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ornée en même temps qu'exercée; l'imagination, doucement émue, échauffe et colore le jugement; l'abstraction, cette ennemie de l'enfance, quand elle reste isolée, garde sa puissance pour éclairer la raison; mais elle prend des traits déterminés; elle s'associe au goût, et toutes les facultés de l'esprit, mises en jeu simultanément, réalisent, par une double action morale et littéraire, l'idéal de la véritable éducation..

LIVRE X

DE LOUIS XV A NAPOLÉON Ior

MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE

Sommaire

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Rollin. Son traité des études. — Gratuité de l'enseignement. Education de Louis XV. César de Bus et les Doctrinaires. Les Bénédictins de Saint-Maur. Le cardinal de Bérulle et les Oratoriens. Le Père de la Salle et les Frères des Ecoles chrétiennes. Leurs statuts. L'abbé Gautier. Enquête sur les doctrines des Jésuites. Leur expulsion. Jean-Jacques Rousseau. L'Emile. - Education des sourds-muets et des aveugles. L'éducation pendant les dernières années du XVIIIe siècle.

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Au passage même du xvii au XVIIe siècle, et comme pour neutraliser à l'avance, par les saines traditions du premier, les théories aventureuses du second, apparaît un homme modeste, qui a contribué pour une large part au succès des étu

des universitaires, et que l'opinion bien inspirée a nommé : le Saint de l'enseignement (1).

Cet homme est Rollin, principal du collège de Beauvais, professeur d'éloquence au collége royal, recteur de l'Université de Paris.

Une vie laborieuse et habituellement douce, troublée pourtant par la triste querelle du Jansénisme; un professorat solide et paternel, des écrits pleins de candeur et d'érudition un peu diffuse, mais bien digérée; surtout un ouvrage didactique, qui fait loi encore aujourd'hui dans l'éducation, le Traité des études, tels sont les titres de Rollin au respect, et nous serions tenté de dire, au culte de tous ceux qui ont voué leur vie aux belles-lettres et aux intérêts de l'enfance.

Né en 1661, professeur à vingt-deux ans, recteur à trente-trois, et, pendant deux années consécutives, principal à trente-cinq, Rollin ne prit la plume qu'en 1711, lorsqu'il ne remplissait plus de fonctions publiques. Il eut encore trente ans de vie à dépenser, pour instruire la jeunesse par ses écrits, et pour y condenser la substance de ses précieuses leçons.

(1) Expression de M. Villemain, cours de litt. franç., t. I, p. 310.

`Hersan, un des professeurs les plus habiles et les plus modestes (1) de l'Université, avait été son maître. Rollin fut encouragé par lui à entrer dans l'enseignement, et il eut la bonne fortune de le. remplacer, d'abord dans sa chaire de seconde au collége du Plessis, puis dans sa chaire d'éloquence au collége royal.

C'était le temps où la culture des lettres grecgues et latines devenait moins pédantesque, et où des prosateurs élégants, des poètes aimables, ceux-ci jésuites, ceux-là universitaires, entretenaient le goût des langues anciennes, au milieu des chefs-d'œuvre dont se glorifiait la langue nationale.

L'enseignement de Rollin était comme la suite et l'application naturelle de l'enseignement de Port-Royal, et c'est lui qui réalisa avec le plus de bonheur les progrès que cette grave école avait préparés. Grâce à lui, l'Université s'éleva de plus en plus au-dessus de la routine et des minuties qu'elle avait respectées trop longtemps. Les chefsd'œuvre d'éloquence et de poésie que la France devait au xviie siècle, enrichirent la mémoire; l'é

(1) Malgré de vives instances, il avait refusé plusieurs fois la charge de recteur.

tude du grec fut ranimée; celle du français, sans prédominer, acquit une importance nouvelle (1). Les représentations théâtrales, un des moyens de succès qu'employaient surtout les Jésuites, parurent manquer de ce sérieux, de ce bon goût, qui est inséparable des fortes études. Elles furent remplacées par des exercices littéraires, dont la pensée était louable, mais dont la pratique, sujette à quelques difficultés, a été négligée depuis.

Comme recteur, Rollin s'attacha à faire des inspections efficaces, et à maintenir le respect des statuts en vigueur. Il savait que les lois périssent moins par leurs vices réels, que par le mépris qu'on en fait, et même par l'indolence qui les oublie. Son administration du collége de Beauvais, active, féconde, la seule qui créât alors au florissant collége de Clermont une concurrence réelle, a été comme racontée par lui-même dans le vir livre du Traité des études, où il cache les trésors de son expérience sous le voile des préceptes généraux.

Rien ne serait plus difficile que de trouver dans Rollin ce qu'on appelle des phrases. Il est d'une simplicité touchante et d'une solidité qui porte avec

(1) Noël, art. Rollin, dans la Biogr. univ.

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