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suivre l'ordre d'exécution qui se présente tout d'abord à l'esprit et rien n'empêchera même de l'adopter si des considérations financières ou d'autres circonstances en font une obligation. Il est même possible qu'on s'en trouve bien; mais c'est une chance à courir.

Si, dans le rapport préliminaire, il a été déclaré et si nous confirmons ici, qu'il est préférable de commencer immédiatement les jetées, c'est que nous considérons ces ouvrages comme une garantie indispensable contre des événements sur lesquels la prudence exige de compter. Attendre que le nouveau chenal soit ouvert et mis en service, c'est rapporter à une date bien éloignée le commencement d'exécution du prolongement des jetées; c'est laisser sans protection, pendant bien longtemps, le nouveau chenal contre les effets des coups de mer malencontreux.

L'état du banc du Sud est d'ailleurs tel qu'en commençant les travaux de la nouvelle jetée Sud à une certaine distance (500 mètres comme il a été indiqué dans le rapport préliminaire) du musoir de la jetée actuelle, on se trouvera dans d'excellentes conditions. La hauteur du banc dans cette région permettra, en effet, d'établir l'ouvrage dans des conditions économiques et sa présence n'apportera aucune perturbation dans le jeu des forces naturelles.

Il y a, en effet, un écueil à éviter dans cette période de substitution d'un nouveau chenal à l'ancien et de construction d'ouvrages dans un ordre imposé, qui ne correspond pas nécessairement à l'ordre le plus logique ; c'est de donner naissance, même temporairement, à des actions susceptibles de compromettre les profondeurs du chenal utilisé par la navigation.

Si l'on commençait les travaux par le prolongement de la jetée Nord les alluvions poussées par les tempêtes du Nord seraient arrêtées par la portion de la jetée Nord déjà construite et risqueraient d'encombrer le chenal actuel, en imposant un accroissement des dragages. En commençant, au contraire, par la jetée Sud le même phénomène se produira, mais il sera combattu par le courant fluvial et le chenal actuel se trouvera ainsi à l'abri des apports venant du Nord. D'ailleurs la présence de la nouvelle Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1923-I.

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jetée Sud, dans la région où elle sera entreprise, ne modifiera guère le relief du banc et pourra, tout au contraire, constituer une protection contre son déversement dans le chenal sous l'effet de gros temps du Sud.

Les travaux préparatoires d'une grande entreprise, les organisations des chantiers, les tâtonnements inévitables au début sont toujours une cause de retard dans l'établissement d'ouvrages importants; c'est pourquoi nous estimons que la construction du prolongement des jetées doit être immédiatement mise en route.

Mais cette construction ne pourra pas se poursuivre en complète indépendance des travaux d'ouverture du nouveau chenal. On ne peut pas admettre qu'il existe pendant trop longtemps des éléments importants de jetées alors que le chenal maintenu affecté à la navigation resterait à l'extérieur et au Nord de ces deux ouvrages. Il y aurait une situation trop anormale que l'on peut accepter pendant la belle saison, mais qu'on ne saurait prolonger sans danger.

Les travaux d'ouverture du nouveau chenal devront donc être poursuivis avec la plus grande activité ; la rapidité d'exécution sera, dans ce cas, un élément de succès et si des incidents toujours possibles venaient retarder ou entraver les travaux d'ouverture du nouveau chenal, mieux vaudrait limiter les travaux des nouvelles jetées à ceux de la portion de jetée Sud qui ne constitue guère qu'une consolidation du banc Sud que de s'exposer à rester un certain temps dans la situation anormale que nous venons d'envisager.

Si, au contraire, aucun incident ne vient s'opposer à la marche des travaux telle que nous la conseillons, on entreprendra les travaux de la jetée Nord dès qu'une longueur d'environ 300 mètres de la jetée Sud aura été exécutée. On placera le point de départ de cette nouvelle jetée Nord de manière à laisser à la navigation un passage suffisant aux navires qui devront continuer à utiliser le chenal actuel. La distance à ménager pourra être fixée après consultation des principaux pilotes; nous pensons qu'une distance de 500 mètres environ sera convenable.

Les deux nouvelles jetées seront établies en prolongement des jetées actuelles. Il est vrai que l'écartement de ces ouvrages a été reconnu comme trop grand; mais nous pensons qu'il convient cependant de le maintenir. Il est possible, sinon probable, que l'on veuille un jour chercher à obtenir à Soulina des profondeurs supérieures à 24 pieds : dans ce cas des ouvrages trop rapprochés constitueraient un obstacle peut-être insurmontable tandis qu'il est toujours possible, par des procédés assez simples de remédier à un excès de largeur d'un tel chenal.

Lorsque le nouveau chenal pourra être mis en service, c'est-àdire dès que sa profondeur sera celle du chenal actuel au moment considéré, quelle que soit à ce moment la longueur des jetées exécutées, on livrera ce chenal à la navigation et on exécutera la construction des portions de jetées Nord et Sud laissées en lacune. à l'origine du prolongement.

On aura soin, afin de diminuer les dépenses et de renforcer un point faible, de déposer les produits de dragage dans l'emplacement de l'ancien chenal. Pour ce travail les dragues « Hartley » et «Delta», protégées par les nouvelles jetées, peuvent être avantageusement utilisées.

Matériel de dragage. Le maintien des profondeurs avec le matériel dont on dispose actuellement n'est pas assez largement assuré pour qu'on puisse songer à utiliser ce matériel à la fois pour l'entretien du chenal actuel et pour l'ouverture du nouveau chenal. Il faut donc prévoir le renforcement du matériel de dragage.

Il est possible que l'on puisse trouver un matériel existant provenant d'entreprises terminées ou suspendues; c'est une question à examiner.

Nous recommandons l'adoption d'une drague à godets. La nature du terrain nous a paru telle qu'une drague à godets semble beaucoup plus indiquée qu'une drague à succion ; d'autre part la drague à godets effectue un travail beaucoup plus régulier et si, pour l'entretien, tout cube enlevé est une bonne opération, il n'en est pas de même pour l'ouverture d'un chenal dont les rives doivent être munies de jetées et dont l'exécution doit être réalisée aussi vite que possible.

La drague devra être desservie par deux porteurs automoteurs de dimensions appropriées à sa propre puissance; mais elle devra être également porteuse. Cette disposition permet de ne pas interrompre le travail de la drague si, pour un motif quelconque, un porteur fait défaut au moment voulu; en outre, en fin de journée, une telle drague peut prolonger le travail par ses propres moyens. Enfin il est très possible qu'après l'ouverture du nouveau chenal on reconnaisse que son maintien n'exige plus l'usage de porteurs et que ceux-ci soient vendus.

Une drague du type de la « Percy Sanderson »> nous paraîtrait satisfaisante.

La construction et la mise en service d'un tel engin exigeront d'assez longs délais; il importe donc d'étudier, sans aucun retard, la passation d'un marché.

Travaux complémentaires. Les travaux que nous venons d'indiquer étant réalisés, nous estimons que le chenal pourra être maintenu avec de bonnes profondeurs sans difficulté et sans dragages excessifs.

Mais un certain nombre de travaux complémentaires pourraient être exécutés en vue de réduire l'importance de ces dragages et de retarder le moment où de nouveaux prolongements deviendront nécessaires.

Si l'on se reporte aux plans comparatifs de sondage, on constate une tendance au comblement de la partie Nord de la plage de Soulina contrairement au phénomène constaté à l'origine des travaux. Ce comblement est provoqué, en majeure partie, par les apports de la branche de Staroe Stamboul du bras de Kilia. Rien ne s'oppose à ce que cette branche soit barrée de manière que les alluvions transportées par le bras de Kilia soient rejetées au Nord et au large d'où le courant littoral pourra les emmener dans les grands fonds. On retardera ainsi considérablement le comblement de la baie et en même temps on a chance de réduire les dragages annuels, une partie des matières en suspension déversées par cette branche venant certainement, en raison de la faible distance (6 milles environ), se déposer contre le grand épi constitué sur la côte par les jetées de Soulina.

D'autre part, on a vu que la répartition du débit total du Danube ne se faisait plus dans les mêmes proportions qu'autrefois. Un appauvrissement du bras de St-Georges s'est produit au profit des bras de Kilia et de Soulina. Les transports littoraux ayant lieu du Nord au Sud, c'est, au contraire, dans le bras de StGeorges qu'il y aurait intérêt à voir se diriger le débit le plus important, c'est-à-dire les alluvions les plus considérables.

En ce qui concerne le bras de Soulina, on conçoit que les coupures réalisées à diverses époques en réduisant la longueur du bras et en facilitant l'écoulement, aient pu provoquer un appel plus considérable des eaux. Pour le bras de Kilia des modifications naturelles du lit ont pu produire un résultat semblable.

Quoi qu'il en soit, au moyen d'ouvrages peu coûteux, exécutés en tête du bras, il est possible de modifier, d'une manière permanente, la répartition des débits et nous conseillons vivement de procéder à des études dans ce sens.

En dehors de la répartition permanente des débits, il est possible de chercher les moyens de réaliser une répartition variable qui serait très profitable au bon entretien du chenal de Soulina. On sait que ce sont les eaux fortement chargées d'alluvions qui produisent sur la barre des dépôts supérieurs à l'érosion résultant de la vitesse du courant, tandis que les eaux claires ou peu chargées ont un effet inverse et produisent un écrêtement de la barre. Si l'on pouvait réduire la pénétration dans le bras de Soulina des eaux très limoneuses et, au contraire, ouvrir largement ce bras aux eaux claires on aurait réalisé une amélioration certaine.

Une étude de détail qu'il serait utile d'entreprendre permettrait, sans doute, de projeter la construction d'un ouvrage répartiteur qui pourrait rendre de grands services.

Ces travaux complémentaires, qui, moyennant des dépenses relativement faibles, pourraient, par ailleurs, amener des économies sensibles, peuvent être étudiés et réalisés à des époques quelconques. C'est un très grand avantage, car il est possible de profiter, pour les exécuter, de toutes les circonstances favorables tant au point de vue technique qu'au point de vue financier. Nous en recommandons donc très vivement l'étude.

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