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tention permettent de réaliser des transports mixtes, que les prix relativement élevés des transports et manutentions sur nos voies navigables n'autorisent que très rarement. C'est ainsi que, par exemple, des céréales ayant emprunté le Rhin d'Anvers à Strasbourg, parviennent à 300 km. de Strasbourg, à moindre prix que si elles avaient employé la voie ferrée à partir du port importateur. Les ports rhénans sont, de ce fait, non pas des ports de consommation comme nos principaux ports, mais des ports répartiteurs à l'importation, collecteurs à l'exportation, comme les ports maritimes. Ce caractère s'ajoute aux précédents pour permettre l'emploi de bateaux de forts tonnages et concourir à l'abaissement des prix de fret.

Le port rhénan est donc en premier lieu un port de transit. Ce caractère entraîne celui de port entrepôt en effet, le Rhin, fleuve non canalisé, présente d'une saison à l'autre des variations notables de navigabilité et, par suite, des variations notables des prix de fret. Ceux-ci sont plus élevés, en moyenne, de 50 °/% en hiver (période des basses eaux), qu'en été (période de hautes eaux régulières dues à la fonte des neiges). Il en résulte que pour les marchandises de faible valeur, il y a intérêt à en effectuer le transport en été, et à les emmagasiner dans le port réceptionnaire, quitte à supporter l'intérêt de la valeur des marchandises ainsi stockées. Avant la guerre par exemple, pour des blés valant 250 francs la tonne, l'intérêt était de 12 fr. 50 par an, soit un franc par mois et par tonne. Le prix de transport étant de 3 frs environ plus élevé en hiver qu'en été, on voit que, tenu compte d'un magasinage de 0,30 par mois, on avait intérêt à transporter en fin d'été et à stocker pendant deux à trois mois, plutôt qu'à transporter en hiver; pour les charbons, où le stockage ne coûtait guère plus de 0,10 par mois, et où l'intérêt de l'argent ne dépassait pas non plus 0,10, le stockage pouvait dépasser 8 mois et rester une opération plus avantageuse que le transport en hiver. Ces conditions spéciales s'ajoutent à celles qui jouent dans tous les ports en faveur de l'entreposage (nécessité de stocks pour satisfaire aux besoins urgents, importations de marchandises à production saisonnière, spéculation sur les prix), pour rendre

l'entreposage dans les ports du Rhin particulièrement important, et leur donner par là un caractère très spécial.

C'est d'ailleurs aux possibilités d'entreposage que peut s'attribuer le fait que les variations du prix de fret entre l'été et l'hiver ne sont pas plus considérables, la demande de transport se trouvant ainsi régularisée et diminuée dans les mois d'hiver où la capacité de transport est plus faible. Le caractère d'entrepôt est donc une nécessité pour le port rhénan de transit.

Enfin, le caractère industriel est imposé par les dimensions des bateaux employés et, au moins sur le Rhin supérieur, par le fait que le fleuve est à fond mobile et à fort courant, ce qui rend presque partout impossible l'établissement d'industries sur les rives mêmes du fleuve. Les industries qui veulent profiter au maximum des bas prix de fret du fleuve, sont en effet conduites à se placer dans les ports et non sur les rives du fleuve: d'abord, parce que l'installation sur les rives ne peut se faire qu'en de rares points, souvent d'ailleurs mal desservis à d'autres égards, et ensuite, parce que seules les industries puissantes peuvent utiliser des chalands complets. En s'établissant dans le port, elles se mettent en état de recevoir les matières premières avec plus de régularité, en n'affrétant chaque fois qu'une ou deux cales d'un grand chaland, ce qu'elles ne pourraient faire si elles se trouvaient isolées. Elles ont en outre l'avantage de se trouver raccordées à peu de frais aux voies ferrées, à qui elles apportent d'ailleurs un trafic régulier qui, en se superposant au trafic saisonnier de transit, améliore les conditions d'exploitation ferroviaire des ports.

Cet ensemble de caractères rapproche beaucoup plus les ports rhénans des ports maritimes que des ports intérieurs. Mais nous verrons que, par suite des différences du prix d'établissement des ports maritimes et des ports rhénans, les premiers sont surtout, en tant que ports proprement dits, des organes de pur transit l'entrepôt et l'industrie étant placés non sur le port lui-même, mais dans son voisinage, tandis que dans le port rhénan, l'entrepôt et l'industrie peuvent et doivent s'installer dans le domaine même du port.

LES EXPLOITANTS

Comme on le sait, on trouve sur le Rhin, en outre des ports privés, des ports administrés par les États et des ports administrés par les Communes. Le port commercial de Mannheim, les ports de Kehl, de Ludwigshafen, de Gustavsburg sont des ports d'État; le port industriel de Mannheim, les ports de Strasbourg, de Karlsruhe, de Mayence, de Cologne, etc... sont des ports municipaux. Les ports d'État sont d'ailleurs exploités, selon les cas, par des services différents; c'est ainsi que le port commercial de Mannheim est administré par la Douane, tandis que le port de Kehl est exploité par les chemins de fer. La loi de 1920, en transférant les voies de navigation intérieure à l'Empire, a laissé les ports à leurs exploitants actuels. Mais les douanes et les chemins de fer étant maintenant des organisations d'Empire, les ports d'État sont aujourd'hui des ports d'Empire.

LES PORTS D'ÉTAT.

Influence des réseaux de chemin de fer. Comment s'est faite la répartition entre ports d'État et ports municipaux ? On peut dire que les premiers n'ont été créés que dans le cas où l'État tout entier, ou l'Administration exploitante, espérait tirer profit de leur création. Il ne s'agit point, comme cela a été le cas chez nous pour l'établissement ou le maintien d'un grand nombre de petits ports maritimes, d'une participation de l'État à une œuvre d'intérêt local; chaque État n'est intervenu le plus souvent que pour un seul port, celui qui le rattache le plus favorablement à la mer. Le port est dès lors conçu essentiellement comme port de transit et d'entrepôt : c'est le port de ravitaillement du pays, le point de libre accès à la mer. C'est ainsi que Bade a choisi Mannheim, le Palatinat Ludwigshafen, la Hesse Gustavsburg. Presque partout, c'est à l'initiative des Administrations des chemins de fer qu'est due la création, ou tout au moins le développement de ces ports: attitude dont le contraste avec celle

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de nos réseaux, hostiles à tout raccordement avec la voie d'eau, a fortement frappé beaucoup d'observateurs. La raison de cette différence est d'ailleurs fort simple à la réflexion. Nos grands réseaux sont tous en contact avec la mer, sauf le réseau de l'Est, qui d'ailleurs peut mettre en concurrence plusieurs réseaux pour y accéder. La batellerie ne leur apporte rien; ils la considèrent comme un concurrent, sans plus. Au contraire, les petits réseaux allemands, séparés de la mer par le réseau prussien, avaient intérêt à se libérer de sa tutelle, en lui suscitant une concurrence, que le Rhin leur offrait. Au surplus, les frets particulièrement bas, pratiqués sur le Rhin, imposaient indiscutablement son usage pour certains transports: chaque réseau avait intérêt à se raccorder à lui pour devenir le répartiteur des marchandises apportées en masse par le fleuve.

Il en est autrement de nos fleuves et de nos canaux, dont les prix de transport ne sont pas assez différents de ceux du chemin de fer pour qu'un transport mixte (voie navigable et voie de fer) puisse s'exécuter normalement sans sacrifice sur les tarifs de la voie ferrée. Un transport à 300 kilomètres par voie d'eau est moins cher qu'un transport à la même distance par chemin de fer, mais un transport à 500 km. dont 300 par voie d'eau et 200 par voie de fer est plus cher que le transport de bout en bout par chemin de fer. Sur le Rhin, au contraire, les prix de transport sont assez bas pour que le transport mixte à 500 km. soit le meilleur marché. En se raccordant au Rhin, au point le plus nord possible, un petit réseau ne fait aucun sacrifice de trafic, et au contraire en attire à lui une masse nouvelle de transports. En se raccordant à la Seine, à Bonneuil ou à Villeneuve, l'Est et le P.-L.-M. ne peuvent au contraire espérer se ménager un trafic nouveau qu'au prix de sacrifices sur les tarifs. Enfin, un déplacement de trafic existant est plus vite acquis que la création d'un trafic nouveau : l'accaparement du trafic de transit est donc le problème le plus intéressant pour les réseaux. Or, nos grands réseaux ne sont guère en concurrence les uns avec les autres au point de vue de transit. On ne voit guère chez nous que les réseaux du Nord et de l'État qui soient amenés à se concurrencer à cet égard, et cette concur

rence ne peut être favorable à la voie navigable. De petits réseaux au contraire fournissent pour le même transport de transit des voies à peu près comparables: la lutte pour le transit sera

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très âpre chez eux. Le raccordement au Rhin, par voie à prix de transport très bas, est pour chacun d'eux un moyen d'attirer le transit. Un port comme Kehl n'a pas été établi dans un autre dessein.

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