Page images
PDF
EPUB

puis aucuns jours ença, en une navire portugaloise, ancrée en ladite riviere devant ladite ville, soit esté commis certain homicide par l'ung des matelotz de ladite navire, lequel se pensant saulver se seroit jecté en l'eaue veullant naiger vers le coste de Flandres, et auroit par le commandement du maistre d'icelle navire esté poursuy et apprehendé et delivré au marcgrave de ladite ville d'Anvers; et combien que ledit marcgrave, actendu que ledit homicide estoit commis en la jurisdiction des mineursd'ans et le delincquant y apprehendé, estant requis de le rendre et restituer aux officiers desdites seignories de Borcht et Zwyndrecht, eust esté tenu ce faire, touteffoiz en estoit reffusant, plusieurs foiz gracicusement sommé et requis, au prejudice desdits enffans mineurs d'ans et des supplians en la qualité que dessus; requerans qu'il feust ordonné audit marcgrave de, incontinent et sans delay, delivrer ledit delincquant aux officiers desdites seignouries de Borcht et Zwyndrecht. Par quoy ledit marcgrave, apres que ladite requeste luy auroit esté communicqué, a respondu et remonstré, en denyant premiers que au seigneur de Borcht et Zwyndrecht compecte et appartient la juridiction en ou sur ladite riviere de l'Escault, mais au contraire que luy et ses predecesseurs en office, passé deux cens ans, au nom du duc de Brabant, avoient exercé toute juridiction en et sur ladite riviere de l'Escault au devant ladite ville; mesmement comme, en lan xve vingt cincq dernier, lesdits supplians avoient suscité semblable question et different contre ledit marcgrave et les bourgmaistres, eschevins et conseil de la ville d'Anvers, et que, après aucunes procedures faictes a la requeste desdits supplians, feue dame Marguerite, archiducesse d'Austrice, lors régente et gouvernante, auroit, pour eviter debat de jurisdiction, prins le different en sa main, lesdits supplians n'auroient fait aucune poursuyte, et estoit ledit marcgrave demouré en sa possession, soustenant partant

1899.

LETTRES, ETC.

53

lesdits supplians n'estre fondez en leur requeste. Et pource que, depuis l'advenue dudit homicide, ledit marcgrave auroit entendu que ung maronnier d'Hollande, passant en ladite riviere, avoit par son basteau mis au fons une autre naviere ancrée devant ladite ville d'Anvers, dont adverty, le bailly de Borcht et Zwyndrecht auroit fait prendre ledit maronnier hollandais avec sa naviere et le menner en la jurisdiction dudit Borcht, hors la jurisdiction du duc de Brabant; pour a quoy remedier ledit marcgrave, aiant trouvé ledit bailly en la ville d'Anvers, l'auroit illecq arresté, requerant quil fust tenu de luy delivrer ledit maronnier avecq sa naviere, pour en faire la justice comme il appartiendroit. Et, au contraire, lesdits supplians auroient presenté autre requeste, contendans par icelle qu'il fust ordonné audit marcgrave de relaxer ledit bailly de Borcht et Zwyndrecht, sans ses despens, pour le moins baillant bonne et sceurre caution d'ester a droit et furnir le jugié là où il appartiendroit. - Sa Majeste, par l'advis des chevaliers de l'Ordre, chief et autres du Conseil d'estat et privé estans lez elle, pour éviter debat de jurisdiction, qui à cause desdits differens pourroit sourdre entre ceulx de Brabant et de Flandres, et pour autres bonnes considérations, a retenu et retient vers elle la cognoissance, judicature et décision du different desdites parties; ensemble la cognoissance des délictz et mesuz perpetrez par lesdits prisonniers, pour estre pugniz et corrigez par main souveraine pendant ledit debat de juridiction; ordonnant au dit marcgrave d'Anvers de eslargir et oster l'arrest par luy fait sur la parsonne du dit bailly de Borcht; le tout par forme de provision et sans prejudice du droict desdites parties. Ainsi ordonné à Boisleduc, le xvIIIe jour de jullet, l'an XVe trente neuf. Signé Maric; et soubzescript: Moy présent, signé Verreyken.

Archives de la ville d'Anvers.

Les comtes d'Auvergne au VIe siècle; par G. Kurth, membre de l'Académie.

L'Auvergne avait été, vers la fin du Ve siècle, le boulevard du patriotisme en Gaule. Elle avait déployé, pour la défense de la civilisation romaine contre les barbares, un héroïsme égal à celui dont elle avait fait preuve, du temps de Vercingétorix, pour la défense de la liberté nationale contre les légions de César. Tout l'Occident avait admiré le siège victorieux soutenu par la ville de Clermont contre les troupes d'Euric, et s'était redit les exploits presque fabuleux de l'illustre Ecdicius. Mais la lâcheté de l'empereur Julius Nepos avait rendu stérile tant de dévouement et de courage: dès l'année suivante, il livrait à l'ennemi la généreuse cité qui avait triomphé de lui, et les armées visigothiques entraient au nom de l'Empire dans ces murs qu'elles n'avaient pas pu emporter. Les patriotes prirent le chemin de l'exil; Ecdicius alla terminer dans un refuge obscur une carrière si digne de l'admiration de la postérité, et Sidoine Apollinaire fut relégué loin de sa ville épiscopale, dans le pays de Narbonne (1).

Le vainqueur, si on peut lui donner ce titre, se montra digne de sa victoire. Ce farouche barbare, cet ardent persécuteur du nom catholique sut traiter avec des ménagements exquis une ville si attachée à sa nationalité et

(1) Voir G. KURTH, Clovis, pp. 386-389.

à sa foi. Il lui donna pour gouverneur un Romain, probablement un indigène, nommé Victorius, qui était un catholique pieux et zélé. Afin de l'armer contre des résistances éventuelles, il lui avait confié, avec le titre de duc, l'administration de sept cités. Pendant que partout ailleurs, dans le royaume visigoth, les églises catholiques tombaient en ruines et qu'il était défendu de pourvoir aux vacances des sièges épiscopaux, Victorius put, sans doute de l'aveu de son maître, donner de multiples preuves de son orthodoxie et de son zèle religieux. Il bâtit des églises; il témoigna publiquement de sa vénération envers le reclus Abraham; il assista même à ses funérailles, à la grande édification de Sidoine Apollinaire, qui le glorifie de cet acte de courage et de foi (1). Il fit plus, il voulut donner une preuve de sa sollicitude pour les intérêts matériels de la ville de Clermont, et il imagina de l'agrandir en y bâtissant un nouveau quartier. Un siècle après, on montrait encore, dans le voisinage de la ville, les substructions de ce vaste travail, qui paraît n'avoir pas été continué (2).

Mais, malgré toutes ces marques de bonne volonté qui à tout autre auraient valu l'approbation sans réserve de Grégoire de Tours, celui-ci ne parla qu'avec antipathie du gouverneur visigoth. Est-ce rivalité de famille ou aversion pour le régime que servait Victorius? Je ne sais;

(1) SIDOINE APOLLINAIRE, Epistolae, VII, 17; GRÉGOIRE DE TOURS, Hist. Franc., II, 20; Glor. Martyr., 44; Glor. Confess., 32; Vit. Patr., 3.

(2) Qui protinus Arvernus adveniens civitatem addere voluit, unde et criptae illae usque hodie perstant. GRÉGOIRE DE TOURS, Hist. Franc., II, 20.

mais il ne paraît pas que celui-ci ait gagné de la popularité à Clermont. Après une administration qui avait duré neuf ans, il mourut à Rome dans des circonstances assez obscures on ne sait ce qu'il y était allé faire, et la chose d'ailleurs importe peu à notre sujet (1).

Nous ne connaissons pas le successeur immédiat de Victorius, mais lorsque en 506 la guerre éclata entre les Visigoths et les Francs, nous voyons que le contingent clermontois va regagner l'armée d'Alaric sous le commandement d'Apollinaire; c'est assez pour nous autoriser à croire que celui-ci était alors le comte de la cité (2). Apollinaire est encore un Auvergnat et du rang le plus illustre, puisqu'il est fils de Sidoine Apollinaire et petitfils de l'empereur Avitus. C'est donc dans les premiers rangs de l'aristocratie indigène que le roi visigoth est allé prendre le gouverneur de l'Auvergne. Qu'un tel homme se soit rallié au régime, c'est la preuve, semble-t-il, que l'on est resté fidèle à la politique d'Euric vis-à-vis de cette province, et il y a lieu de croire qu'elle a porté des fruits de pacification. Les Auvergnats firent vaillamment leur devoir à Vouillé en combattant dans les rangs visigoths contre les Francs, et un nombre considérable d'entre eux resta sur le champ de bataille; parmi eux se trouvait la fleur de l'aristocratie (3). Le gouvernement

(1) Cela ne veut pas dire qu'il serait sans intérêt de savoir ce que le gouverneur d'une province du royaume visigoth était allé faire dans la capitale de l'Empire romain. Y était-il chargé de quelque négociation délicate?

(2) Grégoire de Tours, Hist. Franc., II, 37.

(3) GRÉGOIRE DE TOURS, loc. cit. Maximus ibi tunc Arvernorum populus, qui cum Apollinare venerat, et primi qui erant ex senatoribus corruerunt.

« PreviousContinue »