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réserver pour la navigation et le halage, et le niveau du rail impérativement déterminé, limitait la flèche de l'intrados aux environs de 6 mètres.

Dans ces conditions, le rapport de l'épaisseur moyenne de la voûte à la flèche de la fibre centrale aurait été compris entre 1/2 et 2/5 et le calcul montre que dans de telles conditions les fatigues créées dans un arc encastré par les changements de température ou le retrait sont énormes. En outre, le plus petit déplacement des appuis suffit à déterminer des désordres dans une voûte aussi raide. Or, une des culées devait être fondée sur un gravier de bonne qualité, mais qu'on pouvait craindre légèrement déformable.

Un arc articulé classique à tablier indépendant n'aurait permis de résoudre le problème que dans de fort mauvaises conditions.

Les épaisseurs aux reins étant dans ce type d'ouvrage au moins aussi grandes qu'avec un arc encastré, on ne pouvait laisser libre le gabarit indispensable à la navigation qu'en adoptant un surbaissement très prononcé,1 /2 environ.

L'arc obtenu ainsi était lourd, inélégant et exigeait des culées très onéreuses.

Pour ces raisons, j'ai proposé un arc d'une forme spéciale que j'avais déjà employée pour des ouvrages importants, et qui résulte de la liaison par des cloisons longitudinales pleines ou évidées, convenablement armées, d'un hourdis en béton épousant la forme de l'intrados et du tablier supportant les voies. On obtient ainsi, avec une grande économie de matière, des moments d'inertie aux reins considérables, sans encombrer l'espace situé audessous de la courbe des pressions des charges permanentes, d'épaisseurs excessives. Pour accroître l'espace libre sous l'ouvrage et réaliser le plus faible surbaissement compatible avec les gabarits exigés, ces dispositions étaient complétées par un bloquage en béton massif de tout l'espace compris entre le tablier et l'intrados, sur quelques mètres à partir de chaque culée. Le poids de ces massifs provoque une cambrure très sensible de la courbe des pressions, sans augmenter sensiblement la poussée totale; en rapprochant de la verticale la direction de la réaction

résultante, il permet d'abaisser l'articulation, et de réduire la longueur des culées. Il va sans dire qu'en raison de sa grande raideur, un ouvrage de ce type doit être articulé.

APPLICATION DU TYPE D'ARC PROPOSÉ POUR le pont CanDELIER A UNE SÉRIE DE PONTS SOUS VOIE, EN 1919. - Une occasion d'expérimenter le système adopté s'offrit en 1919 du fait de la reconstruction des ponts du Becquerel à Lille. Il s'agissait d'un groupe de 12 tabliers à une voie d'un biais variable et de 12 à 18 mètres de portée, tous caractérisés par ce fait que la distance entre l'intrados et la surface de roulement du rail ne pouvait pas dépasser sensiblement 50 centimètres sur l'axe de la voie charretière, en raison du peu de hauteur du rail au-dessus de la chaussée et de la présence sur celle-ci de lignes de tramways électriques à trolley.

Antérieurement à la guerre, ces ponts étaient constitués par des arcs métalliques très minces à la clé et devenus trop faibles pour les surcharges modernes. Leur remplacement à bref délai par des ouvrages en acier plus solides, se maintenant dans les limites du gabarit imposé, apparaissait comme un tour de force, à raison des circonstances.

M. Candelier demanda à MM. Limousin et Cie de faire l'application à ces ouvrages d'arcs en béton armé du type proposé pour la Sambre.

Les ouvrages articulés sont à double articulation formés d'un seul bloc plein (les vides compris entre l'intrados, le tablier et les tympans ne valant pas la peine d'être réservés en raison de leurs faibles dimensions) entaillé seulement de deux larges rainures dans lesquelles on a logé les rails et leurs supports.

L'épaisseur à la clé, de la table de roulement des rails à l'intrados est de o m. 52. On a eu la coquetterie de vérifier la stabilité de ces ouvrages pour des surcharges supérieures de 50 p. 100 à celles du règlement de 1915; dans ces conditions, les fatigues demeurent encore très basses, Pour ces charges, très supérieures à celles pour lesquelles les ouvrages primitifs avaient été établis, les culées anciennes, dont les fondations subsistaient, se sont trouvées largement suffisantes en raison du changement de forme de la courbe des pressions réalisé par l'alourdissement des arcs vers les appuis.

Tous les tabliers ayant été rétablis et mis en service rapidement avec des résultats entièrement satisfaisants, MM. Limousin et Cle furent chargés de l'exécution du pont sur la Sambre, y compris la mise au point du projet, notamment en ce qui concernait l'application à cet ouvrage de mes procédés particuliers de décintrement et d'articulation.

DESCRIPTION DU PONT CANDELIER

EMPLOI DE DEUX ARCS DÉCALÉS.

L'ouvrage franchit la

Sambre sous un biais très prononcé un peu supérieur à 45o. On a préféré à une voûte biaise deux voûtes droites de faible largeur portant chacune une voie et décalées de 4 m. 50 l'une par rapport à l'autre dans le sens de la portée. Dans ces conditions, il se trouve que la portée réelle des voûtes dépasse d'un peu plus de 3 m. 50 leur portée utile. On a estimé qu'une voûte droite de 64 mètres serait d'une exécution plus simple et plus économique qu'une voûte biaise de 60 m. 50 (1).

Chacun des ouvrages a 3 m. 50 de largeur entre les plans des têtes; cette largeur est augmentée pour chaque tablier par deux parties en encorbellement : l'une de faible largeur, du côté commun aux deux tabliers, jusqu'à un joint de o m. 04 séparant ceux-ci, l'autre du côté extérieur, plus large, formant un véritable trottoir en porte à faux et recevant le parapet.

FIXATION DE LA VOIE. On a adopté le système de la pose sur ballast pour la voie, de beaucoup plus commode au point de vue de l'entretien. Mais comme l'emploi d'un profil normal de ballastage aurait imposé d'inutiles sujétions pour l'établissement du tablier, on a accepté une traverse raccourcie à 2 m. 20 de longueur totale. L'épaisseur minima du ballast sous cette traverse est de o m. 25. J'ai employé ce système de pose avec un succès constant pour des ouvrages sous rail d'intérêt local construits dans l'Allier de 1908 à 1912.

(1) Pendant la guerre, la compagnie du Nord a réalisé, notamment au pont de Laversine, des voûtes biaises à plus de 45o en béton armé ; mais la portée biaise du pont de Laversine n'est que de 30 mètres environ.

DIMENSIONS PRINCIPALES DES ARCS. Le hourdis établi le long de l'intrados a reçu o m. 50 d'épaisseur à la clé et 1 m. 35 aux retombées ; il ne doit pas être considéré comme une voûte, car sa stabilité propre est pratiquement nulle. Il n'est qu'un élément de la voûte.

Il est surmonté de trois cloisons longitudinales pleines; la première, placée suivant l'axe longitudinal de l'arc a une épaisseur minima de o m. 40; les autres, formant tympans, ont une épaisseur minima de o m. 20. L'ensemble est complété par le tablier proprement dit, formé d'un hourdis dont l'épaisseur minima est de o m. 33.

Les épaisseurs des cloisons et du tablier vont en croissant dans la région de clef jusqu'à former vers la clef, sur 1 m. 20 de longueur, une section pleine de I m. 55 de hauteur.

Vers les appuis, ces éléments sont solidarisés en un bloc plein de 3 m. 50 d'épaisseur suivant la portée de l'arc, destiné à agir uniquement par son poids.

Sous les charges, l'ensemble travaille comme une pièce prismatique unique pour supporter les poussées, les moments de flexion et les cisaillements.

Extérieurement, l'ouvrage offre l'aspect d'une masse pleine limitée par l'intrados, le dessus du tablier et les deux faces des tympans, et il en possède à peu près la raideur; il est donc tout à fait indispensable de l'articuler.

ARTICULATIONS

CONVENANCE DE N'EMPLOYER QUE DEUX ARTICULATIONS. Faut-il préférer deux ou trois articulations?

A première vue, l'emploi de trois articulations paraît supprimer toutes difficultés relatives au retrait et à la dilatation.

Dans mes projets d'arcs surbaissés antérieurs à 1910, j'ai presque constamment employé 3 articulations; cependant, j'ai exécuté en 1908 une grande voûte avec deux articulations seulement.

De la comparaison de cette voûte avec les ouvrages à trois

articulations, j'ai tiré des conclusions tout à fait défavorables à ces derniers et j'ai complètement abandonné l'emploi de l'articulation de clef.

INCONVENIENTS DE L'ARTICULATION DE CLEF. — Je donnerai, à l'occasion de la description d'une série de grands ponts sur l'Allier, le détail des observations qui ont ainsi modifié ma manière de voir. Cet exposé sortirait du cadre de la présente note et il n'est pas actuellement indispensable; car du seul point de vue théorique, la supériorité des arcs à deux articulations devient évidente dès que l'on cesse de se borner à la première apparence des faits.

Dans les calculs d'arcs tels qu'on les présente couramment, on considère à priori comme négligeables et l'on omet de vérifier l'influence d'un certain nombre de causes de fatigue, dont les principales sont les suivantes :

1o Non concordance des tracés réels d'intrados et d'extrados, avec les tracés théoriques. Dans le cas d'un arc creux, non concordance des épaisseurs vraies avec les épaisseurs théoriques.

2o Déformations de la fibre moyenne de l'arc, dues : a) Au travail de la matière.

b) Au retrait; cette déformation comprenant une déformation générale et des déformations locales dues au fait que le retrait peut ne pas être le même dans les diverses parties de l'ouvrage, les unes, abritées de l'humidité, pouvant prendre un fort retrait, les autres, exposées à une humidité constante, pouvant ne jamais prendre de retrait ou même subir des gonflements.

c) Aux variations de température; cette déformation comprend aussi une déformation d'ensemble et des déformations locales dues aux différences de température entre les divers éléments de l'ouvrage.

3o L'ouvrage étant géométriquement conforme au projet, peut mécaniquement en être très différent, si le coefficient d'élasticité du béton n'est pas constant dans ses différents éléments. Or, ce coefficient varie considérablement avec les circonstances de la préparation et de l'emploi du béton. Il varie aussi et surtout selon le sens et la grandeur des fatigues auxquelles le béton est soumis

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