N° 23 NOTICE SUR M. LOUIS SADE Ingénieur des Ponts et Chaussées, Capitaine de réserve au Génie, mort de ses blessures le 13 Octobre 1915. PAR M. DENIZET Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Louis SADE est mort à 32 ans. Il n'était, au moment de la guerre, que depuis quatre ans en service. Mais ce peu de temps avait suffi pour faire apprécier ses remarquables qualités. D'autre part, il a rendu les plus signalés services pendant la guerre et y a laissé sa vie. Il est digne de figurer au Livre d'Or du Corps des Ponts et Chaussées. Louis SADE est né à Antibes le 21 juillet 1883. Élève du lycée d'Aix, il fit ses mathématiques spéciales au lycée de Marseille. Reçu à l'École Polytechnique en 1904 et à l'École des Ponts et Chaussées en 1906, il fut nommé le 1er juillet 1910 ingénieur à Chalon-sur-Saône où il resta deux ans et eut l'occasion d'exécuter d'importants travaux et de préparer des projets intéressants sur le canal du Centre et sur la Saône; il prépara notamment le projet d'agrandissement des écluses de la petite Saône s'élevant à près de 2 millions. LOUIS SADE Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1915-V. 11 Au mois de juin 1912 il demanda et obtint le poste d'Aix où il fut chargé à la fois du service ordinaire et du service hydraulique de l'arrondissement, ce dernier très important à cause de la Durance, et du 2o arrondissement du canal de Marseille au Rhône en construction entre le débouché du canal dans l'étang de Berre et l'étang du Galéjon sur une longueur de 24 kilomètres. Ce dernier service comprenait des travaux de très grande importance comme la construction de la digue dans l'étang de Berre et l'élargissement de la tranchée de Port-de-Bouc. SADE eut aussi à préparer des projets très difficiles; il dut s'occuper notamment du problème ardu de la traversée de Martigues auquel il apporta une contribution des plus distinguées. Peu de temps avant la guerre on cherchait un ingénieur des Ponts et Chaussées pour représenter à Tanger les intérêts français et diriger les grands travaux projetés dans cette ville internationale. Le choix du gouvernement était sur le point de se porter sur SADE que son expérience déjà grande et son tact signalaient particulièrement pour ce poste, lorsque la guerre éclata. SADE fut d'abord envoyé au Fort de la Tête de Chien près de Montecarlo. Mais il demanda à être envoyé sur le front et il fut attaché à une compagnie de sapeurs employés d'une façon très active à la construction de tranchées et d'abris. Il s'y signala à tel point que sans attendre sa promotion de classe, qui eut lieu le 1er juillet 1915 dans le corps des Ponts et Chaussées, il fut, pour ses seuls services militaires, nommé capitaine et mis à la tête d'une compagnie de sapeurs mineurs. A la tête de sa compagnie, SADE fit alors avec son dévouement et sa distinction habituels cette rude guerre de mines, peut-être la plus dure de toutes. Il y trouva la mort. Blessé de plusieurs éclats d'obus au moment où il faisait une reconnaissance de position le 8 octobre, il mourut à l'ambulance le 13 octobre après cinq jours de vives souffrances. SADE S'était fait non seulement estimer mais aimer partout où il avait passé. Dans ces deux postes de Chalon-sur-Saône et d'Aix il a laissé la réputation du chef le plus bienveillant. Il en fut de même dans ses fonctions militaires. Voici ce qu'écrivait à son père, son chef le colonel BRACONNOT : << Tous les officiers du génie du corps d'armée qui en ont eu la possibilité sont venus ce matin accompagner leur excellent <«<et vaillant camarade, mort au champ d'honneur, au cimetière << militaire de Somme-Suippe où il repose parmi les héros nom<«<breux hélas, tombés comme lui pour la Patrie. << Tous les officiers du génie du C. A. qui comme moi tenaient « votre fils en haute estime, et ses sapeurs qui l'adoraient, partagent votre immense douleur et vous adressent par ma voix << nos condoléances les plus respectueuses, et témoignent avec « moi que vous pouvez être fier de votre fils qui, avec tant «< d'autres, a payé de sa vie la dure rançon de la victoire finale. SADE a été cité à l'ordre du jour du Corps d'armée. Ses chefs avaient demandé pour lui une plus haute distinction. Voici le texte de cette citation: ་་ « Officier de grande valeur, très actif, très courageux et très énergique. A participé comme lieutenant à de nombreuses attaques. Blessé grièvement au cours de la mise en chantier «de sa compagnie sous un bombardement très violent. Mort <<< des suites de sa blessure. »> On peut dire que dans sa courte carrière si bien remplie et si noblement close, SADE par ses travaux, son caractère et son dévouement au pays a honoré le Corps des Ponts et Chaussées. Il est juste que sa mémoire soit conservée dans nos Annales. N° 24 LA LOIRE ET LE PORT DE NANTES PAR M. KAUFFMANN Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Planches 12 à 14. INTRODUCTION L'étude de l évolution d'un port maritime, placé à l'intérieur de l'estuaire d'un fleuve à marée comporte trois parties distinctes, se rapportant, respectivement, aux transformations plus ou moins grandes de ses chenaux de raccordement avec la mer, aux agrandissements successifs du port proprement dit nécessités par l'augmentation du trafic et, enfin, à l'amélioration du fleuve en amont rendue très souvent obligatoire pour étendre la zone de territoire qu'il peut desservir dans des conditions pratiquement économiques. L'approfondissement des chenaux est la conséquence inéluctable de l'accroissement du tirant d'eau des navires de mer: longs-courriers et même caboteurs. Si cet accroissement de tirant d'eau est plus rapide que l'approfondissement du fleuve, le port maritime intérieur traverse une crise dont il ne se relève que quand ses accès sont dans un état suffisant pour permettre la circulation facile des bâtiments de mer en service courant à ce moment. Pendant cette période de crise, on n'exécute, généralement, aucun travail dans le port proprement dit. Dès lors, |