureuse.

La chute d'amplitude entre le Bec d'Ambès et Bordeaux aurait été ainsi réduite au tiers de ce qu'elle était avant les travaux, tout en restant deux fois plus forte en syzygie qu'en quadrature. L'amplitude à Bordeaux même se serait accrue en conséquence de 0 m. 24 en morte eau et de 0 m. 41 en vive eau. Ce fait paraît très vraisemblable, car en ce qui concerne la

deuxième période de travaux, les relevés des feuilles du marégraphe de Bordeaux permettent de faire ressortir en ce point par des calculs précis une augmentation bien nette d'amplitude de 0 m. 09 en quadrature (C 45, h == 2 m. 34) et de 0 m. 11 en syzygie (C=94, h=2 m. 45) entre les deux périodes décennales 1880-89 et 1900-09.

= =

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1900-9

Syzygie.....

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>> 2,38(1) 2,87(2)

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3,38(3) 3,03

0,35

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2,29

0,11

Quadrature. 49

2,34 3,01 3,38 3,46 3,35 Syzygie..... 92 2,18 4,30 4,94 4,95 4,86 4,64

0,22

L'amélioration de régime ainsi constatée doit être également attribuée pour une part aux travaux poursuivis depuis 1830 en amont de Bordeaux, dans la partie fluvio-maritime, en vue de faciliter la circulation de la batellerie entre le port de Bordeaux et Castets situés à 53 kilomètres plus haut, au débouché du canal latéral à la Garonne, prolongement du canal du Midi. Ces travaux se continuent encore ; le dernier programme, déclaré d'utilité publique par un décret en date du 31 mai 1905, prévoit l'aménagement de la section de Paillet à Castets (qui a 26 kilomètres de longueur environ) en vue de la réalisation d'un mouillage de 2 m.; son exécution est actuellement très avancée.

Quel que soit l'intérêt de ces résultats, la progression rapide du trafic du port de Bordeaux (2.852.975 tonneaux de jauge en 1902, 4.288.610 tonneaux en 1912 et 5.074.960 tonneaux en 1913) et le tirant d'eau constamment croissant des navires qui le fréquentent exigeaient de nouveaux progrès bien que les améliorations déjà obtenues fussent de nature à les rendre parti

culièrement difficiles. Un programme fut mis à l'étude en vue de permettre à toute marée la circulation des navires calant 8 m. 00 entre Bordeaux et la mer, et de ceux calant 10 m. entre Pauillac et la mer; il a été déclaré d'utilité publique par une loi en date dn 15 juillet 1910; nous allons indiquer dans ce qui suit ses bases essentielles et exposer en particulier les procédés adoptés pendant cette troisième période de travaux, entre Bordeaux et le Bec d'Ambès, pour améliorer la Garonne, dont l'aménagement est actuellement très avancé.

II. RÉGIME ACTUEL DU FLEUVE

Les facilités que trouve la navigation à l'estuaire des grands fleuves soumis à l'influence de la marée dépendent essentiellement des conditions de propagation de cette dernière dans le bassin maritime considéré. L'étude du régime hydraulique de ce bassin doit donc précéder nécessairement la détermination des profondeurs à réaliser sur le chenal de navigation. Nous avons vu plus haut que les approfondissements peuvent avoir à leur tour une réaction sur le régime hydraulique; mais les chiffres mêmes que nous avons donnés montrent que, dans le cas particulier que nous avons à examiner ici, cette réaction, nécessairement inférieure aux précédentes, restera très limitée et qu'on peut considérer le régime actuel comme une donnée pratiquement invariable pour l'avenir.

La Garonne forme avec la Dordogne un bassin maritime unique où l'influence du flot se fait sentir non seulement sur les 75 kilomètres de parcours commun qui séparent le confluent de la mer, mais encore en amont du Bec d'Ambès sur plus de 75 kilomètres dans chaque fleuve, c'est-à-dire jusqu'à Casseuil à peu de distance de la Réole (Garonne) et jusqu'à Pessac de Gensac (Dor-dogne).

Les cubatures effectuées sur une marée de vive eau et sur une marée de morte eau correspondant sensiblement à l'étiage (marée du 10 septembre 1907 de coefficient 92; marée du 6 février 1899 de coefficient 46) montrent que les cubes emmagasinés en amont

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