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par la morale et la religion. Sa Majesté avait attendu cette heureuse époque pour s'occuper de la solennité nationale, où la religion doit consacrer l'union entière du peuple avec son roi. Elle annonçait le dessein de renouveler à cette solennité le serment d'affermir les institutions fondées par la charte, et de consulter son esprit dans toutes les lois qui seraient présentées aux deux chambres, afin d'assurer de plus en plus les droits publics des Français, et conserver à la monarchie la force qu'elle doit avoir pour préserver toutes les libertés échues au peuple français..... « En secondant mes vœux et mes efforts, disait Sa Majesté, vous ■ n'oublierez pas, Messieurs, que cette charte, en délivrant la • France du despotisme, a mis un terme aux révolutions. Je compte sur votre concours pour repousser les principes pernicieux qui, sous le masque de la liberté, attaquent l'ordre social, conduisent par l'anarchie au pouvoir absolu, et dont le « funeste succès a coûté au monde tant de sang et de larmes. »

Après avoir exprimé ses regrets de ce que les effets prolongés des événemens, dont on avait dû subir ou accepter les conséquences, ne lui eussent pas encore permis de proposer l'allégement des charges imposées à son peuple, S. M. se félicitant de l'exécution de la loi du recrutement, de l'abondance des récoltes, de l'espérance que le commerce, l'industrie et les arts étendant leur empire, ajouteraient bientôt aux douceurs de la paix générale, rappelait aux Français qui jouissaient enfin de l'indépendance de la patrie, de la liberté publique, de la liberté privée, qu'ils n'avaient jamais goûtée si entière, « la nécessité d'écarter tons ■ souvenirs fâcheux, d'étouffer tout ressentiment, et de se pé· nétrer que les libertés sont inséparables de l'ordre qui lui• même repose sur le trône, leur seul palladium. » (Voyez l'Appendice.)

Ce discours fat écouté avec une respectueuse attention. Les ung y virent dans une seule phrase le changement de système qu'ils désiraient; les autres aimérent mieux voir dans l'ensemble une garantie nouvelle pour les institutions constitutionnelles.

La cérémonie du serment que les députés nouvellement élas

furent successivement appelés à prêter, offrit encore quelque intérêt par la célébrité que l'opposition du ministère avait donnée à certains choix. M. de La Fayette, nouveau député de la Sarthe, attirait particulièrement les regards. Tandis que les uns semblaient applaudir à l'ami de Washington, au célèbre prisonnier d'Olmutz, d'autres retrouvaient en lui le général vétéran de la révolution. Enfin les partis se mesuraient déjà de l'œil ; mais la séance royale fut levée sans qu'aucun pût justement apprécier l'état de sa force ou la réalité de ses espérances.

(14 décembre.) La vérification des pouvoirs présenta moins de difficultés qu'on ne pouvait le craindre d'après la chaleur des débats élevés dans les journaux sur les élections. La chambre des pairs nomma secrétaires pour la session de 1818, MM. le duc de Doudeauville, le marquis de Pastoret, le marquis de Verac et le maréchal duc de Bellune. La composition du bureau de la chambre des députés, presque toujours regardée comme un indice de l'esprit dominant de cette assemblée, excitait cette année plus d'intérêt et d'attention que jamais. On peut en juger par le nombre des votans qui y prirent part.

Sur cinq candidats que la chambre avait à présenter à Sa Majesté, la concurrence réelle était entre M. Ravez, appuyé par le ministère, devenu plus agréable au côté droit, et M. de Serre, président de la dernière session, compté parmi les doctrinaires et maintenant poussé par le parti libéral. Sur 179 votans, le premier eut d'abord 97 voix, et le second 93. Majorité si faible en faveur du premier, que la force du parti ministériel n'en était pas évidemment assurée. Après eux MM. Camille Jordan, que le côté gauche aurait préféré, le contre-amiral Daugier, le général Dupont et Planelli de la Valette furent désignés au choix de Sa Majesté, qui nomma M. Ravez. (Ordonnance du 18 décembre.) Les quatre vice-présidens furent MM. Courvoisier, Blanquart-Bailleul, Beugnot et Becquey. Les secrétaires, MM. de Saint-Aulaire, Boin, Paillot de Loynes et le général Augier, choix où le côté droit eut moins de part et d'influence que dans celui des candidats à la présidence.

Dans les adresses votées quelques jours après au Roi par les deux chambres, sans digressions étrangères au sujet, mais non sans discussion, la chambre des pairs insistait sur la nécessité de mettre sous la sauvegarde de la morale et de la religion le maintien des traités, l'existence des droits acquis et le repos de l'Europe, en rappelant les paroles de Sa Majesté sur les doctrines pernicieuses préchées au nom et sous le masque de la liberté. On assure que cette adresse avait reçu des amendemens dans quelques expressions, par l'avis de MM. le comte Lanjuinais, et les marquis de Barbé-Marbois et de Lalli-Tollendal.

Celle de la chambre des députés, en professant les mêmes sentimens, appuyait plus particulièrement sur des motifs plus consolans, sur la lassitude des révolutions, sur la joie de l'évacuation du territoire français, sur la ferme résolution de défendre toutes les libertés, et sur la confiance de la chambre dans la sagesse d'un roi dont les institutions allaient recevoir la garantie la plus auguste dans le serment du sacre. Les deux adresses furent présentées au Roi, le 23 décembre, à huit heures du soir. Sa Majesté y répondit par le témoiguage du plaisir qu'elle avait de trouver dans les dispositions des deux chambres, des sentimens conformes aux siens..

Loi des six douzièmes. Au milieu de ces assurances mutuelles d'harmonie et d'intelligence entre les trois branches du pouvoir législatif, on était plus incertain que jamais sur leur accord. Il avait paru, au commencement de la session, que le changement annoncé se bornerait à celui du ministère des finances, où M. Roy avait remplacé M. le comte Corvetto, le 7 décembre; et quelques jours après l'ouverture de la session, il fut question du renouvellement total, ou, du moins, de la dislocation du ministère. Cependant, comme l'année financière expirait, il fallut encore, en attendant le budget dont le nouveau ministre pouvait à peine connaître les élémens, recourir à une mesure provisoire déjà prise, avec moins de raison, pour les années 1816, 1817 et 1818. En conséquence ce ministre, M. Roy, vint présenter le 23 décembre, à la chambre des députés, un projet de loi qui autorisait la perception des six premiers douzièmes de la contribution fon¬

cière, de la contribution personnelle et mobiliaire, des portes et fenêtres, et des patentes, sur les rôles de 1818; - celle des impositions indirectes, d'après les lois actuelles, jusqu'à la promulgation de la nouvelle loi sur les finances; et l'ouverture d'un crédit provisoire de 200 millions pour les besoins du service, Le ministre, en proposant cette mesure devenue indispensable, la motivait sur l'impossibilité de terminer, avant six mois, le travail du budget, celui des conseils généraux et d'arrondissement, et la confection des rôles; et il annonçait qu'il soumettrait incessamment à la chambre une disposition législative, dont le but serait «< de faire cesser, à dater de 1820, ce provisoire qui entraîne de graves inconvéniens, et qui n'a duré, dit-il, que trop long-temps. »

En toute autre circonstance, ce projet n'eût souffert ni incertitude, ni discussion; il n'arrêta que peu la commission chargée de l'examiner. M. le comte Beugnot (26 décembre), rapporteur, y reconnaissant un motif qui dispense de tout autre, la nécessité, y ajoutait pourtant quelques observations intéressantes dans la situation actuelle du ministère, dans les dispositions de ses amis et de ses ennemis. Après avoir établi en principe que les comptes de l'emploi des fonds accordés pour les années précédentes, devaient toujours précéder toute demande de fonds pour l'année suivante, la commission avait remarqué, avec regret, qu'on était sous ce rapport moins avancé que jamais, relativement à ces comptes. Le changement personnel du ministre ne serait pas une excuse, dit le rapporteur, parce que là où il existe des institne tions, le passage des hommes à travers les affaires ne doit point en arrêter la marche : quelque changement que l'on fasse, ou que l'on médite dans les personnes, la chambre doit toujours trouver un ministère qui lui réponde du gouvernement.

»

Il faut remarquer ici une particularité insignifiante en tout autre ças; la chaleur des débats qui s'élevèrent alors sur le jour où serait fixée la discussion de ce projet. On était au moment décisif de la crise ministérielle; des bruits divers se succédaient et se détruisaient à tout moment, et chaque parti se flattait de voir terminer cette crise en sa faveur. Le centre, voulant toujours ôter au ministèro

actuel l'embarras de la loi des six douzièmes qui étaient la condition nécessaire de son existence, demandait que l'on fixât la dis→ cussion au lundi 28; les deux extrémités étaient moins pressées : il se manifestait, surtout à la gauche, une grande répugnance à précipiter l'adoption du projet de loi, et même sa discussion, qu'elle parvint à faire différer d'un jour. Il se répandait alors des soupçons propres à jeter plus d'embarras dans les affaires, et d'inquiétudes dans le public: ici que l'intention du gouvernement était de dis¬ soudre la chambre immédiatement après l'adoption de la loi des six douzièmes; là que le côté gauche, appuyé d'une partie du centre, était décidé à la faire rejeter. Qu'on me pardonne de rappeler des conjectures qui paraissent aujourd'hui si vaines; il faut tenir compte des plus petits incidens, pour expliquer quelques détails fort importans de cette session.

La séance du 29 décembre révéla la difficulté des circonstances, la division des partis, et la situation singulière de l'ancien minis→ tère: elle est presque toute dévoilée dans les discours de MM. Dupont (de l'Eure) et de Villèle. Le premier demanda positivement que l'on se bornât à accorder aux ministres la perception provi soire de trois douzièmes. « Dira-t-on, ajoute-t-il, qu'un délai moindre que celui de six mois, proposé par le projet, serait insuffisant, et qu'il deviendrait inévitable de provoquer une nouvelle délibération des chambres? Je demande à mon tour où serait l'inconvénient de ce nouveau recours, je dirais même de ce nouvel hommage à la puissance législative? On ne supposera pas, sans doute, que les chambres veuillent jamais refuser au gouverne ment les moyens d'assurer le service du trésor public. Il ne serait pas moins déraisonnable d'admettre une pareille supposition, que d'admettre aussi la supposition qui tendrait à faire croire que l'on a eu l'intention d'ajourner les chambres immédiatement après l'adoption de la loi proposée. Nous n'hésiterons pas à accorder les crédits provisoires qui nous seront demandés, mais seulement pour le temps nécessaire, et sans nous départir jamais de notre prérogative constitutionnelle, ni des devoirs qu'elle nous impose.

Et qu'on ne dise pas davantage que cette succession de lois

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