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mis d'établissement, mais seulement des permis de séjour individuels. Ils ne font concurrence à personne; leur vie est tout entière consacrée à la prière, à l'étude et au travail. Loin d'être une charge pour le pays, leur séjour n'est pas sans procurer quelques avantages à la commune; aucun nécessiteux ne frappe en vain à leur porte. A ce sujet, ils se réfèrent à une pétition de la population de Saxon, munie de 230 signatures. Les chartreux sollicitent l'autorisation de séjourner en Suisse pendant 3 ans en

core.

2. Les Chartreux à Louèche

Le supérieur des chartreux de Louèche, Théophile Mercier, expose que ceux-ci sont aujourd'hui de pauvres exilés sans asile fixe. La loi française du 1 juillet 1901 leur ouvrait deux voies: ou demander l'autorisation ou quitter leurs maisons avant le 3 octobre suivant, sous peine de se laisser expulser et de voir leurs biens immédiatement confisqués. Ils n'ont pas voulu demander l'autorisation, sachant d'avance qu'elle ne leur serait pas accordée. Vers la fin d'août 1901, il fut décidé en chapitre général que toutes les maisons de France, à l'exception de la Grande Chartreuse, iraient se réfugier à l'étranger. Tous les émigrés n'ayant pu trouver place dans les chartreuses existantes, le Père général envoya un certain nombre d'entre eux chercher un asile provisoire en Suisse. Si cet asile leur est accordé, ils se soumettront à toutes les lois du pays. Deux vastes terrains ont été achetés l'un à Zepperen, près Orange (Limbourg belge), l'autre à Plétriarch, près St-Barthelma, Carniole (Autriche). Des chartreuses y sont en construction, mais les bâtiments ne seront guère habitables avant 3 ans. Les chartreux de Louèche sollicitent une prolongation de séjour de 2 ans. Cette requête est également appuyée par une pétition de la population de Louèche munie d'environ 200 signatures.

Au sujet des chartreux de Louèche, il faut encore observer que, le 21 août déjà, leur supérieur avait demandé au Conseil fédéral une prolongation de séjour de 1 à 2 ans. Cette requête fut écartée par arrêté du 2 septembre 1902.

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Alice Borgereau, dame carmélite, expose qu'en venanten Suisse, les dames carmélites n'ont voulu qu'y chercher un asile provisoire. Elles vivent tout à fait retirées. Il ne saurait être question d'une fondation de couvent ; elles ne reçoivent pas de novices et n'ont aucun lien avee d'autres corporations du même nom.

Ainsi qu'il ressort de la lettre du Conseil d'Etat du canton du Valais, les carmélites désireraient obtenir une prolongation de séjour de 3 ans.

4. Les Clarisses d'Evian à Monthey

M° Taillefer, avocat à Evian-les-Bains, intervient en faveur des religieuses de cet ordre. Il fait l'analyse de la loi française sur les associations et cherche à démontrer que cette loi imposait aux clarisses la nécessité de quitter la France. Si les clarisses avaient sollicité l'autorisation, elles ne l'auraient pas obtenue, et leurs biens auraient été exposés à la confiscation. C'est pourquoi elles ont préféré se mettre en état de « dissolution religieuse et quitter leur patrie. Pour l'explication du terme « dissolution religieuse», le recourant se réfère à la réponse des clarisses au ques

tionnaire du Département fédéral de Justice. Il ressort de cette réponse qu'en décidant le départ des clarisses, leur chapitre a déclaré qu'aussi longtemps que durerait leur séjour en Suisse ou à l'étranger elles ne vivraient plus à l'état de congrégation religieuse; qu'à l'exception des règles fondamentales communes à tous les religieux, elles ne devraient avoir que celles dont les lois du pays permettraient l'observation. Par le fait que le chapitre a prononcé la dissolution et l'interdiction de recevoir des novices, il ne reste rien de l'ordre, qui ne dépendait de nul autre que de son chapitre. Les éléments qui, d'après le Conseil fédéral, sont constitutifs du couvent, n'existent pas en l'espèce. Seule l'existence en commun subsiste, mais cela s'explique par le fait que les clarisses sont des expatriées et qu'il y a parmi elles des sœurs âgées, malades ou infirmes.

Les clarisses demandent un sursis jusqu'à l'expiration de leur bail, c'est-à-dire jusqu'au 1° octobre 1904.

5. Les Oblates de l'Assomption à Bramois

Au nom de cette congrégation, Mme Chamslai, supérieure générale, demande un délai d'un an, dont elle a besoin pour trouver un nouvel asile. Elle conteste que la congrégation ait jamais en l'intention de fonder un nouveau couvent en Suisse.

6. Société de Marie-Réparatrice, à Monthey

Les membres de cette congrégation résidant à Monthey (la requête porte leurs signatures individuelles) exposent qu'elles ne constituent plus une congrégation. Me Cebron a fondé à Monthey une pension, pour laquelle elle paie patente. Dans cette pension, tenue selon un régime particulier, il se trouve bien un certain nombre de dames ayant appartenu ci-devant à la Société de Marie-Réparatrice; mais la pension St-Maurice ne constitue nullement une communauté monastique; cela ressort déjà du fait que d'une part il se produit de nombreuses mutations parmi les peusionnaires et que d'autre part des pesonnes n'ayant pas apparte u à la congrégation sont admises dans la pension. Les dames de Marie-Réparatrice n'ont pas de confesseur particulier et ne portent pas l'habit religieux. L'arrêté du Conseil fédéral ne saurait donc s'appliquer aux signataires de la pétition adressée au Conseil d'Etat du canton du Valais; ces dames habitent individuellement et à titre temporaire ladite pension à Monthey.

D'après, le « règlement de la pension Saint-Maurice », joint à la réponse au questionnaire du Département fédéral de Justice et Police, le régime particulier dont il est question dans la pétition est le suivant :

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Dans la matinée, occupations personnelles, soins du ménage, travaux divers, musique, peinture, etc.

Midi. Diner, suivi de la promenade pour celles qui le désirent ou à 3 h. sortie pour celles qui le préfèrent.

4 h. Thé.

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Le contrat de bail passé par la « directrice » de la pension accorde à la

locataire le droit de procéder à tous changements qu'il lui conviendra d'apporter à l'immeuble et en particulier de construire tous murs ou clôtures sur la limite de la propriété ou dans son intérieur.

Le Conseil d'Etat du canton du Valais confirme que la pension SaintMaurice, à Monthey, paie une patente; il estime que la situation a changé et qu'il est douteux que dans les circonstances actuelles, l'arrêté du Conseil fédéral puisse s'appliquer aux dames de Marie-Réparatrice prises individuellement.

7. Pères de la Salette, à Massongex.

Touchant cette congrégation, le Conseil d'Etat du canton du Valais déclare qu'un seul membre de celle-ci, l'abbé Bovier, d'origine valaisanne, séjourne encore à Massongex. Les 2 autres prêtres se sont mis à la disposition de l'évêque de Sion. Les circonstances ont donc entièrement changé, car une seule personne ne peut former une congrégation.

8.

Congrégation de la Sainte-Famille, à Sierre.

Me Marie Cazal expose que les sœurs enseignantes résidant à Sierre n'appartiennent plus à ladite congrégation. Elles ne vivent plus en commun et ne se réunissent que quelques heures par jour pour tenir une école fondée par elles. Dans leur vie privée, rien ne les distingue du commun des fidèles. Elles n'ont pas de chapelle et ne sont pas cloîtrées; elles assistent aux offices de l'église paroissiale et ont pour confesseur le curé de l'endroit.

Elles demandent qu'il leur soit permis de s'établir à Sierre.

Le Conseil d'Etat du canton de Valais confirme les assertions de la requérante, notamment le fait du la fondatlon d'une école. Le Conseil d'Etat a reçu une pétition de parents et d'élèves d'où il ressort que la population de Sierre est heureuse de posséder l'école enfantine et l'école d'ouvrages manuels fondées par les sœurs de la Sainte-Famille, institutions qui faisaient précédemment défaut dans la localité.

En cet état de cause, le Département fédéral de Justice et Police a demandé une nouvelle consultation à M. le professeur D' Fleiner, à Bâle. Ce jurisconsulte a donné suite à la demande du Département en lui adressant un rapport du 10 décembre 1902 avec complément de janvier 1903. B. Pour l'examen des diverses requêtes, on doit les diviser en deux catégories :

Celles qui ne demandent qu'une prolongation de délai ;

Celles qui demandent le retrait de l'arrêté du Conseil fédéral, soit pour la raison que le Conseil fédéral aurait basé son arrêté sur des considérants de fait erronés, soit parce que les circonstances se seraient modifiées dans

l'intervalle.

I. - Les ordres et les congrégations ci-après demandent des prolongations de délais :

Les chartreux, à Saxon et à Louèche,

Les carmélites, à Monthey.

Les clarisses, au même lieu, et les oblates de l'Assomption, à Bra

mois.

a) Les Chartreux à Saxon et à Louèche.

Les chartreux font indubitablement partie d'un ordre religieux. Dans leur requête adressée au gouveruement valaisan, ils ne prétendent pas s'être dissous. Ils contestent seulement avoir fondé de nouveaux couvents, leurs établissements de Saxon ou de Louèche ne pouvant être considérés comme tels. Dans les considérants de son arrêté du 19 août, le Conseil fédéral a déjà admis qu'il était possible que dans ces établissements toutes les règles du droit canonique concernant la fondation des couvents ne fussent pas observées. Mais l'élément essentiel de la notion du couvent, la vie en commum (vita communis), d'après la règle de l'ordre, existe. (Voir chiffre VI, lettre B, de l'arrêté du 19 août 1902).

Dans toute l'affaire de l'établissement en Suisse, ce ne sont point les chartreux qui ont agi individuellement; toutes les décisions prises émanent des supérieurs de l'ordre. Ainsi que les chartreux de Louèche l'exposent dans leur requête, le supérieur général a ordonné aux chartreux de se réfugier en Suisse, et il a été donné suite à cet ordre. La communauté monastique n'est point dissoute; soit à Saxon soit à Louèche, en tant que les circonstances extraordinaires le permettent, les chartreux vivent selon les règles de l'ordre et sous la direction des supérieurs de l'ordre, dans des habitations particulières et closes.

Les chartreux, non plus que toute autre communauté religieuse, ne sauraient échapper à l'application des principes inscrits dans la constitution fédérale en se prévalant de l'asile que la Suisse accorde à des réfugiés politiques. Il n'est pas nécessaire d'examiner icí la question de savoir si l'asile peut être réclamé comme un droit, ou s'il ne constitue pas plutôt une prérogative qu'ont les cantons de tolérer des réfugiés politiques sur leur territoire. La disposîtion de l'article 52 de la constitution fédérale emporte de plein droit cette conséquence que l'asile n'existe pas pour les communautés religieuses. En effet, cette disposition interdit toute fondation de nouveaux établissements conventuels en Suisse; peu importe que l'étabtissement soit formé par des Suisses établis dans le pays, ou par des étrangers immigrés. L'interdiction est inconditionnelle et absolue: «Il est interdit de fonder de nouveaux couvents.......

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Les chartreux allèguent que s'ils sont forcés de quitter le pays ils subiront une perte considérable, car ils ont passé des contrats de bail à long terme, qui se résoudront probablement en dommages-intérêts en cas de dénonciation anticipée. Et pourtant, ils ne contestent pas avoir eu connaissance des dispositions de la constitution fédérale, mais ils prétendent s'être renseignés préalablement et avoir reçu des informations rassurantes. Comme ils ne nomment pas les personnes qui leur auraient fourni ces renseignements, le Conseil fédéral ne peut exprimer son avis sur le degré de confiance que méritaient leurs informateurs. Mais si les chartreux avaient songé à s'informer auprès du Conseil fédéral ou du Département de Justice, lequel a reçu plusieurs demandes de ce genre et y a répondu, il leur aurait été facile de se convaincre qu'un établissement conventuel de leur ordre en Suisse, étant contraire à la constitution fédérale, ne pouvait être toléré. Si maintenant ils subissent un dommage, ils ne peuvent l'imputer qu'à eux-mêmes.

Au surplus, il est constant que des intérêts privés ne sauraient en aucune façon mettre obstacle à l'application d'une disposition constitutionnelle impérative et d'ordre public.

Du reste, les chartreux ne contestent pas l'applicabilité de l'article 52 à leur ordre; ils se bornent à demander une prolongation de délai de 3 ans pour l'établissement de Saxon et de 2 ans pour celui de Louèche.

Mais il faut remarquer que le séjour de l'ordre en Suisse dure depuis le mois d'octobre 1901, en sorte que les chartreux ne peuvent se poser en victimes de la rigueur de la constitution. L'article 52 ne fait pas de distinction entre un établissement temporaire et un établissement permanent. On peut denc taxer d'inadmissible un nouvel établissement conventuel qui doit durer plusieurs années.

A la vérité, le Conseil fédéral a accordé naguère, dans un cas analogue, un sursis d'une certaine durée (voir F. Féd., 1883, II, 976); mais ce qui a pu être toléré alors ne saurait l'être dans la situation actuelle. On se trouve maintenant en présence d'une immigration en masse de membres d'ordres et de congrégations, et étant donné l'état de choses existant en France, on pourrait s'attendre à une nouvelle immigration si l'on tolérait l'établissement à long terme de congrégations françaises en Suisse, car les concessions que le Conseil fédéral ferait à certaines communautés religieuses devraient être étendues à d'autres se trouvant dans la même situation.

La demande des chartreux de Saxon et de Louèche doit donc être écartée en principe; mais, vu les circonstances, on peut accorder à cet ordre un nouveau délai de 3 mois.

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Cet ordre est de ceux qui n'avaient pas d'établissement en Suisse avant 1874 (voir l'arrêté du 19 août 1902, chiffre 6, a.). Il suffit donc d'examiner s'il s'agit ici d'une tentative d'établissement de cet ordre, et il sera superflu de résoudre la question de savoir s'il y a en l'espèce, fondation d'un couvent. Dans son arrêté précédent, le Conseil fédéral a résolu affirmativement la question de s'avoir s'il s'agissait d'un établissement de l'ordre; les carmélites n'ont pas apporté de nouveaux faits de nature à modifier la manière de voir du Conseil fédéral. Il est indifférent que les carmélites accueillent ou non des novices durant leur séjour en Suisse. Elles-mêmes ne prétendent pas être sorties de l'ordre ou être venues en Suisse à titre individuel. Quant à leur allégation portant qu'elles n'entendent faire en Suisse qu'un séjour temporaire, elle est démentie par le fait qu'elles ont acheté un immeuble (voir arrêté du 19 août 1902, II, chiffre 7). Elles vivent aussi en commun, et tant qu'elles ne sont pas sorties de l'ordre, elles sont tenues de par le droit canonique à en observer les règles.

Les carmélites ne contestent pas non plus en principe l'applicabilité de l'article 52 de la constitution fénérale ; ce qui a été dit à l'égard des chartreux s'applique donc aussi à leur demande de prolongation de délai ; il y a lieu d'écarter en principe la demande des carmélites, en leur accordant un nouveau délai de 3 mois.

c. Les Clarisses à Monthey.

De même que les carmélites, les clarisses d'Evian établies à Monthey, rentrent dans les ordres qui n'étaient pas établis en Suisse avant 1874. Dans leur requête, les clarisses ont prétendu se trouver en état de dissolution religieuse », - leur chapitre ayant décidé que, tant qu'elles

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