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cesse croissante du travail, et par l'invention, la multiplication et le perfectionnement indéfini des machines, tend continuellement d'abord à réduire les petits fabricans, les petits capitalistes, à la fois ouvriers et propriétaires, à l'état d'ouvriers salaries, ensuite à la diminution des salaires accélérée par la concurrence; enfin à mettre tous les jours une population de plus en plus nombreuse hors de travail, à mesure que la richesse commerciale se concentre dans un plus petit nombre de mains. D'où il suit que la multiplication ou le perfectionnement des machines et l'accumulation des capitaux peuvent être un mal, quand ils n'ont pour effet que de multiplier des produits pour l'achat desquels il n'y a ni besoins, ni revenus, ni par conséquent de

marché.

Arrivé à la dernière partie de son livre, dont nous ne pouvons saisir que la doctrine générale et les sommités, M. de Sismondi, examinant les rapports de la population avec la richesse, soutient, contre l'opinion si connue de M, Malthus, que ce n'est pas la quantité de subsistance que la terre peut produire qui sert de limite à la population. Ici nous sommes heureux de trouver, contre des erreurs capitales que nous avons combattues dans un écrit (1) qui n'a pas été jugé indigne d'attention par l'auteur mème du système désolant (2), qui en a depuis modifié les fatales conséquences, nous sommes heureux, disons-nous, de trouver, dans M. de Sismondi, un appui et des raisons qui nous avaient échappés, ou qui n'entraient pas dans notre plan. Ainsi, le philosophe genevois nie le fait avancé par M. Malthus, d'une disproportion naturelle et constante entre l'accroissement de la population et celui des subsistances, disproportion qui attribue à l'une la progression géométrique, et aux autres seulement une progression arithmétique. Ainsi que nous, M. de Sismondi montre comment le professeur de Hertford n'a pu affirmer ce

fait erroné qu'en opposant l'accroissement virtuel de la population à l'accroissement positif des alimens, et comment l'infériorité nécessaire d'augmentation pour ceux - ci ne pourrait se réaliser qu'à une époque impossible à prévoir, et qui jamais ne fut atteinte. M. de Sismondi a établi, plus explicitement que nous ne l'avions fait, que la volonté des peuples agricoles, exprimée par leurs lois sur la propriété, arrêtait la pop"lation fort au-dessous du terme des subsistances. Il a fait voir en outre que la faculté d'accroissement des végétaux et des animaux suivrait une progression géométrique bien plus accélérée que celle de l'homme.

M. de Sismondi reconnait cependant une autre limite naturelle a la population. Suivant cet écrivain, cette Îimite est le revenu, c'est-à-dire, la portion annuelle des produits, ou du signe représentatif, qui excède, 10. les frais du travail; 20. la réserve pour les frais d'un travail nouveau, et qui peut être consommée en entier, sans que le consommateur s'en trouve plus pauvre. Si la population surpasse ce revenu disponible, elle est miserable. Il s'ensuivrait la nécessité d'un revenu toujours croissant pour subvenir aux besoins d'une population dont l'accroissement serait libre; et si le revenu ne pouvait croitre proportionnellement, M. de Sismondi se trouverait beaucoup moins éloigné, qu'il ne paraît le croire, de la doctrine primitive de M. Malthus. Quant à nous, nous persistons à croire que les subsistances, ou le revenu qui les procure, se mesurent naturellement à la population, et que toute disproportion est le résultat d'un désordre, Nous insistons sur ce point, parce que d'une solution heureuse dépend, non-seulement tout le système de l'économie politique, mais tout le système de la morale. C'est la question fondamentale, à la décision de laquelle tiennent les racines mène de l'ordre social.

Des écrivains allemands distingués,

(1) Recherches sur les vraies causes de la misère et de la félicité publiques, ou de la Population et des subsistances, in-8°. Paris, 1815.

(2) Quarterly Review, no de novembre 1817.

M. le comte de Soden (1), M. F. Aneillon (2), ont combattu mieux que nousce matérialisme économico-politique; tous deux veulent aussi que, dans la lutte des propriétaires et des capitalistes contre les salariés, l'administration veille pour ceux-ci et les protége. Cette idée n'est pas seulement saine en politique; elle est morale, elle est chrétienne.

En résumant nos idées sur l'ouvrage de M. de Sismondi, l'ensemble de sa doctrine, fondée sur des faits, des observations incontestables, sur des inductions judicieuses, sauf quelques erreurs de détail, nous parait solidement établi, et ce qui semblait d'abord paradoxal, le danger de l'expropriation d'une nation par l'abus de la propriété, celui du pouvoir scientifique, on de la multiplication indéfinie des machines, celui d'une production illimitée, et sans proportion avec la consommation possible, la nécesité de l'intervention prudente, mais perpétuelle de la législation et de l'administration, non pour réglémenter, prohiber, gêner ou favoriser directement et sans principe fixe l'industrie et le commerce, mais pour défendre le faible contre le plus fort, toutes ces idées, si opposées aux conclusions de Smith, et à l'opinion de son école, aujourd'hui dominante, nous paraissent avoir pris le caractère de la vérité sous la plume hardie et savante du nouveau réforA. D. V. mateur.

HISTOIRE.

Histoire de Cromwell, d'après les Mémoires du temps et les Recueils parlementaires; par M. Villemain. (2 vol. in-8°. Paris. Mars, 1819.)

La nature d'un sujet intéressant par les caractères, par les événemens et même par les allusions qu'il nous offre, le talent d'un auteur couronné plusieurs fois à l'Académie, la réputation qu'il s'était acquise dans une chaire d'éloquence, à l'âge où l'on ne brille

encore que sur les bancs de l'école, et
j'oserais même dire sa position dans
le monde politique, tout inspirait
pour cet ouvrage une vive curiosité.

M. Villemain annonce dans son dis-
cours préliminaire, qu'il a voulu faire
une Histoire complète et circonstan
ciée de cet usurpateur, qu'on pourrait
appeler le Géant des factions, ou (en
lui appliquant le mot heureux d'une
femme celebre) le Tartufe à cheval.
Plusieurs bons écrivains, et le plus
éloquent des orateurs modernes avaient
bien en passant jeté quelques traits vi-
goureux de cette figure colossale
mais nul homme de talent n'en avait

fait le sujet spécial d'une composition historique: ni Gregorio Leti, ni l'abbé Raguenet, qu'on lit pourtant encore avec intérêt, n'étaient, pour un écrivain tel que M. Villemain, des rivaux redoutables. Nous n'avions pas la vie de Cromwell.

Une simple histoire biographique impose aujourd'hui bien d'autres obligations qu'au temps de Raguenet. On y veut une étude approfondie des faits et l'historien que des caractères; on veut marque l'influence des hommes et des événemens sur le bonheur et les progrès de la société. A cet égard on éprouve, tout en ouvrant l'Histoire dont nous parlons, le regret que M. Villemain ne l'ait pas fait precéder d'une introduction, tracée largement à la manière de Robertson, dans son Histoire de Charles-Quint. Il n'a donné qu'une esquisse trop légère des événemens qui préparent l'arrivée de Cromwell sur le théâtre d'une sanglante révolution.

On voit bien à quelques réflexions profondes, élégamment exprimées, qu'il a démêlé pour lui-même les véritables causes de la révolution anglaise, à laquelle ont également contribué la religion et la liberté, source des grandes choses parini les hommes. » Ailleurs, il remarque judicieusement que « fière de ses droits porta les jougs les plus humilians et les plus durs, et qu'abusant long-temps contre sa liber

cette nation si

(1) Economie socialè, etc.

(a) Essai sur les progrès de l'économie politique au dix-huitième siècle.

Mais, encore une fois, il faut autre chose que des réflexions pour préparer l'attention du lecteur à la connaissance complète des faits et des personnages qui vont passer sous ses

té de la forme même de son gouverne- pas qu'en se bornant à tracer la vie ment, elle mit dans les lois la tyran- du personnage, il prépare de grandes nie qui naissait ailleurs de l'absence jouissances à ceux qui recherchent les des lois, et qu'elle fut esclave de ses détails biographiques; il en a peutreprésentans. » Observation, dont on être été trop économe. On n'en trouvérifie la sentence dans l'histoire de 'vera guère plus dans son ouvrage que beaucoup de républiques. dans l'histoire générale de Hume. Mais un esprit supérieur ne pouvait pas hésiter entre la manière de Tacite et celle de Suétone. M. Villemain a jugé que s'il est dans la vie privée des details qui peignent mieux un personnage célebre que ses actions publiques, il ne faut du moins s'attacher qu'à ceux qui révèlent les secrets de l'âme; nous n'oserions lui en faire un reproche. Le protecteur n'était pas de ces hommes d'état que l'on surprend en robe de chambre. C'est à peindre cet imposant caractère que le nouvel historien s'est attaché.

yeux.

Les premiers livres de la Vie de Cromwell ont paru vagues et dénués de coloris local. L'auteur s'étant fait une obligation de se circonscrire dans la vie de Cromwell, a perdu par-là les ressources que son talent eût trouvées dans des récits épisodiques, qui donnent à quelques compositions anciennes tant de charme et de variété. D'ailleurs, des développemens sur le ministère et le supplice de Strafford, abandonné par son maître à la vengeance de ses ennemis, sur la trahison des Ecossais qui vendirent ensuite leur prince au parlement, n'étaient pas étrangers à l'histoire de celui qui profita de toutes les fautes et de tous les malheurs.

En arrivant à la catastrophe sanglante dont il nous était réserve de voir la fatale répétition, on est étonné que M. Villemain_n'ose, pour ainsi dire, l'envisager. Lorsqu'on recueille, dit-il, les détails de cet affreux moment où Charles, déchu de sa dernière espérance, est entraîné loin du tribunal, auquel il adresse encore des protestations entrecoupées, on a devant les yeux le plus triste exemple des catastrophes humaines pour les âmes un pen élevées, il n'est pas de plus intoférable image que cette dégradation de la puissance et de la vertu, tombées si bas que l'on craint de leur faire une dernière injure en leur accordant toute la pitié qu'elles inspirent. » Cette pensée fort belle et fort heureusement exprimée, n'est pourtant qu'une espèce de précaution oratoire pour échapper à des difficultés; elle n'en laisse pas moins un grand vide dans l'histoire de Cromwell.

Une fois entré dans le sujet auquel il s'est restreint, M. Villemain y parait plus maitre de sa matière. Ce n'est

A cet égard il régnait une grande incertitude historique. Bossuet et M. F. Ancillon ont dépeint Cromwell comme le plus profond des imposteurs, comme ayant constamment fait servir l'hypocrisie de ressort à son ambition. Selon Voltaire et le judicieux Hume, ce n'a d'abord été qu'un fanatique de bonne foi en qui les circonstances ont allumé la soif du pouvoir avant d'en faire un fourbe consommé. M. Villemain adoptant la première opinion, y trouve de quoi expliquer la vie entière du protecteur et les contradictions apparentes de sa conduite, inconciliables dans le système contraire. Il ne lui donne qu'une pensée dominante, celle de tromper tout le monde, en commençant comme Mahomet, par sa famille et ses amis. C'est ainsi qu'il disculpe son génie aux dépens de sa bonne foi. Il explique fort bien les projets et la gradation des vues de son ambition, les obstacles contre lesquels il eut sans cesse à lutter pour parvenir au rang suprême et pour s'y soutenir, les ressources qu'il trouva dans les dispositions des esprits, dans les passions qui animaient les divers ordres des citoyens, et le secret de cet ascendant toujours croissant à l'aide duquel il créé une armée d'enthousiastes, puissante autant par la valeur que par la discipline, et combattant toujours comme un seul homme. M. Villeniain nous le montre écartant tous ses ri

vaux, conservant seul le privilége d'agir à la fois au parlement et dans l'armée, sans qu'on lui contestât le double caractère de député et de géneral, dont il avait su prévenir la réunion sur toute autre tete; captivant par ses artifices les presbytériens lorsqu'il avait besoin d'eux, et les puritains, démocrates du christianisme, pour les écraser les uns par les autres dès qu'il éprouve leur résistance. M. Villemain développe avec habileté les moyens par lesquels Cromwell réussit à s'emparer du roi prisonnier pour empêcher sa réconciliation avec les réformateurs, et à faire tomber cette tête auguste sur un échafaud pour se frayer la route au rang suprême, en faisant croire aux uns que sa dictature était nécessaire à la fondation d'une république, en se montrant aux autres comme leur seul protecteur contre les discordes civiles et l'anarchie, et à tous comme le génie tutelaire de l'ordre, de la gloire et de la prospérité britanniques. Adresse inconcevable, persévérance de fourberie prodigieuse à l'aide de laquelle il parvient à braver les haines, les défiances, les résistances les plus énergiques, et à retenir sous le joug, jusqu'a sa mort, une nation fanatique de gloire et de liberté. « Il ne survient pas à la fin, dit M. Villemain, pour profiter de la lassitude commune et recueillir l'héritage de la république mourante. Seul et remplissant toutes les époques, il la suit, Ja termine et la réduit à l'unité de son pouvoir. »

Fidele à l'admiration qu'il a pour le génie de son héros, M. Villemain combat encore l'opinion de Hume et de Voltaire, au jugement de qui Cromwell n'était comme orateur qu'un paysan grossier et dépourvu de toute éloquence.» M. Villemain oppose à quelques harangues faites par celui qui cherchait le Seigneur dans le Langage mystique des révolutionnaires du temps, des lettres pleines d'esprit et des discours empreints d'une véritable eloquence. Il parait en effet bien difficile de contester ce don précieux à celui qui, à la tète de ses frères rouges comme au sein du parlement, exerça constamment sur tous ses con

temporains l'empire de la parole.

Aux traits que nous avons déjà cités, à ceux dont M. Villemain a 'buriné les caractères de lord Falkland, ́de Milton et de plusieurs autres personnages, on ne peut s'empêcher de reconnaître en lui le talent qu'on regarde comme une des facultes les plus heureuses pour écrire l'histoire. Sa description de la conquête de l'Irlande est un fort beau tableau; mais on regrette qu'il n'ait pas ensuite donné une idée des institutions que Cromwell y fonda pour assurer sa conquête.

En recueillant l'expression de l'opinion générale sur la nouvelle histoire de Cromwell, elle a paru remarquable par l'élégance et la pureté du style. Si on lui a reproché quelques aperçus vagues ou hasardés, et une manière trop académique, on y a trouvé dans plusieurs parties, une raison saine, une grande élévation de sentimens et d'idées; et les critiques du goût le plus sévère se sont accordés à penser que quand l'auteur aurait le temps de méditer son sujet, d'en sonder les profondeurs, d'en braver les difficultés et d'en écarter les allusions, quand il pourrait considérer la révolution anglaise de plus haut, prendre une allure plus libre et se livrer davantage aux inspirations de son talent, il n'était pas douteux qu'il n'en fit un livre digne de figurer au rang des meilleures compositions historiques.

Histoire de la République de Venise, par P. Daru, de l'académie française (7 vol. in-8°. Paris, juin.)

Le spectacle d'une société politique dans ses diverses vicissitudes, toujours attachant pour l'esprit humain, semble offrir plus d'intérêt encore lorsqu'on a vu s'anéantir sa puissance, et qu'on a, pour ainsi dire, entendu le bruit de sa chute. On se demande comment s'était élevé, comment est tombé cet édifice respecté par les siècles, et les plus graves sujets de méditation sortent de ses ruines.

Venise n'avait manqué ni d'annalistes ni d'historiographes, mais elle n'avait pas encore d'historien. Il n'appartenait qu'à un écrivain d'un grand talent, d'une constance opiniâtre dans ses recherches, d'un jugement exercé dans toutes les branches de la science

politique, de remplir cette noble táche. M. Daru réunissait toutes ces conditions ; il a consulté tous les documens et les mémoires ecrits en Europe sur le gouvernement de Venise; il alexplore les bibliothèques les plus riches en manuscrits, il a pénétré dans les archives de cette république, qui se trouvèrent pendant quelque temps à la disposition de la France. On peut juger de l'infatigable activité de ses recherches par les documens précieux dont il a fait deux volumes d'appendice à son ouvrage.

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Cette belle composition que nous pouvons désormais opposer comme un nouveau titre à ceux qui nous disputent la palme de l'histoire, est distribuée en quarante livres. Nous ne suivrons pas l'auteur dans l'enchainement des faits qu'il raconte; il nous suffira de nous arrêter aux événemens principaux qui caractérisent les hommes et les choses, et torment époque dans l'histoire. La première période est celle qui s'écoule de la fondation de Venise, lors de l'invasion des Barbares, à l'élection de son premier doge. On avait commencé des constructions dans Rialte, dès 420. Les iles voisines s'étaient aussi peuplées de fugitifs chacune d'elles avait son magistrat, la colonie prospérait sous les lois de l'administration municipale. L'accroissement de l'état, la diversité des intérêts, des abus d'autorité, amenèrent une nouvelle forme de gouvernement vers l'an 697. Jusque-là les habitans ne s'étaient occupés que de commerce; la réunion du pouvoir dans les mains d'un chef unique éveilla l'esprit militaire, et bientôt la république essaya ses forces à la conquête de Ravennes, où elle ramena l'exarque qu'en avaient chassé les Lombards. En butte aux factions de l'intérieur, les premiers doges portérent au dehors l'activité nationale, et la dirigèrent tour à tour contre les Lombards, les Sarrasins et les Hungres; ils n'avaient toutefois engagé l'état que dans des expéditious qui pouvaient être justifiées : la Dalmatie fut la première proie livrée à leur ambition. « Le commerce, dit à ce sujet notre historien, cette profes<<sion où l'on tente continuellement la « fortune, n'est pas une école de mo

dération. Les succès inspirent l'avi<dité et la jalousie, et celles-ci l'esprit de domination: le commerce < veut des ports où ses vaisseaux « soient accueillis, de l'autorité là « où il achète, des priviléges là où il vend, et surtout point de rivaux. « Cet esprit d'ambition est au fond « le même que celui des conquêtes. »

L'établissement des Normands en Italie, et les croisades, ouvrirent une carrière plus vaste à l'avidité commerciale et à l'esprit de conquête. Venise obéissait à deux intérêts opposés; elle voulait être admise au partage des pays acquis par les armes elle redoutait les succès de tant de nations européennes, qui pouvaient lui disputer les avantages dont elle jouissait dans l'Orient. C'est dans les combinaisons de ces mêmes intérêts qu'il faut chercher l'explication de sa marche politique et militaire.

Après avoir parcouru l'histoire de cinquante doges, parmi lesquels dixneuf sont mis à mort, exiles ou déportés, l'historien s'arrête à l'époque où le gouvernement vénitien prit une forme plus régulière, et qui paraissait devoir garantir plus heureusement l'alliance du pouvoir et de la liberté. La création du grand conseil, sorte de représentation populaire qui remplaçait les comices, et où tous les citoyens étaient admissibles; la formation d'un sénat, conseil nécessaire du doge, et la désignation d'un nombre détermi né d'électeurs chargés de choisir le pre mier magistrat, telles furent les bases des nouvelles institutions adoptées en 1172, et pendant la durée desquelles la république atteignit le plus haut degré de prospérité domestique et de puissance extérieure.

Cet ordre de choses reçut de funestes atteintes, soit de l'établissement du saint office, soit de l'opération politique désignée sous la denomination de clôture du grand conseil, et qui concentra et perpétua le pouvoir dans les principales familles. On vit ensuite se former le conseil des dix qui, d'abord institué pour connaitre des crimes, s'empara de l'administration, s'arrogea par degré le pouvoir souverain, et détermina la création des inquisiteurs d'état, autre tribunal sorti de son sein, plus terrible

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