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LOIS DE FINANCES.

CHAPITRE IV.

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- Création

- Fabrication et vente des poudres et salpêtres. nopole du tabac. Transit des denrées coloniales l'Alsace. par de livres auxiliaires au grand livre de la dette publique. exercices antérieurs à 1819.

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Comptes des

LE 9 janvier 1819, les ministres de la guerre et des finances avaient présenté à la chambre des députés deux projets de loi, l'une sur le commerce et la fabrication des salpêtres, l'autre relatif à la vente des poudres et salpêtres. Les motifs de la première étaient fondés sur la nécessité de surveiller ou plutôt de laisser au gouvernement la direction d'une branche d'industrie également utile aux arts de la guerre et de la paix, et d'adoucir à cet égard les rigueurs de l'ancienne législation, sur l'extraction des salpêtres indigènes, d'en favoriser la fabrication, de frapper d'un droit les salpêtres exotiques, dont l'importation annuelle est évaluée à sept cent cinquante mille quintaux métriques.... Dans la discussion qui eut lieu (17 février), M. de Chauvelin réclama vivement la liberté de la fabrication et du commerce d'importation. M. Ternaux parlant dans l'intérêt des fabriques, proposa une diminution de droits sur les salpêtres exotiques, et divers amendemens qui furent adoptés dans les deux chambres. Le rapport que M. le comte Berthollet sit à cet égard aux pairs, contient des détails intéressans, mais qui sont du domaine des sciences plus que de celui de l'histoire.

La loi sur la fabrication et la vente des poudres, donna lieu à une discussion plus animée, parce qu'il s'y mêla quelques considérations politiques.

Le rapport fait par M. Roy, au nom de la commission, tendait à l'adoption du projet sauf la suppression des mots, régie des poudres et salpetres, et à n'admettre la fixation du prix des poudres que pour 1819. Dans la discussion, M. de Chauvelin attaqua le principe du monopole en lui-même comme attentatoire

à la propriété, à l'industrie privée, à l'intérêt commun, et contraire à la charte. Entre les défenseurs du projet, M. de Puymaurin se distingua par la chaleur qu'il mit à la défense du monopole des poudres, sous la direction et pour la défense du gouvernement; à cet égard, les propositions de M. de Chauvelin ne lui paraissent pas moins impolitiques que dangereuses à la sûreté des particuliers. « En effet, dit-il, la poudre est un élément essentiel de la force de l'état; le gouvernement doit donc s'assurer qu'il ne puisse jamais être privé de cette ressource si nécessaire, et qu'elle ne puisse même être employée contre lui, Seul maître de la force publique, il ne doit jamais se dessaisir des moyens de la défendre et de la faire respecter : il le doit moins peut-être dans un moment où ceux qui prétendent faire la leçon aux rois, parlent si souvent aux peuples de leurs droits, mais jamais de leurs devoirs. Gardons-nous de donner imprudemment des armes pour renverser et la charte, et la monarchie. »>

Le projet passa dans les deux chambres (aux députés, le 27 février; aux pairs, le 13 mars; ) avec les amendemens de la commission. (Voyez l'Appendice. )

Monopole du tabac. On avait proposé le même jour que les deux projets dont on vient de parler, la prorogation jusqu'au 1er janvier 1826, d'un autre monopole qui forme une des branches Jes plus considérables du revenu public, mais qui blesse un plus grand nombre d'intérêts privés, et qui par conséquent donna lieu à des débats plus animés, c'est-à-dire, le monopole du tabac. Les raisons que le ministre des finances en donna, renferment en peu de mots tout ce qu'on peut dire en faveur du projet.

Ce mode de perception a des inconvéniens qui ne peuvent être niés; il restreint la culture des tabacs à de certaines provinces, il impose des gênes aux planteurs ; mais le tabac est une matière qui se prête trop favorablement à l'impôt pour que, dans quelque système que ce soit, sa culture et sa fabrication restent parfaitement libres. Si on pouvait trouver, pour percevoir sur cette plante un impôt de 40 millions, un moyen qui n'eût pas les désavantages du monopole, ce moyen devrait être préféré,

Nous avons fait à cet égard les recherches les plus sincères, les plus approfondies; nous avons consulté l'expérience du passé, et nous n'avons pas cru possible de changer l'état actuel des choses. >>

On se rappelle que de nombreuses pétitions avaient été adressées l'année dernière aux deux chambres contre le monopole du tabac; elles se reproduisirent cette année. Mais il en arriva aussi quelques-unes en faveur du système de la régie, et cette question excita encore des discussions vives dans la commission, qui conclut à la majorité de cinq voix contre quatre, à n'adopter la prorogation du monopole que jusqu'au 1er janvier

1822.

(25 mars.) Le rapport fait à cet égard par M. Fornier de SaintLary, tendait à prouver que le monopole n'avait été admis que par des circonstances impérieuses, qu'il était attentatoire à la propriété, nuisible à l'agriculture, ruinoux pour des provinces telles que l'Alsace, funeste à l'intérêt général de la France, qu'il exigeait un achat de matières exotiques d'environ 15 millions, et qu'il serait facile de remplacer ses produits par des taxes moins onéreuses et plus productives (1).

(5 avril.) M. Magnier-Grandprez, ouvrant la discussion du projet, invoque d'abord contre son adoption les art. de la charte qui déclarent les Français égaux devant la loi, et les propriétés inviolables. Il ne dissimule ni la raison solide des besoins du trésor, ni celles données en faveur du monopole à l'assemblée constituante par Maury, Cazalès et Mirabeau, ni les essais malheureux faits pour le remplacer, depuis 1791 jusqu'en 1810;

(1) Voici quelles étaient les taxes proposées en remplacement : Droits de douanes sur l'importation des tabacs exotiques... 10,500,000 Droits de consommation sur douze millions kilog....

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30,000,000

600,000

2,000,000

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mais les meilleurs argumens doivent tomber, selon lui, devant l'intérêt de la culture et l'existence de plusieurs milliers de familles.

« On n'a jamais tiré du monopole la moitié de ce qu'on s'était flatté d'en obtenir, et l'on peut assurer sans vexation, le même produit par un impôt sagement réparti sur les consommations. » Enfin, l'orateur insiste sur ce que la régie a employé, en 1816, une quantité de tabacs étrangers fort supérieure à celle qui avait été autorisée par la loi (45 pour 100 au lieu d'un 6o ); sur les vices du système qui a causé la détérioration de l'agriculture, des émigrations considérables, la détresse de plusieurs provinces et surtout de l'Alsace.... Cet avis, appuyé par MM. Reibell, d'Hancarderie, Sainte-Aldegonde, Keru et de Brigode, fut combattu par M. Lainé de Villevêque, qui voudrait faire prohiber la culture du tabac en France, et la concentrer en Corse ou dans la Guyane, en y employant des forçats, par MM. Lezai-Marnezia, Jard - Panvilliers, Boin, Beugnot, qui attaquèrent les calculs de la commission, et enfin par M. de Barente, qui, en sa qualité de directeur général des droits réunis, se justifia de quelques reproches contre la régie, et dit que s'il avait excédé les bornes prescrites pour l'achat des tabacs étrangers, cette infraction était l'effet d'une mauvaise année, où les produits du sol français n'auraient pas suffi pour assurer l'impôt et alimenter la consommation. Enfin, en développant de nouveau les avantages du monopole pour l'étendue et la sûreté des produits, il démontra que sa suppression sollicitée au profit de quelques fabricans compromettrait une des branches d'impôt dont la perception est plus importante, plus facile et plus sûre.

La majorité de la commission persistant dans son premier avis, M. d'Argenson proposa, comme mezzo termine, de borner le privilége de la régie au 1 janvier 1823. Mais après de nouveaux débats (10 avril), le projet de loi fut adopté tel qu'il avait été rédigé par le ministre.

(Nombre des votans, 218.- Pour, 140.- Contre, 78.)

Présenté quelques jours après, le 13 avril, à la chambre deş

pairs, où les intérêts privés ont moins de prise, il n'y trouva point d'opposition: un seul orateur (M. de Larochefoucauld) parla pour l'appuyer; son examen et son adoption y furent l'af faire de dix jours; il passa le 24 avril.

(Nombre des votans, 139.- Pour la loi, 125. — Contre, 12. -Bulletins nuls, 2.)

La province de l'Alsace, où la culture du tabac fut autrefois si florissante, était, comme on l'a vu dans les débats, particulièrement opposée à la continuation du monopole; ses députés l'avaient vivement combattu. Ce fut comme pour la consoler de cet échec et l'indemniser de ces pertes, que le ministre des finances vint soumettre, le 7 avril, à la chambre des députés, un antre projet de loi, qui permettait le transit des denrées coloniales venant des Pays-Bas par l'Alsace, avec l'établissement d'un entrepôt à Strasbourg. Cette question avait été débattue dans la dernière session, de manière à ne pas avoir besoin de nouveaux développemens. (Voyez l'Annuaire pour 1818, pag. 125, 128.) Aussi M. le ministre des finances, en présentant le nouveau projet, et M. de Saint-Cricq, directeur général des douanes, en le défendant, exposèrent que l'avantage de ce transit, qui fut plutôt ajourné que rejeté l'année dernière par l'insuffisance des faits, était de nouveau démontré au gouvernement par des renseignemens plus exacts et plus favorables; qu'il ne pouvait nuire en rien à la navigation des ports nationaux : que quant à la faculté d'entrepôt de six mois, qui divisait et divise encore les esprits, ce n'était, par les précautions prises pour empêcher l'introduction et la communication des denrées, qu'un simple dépôt inséparable de la faculté du transit.

(7 mai.) Malgré ces nouveaux renseignemens, les adversaires du projet reproduisirent encore leurs objections de l'année dernière; ils répétèrent que pour un faible avantage accordé à Strasbourg (dont le bénéfice sur le transit n'était pas évalué à 100,000 fr.), on sacrifiait les intérêts de la marine française à ceux de la Hollande. Enfin le temps du dépôt fut borné à un

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