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de Colmar et de Paris ont paru décider qu'il pouvait exister, même en l'absence de tout protêt ou acte judiciaire (1); mais cette interprétation nous paraît contraire à l'esprit et au texte même de l'art. 437, tel que nous venons de le faire connaître; le législateur a voulu distinguer l'insolvabilité de la cessation et de paiements; nous croyons avec la Cour d'Orléans, qu'un négociant ne peut être mis en faillite, qu'autant que la preuve est rapportée que ce commerçant n'a pas satisfait à des engagements échus et pour lesquels des poursuites avaient été exercées avant sa mort (2).

Toutefois, en pareille matière, comme il est incontestable qu'il s'agit d'un fait à apprécier, il peut y avoir mal jugé; mais sans doute le pourvoi en cassation ne pourrait être admis.

Peu importerait, du reste, que la succession eût été acceptée sous bénéfice d'inventaire (5).

1642. La déclaration de faillite d'un commerçant décédé ne peut être demandée aux tribunaux que dans l'année qui suivra son décès; ce délai expiré, quand même la preuve serait faite qu'il était avant sa mort en état de cessation de paiements, la déclaration de faillite ne peut plus être prononcée (4).

Le jugement même qui déclare la faillite, doit être rendu dans l'année, si le tribunal agit d'office; mais si la faillite est prononcée à la requête d'un créancier, il suffit que la demande ait été formée dans l'année et le jugement peut être rendu après l'expiration de ce délai (5).

16453. La faillite ne peut être déclarée que contre un commerçant et lorsqu'il a cessé ses paiements; le concours de ces deux conditions est indispensable.

Pour apprécier si la qualité de commerçant appartient à la personne qui a cessé ses paiements, il faut se reporter aux règles que nous avons données sous l'art. 1er (suprà, n. 1 et s.). L'état d'insolvabilité du débiteur non commerçant est régi par la loi civile et a reçu le nom de déconfiture.

(1) Colmar, 30 août 1838; Paris, 10 déc. 1839; Dalloz, Rép., n. 59.

(2) Orléans, 19 avril 1844; Dalloz, Rép., n. 59.

(3) Paris, 10 déc. 1839; Dalloz, Rép., n. 59; Pardessus, n. 1108.

(4) Douai, 15 avril 1840; Dalloz, Rép., n. 64.

(5) Renouard, t. 1er, p. 250; Bravard-Veyrières, p. 518,

S'il est vrai que la juridiction spéciale des tribunaux de commerce soit seule compétente pour déclarer l'ouverture de la faillite et en fixer l'époque, la jurisprudence a décidé, soit que cette formalité ait été ou non remplie, qu'il appartient aux tribunaux civils investis de la plénitude de juridiction, de reconnaître, en jugeant les procès qui leur sont soumis, si les faits signalés par la loi comme caractéristiques de l'état de faillite, c'est-à-dire la qualité de commerçant et la cessation de paiements ont existé et d'en appliquer les effets légaux, s'il y a lieu, aux contestations qui s'agitent devant eux.

Cette doctrine a été vivement combattue par M. Massé et MM. Delamarre et Lepoitvin (1), et peut, sans doute, quelquefois présenter des inconvénients réels. Mais si l'on refuse ce pouvoir aux tribunaux civils, on ne peut l'accorder aux tribunaux de répression; il n'est pas plus possible, en effet, d'être coupable de banqueroute qu'en état de cessation de paiements, si l'on n'est négociant et failli, et il faudra subordonner l'action publique à la déclaration de faillite prononcée par les tribunaux de commerce.

La jurisprudence et tous les auteurs, si l'on excepte ceux que nous venons de nommer, pensent, par suite, que les tribunaux civils, comme les tribunaux de répression, sont compétents pour décider si un individu est commerçant et failli, et appliquer les conséquences légales de l'état de faillite aux litiges dont ils se trouvent régulièrement saisis (2); mais ces autorités s'accordent aussi pour décider que les tribunaux civils ne peuvent déclarer la faillite que sous les mêmes conditions que les tribunaux de commerce, et n'ont plus le droit, par exemple, même incidemment, de la rechercher et de la constater, lorsqu'un an s'est écoulé depuis le décès. En outre, en dehors de ces questions spéciales, au jugement déclaratif seul sont attachés les effets généraux de l'état de faillite, et le tribunal de commerce est seul compétent pour constituer la faillite, conformément aux règles tracées par le Code de commerce.

(1) Massé, t. 3, n. 215; Delamarre et Lepoitvin, t. 5, n, 59 et s., et n. 68 et s. (2) Cass., 23 avril 1841 (S. V.42.1.243); 8 août 1848 (S. V.48.1.600); 9 août 1851 (S.V.52.1,281), et 4 décembre 1854 (J.P.55.2.45). Sic, Caen, 15 mai 1854(S. V.54.2.699).

1644. Quoiqu'un individu ait été déclaré commerçant, afin de justifier la contrainte par corps prononcée contre lui, dans une nouvelle instance, les juges peuvent refuser d'admettre l'existence de cette qualité considérée d'une manière absolue et permanente au point de vue de la faillite, sans violer la chose jugée par le précédent arrêt (1). A plus forte raison, les règles de la faillite ne devraient pas être appliquées à l'individu justiciable, par accident, des tribunaux de commerce, à raison de certains engagements qu'il a souscrits (Cod. com., 631), s'il ne fait pas du commerce sa profession habituelle. Il faut donc, et avant tout, que l'individu dont la faillite est poursuivie soit préalablement déclaré commerçant; mais s'il existe des incapacités à raison de l'état civil pouvant être invoquées par l'interdit, le mineur, la femme mariée, il n'existe aucune incompatibilité dérivant de la qualité, des fonctions ou du titre de celui qui fait du commerce sa profession habituelle ; les fonctionnaires, les officiers publics, les magistrats peuvent être déclarés commerçants et, par suite, faillis. Les tribunaux apprécient souverainement tout aussi bien les faits qui attribuent la qua-. lité de commerçant que ceux qui constituent la cessation de paiements (suprà, sous l'art. 1er).

1645. Un commerçant peut avoir une maison en France et une maison en pays étranger établies l'une et l'autre sous la même raison sociale; une semblable maison constitue évidemment un établissement commercial ayant un siége en France, auquel peuvent et doivent être appliquées toutes les dispositions du Code de commerce, et notamment celles qui sont relatives à la mise en faillite du commerçant qui cesse ses paiements. Cette maison de commerce peut donc être déclarée en faillite par les tribunaux français, sauf aux créanciers à provoquer ensuite, ainsi qu'ils aviseront, devant les autorités judiciaires du lieu où est établi le second établissement dépendant de la même maison, l'application des conséquences qui résulteront de ce jugement aux termes de la législation en vigueur dans ce pays (2). En pareil cas, les tribunaux français ne suivraient

(1) Cass., 4 mai 1842 (S.V.42.1.546).

(2) Paris, 23 déc. 1847 (S. V.48.2.355).

pas la règle qui exige que la mise en faillite soit prononcée au lieu du principal établissement et non à celui de la succursale; cette règle doit être entendue dans ce sens, que c'est au lieu du principal établissement, en France, ou dans les possessions françaises (infrà, n. 1650).

1646. Les jugements rendus en pays étranger ne sont exécutoires en France qu'après avoir été soumis à l'approbation d'un tribunal français, et les jugements en déclaration de faillite ne font pas exception. Mais la demande à cet effet, serait valablement faite par simple requête il ne peut exister de motifs pour exiger que l'on agisse dans ce cas spécial par voie d'ajournement (1). Lorsqu'il s'agit, non pas de l'exécution forcée d'un jugement rendu par une juridiction étrangère, mais de vérifier, en fait, si une maison située en pays étranger est en faillite et si les demandeurs sont investis de la qualité de syndics ou mandataires des créanciers, la preuve de ce double fait peut être faite par tous les moyens, et résulter de tous documents, et particulièrement d'un certificat émané du président du tribunal de commerce qui a prononcé la faillite (2).

L'appréciation des faits qui établissent la cessation de paiement étant laissée, dans tous les cas, aux juges, les tribunaux français peuvent accueillir le jugement étranger prononçant la faillite comme suffisant pour établir le fait et la date de la cessation de paiements (3). A ce point de vue, la question de l'exécution en France des jugements de faillite rendus en pays étranger présente moins d'intérêt. Mais si aucune déclaration de faillite n'a été demandée aux tribunaux français, ni aucune exécution du jugement rendu en pays étranger, l'étranger déclaré en faillite dans son pays ne pourrait revendiquer le bénéfice de la loi française qui autorise le juge à donner mainlevée de l'emprisonnement pour dettes: « C'est là, a dit le tribunal civil de la Seine, dans un jugement en date du 21 janv. 1857, un bénéfice de la loi française, qui ne peut être invoqué par l'étranger déclaré en faillite dans son pays, et

(1) Douai, 14 août 1845 (S.V.46.2.303).

(2) Bordeaux, 29 déc. 1847 (S. V.48.2.228), et Aix, 8 juill. 1840 (S. V.44.2.263). (3) Renouard, t, 1". p. 230.

en vertu de la loi étrangère, dont les dispositions ne sont pas exécutoires contre un créancier français. >>

CHAPITRE PREMIER.

De la déclaration de faillite et de ses effets.

ARTICLE 438.

Tout failli sera tenu, dans les trois jours de la cessation de ses paiements, d'en faire la déclaration au greffe du tribunal de commerce de son domicile. Le jour de la cessation de paiements sera compris dans les trois jours. En cas de faillite d'une société en nom collectif, la déclaration contiendra le nom et l'indication du domicile de chacun des associés solidaires. Elle sera faite au greffe du tribunal dans le ressort duquel se trouve le siége du principal établissement de la société.

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1647. « La loi de 1858, comme l'ancien Code, a dit M. Renouard, a donné au mot déclaration deux acceptions diverses, dont il importe de signaler la différence afin d'éviter la confu sion dans les idées.

« Les art. 438, 459 et 440, et les art. 456 et 586 qui s'y réfèrent, donnent le nom de déclaration de faillite à la confession que le commerçant fait au greffe, de la cessation de ses paiements. Dans le reste de la loi, la déclaration de faillite s'entend du jugement qui proclame l'existence de la faillite. L'emploi d'un même mot en plusieurs sens est, en toute matière et surtout dans le texte des lois, une source d'équivoque et d'obscurité. Les rédacteurs de la nouvelle loi n'ont pas aperçu et corrigé ce vice de rédaction de l'ancien Code, vice très-sensible dans l'art. 440. On y lit que la faillite est

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