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tion évidente de la charte, et des doctrines qui tendent à en affaiblir l'autorité.

« C'est à vous, Messieurs, dit-il, à calculer les conséquences d'un pareil système. Quant à moi, je réclame la conservation des règles, parce qu'elles sont protectrices de tous les intérêts, et que mon devoir est de les défendre; parce qu'elles garantissent des droits échus à tous les Français, et que je suis forcé de craindre d'en voir réduire quelques-uns au rôle dangereux, autant que pé-. nible, d'ilotes politiques dans notre propre patrie. Je la réclame aussi dans l'intérêt des partisans de ces doctrines dangereuses, parce que les garanties données par nos institutions leur seront bientôt aussi nécessaires qu'à nous. Lorsque le char des révolutions est lancé, ce ne sont pas les auteurs de la première explosion qui sont les derniers écrasés sur son passage. De la violation de la règle qu'on demande aujourd'hui, à celle qui assure votre liberté individuelle, à celle qui interdit les tribunaux d'exception, qui garantit les propriétés, qui abolit la confiscation; à celle qui conserve les prérogatives de la couronne et celles de la chambre des pairs, il y a moins de distance que ne paraissent le prévoir ceux qui la proposent.

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Lorsque Bonaparte, à la tête de quelques soldats, vint disperser les membres des conseils d'alors, ils invoquèrent les droits qu'ils tenaient de la constitution. Il leur répondit : « Vous l'avez « violée. » Redoutez pour vous-mêmes cette effrayante réponse. (Mouvement dans la salle). Redoutez-là, soit que notre position et votre aveuglement vous conduisent à voir encore la démagogie triomphante vous demander le renversement du trône et la dissolution de la chambre des pairs, soit que quelque nouveau soldat tente encore de faire consacrer dans cette enceinte la violation du principe salutaire et vital pour la France, de la légitimité. Je vote pour le rejet du projet de loi. »

M. Roy allégua contre ce projet de M. de Villèle qu'en l'exécu tant, il y aurait, dans les vingt-huit mois qui s'écouleraient du 1er octobre 1818 au 1er avril 1821, dix-huit mois de session, et dix autres absorbés en voyages, etc.; mais ce plan n'en fut pas

moins reproduit (15 février) par M. de Corbières, avec quelques modifications prises du plan de M. le duc de Gaëte. Au fait, la question principale était épuisée; elle se réduisait toute entière à savoir si les circonstances exigeaient une mesure extraordinaire, et si la nécessité ne commandait pas la violation momentanée de la charte.

Après trois jours de discussion, M. le garde des sceaux la décida. Il démontra les conséquences fâcheuses du vote provisoire, qui soumettait les impôts à l'arbitraire des ministres, sans qu'on pût, avec ce mode, contrôler ni changer leur dépense; et, passant à la question de la constitutionnalité, il la traita en ces termes :

« La mesure est-elle constitutionnelle? Nous avouerons avec franchise que nous avons eu à concilier une anomalie de la charte, et le projet nous a paru seul propre à remettre les chambres dans l'exercice de leur droit constitutionnel de voter l'impôt; et la preuve qu'il n'en est pas d'autres, c'est que tous ceux qui ont été proposés sont inexécutables.

« Gardez-vous de ces pharisiens qui ont toujours la lettre de la charte à la bouche, en commentent avec soin les syllabes, les points, les virgules, pour se ménager les moyens d'en violer l'essence.

« La charte s'est déclarée la protectrice des intérêts nationaux; loin de les menacer, nous les défendrons, nous empêcherons qu'on ne les flétrisse. La charte a reconnu des droits, des libertés publiques; nous soutiendrons ces droits, ces libertés. La charte a créé des institutions; adoptez-en les développemens avec franchise et dans l'esprit de la charte, alors vous ne craindrez pas l'épée d'un soldat impie, ni les insolentes paroles dont on vous a

menacés.

« Il me reste à repousser un poids que je ne m'attendais pas à avoir à supporter; c'est en mon propre nom, c'est au nom de mes collègues que je vais répondre à des calomnieuses allégations, à des imputations injurieuses. On vous a dit que le ministère semait la division dans la garde, dans l'armée ; qu'il favorisait l'agiotage, qu'il armait une partie de la France contre l'autre. Pour moi, pour

mes collègues, je déclare sur mon honneur que ces imputations sont fausses et calomnieuses.

"

Non, vous le savez bien, le ministère ne sème pas la division dans la garde et dans l'armée; mais les ministres veulent ranger la garde et l'armée sous les lois sévères de la discipline militaire; ils veulent dans la garde et dans l'armée une obéissance silencieuse à la volonté du Roi.

« Non, vous le savez, les ministres ne favorisent pas l'agiotage: la foi aux engagemens, la protection à tous les intérêts, voilà les moyens qu'ils ont employés pour rétablir la confiance et le crédit.

«Non, vous le savez, les ministres ne cherchent pas à diviser la nation; il ne faut pas leur imputer ces actes arbitraires que vous faites sonner si haut: leur plus grand désir est de réparer les maux causés par une funeste influence. Voilà où sont les difficultés et les obstacles.

« J'ai exposé avec franchise l'état de la question et les intentions des ministres. En me résumant, voulez-vous rentrer dans l'esprit véritable de la charte, dans des habitudes conformes à vos devoirs et aux institutions qu'elle a consacrées? Telles sont, sans doute, vos intentions, et vous adopterez le projet.

Ce discours, improvisé avec chaleur, et qui répondait à diverses allégations jetées dans le cours des débats contre le nouveau ministère, excita plusieurs fois les applaudissemens du côté gauche, et mit fin à une discussion où les partis n'avaient désormais rien à s'apprendre; aussi la clôture en fut immédiatement arrêtée; et les articles du projet n'offrant pas d'autres considérations nouvelles, l'ensemble en fut adopté dès le lendemain 16 février.

(Nombre des votans, 232.-Pour le projet, 132.- Contre, 100.) Le ministre des finances le porta quelques jours après à la chambre des pairs; mais on y discutait alors une proposition dont l'importance absorba bientôt l'attention que les débats que nous venons de parcourir avaient excitée.

CHAPITRE II.

DIVISION des opinions sur la loi des élections. CHAMBRE DES PAIRS. Proposition de M. de Castellane sur la révocation de la loi du 9 novembre 1815, relative aux cris séditieux. - Proposition de M. de Barthélemy, sur des changemens à faire à la loi des élections.—Discussion et adoption de la proposition. Rejet par la même chambre du projet de loi sur la fixation de l'année financière au 1er juillet. - Ordonnance du 5 mars portant création de soixante pairs. CHAMBRE DES DÉPUTÉS. - Discussion et rejet de la résolution de la chambre des pairs sur des changemens à faire à la loi des élections.

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La loi des élections était depuis long-temps, et surtout depuis les dernières assemblées des colléges électoraux, l'objet des attaques de ceux que, suivant l'expression de M. de Villèle, elle semblait devoir bientôt réduire à la condition d'ilotes politiques, c'est-à-dire, éloigner de la chambre des députés. On a vu que l'ancien ministère, effrayé de quelques choix hostiles, de quelques nominations qu'il avait trop ouvertement combattues, et surtout du progrès des doctrines démocratiques, avait laissé percer l'intention de modifier quelques dispositions de la loi dont il n'avait pas prévu les effets ou les abus..... Sa dissolution suspendit et dé◄ concerta un moment les espérances du parti qui désirait ardemment le changement de la loi; mais elles ne furent qu'ajournées. Quant au nouveau ministère qui, par le seul fait de sa recomposition s'était dévoué à la défendre, il ne put se dissimuler, en arrivant au timon des affaires, ni le danger de sa position, ni les desseins et la force de ses adversaires. La majorité de la chambre des pairs était prononcée contre lui; celle de la chambre des députés était flottante. Il se répandit un bruit, au moment où il prit les rênes du gouvernement, qu'il mit en délibération, qu'il hésita long-temps, si, après avoir obtenu la loi des six douzièmes, il ne dissoudrait pas la chambre des députés pour en convoquer une antre, et faire immédiatement l'essai le plus complet de la loi nouvelle. Quoi qu'il en soit de la réalité de ces bruits et de ce projet d'un résultat incertain, il jugea plus prudent d'attendre

les effets des attaques méditées qui s'annonçaient dans les dis cussions en apparence les plus étrangères à la question des élections. On a déjà pu remarquer que les orateurs du côté droit professaient, en toute occasion, le dessein de fonder la liberté constitutionnelle sur des bases plus solides, de faire disparaître toutes les lois d'exception, et d'entrer franchement sous le règne de la charte. C'est dans cet esprit que M. le vicomte de Castellane fit dans la séance des pairs, du 18 février, une proposition tendante à supplier Sa Majesté de présenter aux deux chambres une loi pour la révocation de celle du 9 novembre 1815, sur la répression des cris séditieux, « loi que la difficulté des circonstances avait pu justifier, disait le noble pair, mais dont l'existence prolongée, si peu d'accord avec nos institutions, n'était plus excusée par nos intérêts monarchiques; qui avait donné lieu à quelques jugemens, plutôt autorisés par ses locutions vagues et indéterminées, qu'ils n'ont paru évidemment équitables, et dont la durée serait propre à renouveler des scandales dont les gens de bien se sont affligés. » D'ailleurs, le noble pair espérait qu'en provoquant la révocation d'une des dernières lois d'exception, elle saurait, avec une religion non moins constante, conserver intact le dépôt précieux de nos libertés, et défendre les principes de la monarchie qui les protégent contre les attaques du crime et les illusions d'une fausse et dangereuse indépendance......

Cette proposition, déjà faite l'année dernière à la chambre des députés, par M. Cassaignoles, ne parut dans le moment actuel qu'une compensation anticipée, dont l'intérêt disparut deux jours après, dans l'attaque ouvertement tentée contre la loi des élections.

(20 février.) M. le marquis de Barthélemy en donna le signal. Les écrivains populaires n'ont voulu le regarder, dans cette circonstance, que comme l'organe d'un parti politique et religieux; nul ne paraissait, en effet, plus propre à donner du poids à la proposition d'un changement que le noble pair, dont le nom ne rappelait que des vertus et des services rendus à la patrie. Il la fit avee une réserve, une incertitude, une sorte de méfiance de lui

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